Blouin et Ramagex |
2012 QCCLP 6274 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 8 novembre 2011, Ramagex (l’employeur) dépose une requête en révision ou en révocation à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 25 octobre 2011 par ce tribunal.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 mars 2011 et déclare que monsieur Michel Blouin (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 29 juin 2010.
[3] À l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 27 septembre 2012, l’employeur est présent ainsi que le travailleur, qui est représenté. La requête a été mise en délibéré le 27 septembre 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 25 octobre 2011 pour le motif qu’il n’a pu être présent à l’audience tenue le 6 octobre 2011. Il invoque n’avoir pu se faire entendre pour un motif qu’il estime suffisant.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête présentée.
[6] Ils sont d’avis que le motif présenté n’est pas suffisant. En l’espèce, la preuve démontre que le travailleur a choisi sciemment de ne pas se présenter et de ne pas demander une remise de l’audience, et ce, en constatant qu’il ne pouvait être présent. Ce faisant, il a renoncé à l’audience et ne pouvait, par la suite, invoquer n’avoir pu présenter sa version des faits alors qu’en recevant la décision, il est en désaccord avec celle-ci.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 25 octobre 2011.
[8] C’est l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui détermine les conditions d’ouverture du recours en révision ou en révocation qui se lisent comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Il importe de souligner que le recours en révision constitue un recours exceptionnel, dans la mesure où les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel, tel qu’il appert de l’article 429.49 de la loi.
[10] En l’espèce, l’employeur invoque le second alinéa de l’article 429.56 de la loi, soit qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes.
[11] Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles dont l’affaire Imbeault et S.E.C.A.L.[2], il revient au tribunal d’apprécier la preuve et décider si les raisons invoquées sont suffisantes. Pour conclure ainsi, les motifs allégués au soutien de la requête doivent être sérieux et il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui allègue n’avoir pu se faire entendre. De même, selon la jurisprudence, le droit d’être entendu doit primer dans l’appréciation de la preuve soumise[3].
[12] À l’audience, monsieur Derek Trott, copropriétaire de l’entreprise depuis 1989, a témoigné pour expliquer les raisons pour lesquelles l’employeur n’était pas représenté à l’audience. Il est responsable de la production et du service à la clientèle d’une petite entreprise qui éprouvait des difficultés à cette période, soit une baisse notable de contrat.
[13] Il confirme avoir reçu l’avis de convocation pour l’audience prévue le 6 octobre 2011. Monsieur Trott affirme avoir communiqué avec la procureure de la CSST pour s’enquérir de leur présence à la Commission des lésions professionnelles le 6 octobre 2011.
[14] Le 22 septembre 2011, la CSST envoie une lettre à la Commission des lésions professionnelles avec copie à l’employeur pour l’aviser de son intention de ne pas se présenter à l’audience du 6 octobre prochain.
[15] La date de l’audience, le 6 octobre 2011 à 13 h 30, avait été fixée de consentement entre le travailleur et l’employeur par l’entremise de monsieur Michel Lapierre, après une première demande de remise formulée par l’employeur.
[16] Monsieur Trott affirme qu’il s’est réuni avec d’autres personnes, dont monsieur Lapierre, pour préparer le dossier. Il a pris connaissance de la version du travailleur rapportée dans le dossier et avait identifié des points de désaccord qu’il avait l’intention de présenter au tribunal.
[17] Monsieur Trott mentionne que c’est lui qui devait se présenter à la Commission des lésions professionnelles alors que monsieur Lapierre avait un rendez-vous à Mont-Laurier avec un distributeur potentiel. En contre-interrogatoire, monsieur Trott mentionne que le rendez-vous avait été pris par monsieur Lapierre alors que la date d’audience du 6 octobre était connue, ce qui ne causait pas de difficulté selon monsieur Trott, puisque c’est lui et non monsieur Lapierre qui devait se présenter à l’audience.
[18] Mais, le matin du 6 octobre, il a reçu un appel d’un client américain pour une commande imprévue. Étant donné les difficultés de l’entreprise à ce moment, il arrivait fréquemment qu’il participait lui-même à la production plutôt que faire appel systématiquement à des employés.
[19] Il reconnaît donc avoir fait un choix, celui de ne pas aller à l’audience, et de plutôt travailler à la production du contrat. Bien qu’il avait vraiment l’intention de se présenter à l’audience, les impératifs économiques de l’entreprise, vu les difficultés importantes, ont primé.
[20] La production de ce contrat a duré toute la journée, soit de 7 h 30 à 16 h 00. Questionné quant à savoir pourquoi il n’a pas demandé une remise de l’audience au tribunal, il dit n’avoir pas pensé à appeler la Commission des lésions professionnelles et s’être plutôt préoccupé de la production du contrat. Toutefois, il reconnaît qu’il croyait aussi que la version du travailleur ne serait pas retenue par le tribunal, comme cela avait été le cas lors de la décision initiale et lors de la décision rendue par la révision administrative de la CSST.
[21] Aussi, fut-il très surpris lorsqu’il prit connaissance de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 octobre 2011 qui reconnaissait que le travailleur avait subi une lésion professionnelle.
[22] Après une lecture et une analyse de la décision qui a permis de constater des désaccords avec le témoignage rendu par le travailleur, il a déposé un recours en révision ou en révocation de la décision.
[23] C’est en se fondant sur ces éléments de la preuve qui établissent les circonstances expliquant l’absence de l’employeur à l’audience, que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit maintenant rendre sa décision.
[24] Bien que l’employeur avait choisi d’être présent à l’audience et que des impératifs économiques l’en aient empêché, ce qui pourrait peut-être constituer des raisons suffisantes, le fait de ne pas avoir communiqué avec la Commission des lésions professionnelles pour aviser de son absence ou pour demander le report de celle-ci relève aussi d’un choix qui s’apparente dans le contexte à un renoncement.
[25] En effet, l’audience étant prévue à 13 h 30, l’employeur aurait pu demander une remise et d’ailleurs la preuve démontre que, l’ayant fait dans le passé, il était au fait de la possibilité d’une telle démarche.
[26] Or, il décide de ne pas le faire et c’est surtout cette décision, plutôt que la première, celle de devoir répondre à une demande imprévue qui cause problème. L’employeur avait même anticipé qu’il y avait des chances que la décision soit en sa faveur, ce qui témoigne d’une certaine réflexion quant aux conséquences de son choix de ne pas être présent. La preuve démontre que l’employeur avait renoncé à être présent à l’audience en connaissance de cause.
[27] Ce n’est qu’en recevant la décision de la Commission des lésions professionnelles le 21 octobre 2011 avec laquelle il est en désaccord qu’il comprend qu’il eût été préférable de se présenter à l’audience ou de demander un report de celle-ci.
[28] La preuve indique que c’est plutôt le désaccord avec la décision qui a motivé le recours en révision, ce qui ne saurait constituer des raisons jugées suffisantes.
[29] Dans l’affaire Rock of Ages Carrières Canada inc. et CSST[4], la Commission des lésions professionnelles a décidé, dans le cadre d’une requête similaire, que la requérante ayant choisi de ne pas être présente à l’audience ne pouvait se plaindre de l’absence du respect de son droit d’être entendue.
[30] De même, dans l’affaire Château Taillefer Lafon et Vnuk[5], le travailleur avait aussi choisi de ne pas se présenter à l’audience et la Commission des lésions professionnelles a décidé qu’agissant ainsi, il avait renoncé à son droit d’être entendu. Le travailleur ne pouvait, par la suite, se plaindre de n'avoir pu présenter sa version des faits.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision ou en révocation.
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Anne Vaillancourt |
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Me Valérie Lauzier |
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LAUZIER FABI, AVOCATES |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Marie-José Dandenault |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.