COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
276937 |
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Cas : |
CM-2013-5253, CM-2013-5255 et CM-2013-5256 |
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Référence : |
2015 QCCRT 0117 |
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Montréal, le |
27 février 2015 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
André Michaud, juge administratif |
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Sylvie Pelletier
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Plaignante |
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c. |
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Accès santé mentale cible au travail |
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1] Le 11 juillet 2013, madame Sylvie Pelletier (la plaignante) dépose une plainte (CM-2013-5256) en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1 (la LNT). Elle prétend avoir été suspendue par Accès santé mentale cible au travail (l’Employeur) parce qu’elle a exercé un droit prévu à la LNT, soit celui de s’être absentée pour raison de maladie.
[2] Le 29 juillet 2013, la plaignante dépose deux autres plaintes par lesquelles elle conteste le congédiement que lui aurait imposé l’Employeur le 25 juillet précédent. Dans la première (CM-2013-5253), qui prend appui sur l’article 124 de la LNT, elle prétend avoir été congédiée sans cause juste et suffisante. Dans la seconde (CM - 2013-5255), soumise en vertu de l’article 122 de la LNT, elle soutient avoir été congédiée à cause de son absence pour raison de maladie.
[3] L’Employeur soutient que la plainte relative à la suspension est irrecevable parce que la plaignante a invoqué la maladie comme motif d’absence postérieurement à la suspension qui lui a été imposée. De plus, il prétend ne pas avoir congédié la plaignante puisque la cessation de la prestation de travail résulte de l’initiative de celle-ci.
[4] Il est convenu que la Commission se prononce d’abord sur le bien-fondé des trois plaintes ainsi que sur les mesures de réparation reliées à celles déposées en vertu de l’article 122 de la LNT, le cas échéant. Elle réservera sa compétence pour déterminer les mesures de réparation quant à celle déposée en vertu de l’article 124 de la LNT, s’il y a lieu.
[5] L’Employeur est un organisme qui œuvre à la réadaptation au travail de personnes ayant éprouvé des problèmes de santé mentale. Il a été fondé en 1988. Il compte 13 employés, principalement des intervenants en santé mentale / conseillers en emploi.
[6] La plaignante est la première employée à y être embauchée en 1988, immédiatement après le directeur général, monsieur Claude Charbonneau. Elle agit comme intervenante, responsable de la mise à jour en bureautique. Son rôle principal consiste à donner des sessions de perfectionnement en bureautique aux participants au programme et à en assurer le suivi. Elle exécute aussi certaines tâches administratives.
[7] Monsieur Charbonneau considère la plaignante comme une très bonne intervenante. Les relations entre ces deux personnes sont cordiales jusqu’au printemps 2013.
[8] Au mois de mai 2013, se sentant épuisée à cause des problèmes personnels et professionnels qui l’affectent, la plaignante prend trois semaines de vacances pour effectuer un voyage à l’extérieur du pays. Elle considère notamment qu’il y a des difficultés dans les relations entre les membres du personnel de l’Employeur.
[9] La plaignante revient de voyage le jeudi 13 juin 2013. Le lendemain, elle accompagne sa mère à l’hôpital. Le samedi 15 juin, elle reçoit son supérieur immédiat, monsieur Guy Rolland, à souper chez elle. Les deux travaillent ensemble depuis 20 ans et sont devenus de bons amis. Celui-ci lui annonce alors qu’il vient d’être congédié, ce qui la bouleverse.
[10] La plaignante considère cette annonce comme l’événement déclencheur qui l’empêche de retourner au travail. Comme elle le dit à plusieurs reprises dans son témoignage, elle prend conscience qu’elle doit prendre soin d’elle. Le lundi matin, 17 juin, elle laisse le message dans la boîte vocale de la réceptionniste qu’elle sera absente pour la journée. Elle fait la même chose le lendemain matin.
[11] Au cours de la matinée du 18 juin, monsieur Charbonneau tente de contacter la plaignante par téléphone afin de s’enquérir de sa situation. Il laisse le message dans son répondeur de le rappeler.
[12] À 13 h 46, la plaignante transmet à monsieur Charbonneau le courriel suivant :
Bonjour Claude,
J’ai bien reçu ton message. Je communique avec toi par courriel, c’est la seule façon pour moi de me préserver et de prendre soin de moi. Je n’ai pas l’intention de discuter verbalement de la situation.
Tu ne dois pas être sans savoir que je ne suis pas d’accord avec le congédiement de Guy [Rolland] et la façon dont cela a été fait… Cela me bouleverse et me heurte au plus profond de moi. J’ai perdue mes repères et cela depuis plusieurs mois, j’en ai déjà discuté avec toi… Les derniers mois ont été très difficiles et en ce moment, je considère Accès-Cible comme un milieu toxique pour moi. Il y a beaucoup de conflits à gérer et cela me demande énormément d’énergies. Je ne veux pas prendre de décision sur un coup de tête. Je te demande de m’accorder un congé prolongé en considérant le fait que depuis 25 ans, je suis une employée investie et loyale et que j’ai toujours eu cœur la mission de l’organisme.
Ce congé avec solde (5 sem. de vacances et 8 semaines de reconnaissance) débuterait immédiatement et un éventuel retour au travail serait envisageable à la fin de septembre (à ton retour de vacances) après une rencontre avec toi pour préparer mon retour.
Je suis vraiment attristée de vivre des moments si difficiles. J’ai besoin de temps pour moi.
J’attends de tes nouvelles.
(reproduit tel quel)
[13] Les conditions de travail des intervenants prévoient l’octroi d’un congé de reconnaissance d’une durée de cinq semaines par tranche de cinq années de service. Un préavis de quatre mois doit être donné avant de s’en prévaloir.
[14] Le 18 juin, monsieur Charbonneau prend connaissance de commentaires que la plaignante a émis par l’intermédiaire de son compte Facebook. Elle mentionne notamment qu’elle ne comprend pas les raisons du congédiement de monsieur Rolland, qu’elle n’est pas au travail aujourd’hui et qu’elle n’y sera probablement pas demain.
[15] Le 19 juin, la plaignante s’absente de nouveau. Monsieur Charbonneau lui transmet un courriel dans lequel il l’invite d’abord « à la vigilance dans l’utilisation des médias sociaux qui peuvent laisser de vilaines traces ». Il l’informe ensuite de sa décision de refuser sa demande de congé prolongé à cause du manque de personnel disponible pendant la période estivale. En effet, les périodes de vacances des autres employés ont déjà été accordées, monsieur Rolland a été congédié, une employée commence un congé de maternité et un autre quittera son emploi sous peu. Il termine son courriel par ces mots :
Chère Sylvie, tout le monde, unanimement, s’inquiète pour toi et tout le monde souhaite ton retour rapide.
Je t’attends donc demain, à cette journée d’organisation d’équipe.
[16] Le même jour, la plaignante répond par courriel :
Bonjour Claude,
Demain, ma mère subit une intervention chirurgicale et elle doit être accompagnée. Il m’est donc impossible de me présenter à cette journée d’organisation d’équipe.
Tu ne sembles pas bien évaluer le besoin important que j’ai de prendre du recul face au congédiement abusif de Guy, mais aussi à l’ambiance de travail des derniers mois. Il est tout à fait légitime de réfléchir à mon avenir professionnel et de vouloir prendre un temps d’arrêt pour réfléchir à mon retour au travail.
Je ne peux retourner m’exposer au contexte de travail des derniers mois. Plusieurs liens de confiance sont inexistants et je te le répète, j’ai perdu mes repères…
Je comprends que l’organisation de travail devient un point très important dans tel contexte…Mais je veux préserver ma bonne santé mentale. Alors, j’irai rencontrer mon médecin la semaine prochaine.
Je trouve dommage que l’on soit rendu là, après 25 ans de collaboration. Et je ne crois aucunement à ta dernière phrase que tout le monde unanimement s’inquiète pour moi et souhaite mon retour… Soyons réalistes et lucides.
(reproduit tel quel)
[17] Considérant que la plaignante s’absente en réaction au congédiement de monsieur Rolland, le 20 juin 2013, monsieur Charbonneau lui transmet, par courriel, l’avis suivant :
Madame,
Prenez avis par la présente, que suite à vos absences non motivées les 17, 18 et 19 juin 2013, ces journées seront sans solde et considérées comme jours de suspension pour insubordination. Nous considérons par ailleurs la journée d’absence du 20 juin où vous avez accompagné votre mère à une chirurgie, comme une journée de congé personnel autorisée et qui sera puisée dans votre banque.
Nous souhaitons donc votre présence à votre poste, mardi le 25 juin 2013.
Prenez avis qu’à défaut de vous présenter au travail à la date précisée plus haut, d’autres mesures pourraient être prises.
(reproduit tel quel)
[18] C’est la première fois depuis sa fondation que l’Employeur impose une mesure disciplinaire à un de ses employés.
[19] Le 21 juin, la plaignante consulte un médecin. Celui-ci lui remet un billet qu’elle transmet à monsieur Charbonneau par courrier recommandé, le 25 juin. On y lit qu’elle présente une incapacité totale pour la période du 21 juin au 22 juillet 2013. Le diagnostic indique : « Raison médicale ».
[20] La plaignante commence une psychothérapie le 27 juin, laquelle se poursuivra jusqu’à la fin du mois de décembre 2013.
[21] Le 5 juillet 2013, monsieur Charbonneau est toujours d’avis que la plaignante s’absente parce qu’elle est en colère et non parce qu’elle est malade. Il lui transmet donc un « Avis de retour au travail », mentionnant notamment que :
Par ailleurs, le 25 juin dernier nous recevions par courrier recommandé un « certificat médical » indiquant comme diagnostic « raison médicale ». Vous comprendrez que nous ne pouvons reconnaître ce document, puisque non concluant.
Par la présente, nous vous invitons à revenir au travail, à votre poste, le mardi 9 juillet 2013.
Prenez avis qu’à défaut de vous présenter au travail à la date précisée plus haut, vous devrez assumer les conséquences de vos choix.
En effet, vous ne pouvez pas décider par vous-même de vous absenter du travail sans motif.
[22] La plaignante affirme ne pas demander à son médecin d’inscrire un diagnostic sur les billets médicaux qu’elle soumet parce qu’un représentant de la Commission des normes du travail (la CNT) lui a dit qu’elle n’était pas obligée de le faire.
[23] La plaignante ne se présente pas au travail le 9 juillet, ni les jours suivants. Le 11 juillet, elle dépose sa première plainte fondée sur l’article 122 de la LNT. Le 17 juillet, elle consulte son médecin de famille. Celle-ci lui remet un nouveau billet indiquant le même diagnostic, « raison médicale », et prévoyant une réévaluation le 13 août suivant. Elle le transmet à l’Employeur par télécopieur.
[24] Le 19 juillet, monsieur Charbonneau écrit à la plaignante que : « nous ne pouvons reconnaître ce document, puisque non concluant ». En conséquence, il l’« invite » à revenir au travail le 23 juillet suivant et lui rappelle qu’elle devra assumer les conséquences de sa décision.
[25] Le 25 juillet 2013, à la suite d’une demande de la plaignante de recevoir un relevé d’emploi afin de bénéficier de prestations d’assurance emploi pour invalidité, monsieur Charbonneau lui transmet un tel document. Il y a inscrit le code correspondant à « autre motif » pour la raison du relevé et écrit l’observation « ne se présente pas au travail ». Il a coché la case « date non connue » pour la date prévue de retour au travail. De plus, pensant qu’elle est privée de revenus, il lui paie la totalité de son solde de jours de vacances. Il en explique les calculs dans le courriel qui accompagne le relevé, mais n’indique pas la raison de ce paiement.
[26] La plaignante comprend alors qu’elle est congédiée. Ainsi, le 29 juillet, elle dépose deux nouvelles plaintes fondées sur les articles 122 et 124 de la LNT. Elle est donc étonnée quand elle reçoit un nouveau courriel de monsieur Charbonneau, le 2 août, lui rappelant que ses « motifs d’absence sont sans fondement » et lui demandant de revenir au travail le 6 août suivant.
[27] Monsieur Charbonneau affirme que l’absence de la plaignante a entraîné l’annulation de la session de mise à jour en bureautique qui devait commencer vers le 10 août 2013. Or, selon le calendrier de vacances approuvé, il appert que la plaignante devait déjà être en vacances au cours des semaines du 5 au 26 août, inclusivement.
[28] Un représentant de la CNT informe la plaignante qu’une rencontre de médiation est prévue pour le mois de septembre dans le cadre des plaintes qu’elle a déposées. Entre-temps, il lui suggère de continuer à fournir ses attestations médicales à l’Employeur. Ainsi, le 13 août, elle transmet un nouveau billet médical à monsieur Charbonneau. Aucune raison n’y apparaît. Les seules informations inscrites sont que l’absence sera d’une durée indéterminée et que la plaignante sera revue à la fin du mois de septembre.
[29] La plaignante transmet un autre billet médical à monsieur Charbonneau le 24 septembre suivant. Il y est réitéré que l’incapacité se poursuit pour une durée indéterminée et que la plaignante sera revue à la fin du mois d’octobre.
[30] L’Employeur continue de payer les cotisations d’assurance collective au bénéfice de la plaignante jusqu'à la fin du mois de septembre 2013.
[31] La plaignante indique que son état de santé revient à la normale à la fin du mois de novembre 2013. Elle ne contacte pas monsieur Charbonneau à ce moment parce qu’elle se considère comme congédiée.
[32] La plaignante soutient avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé alors que l’Employeur prétend plutôt qu’elle a démissionné en ne se présentant plus au travail, tel qu’il l’a exigé. Qu’en est-il?
[33] Selon la jurisprudence, pour conclure à une démission, il faut que la personne ait manifesté, par des actes positifs et sans équivoque, son intention de démissionner. Une démission forcée, tout comme une rupture du lien d’emploi initiée par l’employeur, ne répond pas à ce critère essentiel. Une démission ne peut se présumer. En cas d’ambiguïté, les décideurs refusent de conclure à une démission.
[34] La sentence rendue par l’arbitre Jean-Pierre Lussier dans l’affaire Maçonnerie J.L.N. c. Union internationale des journaliers de l’Amérique du Nord, local 62, 19 mars 1981, SA-81-03-194, constitue la décision clé en matière de démission ou de congédiement déguisé. Les principes qui y sont énoncés sont repris unanimement par la jurisprudence :
1. Toute démission comporte à la fois un élément objectif et subjectif;
2. La démission est un droit qui appartient à l’employé et non à l’employeur. Elle doit être volontaire.
3. La démission s’apprécie différemment selon que l’intention de démissionner est ou non exprimée.
4. L’intention de démissionner ne se présume pas si la conduite de l’employé est incompatible avec une autre interprétation.
5. L’expression de son intention de démissionner n’est pas nécessairement concluante quant à la véritable intention de l’employé.
6. En cas d’ambiguïté, la jurisprudence refuse généralement de conclure à une démission.
7. La conduite antérieure et ultérieure des parties constitue un élément pertinent dans l’appréciation de l’existence d’une démission.
[35] Dans la présente affaire, la plaignante n’a jamais exprimé directement ou indirectement une intention de démissionner. Tout au plus, mentionne-t-elle avoir besoin d’une période de temps pour réfléchir à son avenir. On ne peut en déduire que sa décision de quitter l’Employeur est prise.
[36] De plus, il est logique qu’elle comprenne avoir été congédiée quand l’Employeur lui verse la totalité de son solde de vacances le 25 juillet 2013. À moins d’une entente spécifique entre un employeur et un salarié, un tel versement ne se fait que lors de la rupture du lien d’emploi.
[37] Ainsi, il faut conclure que la plaignante a été congédiée, et ce, malgré que monsieur Charbonneau lui ait transmis un nouvel avis de retour au travail le 2 août 2013 et continué à payer les cotisations d’assurance collective jusqu’à la fin du mois de septembre 2013.
[38] Selon l’article 122 (1o) de la LNT, il est interdit à un employeur « de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction » à cause notamment de l'exercice d'un droit qui lui résulte de cette loi. Un salarié qui croit avoir été victime d'une telle pratique interdite peut déposer une plainte dans les 45 jours. Selon l’article 17 du Code du travail, RLRQ, c. C-27 auquel renvoie l’article 123.4 de la LNT :
S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le salarié exerce un droit qui lui résulte du présent code, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l'exercice de ce droit et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou mesure à l'égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante.
[39] Pour repousser cette présomption, l’Employeur doit établir l’existence d’une autre cause, juste et suffisante, pour avoir imposé une sanction à la plaignante. Le motif doit être sérieux, par opposition à un prétexte, et constituer la cause véritable de la mesure.
[40] La première plainte (CM-2013-5256) conteste la suspension sans traitement des 17, 18 et 19 juin 2013, communiquée le 20 juin. La plaignante prétend que cette mesure lui a été imposée à cause de son absence pour maladie. Ceci ne peut être retenu.
[41] En effet, la plaignante s’est absentée à l’occasion de ces trois jours sans fournir de motif. Elle n’indique pas, dans les messages qu’elle laisse dans le répondeur de l’Employeur, ni dans les courriels qu’elle lui transmet, que la raison de son absence est la maladie. De plus, le billet médical qu’elle soumet le 25 juin 2013 mentionne que son invalidité a débuté le 21 juin précédent, donc après les trois jours d’absence reprochés et l’imposition de la suspension. La plaignante n’ayant pas exercé un droit prévu à la LNT au moment de la suspension, elle ne peut avoir recours à l’article 122 de la LNT.
[42] L’Employeur soutient que la plaignante s’est absentée sans motif valable en présentant seulement des billets médicaux non concluants. Qu’en est-il?
[43] Selon la jurisprudence, si un employeur a des motifs raisonnables de douter de la validité d’un certificat médical, il peut exiger que le salarié produise un document plus détaillé et, éventuellement, l’obliger à se soumettre à un examen médical par un médecin de son choix. (Voir notamment Duguay c. Jeanne Blais, 2009 QCCRT 0062 et Polimeno c. 3550222 Canada inc., 2011 QCCRT 0015).
[44] Dans la présente affaire, on peut comprendre, étant donné le contexte de l’absence de la plaignante, que monsieur Charbonneau ait des doutes quant à la réalité de son invalidité. Toutefois, cela ne le justifie aucunement à s’improviser médecin. Confronté à deux billets rédigés par des médecins différents, il n’a jamais indiqué clairement à la plaignante pourquoi il considérait ceux-ci comme « non concluants ». Il n’a jamais demandé la production d’un certificat présentant un diagnostic et la nature des traitements, encore moins exigé qu’elle se soumette à une expertise médicale.
[45] Monsieur Charbonneau n’a pas, non plus, indiqué à la plaignante que le défaut de produire un tel document pouvait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à son congédiement.
[46] Il s’agit là d’omissions fatales.
[47] Monsieur Charbonneau justifie son inaction en disant qu’il présumait que la plaignante devait connaître son obligation de produire des certificats médicaux contenant un diagnostic. Or, une telle supposition n’est pas suffisante dans les circonstances, surtout quand il s’agit de la première fois en 25 ans d’existence que l’Employeur s’engage dans une telle démarche.
[48] Les messages transmis par un employeur dans de telles circonstances doivent être clairs quant à la faute reprochée, aux mesures correctives attendues et aux conséquences d’une dérogation. Cela n’a pas été le cas dans la présente affaire.
[49] Ainsi, faute d’une preuve contraire, il faut conclure que la plaignante s’est absentée en raison de son invalidité, ce qui a entraîné son congédiement déguisé. La plainte déposée selon l’article 122 de la LNT contestant cette décision est accueillie.
[50] Il va de soi qu’un motif illicite, tel que constaté précédemment, ne peut constituer une cause juste et suffisante de congédiement. La plainte déposée selon l’article 124 de la LNT est aussi accueillie.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte déposée le 11 juillet 2013 (CM-2013-5256);
ACCUEILLE les plaintes déposées le 29 juillet 2013 (CM-2013-5253 et CM-2013-5255);
ANNULE le congédiement imposé le 25 juillet 2013;
ORDONNE à Accès santé mentale cible au travail de réintégrer madame Sylvie Pelletier dans son emploi, avec tous ses droits et privilèges, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;
ORDONNE à Accès santé mentale cible au travail de verser à madame Sylvie Pelletier à titre d’indemnité, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, l’équivalent du salaire et des autres avantages dont l’a privée le congédiement;
RÉSERVE sa compétence pour régler toute difficulté résultant des présentes ordonnances;
RÉSERVE sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées quant à la plainte déposée selon l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1 (CM-2013-5253).
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__________________________________ André Michaud |
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Me Stéphanie Sofio |
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RIVEST, TELLIER, PARADIS |
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Représentante de la plaignante |
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Me Charles Caza |
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CAZA MARCEAU + SOUCY BOUDREAU AVOCATS |
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Représentant de l’intimée |
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Date de la dernière audience : |
26 janvier 2015 |
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/jt
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.