DÉCISION
[1] Le 16 mars 2001, Clément Boisvert 1988 inc., l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 21 février 2001 rendue à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 21 septembre 2000 acceptant à titre de lésion professionnelle les diagnostics de hernie discale L3-L4 et de hernie inguinale droite.
[3] À l’audience, l’employeur est présent et représenté. Le travailleur est présent.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer que M. Jacques Paradis, le travailleur, n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 juillet 2000.
LES FAITS
[5] M. Paradis est âgé de 49 ans. À l’époque pertinente, il occupe un poste de vendeur pour le compte de l’employeur.
[6] Le travailleur soumet une réclamation en relation avec un événement qui serait survenu le 17 juillet 2000. Au formulaire de réclamation, M. Paradis décrit l’événement comme suit :
« JE-DEVAIS-CHANGER-UN-MATELAS-SUR-UN-LIT-(QUEEN) J’AI SOULEVE-LE-MATELAS-PAR-LE-COIN-ET-J’AI-RESSENTI-UNE-DOULEUR-AU-DOS » (sic)
[7] Le 18 juillet 2000, il est conduit en ambulance au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. Au triage, on note que le travailleur arrive en civière. On indique que le travailleur accuse une douleur lombaire depuis le 17 juillet 2000 après avoir mobilisé un matelas. La douleur était moindre lors de la mobilisation du matelas mais elle a augmenté en soirée. Ce matin, il fut incapable de se lever. Le travailleur mentionne avoir déjà été opéré au dos et qu’il est porteur d’arthrose.
[8] Il est alors évalué par le docteur Vaugeois. Ce dernier note un antécédent de hernie discale L4-L5 gauche. Par la suite, il indique que le travailleur aurait subi un accident du travail en soulevant un matelas. La douleur a augmenté graduellement. Il est incapable de se mobiliser. Le docteur Vaugeois pose un diagnostic de lombo-sciatalgie avec atteinte neurologique.
[9] Le travailleur est revu en soirée par le docteur Labbé. Ce dernier note que le travailleur se mobilise difficilement. Il constate une atteinte neurologique.
[10] La radiographie révèle un pincement modéré de l’espace L4-L5 avec présence d’ostéophytes paravertébraux modérés.
[11] Le 19 juillet 2000, il est évalué par le docteur Rousseau. Ce dernier note que le travailleur a subi un accident du travail le 17 juillet 2000 en forçant avec un matelas. À la suite de son examen physique, il pose un diagnostic de hernie discale L3-L4. Il prescrit de la physiothérapie.
[12] Le travailleur subit une tomodensitométrie lombaire. L’examen révèle ce qui suit :
« NIVEAU L3-L4 :
ASPECT LEGEREMENT COMBLE DE LA PORTION INFERIEURE DU TROU DE CONJUGAISON DU COTE DROIT. LA POSSIBILITE D’UNE PETITE HERNIE INTRAFORAMINALE POURRAIT ETRE ENTIEREMENT EXCLUE. IL SEMBLE Y AVOIR UNE LEGERE EMPREINTE A LA PORTION ANTERO-LATERALE DROITE DU SAC THECAL. AU BESOIN LE BILAN POURRAIT ETRE COMPLETE PAR I.R.M.
NIVEAU L4-L5 :
SPONDYLARTHROSE AVEC PRESENCE D’UN BOMBEMENT DISCAL CIRCONFERENTIEL LEGER A MODERE MAIS SANS SIGNE DE HERNIE. ARTHROSE FACETTAIRE ASSEZ IMPORTANTE.
NIVEAU
L5-S1 :
PETITS OSTEOPHYTES PERI-VERTEBRAUX. ARTHROSE FACETTAIRE POUR LE MOINS MODEREE. PAS DE SIGNE DE HERNIE NI STENOSE. » (sic)
[13] Le 22 août 2000, le travailleur communique avec l’agente de la CSST responsable de son dossier. L’agente note la version suivante :
« T voulait enlever un matelas Quenn de dessus un lit. Il l’a pris par le coin, l’a soulever pour le mettre sur le côté et le tirer vers lui. A ce moment là il a ressenti une douleur. Il a alors demandé de l’aide après avoir reposé le matelas. Il ne se souvient pas s’il en a parlé à la personne qui est venu l’aider. Il est allé s’asseoir car douleur. T est retourné chez lui en taxi car il avait de la difficulté à marcher. Je lui demande alors s’il en a parlé à son patron. C’était en fin journée et la patronne n’était pas là.
(…) » (sic)
[14] Le 28 août 2000, le travailleur consulte en raison de l’apparition d’une bosse à l’aine droite. On pose un diagnostic de hernie inguinale droite. Le travailleur est opéré le 13 septembre 2000. La docteure Marie-Hélène Girouard consolide cette lésion le 17 octobre 2000 sans séquelles.
[15] Le 21 septembre 2000, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la réclamation du travailleur en raison de l’accident du travail subi le 17 juillet 2000 ayant causé une hernie discale L3-L4. Elle reconnaît également le diagnostic de hernie inguinale droite à titre de lésion professionnelle. L’employeur demande la révision de cette décision.
[16] Par ailleurs, le 25 octobre 2000, le travailleur est évalué par le docteur Guy Fournier, médecin désigné par l’employeur. Le docteur Fournier rapporte les faits suivants :
« HISTORIQUE ET ÉVOLUTION
Ce réclamant rapporte un événement en date du 17 juillet 2000 et il m’informe qu’il a transporté alors un matelas avec un collègue de travail et c’est à ce moment qu’il a ressenti une douleur lombaire. Cet événement est survenu en fin de journée de travail et le réclamant m’informe qu’il a pu se rendre chez lui et que c’est au cours de la nuit que la douleur s’est véritablement accentuée et étant incapable de se mobiliser, il a dû être amené en ambulance à l’Hôpital de Trois-Rivières à l’urgence.
(…)
ANTÉCÉDENTS
Ce réclamant a subi une discoïdectomie L4-L5 alors qu’il était au début de la vingtaine par le docteur Reinhardt, neuro-chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Québec.
Il m’informe que, par la suite, il n’avait pas eu de problème majeur jusqu’en 1997 alors qu’il a présenté une entorse lombaire qui l’avait tenu à l’écart de son travail pour une période de huit à dix mois.
Il a subi dernièrement une herniographie inguinale droite en date du 13 septembre 2000 et avait également été traité en août 1997 pour une hernie inguinale. »
[17] À l’examen objectif, le docteur Fournier note ce qui suit :
« Il présente une position antalgique avec le tronc déporté vers l’avant et légèrement vers la gauche.
En position debout lorsque je veux l’examiner, il se tient sur le bord du bureau et l’examen est peu satisfaisant avec une flexion qui s’amène à environ 45o, une extension à 20o, inclinaisons droite et gauche à environ 20o et des rotations droite et gauche à un maximum de 20o.
La démarche, sur le bout des pieds et sur les talons, s’avère très difficile et à ce moment la position antalgique s’accentue.
Les réflexes ostéo-tendineux sont difficiles à mettre en évidence tant du côté droite que du côté gauche et les réflexes achilléens sont présents et symétriques.
Il existe une hypoesthésie à la face externe de la jambe droite comparativement au côté gauche.
Le Lasègue gauche est à environ 70o et le Lasègue droit est à environ 45o.
Le Tripode est positif chez lui. » (sic)
[18] En conclusion, le docteur Fournier constate la présence d’une hernie discale L3-L4 droite. Toutefois, il nie toute relation avec l’événement allégué du 17 juillet 2000 en ces termes :
« Tenant compte de la nature de l’événement du 17 juillet 2000, du peu d’effort qu’il a eu à fournir pour soulever un matelas de lit avec un compagnon de travail, considérant qu’il existait déjà des conditions préexistantes entre autre des séquelles de sa discoïdectomie L4-L5, et la manifestation d’une entorse lombaire en 1997 qui a nécessité plus de 8 mois d’arrêt de travail, considérant que la douleur s’est manifestée pendant la nuit. » (sic)
[19] Le 21 février 2001, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Par cette décision, elle confirme sa décision initiale du 21 septembre 2000, d’où le présent litige.
[20] À l’audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de M. Paradis.
[21] Préalablement, M. Paradis avait subi un accident du travail en 1997 alors qu’il ne travaillait pas chez l’employeur, la CSST ayant déterminé que le travailleur était capable de refaire son emploi prélésionnel. Les indemnités de remplacement du revenu ayant cessé, il a bénéficié de prestations d’assurance-emploi. Par la suite, il fut prestataire de l’aide sociale. C’est dans ce contexte qu’il est engagé chez l’employeur.
[22] Au moment de la survenance de l’événement allégué du 17 juillet 2000, M. Paradis est à l’emploi de Clément Boisvert 1988 inc. depuis environ six mois.
[23] Le magasin comporte deux planchers, lesquels sont reliés par un escalier d’environ 15 à 20 marches. Le premier étage sert à l’exposition des meubles et accessoires de salon, de cuisine et de chambre à coucher. Au deuxième étage, on retrouve les matelas et les lits.
[24] Le 17 juillet 2000, en début d’après-midi, M. Paradis doit changer un matelas. Ce matelas se trouve au premier étage du magasin. Il repose sur une structure métallique à quelques pouces du sol. Il s’agit d’un matelas de type « Queen » d’une dimension de 60 x 80 x 17 pouces. M. Paradis est seul à ce moment. Il se place au pied du lit environ au centre du matelas. Il fait une flexion du tronc, il glisse sa main gauche sous le matelas alors que sa main droite est sur le matelas. Il pivote le matelas vers la droite en position verticale à l’aide de ses deux membres supérieurs, le tronc toujours fléchi. Tenant la bordure du matelas de ses mains, il fait un mouvement de traction pour tirer le matelas vers lui tout en le soutenant. Ce faisant, M. Paradis ressent une douleur lombaire basse. Il dépose le matelas et il demande l’aide d’un collègue de travail, M. Gérard Harnois ou M. Louis Mercier.
[25] Ils ont utilisé un diable à quatre roues. Ils ont appuyé le matelas sur l’escalier et ils ont poussé pour le monter au deuxième étage. Ils ont déposé le matelas sur un sommier. L’opération a duré environ 20 à 30 minutes.
[26] M. Paradis ressent de la douleur. Il dit en avoir fait mention à son collègue de travail. Il redescend au premier étage par l’escalier en tenant la rampe.
[27] Selon M. Paradis, il a terminé son quart de travail, lequel s’est terminé vers 17 h ou 18 h. Le reste de la journée, il n’a pas eu à faire de « setup ». C’est son collègue, M. Louis Mercier, qui l’a reconduit chez lui. Avant de quitter, il n’a pas avisé son employeur. En soirée, il a utilisé des Empracets, du Tylenol et une crème analgésique. Le lendemain, il a été évacué en ambulance vers l’hopital.
[28] M. Paradis raconte qu’il avait de la douleur avant de travailler chez l’employeur. Toutefois, depuis le 17 juillet 2000, les douleurs ont augmenté d’intensité.
[29] M. Paradis bénéficie d’un horaire de cinq jours de travail et de deux jours de congé. Lundi le 17 juillet 2000 correspond au cinquième jour de travail. Le travailleur est donc en congé les 18 et 19 juillet 2000.
[30] M. Paradis n’a pas avisé lui-même l’employeur. Il a demandé à sa conjointe de contacter l’employeur pour l’aviser de la situation.
[31] La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage de M. René Boisvert, co-propirétaire.
[32] M. Boisvert n’a pas été témoin de l’événement du 17 juillet 2000. Toutefois, il en a entendu parler. Le travailleur ne l’a pas avisé de la survenance d’un événement.
[33] Une demi-heure après l’événement, M. Boisvert en aurait été informé. Il aurait su le lendemain que M. Mercier serait allé reconduire le travailleur.
[34] Deux jours après l’événement, M. Paradis aurait communiqué avec M. Boisvert pour lui dire qu’il se serait fait mal au dos en transportant un matelas avec un collègue. M. Boisvert raconte que les autres employés auraient été surpris d’apprendre que le travailleur s’était blessé le 17 juillet 2000. Il indique qu’une stagiaire postée au bas de l’escalier l’aurait vu descendre les marches normalement. Selon M. Boisvert, le matelas en question pèse environ 60 livres.
[35] Interrogé par la Commission des lésions professionnelles, il mentionne ne pas avoir vu le matelas. Il n’a pas non plus rencontré M. Paradis le 17 juillet 2000. Il a vu M. Mercier à son retour au magasin. Il lui aurait demandé si le travailleur avait eu une douleur « sur le moment ». M. Mercier aurait répondu négativement. Toutefois, M. Mercier ne l’aurait pas informé du fait que M. Paradis serait allé le chercher pour l’aider à transporter le matelas.
L'AVIS DES MEMBRES
[36] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2000. Ainsi, ils estiment que le diagnostic de hernie discale L3-L4 est en relation avec l’événement décrit. Bien que le travailleur soit affligé d’une condition préexistante particulièrement aux niveaux inférieurs à L3-L4, il n’en demeure pas moins que le geste décrit constitue un mécanisme de production d’une hernie. Il n’y a pas lieu de remettre en cause la crédibilité du travailleur.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2000.
[38] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la Loi) définit la lésion professionnelle comme suit :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
[39] D’emblée, la Commission des lésions professionnelles écarte les notions de maladie professionnelle et de récidive, rechute ou aggravation. Les faits et la preuve ne permettent pas l’analyse en fonction de ces notions. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2000 par le fait d’un accident du travail. La Commission des lésions professionnelles réfère donc à la disposition suivante :
«accident du travail» : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
[40] Principalement, il doit être établi par une preuve prépondérante qu’un événement imprévu et soudain a entraîné une lésion professionnelle, en l’occurrence, une hernie discale L3-L4.
[41] En effet, la Commission des lésions professionnelles retient le diagnostic de hernie discale L3-L4. Dès la première consultation, on pose un diagnostic de lombo-sciatalgie avec atteinte neurologique. Par la suite, on pose le diagnostic de hernie discale L3-L4. Ce diagnostic n’a pas été soumis pour obtenir un avis du Bureau d'évaluation médicale. Enfin, le médecin désigné de l’employeur n’écarte pas un tel diagnostic. Il se prononce plutôt sur l’absence de relation entre ce diagnostic et l’événement décrit par le travailleur. C’est ainsi que la Commission des lésions professionnelles retient le diagnostic de hernie discale L3-L4.
[42] D’abord, le tribunal estime, selon le témoignage du travailleur, les résultats affichés par la tomodensitométrie et l’expertise du docteur Fournier, que M. Paradis souffre d’une vulnérabilité évidente de la colonne lombaire que l’on peut qualifier de condition préexistante. Toutefois, l’existence d’une telle condition n’empêche pas que l’on puisse conclure à une aggravation de cette condition préexistante et que cette aggravation puisse constituer une lésion professionnelle, le cas échéant. Pour conclure en ce sens, la preuve doit révéler la survenance d’un accident du travail ou que l’aggravation soit causée par des risques particuliers.[1] En l’occurrence, il doit être démontré que l’aggravation découle d’un accident du travail. Nous revenons donc à la notion d’accident du travail préalablement citée.
[43] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles retient que M. Paradis doit déplacer un matelas de type « Queen » dont la dimension et le poids sont appréciables. Ce matelas repose sur une base à quelques pouces du sol. M. Paradis est seul à ce moment. Il fait une flexion du tronc, il pivote le matelas à la verticale et il le tire vers lui dans un mouvement de traction. C’est à ce moment qu’il ressent une douleur lombaire basse. Ce n’est que par la suite qu’il demande l’aide d’un collègue de travail pour déplacer et changer le matelas. Le tribunal estime que la position corporelle adoptée par M. Paradis, combinée au mouvement de traction pour tirer le matelas d’un poids et d’une dimension appréciables, peuvent être assimilés à un événement imprévu et soudain ayant entraîné une lésion professionnelle.
[44] L’employeur reproche au travailleur de ne pas avoir respecté l’article 265 de la Loi :
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou incapable d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
________
1985, c. 6, a. 265.
[45] Cet article stipule une obligation pour le travailleur. Toutefois, le non-respect de cette obligation ne comporte pas de sanction précise ou il ne fait pas en sorte de faire perdre systématiquement au travailleur les bénéfices de la Loi. L’absence d’avis ou le retard à aviser l’employeur peut affecter notamment la crédibilité du travailleur. Il importe alors de bien analyser les faits, les témoignages et la preuve médicale disponible pour déterminer s’il y a atteinte à la crédibilité du travailleur, le cas échéant.[2]
[46] M. Paradis n’a pas avisé M. Boisvert avant de quitter l’établissement le 17 juillet 2000. Toutefois, M. Paradis relate clairement et de façon plausible un événement. Une douleur est apparue à la suite de cet événement. Étant donné cette douleur, il se fait aider par un collègue. Par la suite, ce collègue va le reconduire chez lui.
[47] On sait que le 17 juillet 2000 correspond à la cinquième journée de l’horaire 5-2 de M. Paradis. Il est donc en congé pour les deux jours suivants, soit les 18 et 19 juillet 2000. Dès le 18 au matin, il doit être conduit à l’hôpital en ambulance en raison d’une augmentation significative de la douleur. Contrairement à la prétention de l’employeur, le travailleur est bien arrivé à l’hôpital en civière et non « dans les bras ». Le formulaire d’admission est clair sur ce point.
[48] Dans de telles circonstances, il est compréhensible que le travailleur ait tardé à aviser lui-même son employeur. D’une part, il faut garder à l’esprit qu’il était en congé les 18 et 19 juillet 2000. D’autre part, la Commission des lésions professionnelles constate que le 18 juillet 2000, le travailleur souffre. C’est par la suite que M. Paradis aurait demandé à sa conjointe de communiquer avec son employeur pour l’aviser.
[49] Quant au témoignage de M. Boisvert, il confirme que M. Paradis ne l’a pas avisé avant de quitter l’établissement. Toutefois, il en ressort également qu’il en fut avisé le jour même, soit le 17 juillet 2000, puisqu’il en aurait parlé avec M. Mercier.
[50] Quant à la version offerte par le travailleur lors de son témoignage, la Commission des lésions professionnelles ne croit pas qu’elle soit de nature à remettre en cause sa crédibilité.
[51] Premièrement, le témoignage du travailleur ne vient pas en contradiction avec la version fournie au triage ou au médecin de l’urgence. Les notes du triage et du médecin sont suffisamment claires, on réfère à la mobilisation d’un matelas la veille, soit le 17 juillet 2000. De plus, il faut tenir compte du fait qu’à ce moment, le travailleur souffre et il vient d’être conduit à l’hôpital par ambulance. Il est compréhensible que le travailleur n’ait pas fourni tous les détails de flexion, de pivot, de traction et que par la suite, il ait demandé l’aide d’un collègue.
[52] Deuxièmement, la description fournie par le travailleur dans sa réclamation est claire et conforme à la version livrée par M. Paradis au cours de son témoignage.
[53] Troisièmement, le témoignage du travailleur est également conforme à la version de l’événement notée par l’agente de la CSST aux notes évolutives du 22 août 2000.
[54] Quatrièmement, le docteur Fournier rapporte que le travailleur aurait ressenti de la douleur en transportant un matelas avec un collègue. La Commission des lésions professionnelles ne peut, sur la foi de cette seule mention, remettre en cause la crédibilité du travailleur. La version du travailleur ne vient pas en contradiction avec cette déclaration faite au médecin. Elle s’avère davantage précise. Il est vrai que M. Paradis a demandé l’aide d’un collègue pour déplacer le matelas.
[55] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la crédibilité de M. Paradis. Sa version est claire, plausible et non-contredite.
[56] En terminant, la représentante de l’employeur a soumis un avis médical rédigé par le docteur Laurent Cardin, médecin au service médical de la CSST. Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles n’accorde aucune valeur probante à un tel avis.
[57] D’une part, il s’agit d’un avis préparé dans le cadre d’un dossier différent de celui dont la Commission des lésions professionnelles est saisie en l’espèce. Le dossier à l’origine de l’avis médical du docteur Cardin n’a aucun lien avec la présente affaire, si ce n’est le diagnostic de hernie discale mais à un niveau différent. D’autre part, le docteur Cardin n’a jamais évalué le travailleur ou il n’a jamais consulté le dossier de M. Paradis afin de rédiger cet avis ou de permettre que ses conclusions soient « importées » dans le dossier de M. Paradis. Sur cet aspect, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’il faut être prudent. Les faits et la preuve médicale servant au médecin à rédiger ses conclusions dans un dossier peuvent s’avérer différents dans un autre dossier. Cette différence peut ainsi modifier, le cas échéant, ses conclusions. À titre d’illustration, dans son avis, le docteur Cardin retient notamment que le geste effectué par le travailleur était « usuel et nettement délibéré ». Il retient une mention à l’effet que le travailleur « ne se rappelle aucun facteur déclencheur ».
[58] Or, en l’espèce, la Commission des lésions professionnelles estime que M. Paradis fait part d’un événement précis et plausible, lequel constitue un mécanisme de production d’une hernie discale. Le tribunal retient qu’il y a eu une flexion antérieure du tronc avec un mouvement de traction pour tirer et soulever un objet de dimensions et de poids appréciables.
[59] En conséquence, le tribunal conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2000.
PAR CES MOTIFS, LA
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Clément Boisvert 1998 Inc., déposée le 16 mars 2001 ;
CONFIRME la décision de la CSST du 21 février 2001 rendue à la suite d’une révision administrative ;
ET
DÉCLARE que M. Jacques Paradis a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2000.
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Me Sophie Sénéchal |
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Commissaire |
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Groupe AST inc. (Mme Linda Lauzon) |
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Représentante de la partie requérante |
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[1]
PPG Canada inc. et C.A.L.P. et Kushner
et C.L.P. et Grandmont et CSST, C.A.,
500-09-005954-979, 29 mars 2001, Mailhot, Deschamps, Pidgeon.
[2]
Brodeur et Dutailier inc., CLP, no 139350-62B-0005, 20 décembre 2000, Me
Danielle Lampron; Lajoie et Restaurants
D. Lafleur inc., CLP, no 133185-63-0003 et 139362-63-0005, 3 avril 2001, Me
Manon Gauthier.