Duschênes c. Leclerc |
2020 QCRDL 874 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Joliette |
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No dossier : |
497286 29 20191218 G |
No demande : |
2917976 |
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Date : |
14 janvier 2020 |
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Régisseure : |
Isabelle Normand, juge administrative |
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Nathalie Duschênes |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Bruno Leclerc
Geneviève Thibault-Lanthier |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice demande la résiliation du bail, car les locataires n'usent pas avec prudence et diligence du logement concerné, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et la condamnation aux frais.
[2] Les parties sont liées par une entente de location à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2019 au loyer mensuel de 1 000 $.
[3] Au moment de la location, avant l’entrée au logement, il avait été discuté que les locataires puissent éventuellement acquérir le logement concerné; cependant, aucun versement en ce sens n’a été effectué et cette option d’achat n’est plus en vigueur.
[4] Le logement concerné est une maison unifamiliale.
[5] Avant l’entrée au logement des locataires, le logement concerné a fait l’objet de rénovations majeures et était en excellent état lors de leur emménagement.
[6] À l’audience, seule la locatrice est présente, accompagnée de son conjoint et mandataire; les locataires sont absents, quoique dûment convoqués et appelés.
Contexte
[7] Au cours du mois de décembre dernier, les locataires cessent de faire tout versement de loyer; cette problématique fait d’ailleurs l’objet d’une autre demande au Tribunal, mais dont le Tribunal n’est pas saisi ce jour.
[8] En août 2019, une rencontre est planifiée en présence de la locataire, de l’inspectrice en hygiène et bâtiments de la ville de Saint-Calixte et du mandataire de la locatrice.
[9] Lors de cette rencontre, le mandataire constate l’état de dégradation avancée du logement, ainsi que l’encombrement de celui-ci par de nombreux objets hétéroclites et des déchets.
[10] Il est demandé à la locataire de procéder au désencombrement du logement et de son nettoyage dans un délai imparti; ce qui n’est pas fait par les locataires.
[11] Au soutien de sa preuve, la locatrice produit des photos prises lors de cette rencontre qui démontrent que chacune des pièces du logement a fait l’objet de travaux majeurs de démolition, sans avoir avisé la locatrice préalablement d’un problème et sans avoir non plus obtenu son autorisation pour ce faire.
[12] Malgré les promesses de réparation du logement par les locataires, aucune des corrections ni remise en état n’a été entreprise; la situation s’est même aggravée.
[13] Constatant les divers problèmes majeurs au logement, la locatrice a tenté de faire intervenir les autorités municipales[1] afin que des actions soient entreprises, en vain.
[14] Il en est de même des agents de la Sûreté du Québec alors qu’elle a tenté d’obtenir leur collaboration.
[15] Ayant été avisée préalablement par la locataire à de nombreuses reprises qu’elle allait quitter définitivement le logement et encore dernièrement au mois de décembre dernier, le 4 décembre dernier la locatrice se présente au logement pour en constater l’état.
[16] Surprise, et malgré l’assurance de la locataire qu’elle quittait le logement concerné au début du mois de décembre, la locatrice y constate la présence de la locataire.
[17] Notamment, Il est constaté entre autres :
· L’absence de deux murs de soutien retirés qui affecte l’intégrité même au bâtiment;
· La cuisine a été complètement démolie; il ne reste que le préfini à titre de plancher;
· L’état d’encombrement et de salubrité du logement s’est détérioré depuis le mois d’août dernier;
· En bref, tout le logement est démoli et très insalubre. La locatrice craint tant pour la sécurité de la locataire et des occupants du logement que pour l’intégrité de l’immeuble.
[18] Lors de cette visite du logement concerné, un agent de la Sûreté du Québec est déployé au logement et avise la locatrice qu’elle ne peut plus avoir accès au logement.
[19] Subséquemment, la locatrice reçoit de la ville de Saint-Calixte un avis final du 16 décembre 2019 qui lui requiert de remédier à la situation dans les cinq jours de la réception de cet avis, notamment en transmettant un rapport d’inspection par un technologue spécialisé indiquant les travaux correctifs à apporter à la structure du bâtiment.
[20] Malgré toute sa bonne volonté, la locatrice n’a pu obtempérer à cet avis, car elle a cru de bonne foi qu’elle ne pouvait avoir accès au logement concerné, se fiant aux dires d’un agent de la Sûreté du Québec.
L'analyse et la décision
[21] La locatrice fonde sa demande de résiliation de bail sur les dispositions de l'article 1863 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[22] L'article 1972 C.c.Q. trouve, de plus, application en l'espèce :
« 1972. Le locateur ou le locataire peut demander la résiliation du bail lorsque le logement devient impropre à l'habitation. »
[23] Les locataires sont tenus à plusieurs obligations, dont celle d'utiliser le logement avec prudence et diligence[2], d'aviser la locatrice des défectuosités et des détériorations[3], d'entretenir le logement et de le maintenir en bon état de propreté[4], de ne pas changer la forme ou la destination du logement[5]. Il appert de la preuve que les locataires ont contrevenu à ces obligations.
[24] La question que l'on doit se poser est la suivante : est-ce que le logement est impropre à l'habitation, donnant ainsi ouverture à la demande de résiliation de la locatrice?
[25] La soussignée répond par l'affirmative à cette question.
[26] L'article 1913 C.c.Q. édicte :
« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.
Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »
[27] En effet, les articles 1862 et 1890 C.c.Q.[6] créent une présomption de responsabilité des locataires en faveur de la locatrice.
[28] En effet, la preuve est à l'effet que les locataires n'ont pas respecté leur obligation de maintenir le logement en bon état de propreté.
[29] Le logement est dans un état de démolition incroyable, encombré et insalubre de façon majeure; ils ont procédé de façon unilatérale, sans obtenir l’autorisation de la locatrice, à une démolition des pièces du logement concerné, sans aucune justification.
[30] La locatrice subit, en raison de la contravention des obligations des locataires, de nombreux dommages, dont l'atteinte majeure et irrémédiable des composantes du logement concerné, ainsi que l'augmentation du risque assurable en cas de sinistre.
[31] Les tribunaux ont résilié le bail de locataires qui ont contrevenu à leurs obligations et conséquemment ont rendu le logement insalubre, tel qu'il appert de la jurisprudence[7].
[32] Selon la preuve, l'état du logement en décembre dernier ne s'est pas amélioré depuis la visite préalable en août dernier; il s’est même aggravé de façon irrémédiable.
[33] En conséquence, considérant la preuve administrée, la soussignée n'est pas convaincue qu'une ordonnance en vertu des dispositions de l'article 1973 C.c.Q. à cet égard[8], ordonnant aux locataires de collaborer, de procéder à la réparation du logement, de le désencombrer d'une façon permanente et de respecter leurs obligations de le maintenir en bon état serait appropriée.
[34] CONSIDÉRANT la preuve et notamment l'état d'insalubrité avancé du logement, le bail est résilié.
[35] Étant donné la preuve, l'exécution provisoire de la décision est justifiée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement, et ce, à compter de la signature de la décision.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[36] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants;
[37] ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter de la signature de la décision;
[38] CONDAMNE les locataires au paiement des frais judiciaires et de signification de 96 $.
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Isabelle Normand |
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Présence(s) : |
la locatrice le mandataire de la locatrice |
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Date de l’audience : |
13 janvier 2020 |
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[1] Dont le Service des incendies et le Service en hygiène et bâtiments.
[2] Selon les dispositions de l'article 1855 C.c.Q. qui édicte :
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »
[3] Selon les dispositions de l'article 1866 C.c.Q. qui édicte :
« 1866. Le locataire qui a connaissance d'une défectuosité ou d'une détérioration substantielle du bien loué, est tenu d'en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »
[4] Selon les dispositions de l’article 1911 C.c.Q. qui édicte :
« 1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état. Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté. »
[5] Selon les dispositions de l’article 1856 C.c.Q. qui édicte :
« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué. »
[6] « 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci. Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. » « 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure. L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »
[7] 170737 Canada inc. c. Heczey [1996] J.L. 262; Discepola c. Lapointe, 2019 QCRDL 27794; Rémillard c. Côté (2000) J.L. 28 (R.L.); Lanteigne c. Dartiguenave, (2006) J.L. 331.
[8] « 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.