Perreault c. Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2014 QCCS 125 |
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COUR SUPÉRIEURE (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-018932-137 |
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DATE : |
21 JANVIER 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLÉMENT SAMSON, j.c.s. |
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LOUIS-JACQUES PERREAULT |
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Demandeur |
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c. |
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COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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et |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Par sa procédure du 18 septembre 2013, le demandeur, Monsieur Louis-Jacques Perreault (le demandeur), désire faire réviser 4 décisions rendues par la défenderesse, la Commission des lésions professionnelles (CLP), les 12 mai 2010, 14 mars 2011, 6 juillet 2012 et 15 août 2013, lesquelles confirment une décision rendue par l'autre défenderesse, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), le 26 septembre 2006, entérinée par elle en révision le 5 décembre 2006.
[2] Les deux premiers paragraphes de cette décision fixent le cadre dans lequel ce litige survient :
« [1] Le 8 décembre 2006, monsieur Jacques Perreault, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme celle initialement rendue le 20 octobre 2006 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle.»
[3] L'objet de cette contestation : infirmer la décision de la CSST du 5 décembre 2006 et déclarer le demandeur, briqueteur de métier, victime de lésions professionnelles (syndrome du canal carpien bilatéral et tendinite aux deux épaules).
[4] La tendinite est une maladie pour laquelle la loi crée une présomption à partir de laquelle, si les circonstances de base sont établies, le travailleur qui en est atteint est présumé être atteint d'une maladie professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP)[1]. Cette présomption peut par la suite être renversée.
[5] Le syndrome du canal carpien n'est pas une maladie visée par l'annexe de la loi. Ainsi donc, aucune présomption ne bénéficie au travailleur qui doit, pour établir la maladie professionnelle couverte, démontrer qu'elle est reliée aux risques particuliers du métier exercé.
[6] Après avoir longuement analysé la preuve, la CLP conclut ainsi :
« [81] Après considération de l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles vient à la conclusion que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle car ni le syndrome du canal carpien bilatéral ni la tendinite aux deux épaules ne constituent des maladies professionnelles au sens de l’article 2 de la loi.»
[7] La chronologie des événements rappelle que les problèmes d'articulation aux épaules auraient pu débuter au mois de juillet 2004 :
« [95] D’ailleurs, comme l’a fait remarquer le docteur Nadeau, lorsque le travailleur consulte le 23 juillet 2006, il est au « repos » depuis décembre 2005 puisqu’il a témoigné avoir reçu des prestations d’assurance-chômage de décembre 2005 à août 2006 et n’avoir débuté son travail que le 9 août 2006. Or, durant l’été 2005 le travailleur a effectué 875 heures de travail à titre de briqueteur-maçon et il n’a pas ressenti le besoin de consulter pour son problème d’épaules qui pourtant était chronique depuis plusieurs années selon la note du mois de juillet 2004. Si le travail était responsable de ces douleurs, il va de soi qu’elles se manifestent lorsque le travailleur fournit sa prestation de travail et non lorsqu’il est en arrêt de travail depuis huit mois.»
[8] La CLP réfère à un rapport médical contenu au dossier du demandeur daté du 23 juillet 2004.
[9] C'est précisément la date de ce rapport que le demandeur a subséquemment contestée eu égard à cette conclusion supplémentaire qui vient coiffer la décision CLP-1.
[10] À la lecture de cette décision, le Tribunal remarque que ce paragraphe 95 qui débute par «D'ailleurs» ne semble toutefois pas nécessaire au raisonnement logique de la CLP.
[11] Fort de l'article 429.56[2] de la LATMP, le demandeur demande la révision de la décision CLP-1.
[12] Le 14 mars 2011, la CLP rend une nouvelle décision confirmant la précédente.
[13] Pour soutenir sa demande, le demandeur allègue alors que la décision «comporte un vice de fond de nature à l’invalider». De plus, le demandeur allègue un fait nouveau.
[14] Après avoir repris la jurisprudence et l'analyse des faits, la CLP conclut ainsi :
« [72] Avec respect, le tribunal ne retient pas cet argument. Il estime que le premier juge administratif a bien appliqué l’article 29 de la loi. En effet, il reconnaît d’abord au paragraphe 94 de sa décision que la présomption de maladie professionnelle doit s’appliquer puisque les membres supérieurs sont sollicités de manière répétitive.
[73] Or, la présomption de l’article 29 est une présomption qui peut être renversée. On ne peut toutefois, comme le suggère le travailleur, exiger comme seul moyen de renversement la démonstration de l’absence de l’une de ses conditions d’application.
[74] Le présent tribunal est d’avis qu’il appartient au travailleur de démontrer les conditions d’application de la présomption, soit que son travail comporte des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées, ce qu’il a fait en l’espèce. L’employeur peut ensuite renverser cette présomption en démontrant l’absence de relation causale entre le travail et la lésion. Pour ce faire, la présence ou l’absence de facteurs de risque habituelle-ment reconnus peut être analysée. La présomption peut donc être renversée en démontrant que les mouvements exécutés dans le cadre du travail, bien qu’exécutés de manière répétitive, ne sont pas de nature à causer la lésion diagnostiquée, entre autres parce qu’ils ne sont pas exécutés dans une amplitude contraignante pour la structure lésée.
[75] Le premier juge administratif a analysé l’ensemble de la preuve, dont celle portant sur l’amplitude des mouvements. Il a privilégié l’opinion du docteur Nadeau et a expliqué pourquoi. Il n’appartient pas au présent tribunal de repren-dre l’analyse de cette preuve et d’y substituer sa propre opinion.»
[15] Quant à la date de la consultation du Dr Doucet, le demandeur est d'avis qu'il ne l'a pas consulté le 23 juillet 2004, mais bien en 2006 car ce serait la date qui, selon lui, coïnciderait avec le rapport que le médecin a complété pour Emploi-Québec.
«[87] En l’espèce, le travailleur allègue comme fait nouveau qu’il n’a pas consulté le docteur Doucet le 23 juillet 2004. La première consultation médicale date selon lui de 2006.
[88] Le présent tribunal estime que le travailleur n’a pas démontré la découverte postérieure d’un fait nouveau, impossible à obtenir au moment de l’audience initiale et dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige.
[89] D’abord, il appert des notes médicales du docteur Doucet produites au dossier et auxquelles le premier juge administratif a eu accès lors de l’audience, que le travailleur a consulté son médecin le 23 juillet 2004 pour, entre autres, faire remplir un rapport destiné à Emploi-Québec. Lors de cette consultation, le médecin examine le travailleur et retient un diagnostic de tendinite aux épaules, plus importante à gauche qu’à droite.
[90] Le rapport destiné à Emploi Québec est produit par le travailleur dans le cadre du recours en révocation (T-1). Ce rapport est signé par le docteur Doucet et daté du 23 juillet 2004. Le fait que le travailleur a signé une autorisation d’accès à ce document le 24 avril 2007 ne démontre pas qu’il n’y a pas eu de consultation médicale le 23 juillet 2004. Les notes de consultation démontrent plutôt qu’il y a eu consultation le 23 juillet 2004. Quant à l’autorisation d’accès donnée par le travailleur, elle ne constitue pas un fait nouveau dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige.»
[17] Confirmant l'analyse sur le fond faite par la CLP dans sa décision du 12 mai 2010, cette dernière refuse de la réviser.
« [12] En l'espèce, les représentations du travailleur sont difficiles à saisir. Il parle à la fois de fait nouveau et d'erreur de date de la part de son médecin qui a été lue comme le 23 juillet 2004 alors qu'en réalité, il s'agirait du 23 avril 2007. La Commission des lésions professionnelles va disposer de la requête du travailleur sous l'angle d'un fait nouveau et d'un vice de fond.»
[19] De nouveau en réponse aux faits invoqués par le travailleur quant aux dates de consultation du Dr Doucet, la CLP écrit :
«[37] Enfin, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision constate que le travailleur invoque également un fait nouveau, à savoir qu’il n'a pas consulté son médecin, le docteur Doucet, le 23 juillet 2004 et que la première consultation médicale a plutôt eu lieu en 2006.
[38] Après avoir rappelé ce qu'est un fait nouveau, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime que le travailleur n'a pas démontré la découverte postérieure d'un fait nouveau, impossible à obtenir au moment de l'audience initiale et dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige.
[39] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision souligne que les notes médicales du docteur Doucet ont été produites au dossier et démontrent que le travailleur a consulté son médecin le 23 juillet 2004 pour, entre autres, faire compléter un formulaire destiné à Emploi-Québec. Le médecin examine alors le travailleur et retient un diagnostic de tendinite aux épaules plus importante à gauche qu’à droite. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime que le premier juge administratif a apprécié la preuve, dont les notes de consultation du médecin du travailleur et qu’il ne lui appartient pas de refaire l'analyse de la preuve.
[40] Voilà que par sa seconde requête en révision, le travailleur revient à la charge. Il prétend maintenant que les notes de consultation du docteur Doucet sont erronées dans la mesure où la date du 23/7/04 indiquée par le docteur Doucet sur le rapport destiné à Emploi-Québec doit se lire comme étant le 23 avril 2007 au lieu du 23 juillet 2004 tel qu’indiqué dans les décisions des 12 mai 2010 et 14 mars 2011.»
[20] Après avoir analysé la portée de cette erreur, si erreur il y avait, la CLP lui accorde peu de valeur :
« [44] Il est bien possible que la date indiquée au rapport destiné à Emploi-Québec ait été inversée, mais cela ne signifie pas pour autant que le travailleur n'a pas consulté en 2004. De plus, cette erreur de date, si erreur il y a, n’a aucun caractère déterminant sur le sort du litige.»
[21] L'importance relative de ce fait est clairement remise en doute par la CLP :
« [49] Ce document, peu importe sa date, était connu du travailleur. Il faisait partie de la preuve médicale au dossier et était disponible. De plus, il n'a aucun caractère déterminant sur le sort du litige.»
[22] La CLP refuse de nouveau de réviser la décision du 12 mai 2010.
[23] Toujours insatisfait, le demandeur s'adresse à la CLP pour demander une troisième fois une révision de la décision de mai 2010.
[24] Le 14 août 2012, le demandeur dépose une requête en révision qui contient substantiellement les mêmes arguments que la requête en révision judiciaire devant le Tribunal. La CLP résume ainsi cette troisième demande de révision :
«[30] Or, la lecture de la requête détaillée de 70 paragraphes permet de constater que ce que recherche le travailleur c’est une nouvelle interprétation de la preuve et du droit. Dans cette troisième requête en révision, le travailleur reprend, d’une part, les mêmes allégations qui ont déjà été tranchées et, d’autre part, de nouveaux arguments ou les mêmes arguments sous un autre forme.»
[25] Concluant à un appel déguisé, la CLP rejette la requête en révision du demandeur:
« [34] Tout comme l’a décidé CLP 3 pour la seconde requête en révision, la soussignée estime que la troisième requête en révision s’apparente à un appel déguisé.
[35] Pour paraphraser la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Industries Cedan inc. et C.S.S.T. Montérégie précitée, le travailleur ne peut multiplier à l’infini le nombre de requêtes espérant peut-être qu’à l’usure, il finira par avoir raison. Le moment est survenu où on doit réfréner ses ardeurs et l’inviter à s'adresser à une autre instance, si malgré les décisions défavorables, il estime toujours que la décision initiale comporte une erreur que personne d'autre n'a pu constater.»
[26] Par sa requête, le demandeur soulève 3 moyens :
· Le docteur Doucet n’aurait pas rencontré le demandeur le 23 juillet 2004, mais le 23 avril 2007. Cette erreur de chiffres (23/4/7 au lieu de 23/7/4) aurait fait débuter les symptômes de tendinite aux épaules plus tôt que ce qui était en réalité, ce qui aurait un lien direct sur la relation causale de la maladie dont souffre le deman-deur. Cette erreur d’écriture aurait donc un impact majeur sur les conclusions de la CLP;
· Les mouvements des mains gauche et droite lors de la pose de briques et lors du jointement sont différents et font chacun porter aux épaules des charges différentes. Le demandeur prétend que la CLP a mal apprécié cette preuve et a conséquemment tiré les mauvaises conclusions;
· La CLP n’a pas tenu compte dans sa décision de 2010 d’un texte qu’elle a elle-même fait paraître sur son site Internet relativement au syndrome du nerf carpien[3].
[27] Dans sa requête, le demandeur plaide d’autres moyens qui sont accessoires à ceux précédemment identifiés.
[28] Lors de l'audition, le demandeur a déposé un document originant du Dr Gaétan Doucet daté du 13 janvier 2014, ce à quoi les défenderesses se sont objectées. La preuve a été prise sous réserve.
[29] Dans le contexte d'une révision judiciaire, par ce document, le demandeur désire introduire le témoignage du Dr Doucet relativement aux dates des opinions médicales qu'il a pu rendre au demandeur.
[30] Lors du débat sur cette objection, le demandeur a admis que le contenu presque intégral de ce document a déjà fait l'objet d'un débat devant la CLP pour lequel une décision a été rendue. Dans ce contexte, le Tribunal rejette cette preuve.
[31] La détermination d’une lésion professionnelle est de la juridiction exclusive de la CLP qui siège en révision d’une décision de la CSST[4]. La Cour supérieure doit démontrer une grande déférence envers un tribunal spécialisé qui jouit d’une clause privative.
[32] La norme de contrôle d'une décision d'un tribunal inférieur est définie par la Cour Suprême dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick:
« [47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »[5]
[33] Il n'appartient pas à ce tribunal de procéder à un réexamen de la preuve; il lui suffit de se demander si la décision rendue fait partie des conclusions possibles acceptables et que le processus pour y parvenir démontre une intelligibilité et une transparence, sans égard à la décision que ce tribunal aurait pu autrement rendre.
[34] Le demandeur a choisi la voie de la révision à trois reprises, sans compter que la CSST avait elle-même révisé sa décision. À toutes les fois, la CLP réanalyse la preuve et les arguments, sans compter que les faits nouveaux ont tous été plaidés. Pas moins de 12 personnes, juges et assesseurs, se sont penchés sur les questions soumises par le demandeur. Ce nombre important de personnes spécialisées n’élimine pas le droit du Tribunal de se pencher sur la question; mais du moins il invite à une prudence encore plus grande dans le cadre de la présente analyse. Dans l’arrêt Ambellidis c. Commission de la santé et de la sécurité du travail[6], la Cour d’appel, sous la signature de Monsieur le Juge Pierre J. Dalphond écrit :
«Je note d’ailleurs que les deux membres qui assistaient la commissaire, l’un issu des associations patronales et l’autre des associations syndicales, nommés en vertu de l’article 374 LATMP, ont émis le même avis, soit le rejet de la demande du travailleur au motif que sa condition psychologique découle de sa condition personnelle de dégénérescence discale. Ceci me semble confirmer que des personnes raisonnables et bien informées des faits pouvaient en venir à la même conclusion factuelle que la commissaire.»
[35] La date de l'examen médical auprès du Dr Doucet n’est peut-être pas erronée et, au surplus, cela n'est pas un vecteur important dans la décision.
[36] Cette erreur de date, si erreur il y a, a spécifiquement été plaidée après qu’elle eut été découverte après la décision CLP-1. Elle a été spécifiquement tenue compte par CLP-2[7]. Dans CLP-3[8], de nouveau, cette question revient et la conclusion demeure la même. D’après la CLP, il y aurait eu consultation médicale le 23 juillet 2004.
[37] Mais il y a plus, cette question de date n’emmène pas la CLP à conclure erronément pour autant car elle n’en fait pas une question déterminante. En d’autres termes, si erreur il y avait, cela ne changerait pas la décision. Pour preuve, dans CLP-1, cette mention de juillet 2004 à titre d’élément de décision ne survient qu’au paragraphe 95 et cela apparaît comme un argument supplémentaire. Le texte commence par : « D’ailleurs ».
[38] Quand la question de la soi-disant erreur de date refait surface dans CLP-2, la CLP rappelle, notamment aux paragraphes 44, 88 et 90 de cette décision, que cette consultation n’est pas déterminante eu égard à la décision. Dans CLP-3, le caractère non déterminant de cette erreur, si erreur il y avait, est rappelé aux paragraphes 44, 49 et 51 de cette décision. La CLP-4 constitue davantage une décision qui traite du droit à la révision et qui, dans le faits, reproduit ces mêmes paragraphes où, pour une quatrième fois, la CLP rappelle sa position.
[39] Le demandeur a eu l'occasion de présenter sa preuve et faire valoir ses arguments, les décisions de la CLP sont intelligibles et la conclusion fait partie des issues possibles raisonnables que pouvait rendre la CLP.
[40] Le demandeur soutient essentiellement que la CLP a mal apprécié les pressions qui s’exercent sur chacune de ses épaules : la pose de briques sollicite davantage une épaule qui doit soulever brique après brique alors que l’autre bras doit déposer le mortier. Le jointement des briques solliciterait différemment les épaules.
[41] Le demandeur prétend que la CLP n’a pas tenu compte adéquatement de ces mouvements différents nécessités tantôt par la pose tantôt par le jointement des briques.
[42] Or, d’après la CLP, les mouvements avec ses membres gauches sont considérés comme étant davantage sollicités et la preuve est longuement analysée[9]. Ces décisions, basées sur cette preuve, font partie des conclusions possibles de ce litige. L’argumen-taire de la CLP est logique et il n’appartient pas à ce Tribunal de réviser toute la preuve. Le Tribunal ne siège pas en appel, mais seulement en révision, ce qui veut dire qu’il doit s’assurer de l’intelligibilité des décisions, ce qui est le cas en l’espèce.
[43] Le demandeur n’a pas expressément plaidé oralement cet argument qui se trouve dans sa requête.
[44] Le Tribunal a tout de même identifié le texte contenu sur le site Internet de la CLP relativement au syndrome du nerf carpien auquel réfère le demandeur dans sa procédure et l’a analysé.
[45] Le site n'est ni plus ni moins qu’un site intéressant qui résume la jurisprudence de la CLP sur différentes questions qui relèvent de sa juridiction. Un chapitre (4.2.2.11.2) présente les arrêts jurisprudentiels relatifs à la maladie dont souffre le demandeur.
[46] Avec respect, le demandeur ne peut plaider que la CLP n’a pas tenu compte de l’ensemble de sa jurisprudence sur la question lorsqu’elle a rendu ses 4 décisions. Cela est d’autant plus vrai que le demandeur a soumis ce dernier argument lors de sa dernière révision, ce qui n’a pas influencé davantage la CLP. Le Tribunal remarque d’ailleurs, dans les décisions contestées, que la CLP réfère à des décisions jurispru-dentielles pertinentes.
[47] Le demandeur ne peut plaider que, parce que la CLP a reconnu ce syndrome comme maladie professionnelle dans certains cas, ces décisions s’appliquent automa-tiquement à lui.
[48] De l'avis du Tribunal, la CLP a plus d'une fois évalué l'ensemble de la preuve pour conclure que tant sous l'aspect de la tendinite que du canal carpien, il n'y avait pas suffisamment de preuves pour conclure à une maladie professionnelle, même si une présomption pesait en faveur du demandeur eu égard à la tendinite.
[49] Le langage des décisions est clair, l'analyse intelligible et les conclusions font partie du spectre de conclusions possibles et raisonnables.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[50] REJETTE la requête en révision judiciaire;
[51] LE TOUT, avec dépens.
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CLÉMENT SAMSON, j.c.s. |
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Monsieur Louis-Jacques Perreault |
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[…] |
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Saint-Casimir (Québec) […] |
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Demandeur qui se représente lui-même |
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Vigneault Thibodeau Bergeron, Casier # 187 |
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Me Marie-Claude Delisle |
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Procureurs de la défenderesse Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Verge Bernier Avocats |
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Me Marie-France Bernier |
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900, Place d'Youville, bureau 800 |
||
Québec (Québec) G1R 3P7 |
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Procureurs de la défenderesse Commission des lésions professionnelles |
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Date d’audience : |
15 janvier 2014 |
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[1] Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, Art. 2, Art. 29 et Annexe 1.
[2] 429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
[3] http://www2.clp.gouv.qc.ca/sites/clpq/memento05.nsf. (Chapitre 4.2.2.11.2, lequel commente la LATMP).
[4] 369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:
1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;
2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).
[5] [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9.
[6] CAQ, 500-09-010287-001, 15 octobre 2003,
[7] Voir le paragraphe [16] du présent jugement.
[8] Voir les paragraphes [18] à [21] du présent jugement.
[9] Voir notamment les paragraphes 20, 49, 56, 62, 63, 64, 75 et 83 de CLP-1; voir les paragraphes 9, 16, 22, 25 et 89 de CLP-2; voir les paragraphes 30 et 39 de la CLP-3.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.