Décision

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Co-Operators General Insurance Company c. Bi-Pro Marketing Ltd.

2014 QCCA 1028

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-024112-138

 

(750-17-000760-052)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

Le 16 MAI 2014

 

CORAM:  LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

PARTIE APPELANTE

AVOCAT

THE CO-OPERATORS GENERAL INSURANCE COMPANY

 

 

Me Louis Charrette

LAVERY, De BILLY S.E.N.C.R.L.

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCATS

BI-PRO MARKETING LTD

 

Me Pierre Paquet

Me Louise Tremblay

MILLER THOMPSON SENCRL/LLP

 

PARTIE MISE EN CAUSE

AVOCATE

BIO BISCUIT INC.

 

 

 

Me Diana Baltazar

SYLVESTRE & ASSOCIÉS AVOCATS S.E.N.C.

 

En appel d'un jugement rendu le 5 décembre 2013 par l'honorable Jean-Guy Dubois de la Cour supérieure du district de Saint-Hyacinthe

 

NATURE DE L'APPEL:

Interlocutoire - requête de type Wellington accueillie

 

Greffière d'audience : Linda Côté

Salle : Pierre-Basile-Mignault

 

 

AUDITION

 

 

09h30 : Début de l'audience.

09h30 : Me Diana Baltazar mentionne qu'elle n'aura pas de représentations à faire pour la mise en cause.

09h31 : Plaidoirie de Me Louis Charrette.

10h03 : Plaidoirie de Me Pierre Paquet.

10h18 : Réplique de Me Charrette.

10h20 : Suspension de l'audience.

10h29 : Reprise de l'audience.

ARRÊT UNANIME prononcé par l'honorable Yves-Marie Morissette - voir page 3.

10h30 : Fin de l'audience.

 

Linda Côté

Greffière d'audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           La mise en cause Bio-Biscuit inc. poursuit l’intimée Bi-Pro Marketing Ltd. pour 3 773 000 $. Elle lui reproche de lui avoir fourni des produits contaminés et de l’avoir ainsi empêchée d’écouler aux États-Unis une partie de sa production de biscuits pour chiens.

[2]           Saisi d’une requête de type Wellington[1] présentée par l’intimée, le juge de première instance y a fait droit contre l’appelante The Co-Operators General Insurance Company[2]. Il a déclaré que cette dernière avait l’obligation d’assurer la défense de l’intimée et il l’a contrainte à assumer tous les frais de défense engagés depuis le 24 janvier 2012, tout en déférant au juge du fond la question de savoir si les autres frais de défense survenus entre le 16 mai 2005 (date de l’institution de l’action) et le 24 janvier 2012 devraient eux aussi être assumés par l’appelante.

[3]           Avant le 24 janvier 2012, la mise en cause alléguait essentiellement ce qui suit dans sa requête introductive d’instance :

¾    l’intimée était son fournisseur exclusif en farine de poulet utilisées dans les recettes de certains de ses produits;

¾    dès décembre 2001 elle avait cessé d’utiliser des produits d’origine bovine en raison du risque de contamination et de propagation de l’encéphalite spongiforme bovine (ESB);

¾    en janvier 2004, les autorités sanitaires américaines avaient détecté des traces de matières d’origine bovine dans ses biscuits pour chien et avaient suspendu ses permis d’importation américains;

¾    diverses analyses confirmaient que la source de la contamination était la farine de volaille fournie par l’intimée.

[4]           La pertinence de la date du 24 janvier 2012 tient à ceci. C’est à ce moment que la mise en cause amende sa requête introductive d’instance. Désormais, et dans les grandes lignes, elle allègue ce qui suit :

¾    en janvier 2004, la contamination de ses biscuits pour chiens destinés à l’exportation américaine provenait de poils de bovins et de matériel osseux issu de mammifères;

¾    les produits ainsi contaminés enfreignaient certaines normes législatives ou réglementaires américaines, relatives entre autres à l’étiquetage, comme l’avaient relevé les autorités sanitaires américaines;

¾    « [d]ans le présent dossier, il ne s’agit pas d’une situation de détection d’un matériel à risque spécifié de quelque nature, mais plutôt de la présence de matériel bovin ou d’origine de mammifères provenant de la farine de volaille de la défenderesse, laquelle est intégrée à certains produits de la demanderesse, ce qui ne respecte pas les garanties contractuelles de la défenderesse, ni les normes d’exportation aux États-Unis ».

[5]           En première instance, l’appelante s’est opposée à la requête de l’intimée en invoquant une seule telle exclusion de la police qui la lie à l'intimée, celle prévue par l’avenant Z-99. Il est ainsi libellé dans sa partie pertinente :

This Insurance does not apply to:

1.    … “Property Damage” … arising our of, resulting from, caused or contributed by:

a.           Transmissible Spongiform Encephalopathies (hereafter referrer to as TSE)

b.           Exposure to TSE or;

c.           Exposure to any item that is known or suspected to cause, contributes to or enables TSE.

En somme, la clause 1 c. précitée signifie, ou est susceptible de signifier, « contact avec tout article connu pour causer l’encéphalopathie spongiforme transmissible, la rendre possible, y contribuer, ou qui est soupçonné de le faire ».

[6]           Les critères applicables lors de l’examen d’une requête de type Wellington ne souffrent guère d’ambiguïté. Dans l’arrêt Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard[3], le juge Rothstein, rendant jugement pour la Cour, et se référant à l’arrêt Nichols c. American Home Insurance Co.[4], écrivait :

[51]      Comme il a été conclu que les demandes qui figurent dans les actes de procédure bénéficient de la protection initiale, il incombe alors à Lombard de prouver que la protection est écartée par une clause d'exclusion. L'obligation de défendre n'exigeant qu'une possibilité de protection, Lombard doit démontrer qu'une exclusion écarte clairement et sans équivoque la protection (Nichols, p. 808). Par exemple, dans Nichols, la Cour a conclu que la clause d'exclusion selon laquelle la police ne s'appliquait pas "à un acte ou à une omission malhonnêtes, frauduleux, criminels ou malicieux d'un assuré" (p. 807) empêchait clairement et sans équivoque l'application de la protection dans le cadre d'une action pour conduite frauduleuse intentée contre l'assuré. Par conséquent, compte tenu de la demande telle qu'elle a été formulée, il n'y avait aucune possibilité que l'assureur soit tenu d'indemniser l'assuré.

[Soulignements ajoutés]

On sait par ailleurs que, pour déterminer quelle est la nature véritable du recours exercé contre l’assuré, la cour n’est pas tenue de se limiter à un examen des allégations telles qu’elles sont formulées dans la procédure écrite. En 2001, exprimant l’avis unanime de la Cour dans l’arrêt Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co.[5], le juge Iacobucci livrait les observations suivantes :

[36]      … la jurisprudence a jusqu'à maintenant laissé en suspens une question importante qui se pose en l'espèce, celle de savoir si une cour peut aller au-delà des actes de procédure et prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques pour déterminer le "contenu" et la "nature véritable" d'une réclamation. Sans vouloir décider de la mesure dans laquelle une preuve extrinsèque peut être prise en considération, j'estime qu'il est possible de tenir compte de la preuve extrinsèque mentionnée explicitement dans les actes de procédure pour déterminer le contenu et la nature véritable des allégations et, ainsi, apprécier la nature et l'étendue de l'obligation de défendre d'un assureur.

[7]           Dans le présent dossier, le juge de première instance a tenu compte d’une preuve d’expert versée au dossier et qui pratique une distinction entre du matériel bovin (par exemple, des poils de bovins) et les « matières à risque spécifiées ». Dans un rapport datant d’octobre 2011 (donc antérieur aux amendements de janvier 2012), cet expert écrivait :

… la salubrité des aliments est protégée grâce au retrait des matières à risque spécifiées (MRS) de tous les animaux abattus au Canada pour l’alimentation humaine. Les MRS sont les tissus des animaux infectés qui sont reconnus abriter l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Cette mesure de protection clé est reconnue à l’échelle internationale comme étant la façon la plus efficace de protéger a santé du publique contre l’ESB.

Et une autre expertise, elle aussi versée au dossier et datant de septembre 2011, décrit en ces termes les MRS :

Les MRS sont les tissus de bovins susceptibles de transmettre l’ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine). Les MRS comprennent : le crâne, la cervelle, les ganglions trigéminés (nerfs attachés à la cervelle), les yeux, les amygdales, la moelle épinière et les ganglions de la racine dorsale (nerfs attachés à la moelle épinière) des bovins de 30 mois ou plus; et l’Iléon distal (portin de l’intestin grêle) de bovins de tout âge.

En d’autres termes, tout matériel bovin ne se confond pas nécessairement avec les MRS, les matières à risque spécifiées. Or, selon une interprétation plausible de la clause 1 c. de l’avenant Z-99, l’exclusion vise les MRC (les articles associés à la transmission de l’ESB) plutôt que tout matériel bovin quel qu’il soit.

[8]           Du moins est-ce ainsi que le juge de première instance a compris la nature véritable du litige entre l’intimée et la mise en cause. Ses motifs contiennent notamment les passages suivants :

[59]      Les expertises au dossier exposent bien qu’il y a des distinctions à faire entre du matériel bovin qui pouvait amener la fameuse maladie et du matériel qui ne l’entraîne pas d’aucune façon.

[60]      Le Tribunal constate que l’intimée a véritablement cerné certains points du dossier mais maintenant par les précisions apportées par la déclaration amendée,  il y a lieu à sa face même de la police d’assurance de considérer que suivant l’ensemble des dernières allégations, il y a possibilité que la police d’assurance émise par l’intimée couvre les faits et gestes qui pourraient être causales (sic) des dommages à la mise en cause.

Le critère, répétons-le, n’est pas le plus exigeant qui soit. « L'obligation de défendre n'exigeant qu'une possibilité de protection, [l’assureur] doit démontrer qu'une exclusion écarte clairement et sans équivoque la protection » écrivait le juge Rothstein.

[9]           En l’occurrence, cette possibilité existe, et l’on ne peut prétendre que l’exclusion invoquée par l’appelante écarte clairement et sans équivoque la protection de la police.

[10]        Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris.

POUR CES MOTIFS, la Cour :

[11]        REJETTE l’appel, avec dépens, sauf pour le cahier des sources déposé hors délai.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 



[1]     Du nom de l’arrêt Compagnie d’assurances Wellington c. M.E.C. Technologie inc., [1999] R.J.Q. 443 (C.A.).

[2]     Bio-Biscuit inc. c. Bi-Pro Marketing Ltd., 2013 QCCS 6133.

[3]     [2010] 2 R.C.S. 245.

[4]     [1990] 1 R.C.S. 801.

[5]     [2001] 2 R.C.S. 699.

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