Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Ndayizeye et Université de Montréal

2012 QCCLP 3236

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 mai 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

424526-71-1011

 

Dossier CSST :

136324357

 

Commissaire :

Francine Juteau, juge administratif

 

Membres :

Guy Lemoyne, associations d’employeurs

 

Robert Légaré, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Maxime Ndayizeye

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Université de Montréal

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 5 novembre 2010, monsieur Maxime Ndayizeye dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 29 septembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 20 juillet 2010 et déclare que monsieur Maxime Ndayizeye n’est pas un travailleur à l’emploi d’un établissement d’enseignement et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]           La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 6 décembre 2011 à laquelle assistaient monsieur Ndayizeye, représenté par procureur, de même que l’Université de Montréal, représentée par procureur.

[4]           À la demande des parties, l’audience a porté uniquement sur la question de déterminer si monsieur Ndayizeye est une personne à qui s’applique la présente loi. S’il y a lieu, le dossier sera retourné à la CSST pour l’analyse de la réclamation pour lésion professionnelle présentée par monsieur Ndayizeye.

[5]           À la suite de l’audience, la Commission des lésions professionnelles a accordé un délai aux procureurs afin qu’ils présentent leurs argumentations écrites. Le dossier est mis en délibéré le 14 février 2012, date où le procureur de monsieur Ndayizeye informe le tribunal qu’il n’a pas de réponse à apporter à l’argumentation présentée par le procureur de l’Université de Montréal.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]           Monsieur Ndayizeye demande de reconnaître qu’il bénéficie de la protection de la loi à titre d’étudiant effectuant un stage non rémunéré à l’Université de Montréal, rencontrant ainsi les critères prévus à l’article 10 de la loi. Subsidiairement, il demande que lui soit reconnu le statut de salarié à titre de stagiaire postdoctoral et qu’il soit considéré comme un travailleur au sens de la loi. Il demande de retourner le dossier à la CSST pour que l’analyse de sa réclamation pour lésion professionnelle du 12 mars 2010 soit effectuée.

LES FAITS

[7]           Monsieur Ndayizeye est détenteur d’un doctorat en biosciences et ingéniérie (microbiologie) obtenu en 2007 de la Catholic University of Leuven en Belgique. Du mois d’octobre 2007 au mois de mars 2009, il a effectué un premier stage postdoctoral à une université en Alberta. Il n’a pas demandé et n’a pas d’obtenu d’attestation de stage postdoctoral.

[8]           Par la suite, il a cherché dans Internet des offres de stage postdoctoral avec bourse. Il a transmis son CV à la docteure Josée Harel, professeure titulaire de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal à St-Hyacinthe. Il a obtenu une entrevue avec cette professeure le 18 février 2009. La docteure Harel a confirmé à monsieur Ndayizeye qu’il était accepté à titre de stagiaire postdoctoral dans son laboratoire. Dans une lettre qu’elle écrit le 18 février 2009, elle l’informe qu’il sera conjointement dirigé par elle-même et par le docteur Mourez, également de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, et en quoi consistera son projet et les différents thèmes qu’il devra étudier au cours de son stage.

Objet :  Stage postdoctoral du Docteur Maxime Ndayizeye

 

Cher docteur Ndayizeye,

 

Il me fait plaisir de vous accueillir comme stagiaire postdoctoral dans mon laboratoire. Votre stage consistera à travailler sur un projet de notre équipe approuvé par le CRSNG - stratégique STPGP 364950-08, intitulé Development of diagnostic and preventive strategies to reduce Shiga Toxin E. coli (STEC) food contamination risks, et sera de $36,000 pour un an renouvelable. Notre équipe est formée par Dr Mourez (Université de Montréal, Faculté de médecine vétérinaire), Dre France Daigle (Université de Montréal, Faculté de médecine) et moi-même (Dre Harel).

Vous serez accueilli dans mon laboratoire (Dre Harel). Je fais partie du Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc qui est à la Faculté de médecine vétérinaire. La Faculté de médecine vétérinaire fait partie de l’Université de Montréal mais se retrouve à 60 km du campus de Montréal, dans la ville de Saint-Hyacinthe. Vous serez conjointement dirigé par moi-même et Dr Mourez.

Votre projet portera sur l’étude d’un facteur de bactérien ayant un rôle dans la virulence de souches de Escherichia coli entérohémorrhagiques. Nous avons fait la découverte originale que Paa est impliquée dans le processus infectieux menant aux lésions A/E des EPEC et représente un marqueur de pathogénicité pour plusieurs autres pathotypes de E. coli. Parmi ces derniers, on retrouve les EHEC mais aussi les ETEC qui ne sont pas connues pour induire des lésions A/E et qui ne possèdent pas de SSTT. Une étude plus approfondie sur le mode d’action de Paa permettra d’explorer à quel niveau Paa est impliqué dans la cascade d’évènements menant au phénomène de lésions A/E et quel rôle Paa pourrait jouer dans les autres pathotypes d’E. coli. Concernant l’implication dans l’A/E, nous émettons l’hypothèse que Paa influence l’action de protéines secrétées par le SSTT. Paa pourrait exercer cette influence en affectant la sécrétion et/ou la production des protéines SSTT-dépendantes ou bien en altérant l’assemblage de l’appareil de sécrétion.

 

Le stage consistera à étudier ces différents thèmes :1) l’influence de Paa sur la production et l’expression des protéines SSTT dépendantes 2) Identification de protéines liant Paa 3) Analyse transcriptomique (pour le projet détaillé voir l’annexe). De plus, étant donné votre intérêt en microscopie, il sera possible aussi avec Dr Mourez d’envisager des études sur l’influence de Paa sur le système de sécrétion de type 3 en microscopie électronique et confocale.

 

Votre expertise nous semble requise et adéquate pour mener à bien ce projet de façon autonome et pour contribuer significativement à la rédaction scientifique et à l’activité scientifique du groupe. Nous souhaitons que ce stage soit fructueux et bénéfique pour tous.

 

Josée Harel, Ph.D.

Professeure titulaire

Faculté de médecine vétérinaire

Université de Montréal

 

 

[9]           Le 1er avril 2009, monsieur Ndayizeye signe le « Formulaire d’inscription-stagiaire postdoctoral » de l’Université de Montréal de la Faculté des études supérieures, pour un stage d’un an à la Faculté de médecine vétérinaire du Groupe de recherches sur les maladies infectieuses du porc (GREMIP), assorti d’une bourse d’un montant annuel de 36 000 $. La docteure Harel, de même que le vice-doyen aux études supérieures signent ce document. Le 1er avril 2010, monsieur Ndayizeye signe un formulaire identique pour la prolongation du stage pour une autre année.

[10]        Il appert de la preuve que la bourse octroyée à monsieur Ndayizeye à titre de stagiaire postdoctoral provient du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), mais que le versement de la bourse est effectué par l’Université de Montréal.

[11]        Monsieur Ndayizeye a acquis la qualité de stagiaire postdoctoral à compter du 1er avril 2009 à l’Université de Montréal.

[12]        L’Université de Montréal possède une « Politique sur le statut des stagiaires postdoctoraux » qui énonce, entre autres, les conditions d’admissibilité en vue de la reconnaissance du statut de stagiaire postdoctoral de même que les avantages liés à ce statut.

[13]        Il appert de ce document que le stagiaire postdoctoral doit être titulaire depuis moins de cinq ans d’un doctorat de recherche ou d’une formation équivalente et effectuer un stage à temps plein d’une durée qui varie de six mois à cinq ans sous la responsabilité d’un professeur d’une unité, soit une faculté ou un département de l’Université de Montréal.

[14]        Le stagiaire possède une carte d’identité de l’Université de Montréal attestant de son statut, valide pour sa période d’inscription, et bénéficie de différents avantages. Il s’agit des avantages accordés aux professeurs et aux étudiants de troisième cycle pour ce qui relève de la Direction des bibliothèques et de la Direction générale des technologies de l’information et de la communication. Il peut assister à des cours et obtenir des crédits à titre d’étudiant libre. Il a également accès à l’ensemble des services offerts par les services aux étudiants et est couvert, au même titre que les autres étudiants, par les polices d’assurance que peut détenir l’Université de Montréal.

[15]        Cette politique précise que le stagiaire reçoit une bourse qui peut provenir de diverses sources et que la faculté est informée de la source, du montant et de la période couverte.

[16]        Au terme du stage, sur recommandation favorable du professeur responsable du stage, la faculté délivre une attestation de stage postdoctoral au stagiaire.

[17]        Monsieur Ndayizeye témoigne sur les objectifs et les conditions d’exercice du stage postdoctoral. Il indique que ce stage permet d’acquérir de l’expérience pour préparer sa carrière académique. Un maximum de cinq ans de stage est permis.

[18]        Pour sa part, il a d’abord obtenu le stage avec bourse à l’Université de Montréal pour une période de un an à compter du 1er avril 2009. Ce stage a été renouvelé le 1er avril 2010 pour une autre année. Toutefois, en raison d’une lésion survenue en cours de stage le 12 mars 2010, il a été informé par courriel de la docteure Harel au mois d’août 2010 qu’il ne pouvait plus poursuivre son stage à l’Université de Montréal et le versement mensuel de la bourse à pris fin. Le motif de fin de stage demeure nébuleux pour monsieur Ndayizeye, car la raison n’apparaît pas au courriel reçu. Même si aucune mention de sa condition physique n’apparaît au courriel, il croit que la docteure Harel a mis fin à son stage en raison de sa blessure à la main gauche qui l’empêchait de bien effectuer les manipulations requises dans son travail au laboratoire.

[19]        La lésion de monsieur Ndayizeye est survenue le 12 mars 2010 alors qu’il a fait une chute sur sa main gauche dans le stationnement de la Faculté de médecine vétérinaire. Il consulte le docteur S. Tohmé le 9 juin 2010, en raison de la persistance de la douleur, qui pose un diagnostic de fracture du scaphoïde gauche. Des traitements de physiothérapie seront par la suite prescrits au travailleur. Le 14 juin 2010, monsieur Ndayizeye présente une réclamation à la CSST en vue de faire reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 12 mars 2010.

[20]        Monsieur Ndayizeye précise que le stage se déroulait dans les laboratoires de microbiologie. Il travaillait sur un projet déterminé par sa directrice de stage, la professeure Harel, et sous sa supervision. C’est elle qui décidait des manipulations à réaliser et des protocoles à utiliser. Comme il travaillait sur des moyens de prévenir une maladie causée par une bactérie, il devait manipuler, selon certains protocoles, des produits chimiques, des matières biologiques, des gaz, des déchets contaminés, etc. Il procédait à l’expérimentation scientifique et collectait des données pour rédiger des rapports et faire avancer la recherche.

[21]        Le stage s’effectuait à temps plein et il n’avait pas d’autre emploi. Son horaire était du lundi au vendredi à raison de huit heures par jour. Cet horaire est établi par la directrice de stage. Il la rencontrait au laboratoire au moins une fois par semaine et le lundi, il y avait une réunion de laboratoire dirigée par la docteure Harel avec l’ensemble des étudiants et des techniciens œuvrant au laboratoire. Monsieur Ndayizeye n’est pas en mesure d’établir s’il avait droit à des vacances au cours du stage, mais ne se rappelle pas précisément s’il en a pris ou s’il a pris deux semaines autorisées par la directrice. Il précise toutefois que s’il devait s’absenter, il demandait la permission à la directrice.

[22]        Monsieur Ndayizeye indique avoir été évalué par la docteure Harel pour son stage, mais ne peut préciser dans quel sens. Il indique qu’il faisait ce qu’on lui demandait. S’il ne travaillait pas correctement, il pouvait se le faire reprocher.

[23]        En cours de stage, il présentait ses données à la docteure Harel et ils les analysaient ensemble pour évaluer les orientations à prendre suivant les résultats afin d’atteindre les objectifs et faire avancer la recherche. S’il y avait des publications en lien avec la recherche, celles-ci étaient réalisées sous la direction de la docteure Harel et son nom apparaissait en premier lieu puisque la recherche émanait de son laboratoire.

[24]        Au cours de son stage, monsieur Ndayizeye avait sous sa supervision des stagiaires de niveau universitaire. Il les encadrait, assurait leur suivi et présentait son rapport à ce sujet à sa directrice de stage.

[25]        Comme il recevait une bourse, il ne cotisait pas à l’assurance chômage ni à la Régie des rentes du Québec, mais indique que cette bourse était imposable.

[26]        La Commission des lésions professionnelles a également entendu en témoignage monsieur Richard Patry, professeur titulaire en linguistique et en traduction, qui occupe le poste de vice-doyen et secrétaire à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal depuis trois ans.

[27]        Monsieur Patry exerce plusieurs tâches dans le cadre de ses fonctions de vice-doyen et secrétaire, mais concernant le dossier des stagiaires postdoctoraux, son travail consiste à autoriser l’inscription et le renouvellement et s’il y a une demande en ce sens, il signe l’attestation de fin de stage.

[28]        Il confirme qu’à l’Université de Montréal, pour avoir accès à un stage postdoctoral, il est essentiel que les stagiaires obtiennent une bourse. Cette bourse peut provenir de différentes sources, soit d’un organisme de l’étranger, d’un grand organisme subventionnaire ou d’un directeur de recherche. Il n’y a pas de financement à même les ressources de l’Université de Montréal.

[29]        Les bourses sont attribuées aux stagiaires, mais les sommes sont versées à la Faculté des études supérieures et postdoctorales, au secteur des bourses, qui, après vérification du respect des critères d’attribution, verse aux stagiaires les montants de la bourse. Ainsi, c’est l’Université de Montréal qui gère et administre la bourse qui provient de différentes sources.

[30]        Monsieur Patry confirme que les stagiaires postdoctoraux ont un statut d’étudiant et les avantages qui y sont associés. Ils sont considérés comme des gens en formation à l’Université de Montréal.

[31]        Monsieur Patry explique la nature du stage postdoctoral et l’origine de la création de ce stage qui s’étend sur une période de trois à cinq ans. Il indique que dans les années quatre-vingt, le stage fut créé par des organismes subventionnaires majeurs pour répondre aux étudiants qui, après le doctorat, cherchaient à obtenir des emplois de professeur à l’université. Pour briser l’isolement des détenteurs de doctorat qui effectuaient différentes activités chacun de leur côté, le stage a été créé et permet aux étudiants gradués de s’intégrer à la vie étudiante. Par le passé, un détenteur de doctorat pouvait obtenir à deux seules reprises un poste de professeur adjoint pour une période de trois ans à chaque fois après quoi, il était congédié s’il n’avait pas obtenu une agrégation pour une permanence. Pour contrer cet effet, le stage postdoctoral a été créé et permet au détenteur d’un doctorat de développer son savoir-faire et amorcer une carrière dans le corps professoral. Le stage permet, tel que le décrit en ses mots monsieur Patry, d’allonger la piste de décollage d’un détenteur de doctorat. Il sert à faciliter le passage vers un poste de professeur ou de chercheur académique. Le stage varie selon les disciplines, il est de deux à trois ans en sciences sociales et plutôt de cinq ans en sciences de la santé.

[32]        Monsieur Patry témoigne que le stage postdoctoral constitue la voie principale pour devenir membre du corps professoral de l’université, soit à titre de professeur ou de chercheur avec rang académique.

[33]        Sur le déroulement du stage, monsieur Patry témoigne qu’il s’effectue sous la supervision du responsable de stage qui entretient une relation de mentorat académique pour aider le stagiaire à développer et approfondir les connaissances dans la continuité des travaux de son doctorat. Le stagiaire peut proposer un projet et s’il est accepté, le réaliser sous la supervision d’un mentor. Chaque responsable établit avec le stagiaire la façon d’évaluer la progression du stage ou d’atteindre les objectifs fixés. Toutefois, cela demeure très informel, selon monsieur Patry. Il n’y a pas de relevé de notes, ni de diplôme octroyé à la suite du stage postdoctoral. Seule une attestation de fin de stage peut être émise si le stagiaire en fait la demande.

[34]        Selon monsieur Patry, le stage prend fin si le stagiaire accepte un emploi de professeur, opte pour une autre offre de stage ou à l’échéance des cinq ans autorisés. Il ajoute que l’Université de Montréal ne peut cesser de verser la bourse. Toutefois, si pendant le parcours il survient un événement, l’Université de Montréal peut faire une recommandation négative à l’organisme subventionnaire, qui cesse alors de verser la bourse et met ainsi fin au stage.

[35]        Monsieur Patry confirme que la bourse de stage est imposable tant au fédéral qu’au provincial, mais uniquement au fédéral pour les étudiants étrangers.

[36]        Concernant les publications relatives aux données récoltées en cours de stage ou des résultats de la recherche, le stagiaire est tenu au respect des politiques sur la propriété intellectuelle. Il peut cosigner des articles suivant les protocoles propres à chaque faculté et, généralement, il y a entente entre le stagiaire et le directeur de stage à ce sujet.


L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[37]        Le procureur de monsieur Ndayizeye prétend que ce dernier peut bénéficier des prestations prévues à la loi puisqu’il répond aux critères de l’article 10 de la loi, soit qu’il est un étudiant qui effectue un stage non rémunéré sous la responsabilité de l’établissement d’enseignement dans lequel il poursuit ses études.

[38]        Il prétend que les trois premières conditions de l’article 10, soit que monsieur Ndayizeye est un étudiant, qu’il effectue un stage sous la responsabilité d’un établissement d’enseignement, ne pose pas de difficulté et sont difficilement contestables. Il soumet que l’enjeu est de déterminer si la bourse que reçoit monsieur Ndayizeye est une rémunération.

[39]        À son avis, cette aide financière versée sous forme de bourse provient d’une subvention de recherche et est donc versée par un organisme tiers et non pas par l’Université de Montréal. De la sorte, monsieur Ndayizeye n’est pas rémunéré par l’Université de Montréal.

[40]        Puisque les conditions prévues à l’article 10 de la loi sont rencontrées, monsieur Ndayizeye est un étudiant au sens de cette disposition. Il ajoute que la loi ne peut exclure de son champ d’application les stagiaires postdoctoraux qui perçoivent une bourse et ne peut pénaliser les étudiants rémunérés de ceux qui ne le sont pas.

[41]        Subsidiairement, le procureur de monsieur Ndayizeye soumet que ce dernier peut être reconnu comme un travailleur au sens de l’article 7 de la loi.

[42]        Il soumet une décision rendue le 11 octobre 2011 par la Commission des relations du travail[2] dans laquelle il est établi que le statut de salarié est reconnu aux stagiaires postdoctoraux. Monsieur Ndayizeye reçoit, à ce titre, une rémunération. Il effectue une prestation de travail définie par la docteure Harel et il est sous la subordination de cette personne et du docteur Mourez. Il a donc un contrat de travail avec l’Université de Montréal et peut être reconnu comme un travailleur au sens de la loi.

[43]        Pour sa part, le procureur de l’Université de Montréal soumet que le travailleur ne peut se voir reconnaître le statut d’étudiant stagiaire au sens de l’article 10 de la loi. Selon lui, il s’agit d’une exception à la définition de la notion de travailleur et son application doit être circonscrite à l’objectif poursuivi par le législateur.

[44]        Il admet que monsieur Ndayizeye est un étudiant. Toutefois, il estime que celui-ci n’effectuait pas un stage au sens de l’article 10. D’abord, il soumet que le tribunal n’est pas lié par la qualification retenue par les parties dans leur relation qui reconnaît la qualité de stagiaire postdoctoral à monsieur Ndayizeye.

[45]        Il rappelle que la notion de stage n’est pas définie à la loi et que dans l’affaire Lavoie et Cégep de Rimouski[3], le tribunal a interprété l’article 10 de la loi et conclut que le stage doit se dérouler dans un véritable contexte de travail et pour le compte d’un employeur.

[46]        Or, selon l’Université de Montréal, les activités de monsieur Ndayizeye constituent une formation pour son seul bénéfice personnel. Il s’agit de la phase finale de sa formation académique. Le stage postdoctoral est un passage quasi obligatoire avant de joindre le corps professoral.

[47]        Il soumet de la jurisprudence de la Commission des relations du travail[4] où il est mentionné que les stagiaires postdoctoraux poursuivent une formation nécessaire, ne travaillent pas pour l’Université de Montréal et se forment à des fins personnelles. Ainsi, le stage n’est pas effectué pour le compte d’un employeur.

[48]        Il soumet également qu’il n’y a pas de véritable contexte de travail pour le stagiaire postdoctoral. Il ne reçoit pas de salaire de l’Université de Montréal, est détenteur d’une bourse d’études, a la liberté d’explorer différents thèmes, n’est pas évalué, n’a pas de congés, ne cotise pas à l’assurance chômage ni à la Régie des rentes du Québec, est exempt d’impôt provincial dans certains cas, possède les mêmes privilèges que les étudiants et est membre d’une association étudiante et considéré par l’Université de Montréal comme un étudiant en formation. Ces éléments démontrent, selon le procureur de l’Université de Montréal, que le stage ne se déroule pas dans un véritable contexte de travail.

[49]        Subsidiairement, il soumet que monsieur Ndayizeye ne peut se voir reconnaître le statut de travailleur suivant les dispositions de l’article 7 et de l’article 2 de la loi. Bien que monsieur Ndayizeye soit une personne physique, il n’exécute pas un travail pour un employeur. Il rappelle que celui-ci poursuit des activités académiques à des fins personnelles et non pour l’Université de Montréal. La nécessité du stage est de compléter sa formation. Il est d’ailleurs considéré en période de formation. Il soumet une décision de la Cour canadienne de l’impôt[5] qui discute du fait que le stage postdoctoral a pour but la formation personnelle.

[50]        Il soumet également que monsieur Ndayizeye ne reçoit pas de rémunération de la part de l’Université de Montréal. Il est plutôt détenteur d’une bourse et l’Université de Montréal n’a aucun contrôle sur cette bourse. Il soumet également que dans l’affaire Syndicat des professionnelles et des professionnels du gouvernement du Québec[6], il est indiqué que madame Forouzan a une bourse d’études et qu’elle ne bénéficie ni ne participe aux avantages sociaux que l’employeur offre à ses employés réguliers. Il rappelle qu’en l’espèce, l’aide financière que reçoit monsieur Ndayizeye constitue des sommes qui ne sont pas imputées d’aucune contribution aux programmes sociaux. Il ajoute également que suivant les propos de la Cour suprême[7], il ne peut y avoir de contrat de travail en l’absence d’entente sur la rémunération. Monsieur Ndayizeye a effectué des démarches auprès du CRNSG. Il s’agit donc d’une bourse et non d’une rémunération.

[51]        Le procureur de l’Université de Montréal soumet également que monsieur Ndayizeye n’a pas de contrat de travail ou d’apprentissage avec l’Université de Montréal.

[52]        Il réfère à l’article 2085 du Code civil du Québec[8], dont la définition du contrat de travail contient des éléments qui recoupent ceux de la définition de travailleur prévue à l’article 2 de la loi. Il ne retrouve pas de lien de subordination en l’espèce, puisqu’il y a peu de pouvoirs de direction et de contrôle de l’Université de Montréal sur les activités académiques de monsieur Ndayizeye. Il convient que celui-ci est encadré par la docteure Harel dans le cadre du stage, mais il s’agit davantage d’une relation enseignant-étudiant. Il estime normal qu’un certain niveau d’encadrement soit dispensé par la docteure Harel afin de développer le savoir-faire et le raisonnement intellectuel de monsieur Ndayizeye. Il ne s’agit pas d’un contrat de travail ni d’apprentissage. À ce sujet, il reprend les propos de l’affaire Naghash[9] qui fait état de la durée indéterminée du stage qui n’est pas dictée par le degré de formation, mais par le marché de l’emploi. Il ne s’agit donc pas d’une formation aux fins de l’établissement et il y a absence de rémunération. Il s’agit d’un stage à des fins personnelles.

L’AVIS DES MEMBRES

[53]        Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que les éléments de la preuve permettent de reconnaître que monsieur Ndayizeye est un travailleur au sens de la loi. Ils estiment qu’il n’y a pas lieu de considérer les dispositions de l’article 10 de la loi, puisque monsieur Ndayizeye n’effectuait pas un stage non rémunéré, car la bourse qu’il recevait en contrepartie de sa prestation de travail constitue une rémunération. La prépondérance de la preuve permet d’établir que les critères de la notion de travailleur, telle que définie à l’article 2 de la loi sont rencontrés en l’espèce. Monsieur Ndayizeye effectuait une prestation de travail pour la docteure Harel à l’intérieur de son équipe de recherche, il recevait une rémunération sous forme de bourse en contrepartie de sa prestation de travail et effectuait la recherche sous la subordination de la docteure Harel. Tous les éléments de la définition de la notion de travailleur et du contrat de travail étant démontrés, le dossier doit être retourné à la CSST pour analyse de l’admissibilité de la réclamation présentée par monsieur Ndayizeye.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[54]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la présente loi s’applique à monsieur Ndayizeye.

[55]        Pour solutionner le présent litige, il y a lieu de considérer les dispositions des articles 7 et 10 de la loi qui identifient les personnes à qui s’applique la loi de même que la définition de la notion de travailleur prévue à l’article 2 de la loi :

7. La présente loi s'applique au travailleur victime d'un accident du travail survenu au Québec ou d'une maladie professionnelle contractée au Québec et dont l'employeur a un établissement au Québec lorsque l'accident survient ou la maladie est contractée.

__________

1985, c. 6, a. 7; 1996, c. 70, a. 1.

 

 

 

10. Sous réserve du paragraphe 4° de l'article 11, est considéré un travailleur à l'emploi de l'établissement d'enseignement dans lequel il poursuit ses études ou, si cet établissement relève d'une commission scolaire, de cette dernière, l'étudiant qui, sous la responsabilité de cet établissement, effectue un stage non rémunéré dans un établissement ou un autre étudiant, dans les cas déterminés par règlement.

__________

1985, c. 6, a. 10; 1992, c. 68, a. 157; 2001, c. 44, a. 24.

 

 

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 « travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion:

 


1° du domestique;

 

2° de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;

 

3° de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;

 

4° du dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale;

 

5° de la personne physique lorsqu’elle agit à titre de ressource de type familial ou de ressource intermédiaire;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[56]        Il y a également lieu de considérer les dispositions de l’article 2085 du Code civil du Québec :

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

___________

1991, c. 64, a. 2085.

 

 

[57]        Le contexte de l’exercice à réaliser pour solutionner le présent litige est celui de l'interprétation d’une loi d’ordre public dont l’objectif est celui de la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qui en résultent et où les parties ne peuvent réduire la portée de la loi par convention, par entente ou par contrat.

[58]        Après étude de l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles conclut que les faits de la présente affaire établissent de façon prépondérante que les critères énoncés à l’article 10 de la loi ne sont pas rencontrés, mais que ceux prévus à la définition de travailleur sont démontrés et que la loi s’applique à monsieur Ndayizeye qui doit se voir reconnaître le statut de travailleur au sens de l’article 2 de la loi.

[59]        Le procureur de l’Université de Montréal soumet que la notion d’étudiant prévue à l’article 10 de la loi constitue une exception et que sa portée doit être analysée de façon restrictive. Le tribunal est plutôt d’avis que cette disposition décrit une des autres catégories de personnes, qui peuvent être considérées comme des travailleurs à certaines conditions.

[60]        D’ailleurs, d’autres articles de la loi permettent de constater que le législateur a étendu la protection qu’offre la loi en considérant d’autres catégories de personnes comme des travailleurs. En effet, non seulement l’étudiant visé à l’article 10 est-il inclus dans la population visée par la loi, mais aussi le travailleur autonome, le bénévole qui travaille sans rémunération et le camelot, pour ne nommer que ceux-là.

[61]        Il ne s’agit pas d’appliquer ces dispositions de façon restrictive en les considérant comme des exceptions, mais simplement de vérifier si leurs critères sont rencontrés pour qu’elles trouvent application.

[62]        L’objet de la loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qui en résultent. Ces lésions peuvent toucher tous ceux qui exécutent une prestation de travail ou sont présents dans un même lieu de travail, sans distinction de statut ou de titre. Ainsi, l’objet de la loi s’accorde avec cet élargissement édicté par le législateur qui dépasse le cadre traditionnel de la définition de la notion de travailleur qui réfère au seul salarié.

[63]        Les deux parties font valoir que monsieur Ndayizeye possède le statut d’étudiant. Toutefois, le tribunal n’est pas lié par le statut que reconnaissent les parties. Dans le cas de l’application d’une loi d’ordre public, il appartient à la CSST et ultimement à la Commission des lésions professionnelles de déterminer ce statut.

[64]        Quoi qu’il en soit, pour être reconnu étudiant au sens de l’article 10 de la loi, monsieur Ndayizeye doit satisfaire toutes les conditions énumérées à cet article.

[65]        Pour les motifs qui seront exposés plus loin, le tribunal conclut que monsieur Ndayizeye ne peut être considéré comme un étudiant effectuant un stage non rémunéré. La bourse dont il bénéficie à titre de stagiaire postdoctoral constitue une rémunération et, de la sorte, une des conditions énumérées à l’article 10 de la loi n’est pas satisfaite et cette disposition ne peut trouver application en l’espèce. Il n’est donc pas utile de se pencher sur l’existence des autres conditions énumérées à cet article, puisque le débat ne serait alors que théorique.

[66]        Par ailleurs, les éléments de la preuve permettent d’établir que monsieur Ndayizeye peut se voir reconnaître le statut de travailleur au sens de l’article 2 de la loi.

[67]        La notion de travailleur fait référence à celle du contrat de travail qui n’est pas définie à la loi. Toutefois, la notion du contrat de travail est définie à l’article 2085 du Code civil du Québec .

[68]        Il ressort de ces dispositions législatives que la personne qui veut être reconnue comme un travailleur au sens de la loi doit démontrer qu’elle est une personne physique, qu’elle exécute un travail pour un employeur, et ce, moyennant une rémunération en vertu d’un contrat de travail. Par ailleurs, pour reconnaître qu’il y a existence d’un contrat de travail, il doit être démontré que la personne effectue un travail moyennant rémunération sous la direction ou le contrôle d’une autre personne.

[69]        La définition de la notion de travailleur prévue à la loi exprime ainsi l’essence même de la définition du contrat de travail prévu à l’article 2085 du Code civil du Québec . En effet, il y a des recoupements dans ces définitions puisque chacune réfère à la notion de personne physique, de prestation de travail et de rémunération. La question du lien de subordination sous la forme de la direction ou du contrôle d’une autre personne est plus explicitement posée dans la définition du contrat de travail prévue à l’article 2085 du Code civil du Québec.

[70]        Puisque la loi réfère à la notion de contrat de travail, la jurisprudence du tribunal s’est inspirée des notions développées en droit du travail pour pouvoir déterminer l’existence d’un contrat de travail. Cette notion de contrat de travail fait aussi l’objet d’un important corpus jurisprudentiel en droit du travail qui a analysé les éléments essentiels constitutifs du contrat de travail, soit la prestation de travail, la rémunération et le lien de subordination.

[71]        Dans l’analyse de la notion de travailleur, il doit d’abord être démontré qu’il s’agit d’une personne physique. Cette notion recoupe celle de personne mentionnée à la définition du contrat de travail au Code civil du Québec. Or, ce critère ne pose pas de problème en l’espèce puisque monsieur Ndayizeye est une personne physique et cet élément n’est pas remis en question.

[72]        Le deuxième critère de la notion de travailleur prévue à la loi est celui de l’éxécution par la personne d’un travail pour un employeur. Cette notion recoupe également celle prévue à la définition du contrat de travail du Code civil du Québec qui réfère à une prestation de travail.

[73]        La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve démontre que monsieur Ndayizeye exécute un travail pour un employeur.

[74]        L’Université de Montréal soutient que le stagiaire postdoctoral qui effectue de la recherche à l’université réalise des activités académiques pour ses fins personnelles et non pour le compte d’un employeur.

[75]        Cet argument amène le tribunal à examiner le cadre dans lequel monsieur Ndayizeye exerce ses activités de stagiaire postdoctoral.

[76]        Le procureur de l’Université de Montréal soumet une décision rendue par la Commission des relations du travail en 2003 dans l’affaire Syndicat des professionnelles et des professionnels du gouvernement du Québec[10], qui retient que la stagiaire qui bénéficiait d’une bourse postdoctorale qui lui permettait de compléter une formation académique afin d’atteindre le statut de chercheuse de carrière, ne travaillait pas pour un employeur, mais pour ses fins personnelles :

Le statut de Elham Forouzan est différent. Elle est bénéficiaire d’une bourse postdoctorale. Cette bourse lui permet de compléter une formation académique afin d’atteindre le statut de chercheuse de carrière. Cette formation est aussi nécessaire que celle menant à l’obtention d’un doctorat ou d’une maîtrise. Les conditions d’éligibilité, l’octroi de la bourse et le contrat signé avec le Centre font tous état d’une « formation » […]. Elham Forouzan ne travaille pas pour un employeur moyennant rémunération, mais pour ses propres fins personnelles : elle se forme. Elle a une bourse d’études.

 

 

[77]        Monsieur Ndayizeye, à titre de stagiaire postdoctoral, a signé un engagement avec l’Université de Montréal pour effectuer de la recherche dans le laboratoire de la docteure Harel en contrepartie d’une bourse.

[78]        Monsieur Ndayizeye participait à une recherche élaborée par un professeur de l’Université de Montréal. Tel qu’il appert de la lettre du 18 février 2009 signée par la docteure Harel, le stage consistait pour monsieur Ndayizeye à travailler sur un projet de son équipe approuvé par le CRSNG et l’objet de l’étude est expliqué de même que les thèmes qui seront étudiés. La docteure Harel termine sa lettre en mentionnant que l’expertise de monsieur Ndayizeye, qui semble requise et adéquate, sera une contribution significative à la rédaction et à l’activité scientifique du groupe.

[79]        L’activité principale de monsieur Ndayizeye était donc celle d’un chercheur et non celle d’un étudiant, car il n’était pas inscrit à des cours et ne visait pas l’obtention d’un diplôme.

[80]        En regard de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir, tel que le prétend le procureur de l’Université de Montréal, que monsieur Ndayizeye effectuait des activités uniquement pour son bénéfice personnel et non un travail pour un employeur.

[81]        Le vice-doyen et secrétaire de la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal a témoigné que le stage postdoctoral constitue une formation additionnelle visant à développer le savoir-faire et amorcer une carrière professorale ou de recherche académique. À l’intérieur du stage, le stagiaire peut participer à l’enseignement.

[82]        Le vice-doyen mentionne également que le stagiaire peut participer à des publications à l’intérieur d’un groupe dans la mesure où elles se conforment aux politiques sur la propriété intellectuelle.

[83]        La Commission des lésions professionnelles estime que ce n’est parce que le doctorant doit nécessairement passer par l’étape du stage postdoctoral pour accéder à une carrière professorale ou de recherche académique que les activités qu’il réalise dans le cadre de son stage ne sont pas réalisées pour le compte d’un employeur.

[84]        En l’espèce, monsieur Ndayizeye, en effectuant de la recherche, participait activement, au cours de son stage, à l’une des facettes de l’entreprise qu’est l’Université de Montréal, soit la recherche universitaire.

[85]        La question de la propriété de l’entreprise de recherche et celle du statut de certaines personnes prenant part à des travaux de recherche au sein d’une université ont fait l’objet d’analyses par le tribunal du travail et la Commission des relations du travail, tel que le soulignait récemment la Commission des relations du travail dans l’affaire Syndicat des postdoctorants[11], soumise par le procureur de monsieur Ndayizeye.

[86]        Dans cette affaire, le juge administratif Cloutier retient qu’il est difficile de concevoir que le stagiaire postdoctoral participe à l’entreprise de recherche et de création qu’est l’UQAM, pour son propre compte.

[87]        Avant de conclure en ce sens, il rappelle que la jurisprudence a conclu que la recherche universitaire est une entreprise de l’université, citant trois affaires[12] où le tribunal devait déterminer de qui les assistants de recherche étaient les salariés, de l’université ou des professeurs chercheurs.

[88]        Certes, le stage postdoctoral vise l’acquisition d’une expertise de recherche plus spécialisée ou complémentaire pour le stagiaire, mais celui-ci représente une importante ressource intellectuelle qui joue un rôle essentiel dans la réalisation et le développement des activités de recherche et d’enseignement de l’université.

[89]        Monsieur Ndayizeye effectue un travail de recherche dans le cadre de la recherche universitaire qui est une des facette de la mission de l’Université de Montréal. Son rôle est de faire avancer la recherche sur un point déterminé par la docteure Harel en travaillant à atteindre les objectifs fixés par cette dernière, et ce, sous sa responsabilité.

[90]        La contribution de l’expertise de monsieur Ndayizeye dans la recherche de l’équipe de la docteure Harel a été soulignée par celle-ci dans sa lettre du 18 février 2009 lorsqu’elle mentionne sa contribution significative à la rédaction scientifique et à l’activité scientifique du groupe. En mettant ses capacités physiques et intellectuelles au service de l’Université de Montréal et en s’intégrant à l’équipe de recherche, monsieur Ndayizeye participait au rayonnement de l’équipe de recherche et à la diffusion des connaissances

[91]        Ainsi, le rôle de monsieur Ndayizeye au sein de l’équipe de la docteure Harel apportait une contribution à l’avancement des connaissances sur l’étude d’un facteur bactérien, participait au rayonnement de l’équipe et contribuait à la formation d’étudiants puisque monsieur Ndayizeye a supervisé des stagiaires au cours de son stage.

[92]        Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve démontre que monsieur Ndayizeye effectuait un travail non pas pour son propre compte, mais pour la recherche universitaire qui est une entreprise de l’Université de Montréal.

[93]        La définition de travailleur prévue à la loi implique la présence d’une rémunération. Ce critère est également présent à la définition du contrat de travail prévu au Code civil du Québec.

[94]        En l’espèce, monsieur Ndayizeye reçoit une bourse en contrepartie de sa prestation de travail. La preuve démontre que cette bourse lui est versée et est administrée par l’Université de Montréal, mais provient d’une source extérieure à l’université, soit le CRSNG.

[95]        Il s’agit donc de déterminer si le montant de la bourse octroyée à monsieur Ndayizeye constitue une rémunération.

[96]        Tel que le soumet le procureur de l’Université de Montréal, le Dictionnaire de droit québécois et canadien[13], définit ainsi la notion de rémunération :

Rétribution versée en espèces ou en nature à une personne en contrepartie d’un travail qu’elle a accompli ou d’un service qu’elle a rendu.

 

 

[97]        Tel que le soutiennent les auteurs de l’ouvrage Le droit du travail par ses sources[14], la rémunération peut comprendre le salaire direct ou tout autre avantage monétaire.

[98]        La rémunération est donc une notion plus large que le salaire. Elle a trait à la contrepartie consentie en raison du travail exécuté.

[99]        La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a affirmé à de nombreuses reprises que la rémunération peut prendre différentes formes et il n’est pas nécessaire qu’elle consiste uniquement en un salaire périodique. Ainsi, furent reconnus à titre de rémunération en contrepartie d’un travail, le remboursement d’une dette[15], le paiement d’un loyer[16], du carburant[17], du bois pour un poêle[18], l’utilisation d’une voiture[19] et des billets de spectacle[20], pour ne nommer que ceux-là.

[100]     Ainsi, tant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles que la Commission des lésions professionnelles ont interprété largement la notion de rémunération. C’est aussi ce que rappelle les auteurs dans l’ouvrage Le droit du travail du Québec[21] :

La jurisprudence a toujours interprété largement la notion de rémunération eu égard à la forme qu’elle pouvait prendre.

 

 

[101]     Récemment, la Commission des relations du travail[22] a retenu que la notion de rémunération avait une portée très large :

[…]

 

[91]      Le Code ne donne pas de définition du mot « rémunération ». Selon la jurisprudence, la portée de ce mot est très large et couvre tout revenu découlant de l’exécution d’un travail (Pétroles inc. c. Le Syndicat international des travailleurs des industries pétrolières, chimiques et atomiques, (1979) T.T. 209).

 

[92]      Les stagiaires postdoctoraux reçoivent une bourse pour le travail qu’ils effectuent dans le cadre du projet de recherche d’un professeur. Le terme rémunération est de portée suffisamment large pour que cette bourse soit considérée une rémunération au sens du Code.

 

[…]

 

 

[102]     Le procureur de l’Université de Montréal soumet que la doctrine et la jurisprudence établissent que la source de la rémunération doit provenir d’un employeur afin de pouvoir la qualifier de rémunération. Or, comme la bourse de monsieur Ndayizeye provient du CRSNG, organisme extérieur à l’université, celle-ci ne peut constituer une rémunération.

[103]     Tant la jurisprudence du tribunal que celle en droit du travail[23] retiennent que la forme de la rémunération ainsi que les modalités de son versement ne sont pas des éléments déterminants pour conclure à son existence.

[104]     À ce sujet, la Cour suprême du Canada, qui a analysé, dans l’affaire Ville de Pointe-Claire et Tribunal du travail du Québec[24], l’existence d’une rémunération pour déterminer l’existence d’un contrat de travail, a exprimé que le fait que la rémunération soit versée par un intermédiaire n’avait pas d’incidence sur la reconnaissance d’un des éléments constitutifs du contrat de travail, sauf pour déterminer quel est le véritable employeur. Or, ici, nul ne peut prétendre sérieusement que le CRSNG est l’employeur de monsieur Ndayizeye.

[105]     Également, un parallèle peut être établi avec les propos de la Cour d’appel[25] qui a confirmé une décision du Tribunal du travail qui déterminait que le fait qu’un employeur défraie la rémunération à même des subventions gouvernementales reçues à cette fin n’avait pas pour conséquence d’affecter l’existence d’un contrat de travail. Ainsi, l’origine de la rémunération n’est pas un élément déterminant pour conclure à son existence.

[106]     D’ailleurs, le fait qu’un stagiaire postdoctoral reçoive une bourse qui vient du Fonds de recherche que gère l’UQAM, n’a pas été un élément suffisant pour empêcher la Commission des relations du travail[26] de conclure qu’il s’agissait d’une rémunération et que l’UQAM était l’employeur des stagiaires postdoctoraux.

[107]     Le procureur de l’Université de Montréal, s’en tient aux propos de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Naghash[27], rendue en 2005, et à ceux de la Commission des relations du travail dans l’affaire Syndicat des professionnelles et des professionnels du gouvernement du Québec[28], rendue en 2003, voulant que la bourse ne constitue pas une rémunération. Toutefois, il ne commente pas la récente décision rendue par la Commission des relations du travail[29], en 2011, et déposée par le procureur de monsieur Ndayizeye qui conclut plutôt que la bourse versée aux stagiaires postdoctoraux constitue une rémunération.

[108]     La Commission des lésions professionnelles constate que dans cette dernière affaire, la position de la Commission des relations du travail s’accorde avec le courant jurisprudentiel qui interprète de façon très large la notion de rémunération.

[109]     Le procureur de l’Université de Montréal soumet également que l’absence de retenues à la source en vertu des lois fiscales est un élément à considérer pour conclure que la bourse n’équivaut pas à une rémunération.

[110]     Cet argument doit être écarté puisque la jurisprudence[30] a établi qu’il ne s’agissait pas d’un critère déterminant pour établir le lien juridique ni l’existence d’un contrat de travail ou pour établir le statut d’une personne. La jurisprudence fonde son analyse sur le fait que les lois fiscales et les lois du travail ont des concepts, des définitions et des objectifs fondamentalement différents.

[111]     Finalement, le procureur de l’Université de Montréal soumet que la Cour suprême, dans l’affaire Isidore Garon ltée[31], précise qu’il doit exister une entente entre les parties sur la rémunération puisque l’entente sur les conditions est un élément essentiel à la conclusion du contrat de travail.

[112]     Cet argument ne peut être retenu pour conclure à l’absence de rémunération. Bien que le contrat naît d’un accord de volonté, l’entente nécessaire à la conclusion d’un contrat peut prendre différentes formes, tel un contrat de gré à gré ou un contrat d’adhésion. Monsieur Ndayizeye a signé le formulaire d’inscription du stagiaire postdoctoral dans lequel il est précisé le montant annuel de la bourse qu’il reçoit en contrepartie de sa prestation de travail et du respect des politiques et règlements de l’université.

[113]     Ces éléments amènent la Commission des lésions professionnelles à conclure que la bourse que recevait monsieur Ndayizeye doit être considérée comme répondant à la notion de rémunération.

[114]     Puisque la Commission des lésions professionnelles conclut en l’espèce que monsieur Ndayizeye a démontré qu’il est une personne qui effectuait une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération, il reste à déterminer s’il a été démontré l’autre élément du contrat de travail, soit l’existence d’un lien de subordination.

[115]     Ce critère présent à la définition du contrat de travail à l’article 2085 du Code civil du Québec a été jugé non seulement essentiel, mais déterminant par la Cour suprême dans l’affaire Cabiakman c. Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie[32] pour conclure à l’existence du contrat de travail.

[116]     L’abondante jurisprudence qui porte sur la notion de subordination a évolué au fil du temps. La notion de subordination juridique au sens « classique » développée en droit civil se rapporte à la surveillance et au contrôle immédiat quant à la façon d’exécuter le travail. Cette conception a fait place à la notion de subordination juridique au sens large, qui se rapporte davantage aux modalités d’exécution et de l’encadrement du travail.

[117]     Ainsi, la notion de subordination juridique s’analyse maintenant de manière plus souple et permet de prendre en considération les nouvelles réalités du monde du travail.

[118]     Dans l’ouvrage Droit du travail[33], les auteurs écrivent à ce sujet :

Dans son ensemble, le critère de l’application du droit du travail actuellement retenu semble bien celui de la subordination juridique entendue souplement et se manifestant extérieurement par l’acceptation d’un certain cadre de travail. Il traduit bien la diversité possible des formes actuelles de rattachement à l’entreprise d’autrui : il y a autonomie, souvent, dans l’exécution du travail résultant du haut degré d’aptitude ou de savoir requis pour l’accomplir, mais aussi assujettissement à un ultime pouvoir de direction inhérent à cette entreprise. Elle définit le statut du salarié, comme elle désigne son employeur.

 

 

[119]     Cette souplesse dans l’analyse de la notion de subordination s’accorde avec le libellé de l’article 2085 du Code civil du Québec adopté en 1994 qui mentionne les termes « sous la direction ou le contrôle d’une autre personne » et qui appelle une conception réaliste et adaptée à la diversité des différents types de prestation de travail. Une approche trop rigoureuse de la relation d’emploi risque de s’éloigner de la réalité contemporaine du monde du travail. Ceci est bien illustré par la professeure Marie-France Bich, maintenant juge à la Cour d’appel, dans un texte[34] portant sur la réforme du Code civil du Québec :

26. Le type de contrôle exercé en pratique par l’employeur tend cependant à changer avec l’élévation du degré de spécialisation ou de savoir requis du salarié, tout comme il change avec l’élévation du niveau hiérarchique de l’emploi : par exemple, on imagine mal le recteur d’une université, incarnation du pouvoir universitaire patronal, dicter à chaque professeur la façon de donner ses cours ou celle de mener ses recherches, pas plus que l’on imagine un conseil d’administration indiquer quotidiennement au président d’une compagnie (sauf exception) la façon de mener la barque corporative. De même, il existe une foule d’emplois dont l’exercice requiert une latitude professionnelle assez grande, qui croît souvent avec l’expérience : pensons aux avocats et aux avocates qui oeuvrent en cabinet privé, à titre salarié, ou dans un contentieux d’entreprise, aux gestionnaires de niveau supérieur ou aux spécialistes d’une discipline de haut savoir (pharmacie, informatique, génie, etc.) ou même aux détenteurs de certains type de vendeurs dont la fonction s’accommode mal d’un contrôle étroit. Dans ces cas-là, le pouvoir de direction et de contrôle s’incarne plutôt dans une faculté de vérification et d’évaluation du travail fait. Comme l’écrivent Gagnon, LeBel et Verge, le pouvoir de contrôle, en pareil cas, « porte non pas sur la façon d’exécuter le travail, mais plutôt sur la régularité de son accomplissement, comme sur la qualité de son exécution27 ». L’employeur, qui définit le cadre général de l’emploi, conserve toujours le pouvoir théorique de donner des directives plus précises mais n’exerce généralement pas cette faculté.

__________

27             Robert GAGNON, Louis LEBEL, Pierre VERGE, Droit du travail, 2e éd., Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1991, p.11.

 

 

[120]     Ainsi, l’analyse de ce critère doit porter sur les conditions concrètes d’exécution d’un travail dans un contexte donné et doit se faire avec souplesse. Les auteurs de l’ouvrage Le droit de l’emploi au Québec[35] mentionnent :

En effet, la relation d’emploi exige la présence active d’une personne et sa disponibilité professionnelle en vue de l’exécution de tâches demandées par l’autre, sous l’autorité de laquelle elle se place. Si nous devons utiliser le contrat pour qualifier la dimension juridique de ce rapport, nous devons le faire avec souplesse et éviter les rigueurs technicistes susceptibles autrement d’étouffer la réalité factuelle de cette liaison qu’occupe la personne même du salarié, objet principal de l’opération et premier sujet du droit de l’emploi.

 

 

[121]     La jurisprudence traite généralement des cas d’espèce et il ressort que l’analyse est toujours multifactorielle. Des critères généraux sont généralement considérés, mais ils sont également modulés par différents indices qui sont propres à chaque dossier.

[122]     C’est aussi par le lien de subordination que le contrat de travail se distingue notamment du contrat d’entreprise.

[123]     Considérant que la loi prévoit la définition du travailleur et celle du travailleur autonome, le critère de la subordination a largement été analysé par la jurisprudence du tribunal pour distinguer ces deux catégories de travailleurs.

[124]     La jurisprudence retient que c’est par la qualification du contrat intervenu entre les parties que le statut de travailleur ou de travailleur autonome doit être déterminé. S’inspirant de la jurisprudence émanant du droit du travail et de notions de contrat de travail ou contrat d’entreprise ou de services contenues au Code civil du Québec, la jurisprudence[36] du tribunal détermine l’existence d’un contrat de louage de services personnels ou d’un contrat d’entreprise en examinant dans leur ensemble les critères, sans qu’aucun ne soit en lui-même déterminant. Le lien de subordination juridique, le mode de rémunération, le risque de perte et la possibilité de profits et la propriété de l’équipement sont des critères qui sont examinés.

[125]     Le procureur de l’Université de Montréal soumet la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Bédard et Coifferie des bouleaux[37], qui énumère différents critères à considérer pour évaluer le contrat de travail et le lien de subordination.

[126]     Comme il est mentionné précédemment, les critères à retenir sont modulés par différents indices propres au contexte de chaque cas, et l’analyse est toujours multifactorielle. Le degré de latitude ou d’autonomie dans l’exécution d’un travail est indissociable de la nature des fonctions de l’exécutant qu’il faut analyser.

[127]     En l’espèce, la notion de subordination doit être analysée en regard du contexte particulier qui est celui de la recherche universitaire.

[128]     Monsieur Ndayizeye effectue son travail dans le cadre d’un projet de recherche au sein du département de médecine vétérinaire. Le travail de chercheur, déjà détenteur d’un doctorat dans sa matière, fait appel à un haut degré d’aptitude et de savoir. Tel que mentionné dans la lettre de la docteure Harel, il est déjà reconnu que l’expertise de monsieur Ndayizeye est adéquate pour mener à bien le projet de façon autonome. La nature du travail de chercheur de haut niveau et les commentaires de la docteure Harel permettent de retenir qu’un degré de latitude et d’autonomie prévalait dans l’exécution du travail.

[129]     Dans un tel contexte, l’analyse du critère de la subordination juridique élargi s’évalue non pas au seul pouvoir de donner des ordres sur le travail à effectuer et la façon de le faire, mais également au pouvoir de surveiller, encadrer ou contrôler l’accomplissement du travail et d’en vérifier les résultats.

[130]     Le procureur de l’Université de Montréal fait ressortir l’absence de pouvoir disciplinaire, l’absence d’évaluation du rendement, l’absence de contrôle des absences, l’absence de contrôle sur les sommes perçues et le fait que l’Université de Montréal ne fixe pas les conditions des boursiers postdoctoraux, sans préciser, pour ce dernier critère, s’il s’agit des conditions de nature purement économique.

[131]     Il est vrai que ces éléments ne sont pas présents en l’espèce. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve prépondérante démontre la présence d’un lien de subordination entre monsieur Ndayizeye et l’Université de Montréal.

[132]     Tel que la Commission des relations du travail le souligne dans l’affaire Syndicat des postdoctorants[38] :

[86]      Il est certain que le travail que les stagiaires postdoctoraux effectuent est de nature professionnelle où la supervision et l’encadrement sont réduits. Cette situation ne change cependant rien à leur statut. Pour reprendre le test posé par le Tribunal du travail dans l’affaire Gaston Breton c. Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999, 1980 T.T. 471 : « Quand un individu doit personnellement fournir un rendement de façon régulière à la satisfaction d’un autre pendant la durée du contrat, il s’agit d’un louage de services et non d’un louage d’ouvrage. »

 

 

[133]     Monsieur Ndayizeye a signé un engagement pour participer aux travaux de recherche de la docteure Harel. Il a témoigné avoir fourni personnellement la prestation de travail convenue dans la lettre de la docteure Harel. Il a exercé ses tâches à raison de cinq jours par semaine et de huit heures par jour. Il témoigne que cet horaire a été fixé par la docteure Harel.

[134]     Également, la Commission des lésions professionnelles constate que l’article 1.2 b) de la Politique sur le statut des stagiaires postdoctoraux de l’Université de Montréal prévoit que le stage s’effectue à temps plein. Ainsi, le cadre de travail était relativement défini en l’espèce et monsieur Ndayizeye devait s’y conformer.

[135]     Monsieur Ndayizeye a effectué des expérimentations scientifiques dans le laboratoire de la docteure Harel, où il a collecté des données pour rédiger des rapports et faire avancer la recherche à même les équipements et les fournitures du laboratoire. Il a témoigné que la docteure Harel lui a indiqué les manipulations à faire et le protocole à suivre. Il a également témoigné que la docteure Harel lui donnait les directives pour sa recherche, car il travaillait sur son projet à elle. Malgré son statut de chercheur postdoctoral, ce n’est pas lui qui fixait les objectifs de la recherche. D’ailleurs, dans sa lettre du 18 février 2009, la docteure Harel décrit les différents thèmes qui devront être étudiés au cours du stage.

[136]     La Commission des lésions professionnelles estime également que la preuve démontre que la docteure Harel assurait une direction de l’exécution du travail non pas en donnant des directives immédiates, mais plutôt en vérifiant l’avancement de la recherche et l’atteinte des objectifs et en ajustant au besoin la démarche à suivre.

[137]     Monsieur Ndayizeye a admis qu’il n’y avait pas d’évaluation de son travail, mais il devait exécuter ce que lui demandait la docteure Harel dans le but d’obtenir une lettre de référence à la fin du stage. Pour sa part, il estime qu’il a été évalué par la docteure Harel.

[138]     Également, monsieur Ndayizeye rencontrait la docteure Harel au moins une fois par semaine lors des réunions de laboratoire avec toute l’équipe.

[139]     Même s’il n’y avait pas de véritable évaluation de rendement au sens classique du terme, il y avait tout de même vérification des objectifs puisque monsieur Ndayizeye mentionne qu’il présentait ses données à la docteure Harel et qu’ils les analysaient ensemble. S’ils publiaient des données ou des résultats relatifs à la recherche, c’était sous sa direction. Ainsi, la docteure Harel exerçait une supervision du travail.

[140]     De par sa participation aux travaux de recherche, monsieur Ndayizeye apportait sa contribution au rayonnement de l’équipe, tel que souligné par la docteure Harel dans sa lettre du 18 février 2009. C’est elle qui l’a recruté en raison de ses qualités. Elle avait donc un intérêt à assurer un suivi et une supervision du travail exécuté par monsieur Ndayizeye, car la participation de ce dernier s’inscrivait dans le cadre de la recherche qu’elle a mise sur pied. Cette recherche constitue un élément essentiel au rayonnement académique de la professeure Harel.

[141]     Le procureur de l’Université de Montréal, soumet qu’aucun pouvoir de sanction n’a été démontré en l’espèce. Il faut retenir qu’il s’agit ici d’un contexte de travail de recherche de niveau universitaire où le degré de latitude dans l’exécution des fonctions demeure très important et le pouvoir de sanction dans un tel contexte n’a pas la même connotation que dans un milieu de travail conventionnel. On comprend aisément que le pouvoir de sanction s’exerce différemment selon la réalité professionnelle de chaque milieu de travail.

[142]     Quoi qu’il en soit, il n’a pas été possible de vérifier la façon dont ce pouvoir aurait pu être exercé puisqu’il a plutôt été démontré que l’Université de Montréal n’a pas eu à utiliser son pouvoir de sanction envers monsieur Ndayizeye pour des questions d’absences ou de comportement. La Commission des lésions professionnelles retient plutôt de son témoignage qu’il devait demander la permission s’il voulait s’absenter pour des vacances ou des absences d’autres natures, ce qu’il fait.

[143]     Malgré ce qui précède, le travailleur témoigne que c’est la docteure Harel qui lui a signifié par courriel qu’elle mettait fin à sa collaboration dans le cadre de la recherche et qu’il ne pouvait plus poursuivre ses recherches dans son laboratoire après le mois d’août 2010, ce qui a mis fin au versement de la bourse.

[144]     Le tribunal retient de cela que la docteure Harel, en tant que responsable du stage, exerçait un certain contrôle sur monsieur Ndayizeye, car selon la preuve non contredite, c’est elle qui a mis fin au stage de monsieur Ndayizeye alors qu’il avait été renouvelé le 1er avril 2010 pour un an.

[145]     Selon la Politique sur le statut des stagiaires postdoctoraux de l’Université de Montréal, monsieur Ndayizeye était tenu au respect des politiques et des règlements de l’université.

[146]     Dans sa lettre, la docteure Harel parle de son laboratoire et indique que le travailleur sera dirigé par elle et par un autre professeur. Ces mêmes notions sont inscrites à la politique et particulièrement à l’article 1.2 b), qui reconnaît le statut de stagiaire postdoctoral à la personne qui effectue un stage à temps plein sous la responsabilité d’un professeur. À l’article 4 de cette même politique, où il est question de l’accueil des stagiaires, il est mentionné que celui-ci se fait par le professeur responsable du stage.

[147]     Au formulaire d’inscription du stagiaire qui a été signé par monsieur Ndayizeye, la responsable du stage a également apposé sa signature et s’est engagée à payer les frais établis par le service aux étudiants.

[148]     L’Université de Montréal plaide qu’il s’agit davantage d’une relation enseignant-étudiant qui nécessite certains niveaux d’encadrement en vue de développer le savoir-faire et le raisonnement intellectuel.

[149]     Malgré les arguments soulevés par le procureur de l’Université de Montréal, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve prépondérante démontre l’existence d’un lien de subordination entre monsieur Ndayizeye et l’Université de Montréal.

[150]     Considérant l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles conclut que monsieur Ndayizeye est un travailleur au sens de l’article 2 de la loi. Il y a donc lieu de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle se prononce sur le caractère de la lésion subie par monsieur Ndayizeye le 12 mars 2010.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du 5 novembre 2010 de monsieur Maxime Ndayizeye;

INFIRME la décision rendue le 29 septembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Maxime Ndayizeye est un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour analyse de la réclamation pour lésion professionnelle présentée par monsieur Maxime Ndayizeye.

 

 

 

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Francine Juteau

 

 

 

Me Alain P. Lecours

Lecours, Lessard, avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean-François Martin

Dufresne Hébert Comeau

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Syndicat des Post-Doctorants (SPODOQ) Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) et Université du Québec à Montréal, 2011 QCCRT 469, requête en révision pendante CM-2011-6137.

[3]           [1988] C.A.L.P. 367 .

[4]           Syndicat des professionnelles et des professionnels du gouvernement du Québec et Institut Philippe-Pinel, 2003 QCCRT 458.

[5]           Alireza Naghash c. Le ministre du Revenu national et L’University of Alberta, 2005 CCI 694.

[6]           Précitée, note 4.

[7]           Isodore Garon ltée c. Tremblay, Fillion et Frères (1976) inc., 2006 CSC 2 .

[8]           L.R.Q., c. CCQ.

[9]           Précitée, note 5.

[10]         Précitée, note 4.

[11]         Précitée, note 2.

[12]         Syndicat des employés de soutien de l’Université de Sherbrooke c. Université de Sherbrooke, [1993] T.T. 265 ; Université Laval c. Association professionnelle des assistants de recherche en sciences de Québec, [1997] T.T. 567 ; Syndicat des étudiants et étudiantes employé(e)s de l’UQAC c. Université du Québec à Chicoutimi, QCCRT 2008 0384.

[13]         Hubert REID, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, 769 p.

[14]         Pierre VERGE, Gilles TRUDEAU, Guylaine VALLÉE, Montréal, Éditions Thémis, 2006 p.338-350; voir aussi Fernand MORIN, Jean-Yves BRIÈRE, Dominic ROUX, Jean-Pierre VILLAGI, Le droit de l’emploi au Québec, 4e éd. Montréal, Wilson et Lafleur, 2010, p. 413 à 430.

[15]         Covelli et Entretiens LSC enr., C.A.L.P. 82022-60-9608, 14 mai 1997, A. Suicco.

[16]         Les Sacs à main Grand Prix inc. et Leclerc, C.L.P. 179902-71-0203, 18 septembre 2002, R. Langlois.

[17]         Larouche - Harvey et Transport CD 2000, C.L.P. 248873-02-0411, 13 avril 2005, R. Deraiche, (05LP-1).

[18]         Talbot et CSST [2003] C.L.P. 182 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Saint-François, 450-17-000811-035, 30 janvier 2004, j. Boily.

[19]         Précitée note 17.

[20]         Gilbert et Comité de spectacles Thetford Mines inc., C.L.P. 383938-03B-0907, 30 septembre  2010, R. Deraiche.

[21]         6e édition, Robert P. GAGNON, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p.67.

[22]         Précitée, note 2.

[23]         Bureau d’études Archer inc. c. Dessureault, D.T.E. 2007 T-3 (C.A.); Office municipale d’habitation de Montréal c. Brière, D.J.E. 92T-1386 (C.S.); Nadeau et CSST, [2006] C.L.P. 706 .

[24]         Pointe-Claire (Ville de) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1. R.C.S. 1015.

[25]         Maison L’Intégrale inc. c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 313, D.T.E. 94T-959 (T.T., Conf. par [1996] R.J.Q. 859 [1996] J.Q. no 751 (C.A.).

[26]         Précitée, note 2.

[27]         Précitée, note 5.

[28]         Précitée, note 4.

[29]         Précitée, note 2.

[30]         North American Automobile Association Ltd c. Commission des normes du travail du Québec, D.T.E. 93T-429 , (1993) 55 Q.A.C. 212 (C.A.); Commission des normes du travail c. 9002-8515 Québec inc., D.T.E. 2000T-432 (C.S.); Ayotte c.Grégoire, Bégin, Brunet & Associés, D.T.E. 2002T-524 (C.Q.); Construction Chamonay inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), B.E. 2004BE-998 (C.A.).

[31]         Précitée, note 7.

[32]         [2004] 3 R.C.S. 195 .

[33]         Robert GAGNON, Louis LEBEL, Pierre VERGE, Droit du travail, 2e éd., Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1991, p. 14.

[34]         Marie-France BICH, « Le contrat de travail : Code civil du Québec, livre cinquième, titre deuxième, chapitre septième (articles 2085 -2097 C.c.Q.) », dans BARREAU DU QUÉBEC et CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC, La réforme du Code civil : obligations, contrats nommés, t. 2, Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval, 1993, p. 753.

[35]         Précitée, note 14.

[36]         Davila et 9135-7103 Québec inc., [2009] C.L.P. 19 ; Chalet du Boisé Varennes inc. et CSST, [2009] C.L.P. 719 ; Asselin et CSST, [2006] C.L.P. 1237 , révision rejetée, 283133-62-0603, 18 mars 2008, S. Di Pasquale; Nadeau et CSST, [2006] C.L.P. 706 ; Agropur, Coopérative (Division Natrel) c. C.L.P., [2007] C.L.P. 1962 (C.S.), appel rejeté, [2010] C.L.P. 293 (C.A.); Orchestre symphonique de Laval (1983) inc. et CSST, [2002] C.L.P. 632 .

[37]         C.L.P. 177952-31-0202, 16 avril 2002, J.-F. Clément.

[38]         Précitée, note 2.

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