Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Boulard et Aéro mécanique Turcotte inc.

2012 QCCLP 4216

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

5 juillet 2012

 

Région :

Laval

 

Dossier :

467687-61-1204

 

Dossier CSST :

138229471

 

Commissaire :

Philippe Bouvier, juge administratif

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Michelle Desfonds, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Jonathan Boulard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Aéro Mécanique Turcotte inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 4 avril 2012, monsieur Jonathan Boulard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 mars 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues les 16 novembre et 8 décembre 2011. Elle déclare qu’elle est justifiée de suspendre, pour les journées du 6 et du 7 octobre 2011, l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur puisqu’à ces dates il a, sans raison valable, omis de se soumettre aux traitements de physiothérapie prescrits par son médecin.

[3]           La CSST déclare également irrecevable la demande de révision du travailleur du 8 décembre 2011 exigeant le remboursement de la somme de 109,57 $ pour l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur le 3 novembre 2011.

[4]           Une audience s’est tenue à Laval le 8 mai 2012 en présence du travailleur et de son représentant. L’entreprise Aéro Mécanique Turcotte inc. (l’employeur) est représentée par procureure. Le dossier a été pris en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Dans un premier temps, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n’était pas justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour les journées des 6 et 7 octobre 2011.

[6]           Dans un second temps, le travailleur demande de déclarer recevable sa contestation du 25 décembre 2011 à l’égard de la lettre de la CSST du 8 décembre 2011 lui demandant de rembourser la somme de 109,57 $. De fait, il demande au tribunal de considérer sa correspondance du 25 décembre 2011 comme une contestation de la décision de la CSST du 3 novembre 2011 l’informant qu’il n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 3 novembre 2011.

[7]           De fait, le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il a un motif raisonnable pour ne pas avoir contesté dans le délai la décision de la CSST du 3 novembre 2011 et, sur le fond, il demande au tribunal de déclarer qu’il n’a pas à rembourser l’indemnité de remplacement du revenu reçue pour la journée du 3 novembre 2011.

LA PREUVE

[8]           Le travailleur occupe un poste de frigoriste pour le compte de l’employeur. Le 6 juin 2011, il subit un accident du travail lorsqu’il ressent une douleur au dos en voulant remettre en marche un interrupteur alors qu’il se trouve dans un escabeau.

[9]           Dans le cadre de cette lésion professionnelle dont le diagnostic est un étirement musculaire du thorax gauche, le 30 août 2011, le médecin qui a charge prescrit des traitements physiothérapie au travailleur.

[10]        Le travailleur mentionne que le 6 octobre 2011, sans aviser son physiothérapeute ou la CSST, il ne se présente pas à son traitement de physiothérapie. Il explique qu’il avait une importante réunion à la Commission de la construction du Québec (la CCQ) avec son représentant syndical. Il indique que, dès le lendemain, il informe la CSST de son absence de la veille en physiothérapie et qu’il ne pourra également y aller le 7 octobre en raison d’un rendez-vous médical d’ordre personnel.

[11]        Au sujet de ces absences en physiothérapie, la CSST indique dans les notes évolutives du dossier, les commentaires suivants :

- ASPECT MÉDICAL :

Absences 6-7 oct 2011 = > IRR[indemnités de remplacement du revenu] suspendues. Mess. laissé.

 

Appel de T[travailleur] le 17 oct :

 

T rapporte avoir des obligations envers la CCQ ces 2 journées là.

Info T qu’on [sic] contrat clair avait été fait, T doit se présenter à tous ses tx[traitements] sauf si raison valable, citation à comparaître, décès famille, maladie.

Si T n’a pas de document à cet effet, absences non motivées.

T en désaccord. Expliquons processus de contestation.

 

 

[12]        Un mois plus tard, soit le 16 novembre 2011, la CSST rend une décision dans laquelle elle suspend l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur les 6 et 7 octobre 2011 parce qu’il a omis de se soumettre, sans raison valable, aux traitements de physiothérapie prescrits par son médecin traitant. Par ailleurs, dans un avis de paiement daté du 20 octobre 2011 couvrant le versement des indemnités de remplacement du revenu pour la période du 8 octobre au 20 octobre 2011, apparaît la mention suivante :

Récupération d’un trop-versé d’IRR

pour la période du 6 octobre 2011

au 6 octobre 2011                                            -109,57

 

Indemn. suspendue ou réduite suite à une décision rendue

relativement à votre (vos) absence(s)

non motivée(s) à vos traitements.

 

 

[13]        Par ailleurs, dans le cadre du cheminement médical du dossier, la CSST dirige le travailleur vers le docteur Jacques Duranceau, physiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale. Dans son avis du 31 octobre 2011, le docteur Duranceau consolide la lésion professionnelle du travailleur au 19 septembre 2011 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[14]        Dans une décision du 3 novembre 2011, la CSST donne suite à cet avis du Bureau d’évaluation médicale et informe le travailleur qu’il n’a plus le droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 19 septembre 2011. Toutefois, en raison de sa bonne foi, la CSST indique au travailleur qu’il n’aura pas à rembourser l’indemnité de remplacement du revenu reçue entre le 19 septembre et le 2 novembre. La CSST précise cependant que le travailleur doit rembourser un montant de 109,57 $ pour l’indemnité de remplacement du revenu reçue pour la journée du 3 novembre 2011.

[15]        Dans son témoignage, le travailleur explique qu’il a appris par téléphone, le 2 novembre 2011, que la CSST cessait de lui verser des indemnités de remplacement du revenu en raison de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 31 octobre 2011. Il mentionne qu’il n’a jamais reçu la décision de la CSST du 3 novembre 2011 l’informant qu’il devait rembourser la somme de 109,57 $ pour la journée du 3 novembre 2011. Il précise qu’il n’a pas déménagé et qu’il a reçu toutes les autres décisions de la CSST.

[16]        Par ailleurs, le travailleur confirme également avoir reçu la lettre de la CSST du 8 décembre 2011 dans laquelle elle l’informe que le montant de 109,57 $ est maintenant exigible.

L’AVIS DES MEMBRES

[17]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la CSST ne pouvait appliquer l’article 142 de la loi de façon rétroactive en créant un surpayé dans l’avis de paiement du 20 octobre 2011. En conséquence, ils estiment que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 109,57 $. Quant à la question du remboursement de la somme de 109,57 $ pour la journée du 3 novembre 2011, le membre issu des associations d’employeurs considère que la demande du travailleur est irrecevable alors que le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire. Le membre issu des associations syndicales considère que le travailleur n’a pas à rembourser la somme de 109,57 $ puisqu’il était de bonne foi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]        Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 6 octobre 2011. En effet, contrairement à ce que la décision de la CSST du 16 novembre 2011 affirme, la preuve révèle que le litige ne concerne que la seule journée du 6 octobre 2011 et non, en plus, celle du 7 octobre 2011.

[19]        Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’articule autour de l’article 44 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui énonce ce qui suit :

44.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[20]        Par ailleurs, les articles 142 et 143 établissent un cadre à l’intérieur duquel la CSST peut réduire ou suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

143.  La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.

__________

1985, c. 6, a. 143.

 

[21]        L’article 44 de la loi consacre donc le droit du travailleur à recevoir une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi alors que l’article 142 permet à la CSST, dans certaines circonstances, de réduire ou suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu mais non pas de remettre en question le droit du travailleur à cette indemnité.

[22]        Cet article 142 de la loi offre à la CSST la possibilité de remettre en question pour une période donnée ou encore d’amputer le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur afin de le convaincre d’assumer ses obligations à l’égard notamment, de ses traitements, de sa réadaptation ou encore du processus d’évaluation médicale.

[23]        Il s’agit donc d’une mesure incitative puisque l’article 143 de la loi prévoit que la CSST peut payer rétroactivement l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur lorsque la cause justifiant la suspension ou la réduction de l’indemnité n’existe plus. Or, n’eut été de cet article 143 de la loi qui permet à la CSST de rétablir le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, il aurait fallu considérer l’article 142 de la loi comme une mesure punitive visant à sanctionner un travailleur car il n’y aurait pas eu possibilité pour la CSST de payer au travailleur l’indemnité de remplacement du revenu suspendue une fois disparue la cause de suspension.

[24]        Dans cette perspective, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST ne peut appliquer rétroactivement les mesures de réduction ou de suspension prévues à l’article 142 puisqu’une telle façon de faire transforme l’article 142 en une mesure punitive plutôt qu’une mesure incitative. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles écrit dans l’affaire Berkline inc. et Hasler[2] :

[25] L’analyse de la jurisprudence met en évidence une interprétation de l’article 142 qui est bien établie depuis le début des années 1990, selon laquelle la suspension du versement de l’indemnité ne peut avoir d’effet rétroactif parce que ce concept suppose l’existence d’un versement à faire et donc s’oppose à l’idée de la suspension d’une indemnité déjà versée.  On retient également que le pouvoir conféré à la CSST par l’article 142 n’est pas de nature punitive, mais a pour but d’inciter le travailleur à remédier à une des situations visées par cet article6.

 

[26] La Commission des lésions professionnelles comprend que cette interprétation du pouvoir de la CSST peut conduire, dans certaines circonstances, à des résultats pratiques peu satisfaisants mais le présent tribunal estime qu’elle doit être retenue compte tenu du libellé de l’article 142.

____________________

6 Richer et Ville de St-Hubert, [1990] C.A.L.P. 411 ; Fortin et Donohue Norwick inc., [1990] C.A.L.P. 907 ;  Baig et Paris Star Knitting Mills inc., C.A.L.P. 29237-61-9105, 1993-10-12, c. M. Denis;  Marien et Manufacture W.C.I. ltée, C.A.L.P. 22380-63-9010, 1994-06-22, c. A. Archambault;  Labonté et Gestion T.D.S. ltée, C.A.L.P. 82372-09-9609, 1998-03-30, c. C. Bérubé; Choquette et CSST Salaberry, C.L.P. 100635-02-9805, 1998-12-22, c. P. Simard; Catudal et Centre hospitalier Cloutier inc., C.L.P. 119192-04-9906, 1999-09-09, c. G. Marquis;  Villeneuve et Armée du salut Centre services sociaux, C.L.P. 118998-03B-9906; 1999-11-05, c. M. Cusson; Galipeau et Métachimie Canada, C.L.P. 120212-62B-9907, 1999-12-21, c. A. Vaillancourt;  Macisaac industries ltée et Jarmolczuk, C.L.P. 110223-08-9902, 2000-01-12, c. P. Prégent;  Doucet et Produits forestiers Donohue (Girardville), C.L.P. 117417-02-9905, 2000-02-09, c. P. Ringuet;  Fiorino et Paysagiste A & G Porco, C.L.P. 122365-71-9908, 2000-02-15, c. A. Vailancourt; Fournelle et Touchette automobiles ltée, C.L.P. 101878-63-9806, 2000-03-01, c. J. M. Charrette;  Lecavalier et JL de Ball Canada inc., C.L.P. 130641-62B-0001, 2000-05-09, c. N. Blanchard.

 

 

[25]        Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles rappelle que l’avis de paiement du 20 octobre 2011 couvre la période d’indemnisation du 8 au 20 octobre 2011. Le tribunal juge qu’en récupérant dans cet avis de paiement un trop versé d’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 6 octobre 2011 au montant de 109,57 $, la CSST applique de façon rétroactive l’article 142 de la loi.

[26]        En agissant de la sorte, la CSST remet en question le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 6 octobre 2011 ce qu’elle ne peut faire par l’entremise de l’article 142 de la loi puisque cet article affecte le paiement de l’indemnité et non le droit à celle-ci. De plus, la CSST se sert de cet article pour punir rétroactivement le travailleur alors que cet article constitue une mesure incitative.

[27]        En effet, la récupération d’une indemnité de remplacement du revenu implique la privation définitive de cette indemnité alors que la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 142 de la loi s’apparente à une mesure temporaire puisque l’article 143 de la loi permet à la CSST de payer rétroactivement le travailleur. En conséquence, la CSST n’était pas justifiée d’appliquer l’article 142 de la loi.

[28]        Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur doit rembourser la somme de 109,57 $ correspondant à l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 3 novembre 2011. 

[29]        C’est dans une décision du 3 novembre 2011 donnant suite à un avis du Bureau d’évaluation médicale que la CSST décide que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour cette journée. Le travailleur ne conteste pas cette décision, il prétend qu’il ne l’a jamais reçue. Toutefois, il conteste, dans le délai, la décision du 8 décembre 2011 dans laquelle la CSST exige le remboursement de ce montant de 109,57 $.

[30]        L’article 369 de la loi établit la compétence d’attribution de la Commission des lésions professionnelles :

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359 , 359.1 , 450 et 451 ;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[31]        La Commission des lésions professionnelles pourra se saisir d’un litige dans la mesure où celui-ci aura fait l’objet d’une contestation en vertu de l’article 359 de la loi. Or, cet article confère des droits à une partie de contester devant le tribunal une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative. Dans cette perspective, le cadre d’intervention de la Commission des lésions professionnelles est limité par l’objet de la décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative et portée en appel devant le tribunal.

[32]        Dans le présent dossier, le représentant de l’employeur soutient que le travailleur n’a jamais reçu la décision du 3 novembre 2011 et qu’il appartient à la CSST de prouver la notification de cette décision au travailleur. Dans ce contexte, il considère que le travailleur a démontré un motif raisonnable pour ne pas avoir contesté dans le délai prévu à l’article 359 de la loi, la décision du 3 novembre 2011. Il demande donc au tribunal de relever le travailleur de son défaut d’avoir contesté dans le délai cette décision et de déclarer que ce dernier n’a pas à rembourser la somme de 109,57 $.

[33]        Le tribunal ne peut retenir les prétentions du représentant du travailleur. En effet, le tribunal ne peut statuer sur la recevabilité de la contestation du travailleur à l’égard de la décision du 3 novembre 2011 puisqu’il n’a jamais contesté cette décision et que celle-ci n’a pas fait l’objet d’une décision de la CSST en révision administrative, que ce soit sur la recevabilité de la contestation du travailleur à l’égard de cette décision ou sur le fond de celle-ci.

[34]        Le seul recours valablement formé devant le tribunal est la contestation du travailleur à l’égard de la lettre de la CSST du 8 décembre exigeant du travailleur le remboursement de la somme de 109,57 $. Cette lettre du 8 décembre 2011 ne constitue pas une décision au sens de l’article 354 de la loi puisqu’elle ne statue pas sur des droits du travailleur. De fait, cette lettre du 8 décembre 2011 ne fait qu’informer le travailleur que sa dette de 109,57 $ est maintenant exigible et qu’il peut bénéficier de modalités de remboursement.

[35]        La dette de 109,57 $ dont la CSST exige le remboursement dans la lettre 8 décembre 2011 a été créée par la décision du 3 novembre 2011. En effet, c’est dans cette décision que la CSST décide que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 3 novembre 2011. Or, en ne contestant pas cette décision, celle-ci acquiert un caractère définitif et le travailleur ne peut la remettre en question en contestant une lettre subséquente qui ne porte pas sur la création de cette dette mais qui ne fait qu’en exiger le paiement.

[36]        En conséquence, la Commission des lésions professionnelles juge que la demande de révision du travailleur à l’égard de la lettre du 8 décembre 2011 est irrecevable et qu’il doit rembourser à la CSST la somme de 109,57 $.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Jonathan Boulard;

INFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 mars 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’était pas justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur pour la journée du 6 octobre 2011;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit rembourser au travailleur la somme de 109,57 $ correspondant à l’indemnité de remplacement du revenu non versée au travailleur pour la journée du 6 octobre 2011;

DÉCLARE irrecevable la demande de révision du travailleur de la lettre du 8 décembre 2011 exigeant le remboursement de la somme de 109,57 $.

 

 

__________________________________

 

Philippe Bouvier

 

 

 

Monsieur Réal Brassard

CÔTE GUAY, SERVICES CONSEILS INC.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Linda Lauzon

MONETTE, BARAKETT & ASS.

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 134590-73-0003, 14 décembre 2000, C.-A. Ducharme.

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