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[1] Le 11 mai 2005, monsieur Maurice Labrecque (le travailleur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la C.S.S.T.) à la suite d'une révision administrative datée du 25 avril 2005.
[2] Par cette décision, la C.S.S.T. déclare irrecevable la demande de révision logée le 18 mars 2005 à l’encontre de la décision rendue le 14 mai 2004. Par cette décision, la C.S.S.T. déclare irrecevable la demande de révision logée le 10 février 2005 à l’encontre de la décision rendue le 22 novembre 2004.
[3] Lors de l’audience tenue à Québec le 8 septembre 2006, seuls le travailleur et son procureur étaient présents. Le dossier a été mis en délibéré le 8 septembre 2006.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer recevable sa demande de révision logée le 18 mars 2005 et de reconnaître qu’il avait un motif raisonnable expliquant son retard à contester. Sur le fond, le travailleur demande de revoir la base de salaire retenue par la C.S.S.T. aux fins d’établir le montant de ses indemnités de remplacement du revenu.
[5] Le travailleur demande par ailleurs à la Commission des lésions professionnelles de déclarer recevable sa demande de révision logée le 10 février 2005 et de revoir le montant de ses indemnités de remplacement du revenu versées à partir de la date de son retour au travail progressif survenu le 1er novembre 2004.
LES FAITS
[6] Le travailleur travaille comme agent correctionnel au Pénitencier de Donnacona depuis le 1er juin 2000. Il travaille également comme enseignant en foresterie à la Commission scolaire de la Capitale depuis 1973. Le travailleur soumet qu’il gagnait environ 70 000 $ par année, compte tenu de ses deux salaires.
[7] Le 7 avril 2004, il est témoin d’une agression entraînant la mort d’un détenu au pénitencier. Il subit alors un état de stress aigu. Un arrêt de travail est prescrit.
[8] Le 11 mai 2004, le docteur Beaulieu, médecin qui a charge, réitère le diagnostic et mentionne qu’il autorise un retour au travail à partir du 24 mai 2004. Dans une lettre datée du 11 juin 2004, son psychologue précise que le travailleur voulait retourner au travail à plein temps malgré sa recommandation de commencer par un retour progressif. Le travailleur a effectué une semaine à temps plein mais a dû réduire ses heures étant donné sa fatigue et sa sensibilité.
[9] Le 14 mai 2004, la C.S.S.T. rend une décision établissant le revenu brut assurable retenu, soit 40 311 $ et la situation familiale du travailleur (sans conjoint à charge) afin de fixer le montant de ses indemnités de remplacement du revenu.
[10] Le 3 juin 2004, le docteur Beaulieu autorise un retour progressif, à raison de trois jours non consécutifs durant deux semaines, trois jours dont deux consécutifs durant une semaine puis quatre jours par semaine.
[11] Le 30 juin 2004, le docteur Beaulieu complète un rapport médical dans lequel il recommande un arrêt complet de travail.
[12] Selon le témoignage du travailleur, son employeur lui a versé 100 % de son salaire jusqu’au 9 septembre 2004, en vertu d’une clause de sa convention collective. C’est donc à ce moment qu’il commence à recevoir des indemnités de remplacement du revenu. C’est également à ce moment qu’il réalise le montant versé qu’il considère insuffisant puisque son salaire d’enseignant n’est pas considéré.
[13] Le 8 octobre 2004, le travailleur se rend au bureau de la C.S.S.T. pour remettre un document émanant de la Commission scolaire relativement au salaire annuel gagné en 2003. L’agent lui explique alors que c’est le salaire prévu à son contrat de travail qui est retenu et que le salaire gagné à la Commission scolaire ne peut être considéré. L’agent corrige toutefois la situation familiale du travailleur, à sa demande, pour inscrire « conjoint à charge ».
[14] Le 27 octobre 2004, le docteur Beaulieu autorise un retour au travail progressif à compter du 1er novembre 2004.
[15] À partir du 1er novembre 2004, il reprend son emploi sur une base progressive. Son employeur lui paie ses jours travaillés et la C.S.S.T. lui paie la différence sous forme d’indemnité de remplacement du revenu. Le 22 novembre 2004, lors de la réception de son premier chèque d’indemnité de remplacement du revenu depuis son retour au travail progressif, le travailleur juge ses indemnités insuffisantes puisqu’elles ne représentent pas son salaire gagné. Le retour au travail progressif a cessé le 24 décembre 2004.
[16] Le 17 décembre 2004, le travailleur envoie une lettre de contestation à la C.S.S.T., mais aucune trace ne subsiste de ce document à la C.S.S.T., si ce n’est une copie conforme envoyée au syndicat et à l’employeur. Une représentante de l’employeur, madame Odette Duranleau, atteste de ce fait dans une note manuscrite datée du 18 mars 2005. De même, monsieur Robert Jacques, représentant syndical, atteste avoir reçu cette lettre en main propre le 17 décembre 2004, dans une déclaration manuscrite.
[17] Le 10 février 2005, le travailleur envoie à nouveau à la C.S.S.T. sa lettre datée du 17 décembre 2004 pour contester le montant des indemnités de remplacement du revenu reçues à la suite de son retour au travail progressif qui avait débuté le 1er novembre 2004.
[18] Le 18 mars 2005, la procureure du travailleur loge une contestation formelle de la décision de la C.S.S.T. rendue le 14 mai 2004 relativement à sa base de salaire. Elle allègue notamment le fait que son client était sous l’impression que le désaccord qu’il avait manifesté verbalement le 8 octobre 2004 valait une demande de révision.
[19] Lors de l’audience, le travailleur a décrit ses deux emplois en soulignant qu’il les exerçait de façon simultanée. Il avait même effectué des tâches d’enseignement le 7 avril 2004, le jour de son accident, avant de débuter son quart de travail à 16 h au pénitencier.
[20] À la question de savoir s’il avait bien reçu la décision rendue le 14 mai 2004 relativement à sa base de salaire, le travailleur a répondu par l’affirmative mais en précisant qu’il ne réalisait pas vraiment les implications en raison de son état psychologique et du fait que son employeur continuait à lui verser 100 % de son salaire.
L’AVIS DES MEMBRES
[21] En ce qui concerne la contestation logée par le travailleur le 18 mars 2005 à l’égard de la décision rendue le 14 mai 2004, les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis que le travailleur n’a pas démontré de motif raisonnable pour expliquer ce délai considérable.
[22] En effet, dans les jours suivant la réception de la décision du 14 mai 2004, le travailleur avait demandé de retourner au travail à plein temps, ce qu’il a fait durant une semaine puis sur une base progressive à raison de trois jours par semaine jusqu’au 2 juin 2004.
[23] Il est difficile de conclure, dans les circonstances, que le travailleur puisse se considérer apte à reprendre son emploi et, durant la même période, qu’il se dise incapable de déposer une contestation à la suite de la décision qu’il déclare avoir bien reçue. Bref, l’état psychologique du travailleur ne peut expliquer son défaut d’avoir contesté dans les délais requis la décision du 14 mai 2004. Sa contestation doit donc être déclarée irrecevable.
[24] En ce qui concerne la contestation logée par le travailleur le 10 février 2005 à l’égard de la décision rendue le 22 novembre 2004, les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis que la preuve prépondérante permet de conclure qu’il avait contesté formellement le 17 décembre 2004, tel que le confirment son employeur et son syndicat. La contestation a donc été logée dans le délai de 30 jours.
[25]
Quant au fond, les membres issus des associations syndicales et
d'employeurs sont d'avis que le travailleur avait droit d’être compensé par la
C.S.S.T. en fonction des dispositions de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[26]
La Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider si la
contestation logée par le travailleur le 10 février 2005 est recevable compte
tenu de l’article
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[27] La décision contestée ayant été rendue le 14 mai 2004, le travailleur dépassait donc largement le délai prévu à la loi. L’article 352 prévoit ce qui suit :
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
__________
1985, c. 6, a. 352.
[28] Dans le présent cas, le travailleur invoque son état psychologique et le fait qu’il croyait que sa contestation verbale faite le 8 octobre 2004 était suffisante pour justifier son retard.
[29] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur n’a pas démontré de motif raisonnable. En effet, dans la période où il a reçu la décision en cause, le travailleur avait repris ses tâches à plein temps, soit durant la semaine du 24 mai au 2 juin 2004. Durant les quatre semaines suivantes, son médecin a autorisé un retour au travail progressif, à raison de trois jours par semaine, ce que le travailleur a effectué, afin de faciliter la réinsertion. Un arrêt de travail total est prescrit le 30 juin 2004.
[30] Le tribunal retient de ces faits que dans les 30 jours suivant la réception de la décision rendue le 14 mai 2004, le travailleur n’a démontré aucun motif pour ne pas la contester. En effet, le tribunal considère que s’il était capable de refaire son emploi d’agent correctionnel, il devait également être en mesure de contester la décision du 14 mai 2004, décision qui lui donnait toutes les informations requises sur sa base de salaire. Il savait dès cette date que seul son salaire au pénitencier était considéré aux fins du calcul de ses indemnités de remplacement du revenu.
[31] La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’avait aucun motif raisonnable pour ne pas contester cette décision dans les délais légaux. Sa contestation a été logée formellement 308 jours après la décision en cause, ce qui ne peut être recevable.
[32]
Le procureur du travailleur soumet, à l’audience, qu’il pourrait faire
une demande de reconsidération auprès de la C.S.S.T. pour corriger l’erreur
intervenue quant à la base de salaire. Le tribunal tient à souligner, à ce
sujet, que l’article 365 ne peut s’appliquer lorsque la C.S.S.T. a rendu une
décision à la suite d’une révision administrative, conformément à l’article
[33] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la contestation logée par le travailleur à l’égard de la décision rendue le 22 novembre 2004 est recevable compte tenu des articles 358 et 352 précités.
[34] À ce sujet, le tribunal retient de la preuve que le travailleur a manifesté son désaccord avec le montant des indemnités de remplacement du revenu versées à la suite de son retour au travail progressif effectué le 1er novembre 2004.
[35] En effet, il ressort d’une note évolutive datée du 18 novembre 2004 que le travailleur a exposé ses prétentions à son agent. Une entente est intervenue sur la façon de verser les indemnités de remplacement du revenu. Le 16 décembre 2004, le travailleur rappelle son agent pour lui dire qu’il était pénalisé par rapport à son salaire habituel.
[36] Le 17 décembre 2004, le travailleur affirme avoir envoyé une lettre de contestation à la C.S.S.T. Toutefois, seules les copies conformes transmises à l’employeur et au syndicat ont été reçues. Le tribunal considère que cette preuve circonstancielle permet de conclure de façon suffisamment prépondérante que le travailleur a bel et bien transmis sa lettre du 17 décembre 2004 à la C.S.S.T. et que pour une raison inconnue, cette lettre ne s’est pas retrouvée au dossier. La contestation du travailleur est donc jugée recevable et respecte le délai de 30 jours prévu à la loi à l’égard de la décision rendue le 22 novembre 2004.
[37]
Quant au fond, la soussignée adhère à la jurisprudence majoritaire[2]
voulant que les dispositions de l’article
52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.
__________
1985, c. 6, a. 52.
[38] Ainsi, dans le cas d’un retour au travail progressif où le travailleur perçoit un revenu d’emploi alors qu’il conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, ce revenu doit être déduit de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit. L’article 52 vise à éviter une situation où un travailleur pourrait recevoir une double indemnisation dans la mesure où il perçoit un revenu alors qu’il reçoit déjà une indemnité de remplacement du revenu. En l’espèce, la C.S.S.T. doit soustraire de l’indemnité de remplacement du revenu versée entre le 1er novembre 2004 et le 24 décembre 2004 le revenu net d’emploi que le travailleur a gagné durant son retour au travail progressif.
[39] Dans sa lettre de contestation, le travailleur soumet ce qui suit :
« J’ai compris que vous calculiez mon indemnité de remplacement du revenu au travailleur dans le cadre d’une solution provisoire de retour au travail à partir du montant de remplacement de $978,18 moins le revenu net payé par mon employeur pour la même période.
Selon mon syndicat, le montant payé par mon employeur ne devrait pas influer le montant que vous me versez dans le cadre d’une solution provisoire de retour au travail. Le montant versé par la C.S.S.T. devrait être basé sur l’indemnité de remplacement du revenu de $978,18 moins l’allocation journalière multipliée par le nombre de jours travaillés, soit 978,18$ - (69,87$ X nombre de jours travaillés). »
[40] Dans son argumentation, le procureur du travailleur demandait que les indemnités de remplacement du revenu du travailleur versées dans le cadre du retour au travail progressif soient payées sur une base « per diem annualisées », c’est-à-dire que si le travailleur travaille 2 jours par semaine, il a droit à 3/5 des prestations en indemnités de remplacement du revenu pour combler la différence.
[41] La Commission des lésions professionnelles considère que l’article 52 est clair et correspond au calcul effectué par la C.S.S.T. Les prétentions du travailleur doivent donc être rejetées.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE en partie la requête de monsieur Maurice Labrecque, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 25 avril 2005 à la suite d’une révision administrative relativement à la contestation logée le 18 mars 2005;
DÉCLARE irrecevable la contestation logée par monsieur Maurice Labrecque, le 18 mars 2005 à l’égard de la décision du 14 mai 2004;
INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 25 avril 2005 à la suite d’une révision administrative relativement à la contestation logée le 10 février 2005;
DÉCLARE recevable la contestation logée par monsieur Maurice Labrecque, le 17 décembre 2004 à l’égard de la décision rendue le 22 novembre 2004;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 25 avril 2005 à la suite d’une révision administrative quant au calcul des indemnités de remplacement du revenu versées durant le retour au travail progressif effectué entre le 1er novembre 2004 et le 24 décembre 2004.
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Rivard et Imprimeries Quebecor
inc.,
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