Décision

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Transport F. Boisvert Div. Bergeron et Chamberland

2009 QCCLP 7949

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda :

Le 24 novembre 2009

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

357216-08-0809      377035-08-0905     

 

Dossier CSST :

131109779

 

Commissaire :

Me Pierre Prégent, juge administratif

 

Membres :

Marcel Grenon, associations d’employeurs

 

André Cotten, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

357216-08-0809

377035-08-0905

 

 

Transport F. Boisvert Div. Bergeron

Guy Chamberland

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Guy Chamberland

Transport F. Boisvert Div. Bergeron

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 357216-08-0809

[1]                Le 4 septembre 2008, l’employeur Transport F. Boisvert Div. Bergeron, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 août 2008 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a rendue le 28  avril 2008. Elle déclare que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, ne constitue pas un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Elle déclare également que monsieur Guy Chamberland, le travailleur, ne peut exercer un tel emploi.

[3]                La CSST confirme une seconde décision rendue le 9 juin 2008. Elle déclare qu’elle est justifiée de conclure que le travailleur n’est pas en mesure raisonnablement de faire les tâches de l’emploi de journalier et de reprendre le processus de réadaptation à la suite de l’avis du docteur Paradis et estime, selon elle, que le travailleur ne peut effectuer les tâches de balayage et de pelletage.

Dossier 377035-08-0905

[4]                Le 1er mai 2009, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 15 avril 2009 à la suite d’une révision administrative.

[5]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 25 novembre 2008. Elle déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, le 18  juillet 2008, de sa lésion professionnelle. Elle déclare qu’en conséquence, le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues à la loi.

[6]                À l’audience tenue à Val-d’Or le 17 août 2009, le travailleur est présent et il est représenté. L’employeur est représenté. Le dossier est pris en délibéré le 23 novembre 2009 sur réception d’un complément de preuve médicale du représentant du travailleur, d’une argumentation écrite du représentant de l’employeur et de la réplique écrite du représentant du travailleur.

LES OBJETS DES CONTESTATIONS

[7]                Le représentant de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n’est pas justifiée de reprendre le processus de réadaptation en vertu des dispositions de l’article 51 de la loi.

[8]                Il lui demande également de déclarer que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, le 18 juillet 2008, de sa lésion professionnelle.

[9]                Pour sa part, le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi.

[10]           Il lui demande aussi de déclarer que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 juillet 2008 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

LES FAITS

[11]           Le travailleur, qui est journalier, subit un accident du travail le 8 février 2007. Il ressent des douleurs au bas du dos lors d’une activité de pelletage et de nettoyage d’un drain. Une entorse lombaire est diagnostiquée.

[12]           Le 10 mai 2007, la CSST accueille la réclamation du travailleur pour accident du travail qui lui cause une entorse lombaire.

[13]           Le docteur Paradis, médecin qui a charge du travailleur, consolide la lésion professionnelle le 13 juin 2007 avec atteinte permanente à l'intégrité physique et limitations fonctionnelles.

[14]           Le 3 octobre 2007, le docteur Aubry précise un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles et des limitations fonctionnelles sévères de classe III pour le travailleur. Le docteur Bellemare trouve exagérées de telles limitations fonctionnelles le 22 novembre 2007, à la suite de l’examen du travailleur. Il maintient le même déficit anatomo-physiologique.

[15]           Il retient plutôt les limitations fonctionnelles suivantes : éviter d’avoir à soulever, tirer, pousser de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 10 à 15  kilogrammes; peut pousser occasionnellement des charges de 15 à 20 kilogrammes; éviter d’avoir à travailler en position accroupie ou dans des endroits exigus; éviter les mouvements répétitifs de grande amplitude du rachis lombaire; avoir la possibilité d’alterner les positions assise et debout.

[16]           Au sujet de la condition personnelle de syndrome fémoro-patellaire droit plus grand que le gauche, le docteur Bellemare retient les limitations fonctionnelles suivantes : éviter le travail en position accroupie ou à genoux; éviter d’avoir à marcher de façon prolongée en terrain inégal; éviter d’avoir à soulever, tirer, porter, transporter de façon répétitive ou fréquente des charges de 15 kilogrammes ou plus.

[17]           Le 14 décembre 2007, le docteur Aubry produit un rapport complémentaire sur lequel il indique être d’accord avec l’ensemble des limitations fonctionnelles précisées par le docteur Bellemare.

[18]           Le docteur Aubry maintient le diagnostic d’entorse lombaire à compter du 9 janvier 2008. Il mentionne que le travailleur doit bénéficier d’une réorientation professionnelle. Il diagnostique une entorse lombaire chronique le 14 avril 2008.

[19]           Le 28 avril 2008, la CSST retient l’emploi de journalier avec tâches modifiées comme emploi convenable avec la collaboration de l’employeur. Le travailleur, lors de sa première journée de travail, le 28 avril 2008, effectue du balayage de poussière, de gravier et de boue qui se détachent des roues des camions et des remorques qui sont stationnés dans le garage.

[20]           Il les ramasse en petits tas. À l’aide d’une pelle à manche long qu’il utilise comme porte-poussière, il ramasse la poussière, le gravier ou la boue, un peu à la fois, pour les déposer dans une brouette. Il s’y prend trois ou quatre fois pour ramasser un petit tas de deux pouces de hauteur par un ou deux pieds carrés de superficie.

[21]           Le travailleur déclare, devant la Commission des lésions professionnelles, qu’il doit effectuer beaucoup de balayage et de pelletage. Cependant, à la CSST, le 29 avril 2008, il déclare qu’il ramasse des petits tas environ trois à quatre fois par jour. Il effectue donc la levée de la pelle avec un peu de saleté environ 15 fois par jour.

[22]           Le travailleur consulte le docteur Paradis, son médecin qui a charge, le 29 avril 2008. Celui-ci pose le diagnostic d’entorse lombaire sévère sur un rapport médical. Il indique que les limitations fonctionnelles doivent être respectées. Il ajoute que les activités de balayage et de pelletage sont défendues. Il indique que la période prévisible de consolidation de la lésion est de plus de 60 jours.

[23]           La note de consultation du docteur Paradis du même jour est presque illisible. On peut y lire que le travailleur présente une lombalgie post-pelletage depuis le 8 février 2007. À l’examen objectif, des symptômes semblent être rapportés à la hauteur de L4-L5 avec ce qui semble également être un signe de Lasègue positif à 30 degrés à droite et à gauche.

[24]           Le 16 mai 2008, le travailleur conteste la décision de la CSST rendue le 28 avril 2008, au sujet de l’emploi convenable.

[25]           Le 9 juin 2008, la CSST informe le travailleur qu’en vertu des dispositions de l’article 51 de la loi, elle reprend le processus de réadaptation, car elle ne le croit pas raisonnablement en mesure d’exercer l’emploi convenable déjà déterminé, vu l’ajout de limitations fonctionnelles par son médecin qui a charge. Cette décision est contestée par l’employeur le 3 juillet 2008.

[26]           Le 10 juillet 2008, l’employeur informe la CSST qu’il abolit, pour le travailleur, les activités de balayage et de pelletage. Elles sont remplacées par des activités moins contraignantes, soit le lavage de vitres intérieures et commissions diverses.

[27]           Le 11 juillet 2008, la CSST avise le travailleur qu’elle le considère capable d’effectuer les tâches de journalier avec tâches modifiées comme mentionnées le 10 juillet 2008.

[28]           Devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur déclare qu’il effectue des activités de balayage et de pelletage le 14 juillet 2007. Après trois ou quatre coups de balai, il ressent une vive douleur au bas du dos.  Les 15, 16 et 17 juillet 2008, le travailleur n’effectue pas des tâches de balayage et de pelletage.

[29]           Le 18 juillet 2008, en montant dans une échelle de remorque pour y réparer la toile, le travailleur étire le bras et ressent une exacerbation de sa douleur lombaire persistante qui irradie au membre inférieur droit jusqu’au pied. Il ressent à nouveau une telle exacerbation en tirant sur cette toile.

[30]            Le travailleur consulte le docteur Robitaille, le même jour, qui pose le diagnostic de récidive de lombalgie. Sur sa note de consultation médicale, il rapporte que le travailleur présente une ankylose multiaxiale, une force diminuée par la douleur et une diminution de la force de flexion du genou droit.

[31]           Le 8 août 2008, le docteur Paradis, médecin qui a charge du travailleur, pose le diagnostic d’entorse lombaire sévère. Il poursuit le travail modifié sans échelle. Des analgésiques sont prescrits.

[32]           Le 27 août 2008, la CSST, à la suite d’une révision administrative, infirme sa décision du 28 avril 2008 et elle déclare que l’emploi de journalier avec activités de balayage et pelletage ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi. Elle confirme sa décision du 9 juin 2008 et se déclare justifiée de conclure qu’avec l’ajout de limitations fonctionnelles additionnelles par le médecin qui a charge, le travailleur ne peut exercer l’emploi convenable déjà déterminé.

[33]           Le docteur Paradis prescrit le repos complet et des traitements de physiothérapie, le 15 septembre 2008.

[34]           Le 20 octobre 2008, le docteur Bellemare, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur. Il rapporte que la palpation du rachis dorsolombaire est douloureuse. Tous les mouvements sont grandement limités et douloureux. Il y a allégations d’hypoesthésie au membre inférieur droit. Les épreuves de mise en tension radiculaire sont positives.

[35]           Le docteur Bellemare considère que son examen est empreint de discordances. L’examen sensitif ne peut être interprété. L’examen moteur démontre des composantes de faiblesse d’aspect franchement volontaire. Les limitations des amplitudes articulaires sont difficilement explicables du point de vue organique. Il s’agit, selon le docteur Bellemare, d’une composante majeure de non-organicité.  Il ne retient pas de nouveau diagnostic en relation avec l’événement survenu le 18 juillet 2008. Une résonance magnétique lombaire est requise pour mieux évaluer la condition du travailleur.

[36]           Le 21 octobre 2008, le travailleur consulte le docteur Paradis. La physiothérapie est poursuivie. La morphine est prescrite. Une résonance magnétique est requise.

[37]           Le 25 novembre 2008, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation, survenue le 18 juillet 2008, de sa lésion professionnelle. Elle motive sa décision par l’absence de détérioration objective de l’état de santé du travailleur.

[38]           Selon le docteur Bédard, la résonance magnétique lombaire, faite le 3 décembre 2008, montre un petit complexe disco-ostéophytique à L5-S1 non compressif avec un peu d’arthrose facettaire au même niveau.

[39]           Le 11 décembre 2008, le docteur Paradis consolide une entorse lombaire sévère avec atteinte permanente à l'intégrité physique et limitations fonctionnelles.

[40]           Le 22 décembre 2008, le travailleur conteste la décision de la CSST du 25 novembre 2008 au sujet de la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 18 juillet 2008.

[41]           Le 9 janvier 2009, le docteur Bellemare prend connaissance des résultats de la résonance magnétique lombaire. Il conclut que la lésion est consolidée le 10 octobre 2008, sans autre soins requis, sans atteinte permanente à l'intégrité physique additionnelle ni limitations fonctionnelles supplémentaires.

[42]           La CSST, le 15 avril 2009 à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision du 25 novembre 2008 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 18 juillet 2008.

L’AVIS DES MEMBRES

[43]           Le  membre issu des associations syndicales est d’avis que la CSST est bien fondée de déclarer que l’emploi de journalier avec tâches modifiées ne constitue pas un emploi convenable et de reprendre le processus de réadaptation. En effet, le médecin qui a charge du travailleur ajoute de nouvelles limitations qui sont incompatibles avec les exigences physiques de l’emploi de journalier.

[44]           Quant à la survenance de la récidive, rechute ou aggravation du 18 juillet 2008 de la lésion professionnelle initialement diagnostiquée, il est d’avis que le travailleur a démontré, par une preuve médicale prépondérante, que sa condition physique est détériorée à la suite d’efforts fournis dans l’exécution de son travail. La Commission des lésions professionnelles doit déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 18 juillet 2008.

[45]           Pour sa part, le membre issu des associations d'employeurs est d’avis contraire. Il considère que le travailleur occupe l’emploi convenable qu’une seule journée, soit le 28 avril 2008 et que son médecin n’explique pas en quoi le fait de balayer et de ramasser, un peu à la fois, de la poussière peut détériorer l’état de santé du travailleur. Ainsi, la CSST n’a pas de motif sérieux et raisonnablement convaincant pour déclarer que l’emploi de journalier avec tâches modifiées ne constitue plus un emploi convenable et pour reprendre le processus de réadaptation.

[46]           Quant à la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 18 juillet 2008, le  membre issu des associations d'employeurs considère que le travailleur n’a pas démontré, par une preuve médicale prépondérante, que son état de santé est détérioré à cette date. La Commission des lésions professionnelles doit déclarer qu’il n’a donc pas subi de lésion professionnelle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[47]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, constitue un emploi convenable au sens de la loi. Elle doit également déterminer si la CSST est justifiée de reprendre le processus de réadaptation en vertu des dispositions de l’article 51 de la loi. Enfin, le tribunal doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 juillet 2008.

[48]           Afin de disposer des questions de l’emploi convenable et de la reprise du processus de réadaptation, la Commission des lésions professionnelles réfère à la définition d’emploi convenable et à l’article 51 de la loi qui suivent :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

51.  Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

 

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 51.

 

[49]           La preuve médicale prépondérante révèle que les limitations fonctionnelles suivantes sont initialement retenues en relation avec l’entorse lombaire subie par le travailleur : éviter d’avoir à soulever, tirer, pousser de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 10 à 15 kilogrammes; peut pousser occasionnellement des charges de 15 à 20 kilogrammes; éviter d’avoir à travailler en position accroupie ou dans des endroits exigus; éviter les mouvements répétitifs de grande amplitude du rachis lombaire; avoir la possibilité d’alterner les positions assise et debout.

[50]           Au sujet de la condition personnelle de syndrome fémoro-patellaire droit plus grand que le gauche, les limitations fonctionnelles suivantes sont également retenues: éviter le travail en position accroupie ou à genoux; éviter d’avoir à marcher de façon prolongée en terrain inégal; éviter d’avoir à soulever, tirer, porter, transporter de façon répétitive ou fréquente des charges de 15 kilogrammes ou plus.

[51]           Le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Aubry à l’époque, est d’accord avec l’ensemble des limitations fonctionnelles précisées et un processus de réadaptation est enclenché avec la collaboration du travailleur et de l’employeur.

[52]           L’emploi convenable de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, est retenu le 28 avril 2008 et le travailleur l’exerce une seule journée, soit le même jour. Il consulte son médecin  le 29 avril 2008 qui mentionne que dorénavant le balayage et le pelletage sont défendus.

[53]           Conséquemment, la CSST, en première instance et à la suite d’une révision administrative, déclare que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi et reprend le processus de réadaptation en vertu des dispositions de l’article 51 de la loi.

[54]           L’employeur abolit donc les tâches de balayage et de pelletage pour les remplacer par des activités de lavage de vitres intérieures et par des commissions diverses.

[55]           Aux fins de l’application des dispositions de l’article 51 de la loi, la jurisprudence retient les conditions suivantes. L’avis du médecin qui a charge du travailleur doit être antérieur à l’abandon effectif de l’emploi convenable[2]. Le médecin qui a charge du travailleur, pour donner son avis, doit s’en tenir aux limitations fonctionnelles déjà retenues et non en décrire de nouvelles[3].

[56]           Pour bénéficier des dispositions de l’article 51 de la loi, le travailleur doit produire un avis motivé, de son médecin qui a charge, qui permet de comprendre que ce dernier connaît l’emploi convenable, ses exigences physiques et sur quels motifs repose sa recommandation au travailleur d’abandonner l’emploi convenable[4].

[57]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur ne satisfait pas aux conditions tenues par la jurisprudence. En effet, il n’abandonne pas l’emploi convenable à la suite de la production d’un avis motivé de son médecin qui a charge.

[58]           La production par le docteur Paradis d’un simple rapport médical, le 29 avril 2008, sur lequel il pose le diagnostic d’entorse lombaire sévère, mentionne que les limitations fonctionnelles doivent être respectées et ajoute que les activités de balayage et de pelletage sont défendues, ne constitue pas un avis motivé tel que la jurisprudence le requiert.

[59]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la CSST, sur la base du rapport médical du docteur Paradis du 29 avril 2008, ne peut faire bénéficier au travailleur des dispositions de l’article 51 de la loi et reprendre le processus de réadaptation.

[60]           Cependant, le travailleur demande le 16 mai 2008, la révision de la décision de la  CSST, rendue le 28 avril 2008, qui détermine que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, constitue un emploi convenable au sens de la loi. La CSST infirme cette décision, à la suite d’une révision administrative, le 27 août 2008. Elle déclare qu’à la suite de l’ajout de limitations fonctionnelles nouvelles par le docteur Paradis le 29 avril 2008, le travailleur ne peut exercer l’emploi convenable déjà déterminé.

[61]           La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve prépondérante que l’emploi convenable de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, est déterminé à partir des limitations fonctionnelles précisées par le docteur Bellemare auxquelles le médecin qui a charge du travailleur donne son accord.

[62]           Le travailleur exerce une seule journée l’emploi convenable déterminé. Le lendemain, il consulte son nouveau médecin qui a charge. Celui-ci pose le diagnostic d’entorse lombaire sévère puis émet de nouvelles limitations fonctionnelles, soit de ne plus balayer et pelleter.

[63]           Sur sa note de consultation médicale du 29 avril 2008,  il est mentionné que le travailleur présente une lombalgie post-pelletage depuis le 8 février 2007. À l’examen objectif, des symptômes semblent être rapportés à la hauteur de L4-L5 avec ce qui semble également être un signe de Lasègue positif à 30 degrés à droite et à gauche.

[64]           A supposer que cet examen clinique puisse témoigner d’une éventuelle aggravation de la condition du travailleur, la Commission des lésions professionnelles constate que cette aggravation n’a pas fait l’objet d’une décision de la CSST concluant à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale du travailleur ou d’une autre lésion professionnelle. En conséquence, les nouvelles limitations fonctionnelles précisées par le docteur Paradis ne peuvent être légalement retenues[5].

[65]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la CSST ne peut déclarer, sur la base des nouvelles limitations fonctionnelles précisées par le docteur Paradis le 29 avril 2008, que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi.

[66]           Il reste à déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 juillet 2008. La lésion professionnelle est définie comme suit à la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[67]           Les notions de récidive, rechute ou aggravation ne sont pas définies à la loi. Suivant les définitions courantes, il peut s’agir d’une réapparition, d’une recrudescence ou d’une aggravation de la lésion survenue lors de l’événement initial.

[68]           Il appartient au travailleur de démontrer, par une preuve médicale prépondérante, la relation qui existe entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion professionnelle diagnostiquée suite à l’événement initial.

[69]           Dans l’affaire Boisvert et Halco[6], plusieurs paramètres sont utilisés pour déterminer l’existence d’une relation entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion professionnelle diagnostiquée suite à la survenance de l’événement d’origine.  On retient ainsi la gravité de la lésion initiale, la continuité de la symptomatologie, l’existence ou non d’un suivi médical, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, la présence ou l’absence d’une condition personnelle, la concordance de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.

[70]           Il est important de retenir qu’aucun des paramètres n’est décisif par lui-même. Toutefois, pris ensemble, ces paramètres permettent de déterminer le bien-fondé d’une réclamation.

[71]           Il n’est pas contredit que le travailleur a subi une entorse lombaire le 8 février 2007, après avoir pelleté pour nettoyer un drain. La lésion professionnelle est consolidée avec atteinte permanente à l'intégrité physique  et limitations fonctionnelles.

[72]           Le travailleur tente un retour en emploi convenable le 28 avril 2008. Cependant, il est retourné en « assignation temporaire » par son médecin  qui a charge au mois de mai 2008. À la suite de nouvelles modifications du poste de travail, le travailleur reprend l’emploi convenable le 14 juillet 2008.

[73]           Il déclare, devant la Commission des lésions professionnelles, qu’il effectue du balayage et du pelletage lors de cette première journée. Or, ces activités ont été abolies par l’employeur afin de permettre le retour au travail régulier en emploi convenable du travailleur.

[74]            La Commission des lésions professionnelles ne retient pas la déclaration du travailleur au sujet des activités de balayage et de pelletage effectuées le 14 juillet 2008, car elles sont contredites par les éléments contenus à son dossier.

[75]           Le travailleur déclare qu’il persiste de sa lésion professionnelle, une douleur lombaire non incapacitante. Or, en grimpant dans l’échelle d’une remorque et en tirant sur la toile de celle-ci, le 18 juillet 2008, le travailleur ressent une exacerbation de sa lombalgie.

[76]           Il consulte le docteur Robitaille le même jour. Celui-ci pose le diagnostic de récidive de lombalgie. Sur sa note de consultation médicale, il rapporte que le travailleur présente une ankylose multiaxiale, une force diminuée par la douleur et une diminution de la force de flexion du genou droit.

[77]           La condition du travailleur nécessite par la suite la prescription d’analgésiques, de traitements de physiothérapie et de morphine. Puis, une résonance magnétique lombaire est requise.

[78]           La Commission des lésions professionnelles considère que les éléments rapportés par le docteur Robitaille et le plan de traitement qui suit l’événement survenu le 18 juillet 2008, démontrent que le travailleur présente une détérioration de son état de santé en relation avec cet événement.

[79]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur a démontré, par une preuve factuelle et médicale prépondérante, qu’il a subi, le 18 juillet 2008, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initialement diagnostiquée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 357216-08-0809

ACCUEILLE la requête déposée par Transport F. Boisvert Div. Bergeron, l’employeur, le 4 septembre 2008;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 août 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de journalier avec tâches modifiées, incluant le balayage et le pelletage, constitue un emploi convenable au sens de la loi;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne peut reprendre le processus de réadaptation en vertu des dispositions de l’article 51 de la loi.

Dossier 377035-08-0905

ACCUEILLE la requête de monsieur Guy Chamberland, le travailleur, déposée le 1er mai 2009;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 avril 2009 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 juillet 2008 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

 

 

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Pierre Prégent

 

 

 

Me André Levasseur

Bigué, avocats

Représentant du travailleur

 

Monsieur Gérald Corneau

GCO Santé et Sécurité inc.

Représentant de l’employeur

 

Me Marie-Claude Jutras

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001

[2]           Dufresne et Parkway Pontiac Buick inc., C.L.P. 188730-62C-0208,2003-02-12, V. Bergeron

[3]           Lacharité et Pantapill ltée, C.L.P. 48869-62-9302, 1995-07-05, Y. Tardif

[4]           Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P. 150478-01B-0011, 2003-01-14, L. Desbois; Larivière et Produits d’acier Hason inc., C.L.P. 142509-63-0007, 2003-04-30, L. Nadeau, (03LP) (décision sur requête en révision), requête en révision juduciaire rejetée, C.S. Joliette, 705-17-000660-033, 04-02-23, j. Boreinstein.

[5]           CSST et Fiset, C.L.P. 74567-63-9511, 1997-01-24, B. Lemay

[6]           [1995], CALP 19

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.