Décision

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Jacques c. Pétroles Irving inc.

2014 QCCS 3945

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

Nº :

200-06-000102-080

 

DATE :

15 août 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

SIMON JACQUES

MARCEL LAFONTAINE

ET ASSOCIATION POUR LA PROTECTION AUTOMOBILE

 

                                                  Demandeurs

c.

 

LES PÉTROLES IRVING INC. ET AL

 

                                                 Défendeurs

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET AL

 

                                                  Mis en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR UNE REQUÊTE AMENDÉE POUR PERMISSION D’AMENDER LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE RÉAMENDÉE

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demandeurs requièrent la permission d’amender la requête introductive d’instance du recours collectif autorisé le 30 novembre 2009 par Mme la juge Dominique Bélanger. La requête des demandeurs vise notamment le retrait de leur réclamation pour dommages exemplaires et pour troubles, tracas et inconvénients, « sans frais et sauf recours ». La requête vise également les objectifs suivants :

1)    Étendre la période visée par le recours collectif;

2)    ajouter 19 défendeurs individuels;

3)    ajouter une allégation concernant la défenderesse Pétroles Irving;

4)    ajouter une réclamation visant à recouvrer les coûts d’enquête et de procédures.

[2]           En matière de recours collectif, l’amendement d’un acte de procédure est soumis à l’autorisation du tribunal[1]. Lorsque, comme en l’espèce, le recours a déjà été autorisé, le Tribunal n’a pas à reprendre l’analyse des quatre critères énoncés à l’article 1003 C.p.c., sauf lorsque l’amendement vise l’ajout de défendeurs, tel qu’il sera discuté plus loin. La demande doit être examinée en fonction de l’intérêt du groupe reconnu et des questions de faits et de droit déterminées dans le jugement d’autorisation[2].

[3]           Le Tribunal doit s’assurer que l’amendement demandé soulève des questions connexes aux questions déjà autorisées. L’amendement ne doit pas être inutile, contraire aux intérêts de la justice ou de nature à créer une demande entièrement nouvelle[3].

[4]           Dès que la pertinence est vraisemblable, l'amendement est la règle et le refus l'exception. La faculté d'amender doit être analysée de manière souple, large et libérale[4].

[5]           Dans Pellemans c. Lacroix[5], M. le juge André Prévost résume ainsi les critères applicables à la requête en amendement soumise dans le cadre d’un recours collectif déjà autorisé :

§  l'amendement doit faire l’objet d’une autorisation du Tribunal (art. 1016 C.p.c.);

§  les conditions de recevabilité de l'amendement, prévues à l'article 199 C.p.c., s'appliquent au recours collectif autorisé;

§  le jugement autorisant le recours collectif constitue le cadre de référence devant servir à l'analyse des conditions de recevabilité de l'amendement;

§  le Tribunal doit s'assurer que l'amendement est compatible avec le moyen de procédure que constitue le recours collectif et, à cette fin, il doit s'assurer qu'il ne va pas à l'encontre des critères énoncés à l'article 1003 C.p.c. En d'autres mots, le Tribunal doit se demander si les requérants tentent d'incorporer au recours collectif déjà autorisé des éléments qui, en raison de leur nature, ne pourraient faire l'objet de ce moyen de procédure. Le cas échéant, le Tribunal peut imposer les conditions qu'il estime nécessaires;

§  l'amendement qui ne vise qu'à modifier ou à compléter le recours collectif, sans en changer la nature ou l'objet, ne requiert pas la reprise du processus d'autorisation prévu à l'article 1003 C.p.c.;

§  le Tribunal doit veiller en tout temps au respect de la règle de la proportionnalité édictée à l'article 4.2 C.p.c.

[6]           Dans Maltais c. Hydro-Québec[6], M. le juge Michel Déziel reproduit ce résumé des critères tout en rappelant que le Tribunal doit également tenir compte de l’intérêt des membres, et ce, à chaque étape du recours collectif[7].

Analyse

1.-     Période visée

[7]           Dans la requête initiale en autorisation, la période visée s’étendait du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007. Le 16 janvier 2009, les demandeurs ont présenté une requête pour permission d’amender afin, notamment, d’étendre la période du 1er janvier 2002 au 12 juin 2008. Dans un jugement daté du 24 avril 2009, Mme la juge Dominique Bélanger accueillait cette demande en ces termes :

« [31]  La procédure initiale réfère directement à l'enquête menée par le Bureau de la concurrence et au dépôt d'accusations criminelles contre certaines pétrolières ainsi qu’aux plaidoyers de culpabilité de certaines d'entre elles.

[32] Bien que la période pour laquelle le requérant entend demander l'autorisation d'exercer un recours collectif diffère de celle pour laquelle le Bureau de la concurrence a mené une enquête dont des accusations criminelles ont découlé, il n'est pas contraire aux intérêts de la justice que le requérant demande à reculer dans le temps ou à couvrir une plus longue période.

[33] Cet amendement n'est ni inutile ni contraire aux intérêts de la justice et il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle, sans rapport avec la demande originaire. »

[8]           Les demandeurs souhaitent maintenant reculer la période visée afin que celle-ci débute le 1er janvier 2001. Au soutien de leur demande, ils invoquent le contenu du rapport du professeur Marcel Boyer, daté du 23 juillet 2008, qui, allèguent-ils, corrobore les déclarations faites par certains défendeurs[8] selon lesquelles la collusion dans la fixation des prix de l’essence aurait commencé le ou avant le 1er janvier 2001. Les procureurs des demandeurs soutiennent n’avoir pris connaissance de ce rapport que le 6 février 2013.

[9]           Les procureurs des défendeurs contestent la demande d’amendement au motif que celle-ci est formulée plus de quatre ans après l’autorisation du recours. Les défendeurs affirment que les parties ont investi beaucoup d’heures et de frais pour obtenir des rapports d’expertise basés sur la période du 1er janvier 2002 au 12 juin 2008 et que l’amendement pourrait avoir un impact sur la validité de ces rapports. Cela aurait pour effet d’entraîner des frais et délais supplémentaires dans ce dossier qui ne chemine pas rapidement. Ils invoquent également la prescription du droit d’action des demandeurs, ajoutant que l’amendement visant un droit d’action prescrit est contraire aux intérêts de la justice.

[10]        Il est bien établi qu'à moins d'une situation claire, tout argument de prescription doit être examiné au fond, après avoir entendu toute la preuve[9]. Ce n'est qu'exceptionnellement, lorsque la prescription apparaît à la face même des procédures, que le Tribunal pourra intervenir avant l'audition au mérite[10] :

« Cette règle de prudence a été rappelée récemment par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Christensen c. Archevêque catholique romain qui rappelle l'importance d'entendre la preuve avant de décider du point de départ de la prescription »[11].

[11]        Dans les jugements rendus depuis l’introduction des procédures, Mme la juge Bélanger a bien indiqué que la Cour n’est pas liée par les paramètres des dossiers criminels et de l'enquête du Bureau de la concurrence eu égard à la période visée par le recours. Par ailleurs, elle soulignait avec justesse que l’évaluation de la période durant laquelle les agissements ont effectivement pu survenir est une question qui sera examinée au mérite[12].

[12]        La requête des demandeurs s’appuie sur un rapport détaillé, celui du professeur Boyer, dont ils ont pris connaissance en février 2013, ainsi que sur les déclarations de certains défendeurs. Malgré que le contenu de ce rapport et des déclarations ne soit pas encore prouvé, l’amendement demandé n'est ni inutile, ni contraire aux intérêts de la justice et il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle. Il doit par conséquent être accordé.


 

2.-     Ajout de défendeurs

[13]        Les demandeurs souhaitent ajouter 19 défendeurs individuels au recours, ces ajouts devant permettre au Tribunal d’obtenir un portrait complet de la situation.

[14]        L’amendement qui vise à ajouter un ou plusieurs défendeurs doit satisfaire au critère de l’apparence de droit énoncé à l’article 1003 b) C.p.c.[13] Les termes  «paraissent justifier» utilisés à cet article signifient qu'il doit y avoir, de l'avis du Tribunal, une apparence sérieuse de droit, c'est-à-dire celle qui repose sur des allégations qui, prima facie, semblent bien fondées. Le tribunal n’a toutefois pas à se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions recherchées en regard des faits allégués[14].

[15]        Notons que les individus visés par la demande d’amendement sont tous des employés des défenderesses actuelles. 

[16]        Le 24 avril 2009, Mme la juge Dominique Bélanger a autorisé l’ajout de 22 personnes physiques en ces termes :

« [15] L'argument relatif à l'ajout de ressources financières significatives ne peut être retenu, du moins pas au stade de l’amendement.

[16] Quant à l'argument relatif aux articles 4.1 et 4.2 C.p.c., bien que le Tribunal possède de très grands pouvoirs de gestion d'instance, ces pouvoirs ne vont pas jusqu'à empêcher l'ajout d'intimés pour des arguments de convenance ou de stratégie. La gestion de l'instance ne doit pas avoir pour effet d'empêcher l'exercice d'un droit qui existerait par ailleurs.

[17] Le Tribunal permettra donc l'ajout des personnes physiques à titre d'intimés à la requête. »

[17]        Les motifs invoqués en contestation étaient essentiellement les mêmes que ceux invoqués à l’encontre de la présente requête. Les défendeurs soutiennent que l’ajout de défendeurs additionnels irait à l’encontre de la règle de proportionnalité codifiée aux articles 4.1 et 4.2 du Code de procédure civile. Ils soutiennent également que les personnes visées n'ajoutent pas de ressources financières significatives et qu'elles demeurent, de toute façon, contraignables et sujettes à être contre-interrogées, même si elles ne sont pas parties à la requête. Les défendeurs allèguent que le seul but recherché par l’ajout de ces défendeurs est d’entraîner un sentiment de crainte chez ces derniers afin de les inciter à collaborer avec les demandeurs. Les défendeurs invoquent finalement la tardiveté de la demande. Ils soulignent que celle-ci est présentée plus de 5 ans après le dépôt de la requête pour autorisation d’intenter le recours collectif, et ce, malgré le fait que les demandeurs connaissaient l’existence et le rôle allégués des individus visés par la demande d’amendement depuis plusieurs années.

[18]        Il est vrai qu’il s’est écoulé près de quatre ans entre le jugement autorisant le recours et le dépôt de la présente requête pour permission d’amender et que les demandeurs connaissaient l’existence et le rôle allégué des individus visés par la demande d’amendement, puisque ces derniers, à l’exception de M. Serge Parent, étaient mentionnés comme participants dans les allégations de la requête introductive d’instance initiale datée du 10 février 2010[15].

[19]        Toutefois, les faits allégués, qui, rappelons-le, doivent être tenus pour avérés, établissent une apparence sérieuse de droit à l’égard des nouveaux défendeurs et leur implication dans les gestes reprochés. Dans le jugement d’autorisation, Mme la juge Bélanger concluait que l’apparence de droit relative à la participation au complot était bien établie eu égard aux défendeurs ayant plaidé coupables aux infractions relatives à l’article 45 (1) de la Loi sur la concurrence[16]. Or, les demandeurs allèguent que tous les nouveaux défendeurs, à l’exception de M. Serge Parent, ont fait l’objet d’accusations criminelles relativement à leur implication dans un complot contrairement à l’article 45 de la Loi sur la concurrence et ont plaidé coupables ou été reconnus coupables de ces infractions. Les plaidoyers ou condamnations seraient intervenus entre 2011 et 2013 (dont 5 en 2013), ce qui peut expliquer en partie le délai survenu avant de signifier la présente demande.

[20]        Compte tenu de l’état de la jurisprudence, favorable aux demandes d’amendements lorsque la pertinence et la vraisemblance sont démontrées, la demande visant l’ajout de défendeurs individuels devrait être accordée, sauf pour le défendeur Serge Parent.

[21]        En effet, en ce qui concerne Serge Parent, les demandeurs se contentent de faire état du fait que ce dernier était à l’emploi de la défenderesse Pétroles Irving et ils invoquent, au paragraphe 401, que celui-ci a participé à des complots en vue de fixer les prix de l’essence sur les territoires visés par le recours, sans alléguer de fait précis ou circonstance particulière permettant de juger du sérieux de ces prétentions[17]. Les demandeurs voudraient que ces affirmations soient tenues pour avérées sans alléguer les faits sur lesquels elles s'appuient[18]. Le Tribunal ne peut inférer du seul fait que M. Parent était à l’emploi d’une des défenderesses la participation de ce dernier à un quelconque complot. Vu l’absence d’allégations répondant au critère de l’article 1003 b) C.p.c., l’amendement visant l’ajout du défendeur Parent doit être refusé.


 

3.-     Allégation concernant la défenderesse Pétroles Irving

[22]        Les demandeurs souhaitent ajouter un paragraphe afin d’alléguer que, depuis le 28 septembre 2012, la défenderesse Pétroles Irving fait l’objet d’accusations criminelles en relation avec la présente affaire.

[23]        L’amendement doit être accordé puisqu’il n’est ni inutile, ni contraire aux intérêts de la justice et il n'en résulte pas une demande entièrement nouvelle.

4.-     Réclamation des coûts d’enquête et des présentes procédures 

[24]        Les demandeurs souhaitent ajouter un chef de réclamation afin de recouvrer des défendeurs les « coûts d’enquête et des présentes procédures ». Cette demande est formulée en vertu de l’article 36 (1) de la Loi sur la concurrence. La réclamation vise les « honoraires extrajudiciaires, incluant les frais d’enquête, relativement à l’affaire et aux procédures faisant l’objet du présent recours » et est réclamée solidairement aux défendeurs à raison d’un montant égal à 25% de toutes sommes qui pourraient être perçues par les membres.

[25]        Exerçant les pouvoirs que lui confère l'article 1016 C.p.c., le Tribunal est uniquement appelé à autoriser ou à refuser les amendements recherchés. Il n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé des réclamations qu'ils comportent[19]. En cas de doute quant à la recevabilité ou l’utilité de l’amendement, celui-ci devra être autorisé[20].

[26]        L'article 36 de la Loi sur la concurrence prévoit entre autres la possibilité pour les demandeurs de réclamer leurs frais d'enquêtes :

« 36. (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

b) soit du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l’affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

Preuves de procédures antérieures

(2) Dans toute action intentée contre une personne en vertu du paragraphe (1), les procès-verbaux relatifs aux procédures engagées devant tout tribunal qui a déclaré cette personne coupable d’une infraction visée à la partie VI ou l’a déclarée coupable du défaut d’obtempérer à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, ou qui l’a punie pour ce défaut, constituent, sauf preuve contraire, la preuve que la personne contre laquelle l’action est intentée a eu un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI ou n’a pas obtempéré à une ordonnance rendue en vertu de la présente loi par le Tribunal ou par un autre tribunal, selon le cas, et toute preuve fournie lors de ces procédures quant à l’effet de ces actes ou omissions sur la personne qui intente l’action constitue une preuve de cet effet dans l’action.

Compétence de la Cour fédérale

(3)La Cour fédérale a compétence sur les actions prévues au paragraphe (1).

Restriction

(4) Les actions visées au paragraphe (1) se prescrivent :

a) dans le cas de celles qui sont fondées sur un comportement qui va à l’encontre d’une disposition de la partie VI, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

(i) soit la date du comportement en question,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite;

b) dans le cas de celles qui sont fondées sur le défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance du Tribunal ou d’un autre tribunal, dans les deux ans qui suivent la dernière des dates suivantes :

(i) soit la date où a eu lieu la contravention à l’ordonnance du Tribunal ou de l’autre tribunal,

(ii) soit la date où il est statué de façon définitive sur la poursuite. »

[27]        Le champ d'application de l'article 36 est limité aux matières criminelles qui y sont mentionnées, et ne s’étend donc pas à toutes les dispositions de la Loi. Il s'agit des infractions relatives (i) à la collusion (ii) aux ordonnances rendues par le Tribunal de la concurrence, et (iii) à la publicité trompeuse[21].

[28]        Les demandeurs plaident qu’il serait prématuré de rejeter leur demande à cette étape-ci des procédures. À leur avis, cette question devrait plutôt être décidée à la fin du procès, alors que le Tribunal aura bénéficié d’une preuve complète.

[29]        Les défendeurs soutiennent quant à eux que cette réclamation est irrecevable en droit et qu’il s’agit d’un amendement inutile, voire abusif. Ils invoquent l’arrêt Foley c. Côté[22] au soutien de leur argument voulant qu’on ne peut tenir compte des honoraires extrajudiciaires dans l’appréciation des dommages à octroyer.

[30]        Or, la présente demande doit être distinguée des principes énoncés dans cette décision et celles auxquelles elle fait référence[23] puisqu’elle est faite en vertu de l’article 36 de la Loi sur la concurrence. Les décisions précitées traitent de la possibilité de réclamer les honoraires extrajudiciaires à titre de dommages-intérêts ou de dépens selon les règles de responsabilité civile alors qu’il s’agit ici de déterminer si ces honoraires peuvent être considérés dans l’octroi de la somme supplémentaire que le Tribunal peut fixer en vertu des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont conférés par l’article 36 de la Loi sur la concurrence.

[31]        Les défendeurs invoquent aussi un arrêt de l’Alberta[24] qui conclut que les honoraires extrajudiciaires ne peuvent faire l’objet d’une réclamation formulée en vertu de l’article 36 de la Loi sur la concurrence.

[32]        On ne peut qualifier l’amendement demandé de frivole ou de manifestement voué à l'échec, ni prétendre, à ce moment-ci, que le droit invoqué est incontestablement mal fondé, quoique les arguments des défendeurs à l’encontre de cette réclamation sont pertinents et seront certes appréciés lors de l’audition au mérite. Il serait inopportun d’évacuer complètement cette question immédiatement, sans avoir pu bénéficier d’une preuve complète et d’un débat au mérite.

* * *

[33]        Dans le cadre du déroulement de l’instance au cours duquel l’une ou l’autre des parties peut présenter différentes requêtes, l’on peut difficilement décider de leurs droits en fonction du seul principe d’une saine gestion de l’instance à l’intérieur d’un délai raisonnable.

[34]        À cette étape préliminaire du procès, toute demande doit être analysée et décidée en fonction des règles de procédure et de l’application de la règle de droit, le cas échéant.

[35]        Toutefois, l’une et l’autre des parties doivent s’efforcer de circonscrire et de cristalliser le litige de façon à ce que le Tribunal puisse en disposer au mérite dans un délai raisonnable, ce qui s’inscrit précisément dans l’intérêt des membres du groupe dans le contexte d’un recours collectif.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]        ACCUEILLE avec dépens la requête pour permission d’amender la requête introductive d’instance réamendée du 1er décembre 2010.

[37]        AUTORISE les demandeurs, M. Simon Jacques, M. Marcel Lafontaine et l’Association pour la protection automobile, à retirer de leur requête introductive d’instance réamendée du 1er décembre 2010, leur réclamation pour dommages exemplaires, ainsi que pour troubles, tracas et inconvénients, sans frais quant à ce désistement.

[38]        AUTORISE les demandeurs, M. Simon Jacques, M. Marcel Lafontaine et l’Association pour la protection automobile, à amender les allégations et les conclusions de la requête introductive d’instance réamendée du 1er décembre 2010, selon ce qui est proposé au Projet du 18 novembre 2013, à l’exception toutefois de l’amendement quant à l’ajout de M. Serge Parent à titre de défendeur, lequel est refusé.

 

 

 

 

__________________________________

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

Me Pierre Lebel

Me Nicolas Guimond

Gabriel Bossé (stagiaire)

Bernier Beaudry, avocats

Procureurs des demandeurs

 

Me Guy Paquette

Paquette Gadler inc.

300, Place d'Youville, B-10

Montréal (Québec)  H2Y 2B6

Procureurs-conseils des demandeurs

 

Me Sylvain Lussier

Osler, Hoskin & Harcourt

1000, de La Gauchetière Ouest, bureau 2100

Montréal (Québec)  H3B 4W5

Procureurs de Les Pétroles Irving inc./Les Opérations Pétroles Irving ltée

 


 

Me Pascale Cloutier

Miller Thomson Pouliot

1155, boulevard René-Lévesque Ouest

Montréal (Québec)  H3B 3S6

Procureurs de Les Pétroles Therrien inc.. Distributions Pétrolières Therrien inc.,France Benoît et Richard Michaud

 

Me Louis P. Bélanger

Me Julie Girard

Stikeman Elliott

1155, boulevard René-Lévesque Ouest, 40e étage

Montréal (Québec)  H3B 3V2

Procureurs d'Ultramar Ltée

 

Me Pierre Legault

Gowling Lafleur Henderson

1, Place Ville-Marie, 37e étage

Montréal (Québec)  H3B 3P4

Procureurs de Pétrolière Impériale

 

Me Sidney Elbaz

McMillan

1000, rue Sherbrooke Ouest, 27e étage

Montréal (Québec)  H3A 3G4

Procureurs de Le Groupe Pétrolier Olco inc.

 

Me Hugo Mathieu

Gravel Bernier Vaillancourt

Procureurs de Philippe Gosselin & Associés Ltée, André Bilodeau, Carol Lehoux, Claude Bédard et Stéphane Grant

 

Me Louis-Martin O'Neill

Me Pierre-Luc Cloutier

Davies Ward Phillips & Vineberg

501, McGill College, bureau 2600

Montréal (Québec)  H3A 3N9

Procureurs d'Alimentation Couche-Tard inc., de Dépan-Escompte Couche-Tard inc.

et Couche-Tard inc.

 

Me Pierre Grégoire

O'Brien avocats (casier 41)

Procureur de Pétroles Cadrin inc. et Daniel Drouin

 


 

Me Julie Chenette

Chenette Boutique de litige inc.

1155, rue University, bureau 1400

Montréal (Québec)  H3B 3A7

Procureurs de La Coop Fédérée, Robert Murphy et Gary Neiderer

 

Me Anne Merminod

Borden Ladner Gervais

1000, rue de La Gauchetière Ouest, bureau 900

Montréal (Québec)  H3B 5H4

Procureurs de Provigo Distribution inc.

 

Me Jean-Olivier Lessard

Clyde & Cie Canada

630, boulevard René-Lévesque Ouest, bureau 1700

Montréal (Québec)  H3B 1S6

Procureurs de Daniel Leblond

 



[1] Art. 1016 C.p.c.

[2] Desgagné c. Québec (ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport), 2007 QCCS 4443.

[3] Art. 199 et 1010.1 C.p.c.

[4] Maltais c. Hydro-Québec, 2011 QCCS 3587; Desgagné c. Québec, préc. note 2.

[5] Pellemans c. Lacroix, 2009 QCCS 1530.

[6] Maltais c. Hydro-Québec, note 4.

[7] Option Consommateurs c. Merck Frosst Canada Ltée, 2009 QCCS 3794.

[8] Pièces EP-4, P-170A à P170-E.

[9] Regroupement des citoyens du secteur des Constellations c. Lévis (Ville de), 2011 QCCS1399.

[10] Brochu c. Société des loteries du Québec (Loto-Québec), EYB 2006-111322, par. 114 (C.S.); Société des loteries du Québec (Loto-Québec) c. Brochu, 2007 QCCA 1392; voir également Godin c. Société canadienne de la Croix-Rouge, J.E. 93-1126 (C.A.) (demande d'autorisation d'appel refusée par la Cour suprême du Canada, et Servant c. Québec (Procureur général), REJB 2000-20956 (appel déserté, 17 janvier 2001, C.A.Q. no 200-09-003285-001); Nadon c. Anjou (Ville d'), EYB 1995-59103 (C.A.); Tremaine c. A.H. Robins Canada inc., [1990] R.D.J. 500 (C.A) (demande d'autorisation d'appel refusée par la Cour suprême du Canada [1991] 1 R.C.S.).

[11]    Regroupement des citoyens du secteur des Constellations c. Lévis (Ville de), note 11; Christensen c. Archevêque catholique romain, [2010] C.S.C. 44.

[12]    2009 QCCS 5603, para. 266.

[13]    Association des citoyens et citoyennes pour un environnement sain de Fatima inc. c. Bois et placages généraux Ltée, 2008 QCCS 3192.

[14] Regroupement des citoyens contre la pollution c. Alex Couture inc., 2006 QCCS 950.

[15] Voir paragraphes 302 et suivants de la requête introductive d’instance initiale datée du 10 février 2010.

[16] 2009 QCCS 5603, para. 162-163.

[17] Option consommateur c. Novopharm Limited, 2006 QCCS 118.

[18] Regroupement des citoyens contre la pollution c. Alex Couture inc., note 18, par. 117.

[19]    Pellemans c. Lacroix, 2009 QCCS 1530, para. 28.

[20]    Denis FERLAND et Benoît EMERY, Précis de procédure civile du Québec, 4e éd., vol. 1, Les Éditions Yvon Blais, 2003; Option consommateurs c. Merck Frosst Canada Ltée, EYB 2009-163056 (C.S.).

[21]    Éric VALLIÈRES, « Le recours collectif au Québec : le droit de la concurrence à toutes les sauces », Colloque national sur les recours collectifs, Développements récents au Québec, au Canada et aux États-Unis (2014), Service de la formation continue du Barreau du Québec,  2014, EYB2014DEV2102.

[22]    2012 QCCA 157.

[23]    Notamment Viel c. Entreprises immobilières du terroir [2002] R.J.Q. 1262 (C.A.) - limite les cas où une partie peut, sur une base extracontractuelle ou au titre des dépens, réclamer à l'autre le remboursement des honoraires extrajudiciaires payés en vue de faire valoir ses droits.

[24]    321665 Albert Ltd c. Exxon Mobil Canada Ltd, 2012 ABQB 76, para. 29 à 44.

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