Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Québec

QUÉBEC, le 28 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

89993-31-9707-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Marie Beaudoin, avocate

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

108583162

AUDIENCE TENUE LE :

23 novembre 1999

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER BRP :

62449766

À :

Québec

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUETE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L’ARTICLE 429.56 DE LA LOI SURLES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES, L.R.Q., c. A-3.001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ALUMINERIE LAURALCO INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C.S.S.T. - QUÉBEC-NORD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 12 avril 1999, Aluminerie Lauralco inc., l’employeur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision qu’elle a rendue le 10 mars 1999.

[2]               Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles maintient une décision rendue par le Bureau de révision paritaire le 2 juillet 1997 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité des coûts reliés aux lésions professionnelles dont monsieur Mario Morissette, le travailleur, a été victime.

[3]               Le 3 mai 1999, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) conformément à l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, intervient dans cette affaire.

[4]               L’employeur et la CSST sont représentés à l’audience.

 

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[5]               S’appuyant sur l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, l’employeur demande de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles au motif qu’elle comporte des vices de fond de nature à l’invalider.

[6]               Plus précisément, l’employeur allègue que la Commission des lésions professionnelles dans la décision rendue le 10 mars 1999 adopte une interprétation contraire au texte des articles 326 et 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et à l’économie générale de la loi en imposant à l’employeur une démarche préalable à une demande de partage de coûts.  L’interprétation qui est faite de ces dispositions et les conclusions qui en découlent sont injustes et surtout sans fondement rationnel avec l’ensemble de la preuve et les dispositions législatives pertinentes.

 

LES FAITS

[7]               Pour une meilleure compréhension du litige et compte tenu de la conclusion à laquelle en arrive la Commission des lésions professionnelles, cette dernière juge opportun de faire un bref résumé de l’ensemble des faits qui ont donné naissance au litige.

[8]               Le 7 septembre 1994, le travailleur, né en 1964, ressent une douleur à l’épaule droite en se retenant pour éviter une chute.

[9]               Le diagnostic posé est celui d’une tendinite à l’épaule droite.  La lésion est consolidée le 9 février 1995 sans atteinte permanente, et avec des limitations fonctionnelles temporaires.

[10]           Au cours de l’investigation menée dans le cadre de cette lésion professionnelle, le docteur André Gilbert, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur le 17 février 1995.  Il réfère dans son rapport d’expertise à un rapport radiologique qui démontre la présence d’un dépôt calcaire qui, à son point de vue, n’est peut-être pas intervenu de façon déterminante dans l’apparition du phénomène douloureux mais a certes contribué à prolonger de façon significative la période d’invalidité.

[11]           Le 20 mars 1995, la CSST reconnaît que le travailleur a été victime d’un accident du travail s’infligeant une tendinite à l’épaule droite.

[12]           Le 5 septembre 1995, le travailleur présente une deuxième demande d’indemnisation à la CSST alléguant être victime d’une rechute, récidive ou aggravation.  Le 22 janvier 1996, le travailleur subit une acromioplastie à l’épaule droite.

[13]           Le 27 août 1996, l’employeur demande à la CSST de refuser la demande d’indemnisation du travailleur considérant que la lésion qui a nécessité l’intervention chirurgicale en janvier 1996 ne découle pas d’une lésion professionnelle mais d’une condition personnelle à savoir un dépôt calcaire dû à une susceptibilité du défilé sous-acromial.

[14]           Le 24 octobre 1996, la CSST estime que les documents démontrent qu’il existe un lien entre la tendinite à l’épaule droite qui s’est manifestée le 5 septembre 1995 et la lésion professionnelle initiale du 7 septembre 1994.  Elle accepte donc la demande d’indemnisation du travailleur pour une rechute, récidive ou aggravation.

[15]           Cette décision de la CSST n’est pas contestée par l’employeur.

[16]           Le 11 novembre 1996, le docteur Marc Bazin, médecin consultant pour l’employeur, demande à la CSST d’accorder un partage d’imputation pour les lésions professionnelles dont le travailleur a été victime.  Dans la lettre qu’il adresse à la CSST, après avoir fait référence au rapport d’expertise du docteur Gilbert du 17 février 1995, il écrit :

«(...)

 

Nous avions alors demandé un BEM, mais, puisque monsieur Morissette a été consolidé à la même époque (le REM du Dr Lavoie date du 2 février 1995) sans APPIP et/ou limitation fonctionnelle permanente et qu’en plus, il avait été en assignation temporaire tout au long de sa maladie (donc pas de frais d’indemnités de remplacement du revenu), nous avons alors jugé bon de cesser nos démarches dans ce dossier.

 

Cependant, considérant la récidive de la pathologie sans fait accidentel identifiable et considérant qu’une acromioplastie, qui vient confirmer la présence d’une biomécanique préjudiciable au niveau du défilé sous-acromial, a maintenant été nécessaire, nous croyons qu’un partage d’imputation de l’ordre de 90 % pour le fonds consolidé et 10 % pour Lauralco Inc. devrait être accordé dans ce dossier.  C’est en effet cette susceptibilité du défilé sous-acromial qui est la cause de la présente récidive, puisqu’aucun nouveau fait accidentel et aucune activité répétitive n’a pu être identifiée.  En plus, l’absence du travail de monsieur Morissette est secondaire à la chirurgie qui visait spécifiquement à corriger la petite lumière congénitale de son défilé sous-acromial.

 

Nous avons donc réuni ici les conditions nécessaires au partage d’imputation, soit une condition personnelle qui a contribué à produire une lésion et à prolonger très significativement la période de consolidation de cette lésion (notons que la période prévisible de consolidation pour une tendinite de la coiffe des rotateurs est de 4 à 6 semaines).»

 

 

 

[17]           Selon le rapport d’évaluation du docteur Kinnard, le travailleur a pratiquement repris son travail régulier à compter du mois d’octobre 1996.

[18]           Le 22 janvier 1997, la CSST refuse la demande de partage d’imputation de l’employeur.  Cette décision est contestée, elle sera maintenue par le Bureau de révision paritaire d’où l’appel dont était saisie la Commission des lésions professionnelles.

[19]           Le docteur André Gilbert, chirurgien orthopédiste, a témoigné à l’audience tenue le 16 décembre 1998 devant la Commission des lésions professionnelles.  L’employeur dépose à l’audience sur la présente requête en révision une retranscription de son témoignage.

[20]           La Commission des lésions professionnelles retient essentiellement de ce témoignage que le dépôt calcaire qui a été mis en évidence par une évaluation tomographique, est d’environ un centimètre, qu’il s’agit en conséquence d’un dépôt calcaire très significatif qui occupe environ 50 % de l’espace acromio-claviculaire.  De l’avis du docteur A. Gilbert, ce dépôt calcaire constitue un handicap en tenant compte notamment de l’âge du travailleur.  Il considère également que ce dépôt calcaire n’est pas intervenu de façon déterminante dans l’apparition du phénomène douloureux mais qu’il a, compte tenu de son importance, prolongé de façon très significative la période d’invalidité.  Compte tenu de la nature du traumatisme subi par le travailleur, la période d’incapacité aurait dû se situer aux alentours de quatre à six semaines.

[21]           Dans la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 mars 1999, la commissaire résume les faits qui ont donné naissance au litige et réfère au témoignage du docteur Gilbert dont elle retient comme élément essentiel qu’il a confirmé que le «travailleur était porteur d’une condition personnelle importante et anormale pour un individu de son âge ce qui a prolongé de façon indue la période d’incapacité généralement reconnue pour une condition de tendinite de la coiffe des rotateurs, laquelle est de six semaines».

[22]           La Commission des lésions professionnelles retient également dans la décision dont on demande la révision que tant dans le formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement» signé le 1er mai 1996 que dans une lettre du 27 août 1996, l’employeur contestait le fait que le travailleur ait été victime d’une rechute, récidive ou aggravation qui se serait manifestée le 5 septembre 1995 et qui a donné lieu à une intervention chirurgicale le 22 janvier 1996.

[23]           Par la suite, la Commission des lésions professionnelles résume l’argumentation qui a été soumise par l’employeur et procède à la rédaction des motifs de la décision.  La Commission des lésions professionnelles estime opportun de reproduire ici, intégralement, les paragraphes pertinents de la décision rendue le 10 mars 1999 :

«(...)

 

ARGUMENTATION

 

L’employeur considère que la preuve démontre que le travailleur est porteur d’une condition personnelle importante et anormale, laquelle a eu une incidence de taille sur la période de consolidation de la lésion professionnelle dont fut victime le travailleur.

 

Il s’agit d’un handicap au sens de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, et la Commission des lésions professionnelles doit reconnaître que le bien fondé de sa demande de partage d’imputation des coûts générés par la lésion professionnelle dont fut victime le travailleur.

 

L’employeur se réfère au témoignage du docteur A. Gilbert lequel parle d’une période normale de consolidation de six semaines pour une condition de tendinite de la coiffe des rotateurs et, en raison de cette normalité, l’employeur ne doit assumer aucun coût d’imputation pour la période postérieure à cette normalité qui se situe vers le 20 octobre 1994.

 

L’employeur termine en citant l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et considère qu’il serait obéré injustement si la Commission des lésions professionnelles ne fait pas droit à ses prétentions.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit au partage de l’imputation des coûts engendrés par la lésion professionnelle dont fut victime le travailleur.

 

L’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en vertu duquel un tel partage est possible se lit ainsi :

 

329.  Dans le cas d’un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs, de toutes les unités.

 


1985, c. 6, a. 329.

 

En vertu de cet article, un partage est possible lorsqu’il y a déjà présence d’un handicap lorsque se manifeste une lésion professionnelle.

 

Or, le dossier démontre que l’employeur a toujours considéré que le travailleur ne fut pas victime d’une lésion professionnelle en septembre 1995 et janvier 1996 car il considérait, à ce moment-là, que les problèmes du travailleur étaient uniquement attribuables à sa condition personnelle.

 

À cet effet, la Commission des lésions professionnelles s’en remet au formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement» du 1er mai 1996 et à la lettre de l’employeur du 27 août 1996 dans lesquels l’employeur précise, sans ambiguïté, sa conviction à l’effet que seule la condition personnelle du travailleur est responsable des problèmes du travailleur.

 

Cette compréhension de la Commission des lésions professionnelles est renforcée par l’argumentation de l’employeur qui se refuse à être imputée de quelques coûts que ce soit pour la période postérieure au 20 octobre 1994.

 

Pourtant l’employeur disposait d’un recours spécifique pour voir reconnaître ses prétentions et ce recours était une demande de révision des décisions de la CSST acceptant, à titre de rechute, récidive ou aggravation, les problèmes du travailleur pour les périodes des 5 septembre 1995 et 22 janvier 1996.

 

L’employeur a omis de se prévaloir de ce droit et tente de remédier à cette lacune par le biais d’une demande de partage de l’imputation des coûts reliés aux lésions professionnelles du travailleur.

 

Loin de considérer que l’employeur serait obéré injustement si la Commission des lésions professionnelles ne fait pas droit à son appel, cette dernière considère plutôt que c’est l’ensemble des employeurs de toutes les unités qui devraient assumer injustement la totalité des coûts reliés à une lésion professionnelle que l’employeur du travailleur attribue uniquement à une condition personnelle et qui fut reconnue à titre de professionnelle sans que cet ensemble d’employeurs ait pu contester cette décision.

 

PAR CES MOTIFS, LA Commission des lésions professionnelles :

 

REJETTE l’appel de Aluminerie Lauralco inc.;

 

CONFIRME la décision du Bureau de révision du 2 juillet 1997;

 

et

 

DÉCLARE que Aluminerie Lauralco inc. doit assumer la totalité des coûts reliés aux lésions professionnelles du travailleur.»

 

 

 

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[24]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il existe une cause donnant ouverture à la révision de la décision qu’elle a rendue le 10 mars 1999.

[25]           Les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pertinentes à la solution de ce litige sont les suivantes :

429.49.           Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.56.           La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

        lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

        lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

        lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

[26]           L’employeur invoque le troisième alinéa de l’article 429.56 alléguant un vice de fond de nature à invalider la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles.

[27]           La Commission des lésions professionnelles en se fondant sur la jurisprudence des tribunaux supérieurs et des autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions semblables, a interprété les termes «vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision» comme étant une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur le litige[1].

[28]           En l’espèce, bien que la commissaire décide qu’il n’est pas injuste pour l’employeur de se voir imputer la totalité des coûts reliés aux lésions professionnelles dont le travailleur a été victime, le raisonnement qui supporte cette conclusion est manifestement erroné en droit.  En effet, le motif invoqué n’a pas de relation avec la question qui devait être tranchée soit l’existence d’un handicap avant que la lésion professionnelle se manifeste.

[29]           La commissaire a disposé de la contestation qui lui était soumise en opposant une espèce de fin de non recevoir à l’employeur.  Parce qu’il choisi de ne pas demander la révision des décisions rendues par la CSST acceptant, à titre de rechute, récidive ou aggravation, les réclamations du travailleur pour les périodes des 5 septembre 1995 et 22 janvier 1996, il devenait forclos de demander un partage de coûts générés par ces lésions professionnelles.

 

 

 

[30]           Or, il est vrai que bon nombre de décisions de la défunte Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) ayant à statuer sur une demande de partage de coûts en vertu de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, reconnaissaient que ces demandes de partage d’imputation pouvaient être, à l’occasion, perçues comme une façon indirecte de contester la décision d’admissibilité d’une lésion professionnelle.  Toutefois, il n’a jamais été décidé et aucune disposition législative ne le prévoit, que pour conclure à l’application de l’article 329, il fallait s’être assuré que l’employeur avait fait valoir tous ses droits par le biais d’une demande de révision.

[31]           En appliquant un critère qui ne découle pas de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la commissaire a donc commis une erreur qui justifie la révision de sa décision.

[32]           Cette erreur fait en sorte que la question principale que soulevait la contestation de l’employeur n’a pas été abordée par la commissaire ce qui justifie aussi la révision de la décision.

[33]           L’employeur ayant fait témoigné le docteur Gilbert sur la présence d’un handicap et sur la relation entre ce handicap et la lésion professionnelle était en droit d’avoir une réponse à son questionnement et à connaître ses droits découlant de l’application ou non de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[34]           La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la décision qu’elle a rendue le 10 mars 1999 comporte une erreur manifeste de droit ce qui constitue à un vice de fond de nature à l’invalider.

[35]           La soussignée entend donc rendre la décision qui aurait dû être rendue sur la contestation soumise par l’employeur.

[36]           La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l’ensemble du dossier, de l’opinion du docteur Gilbert, lequel conclut que compte tenu de l’importance du dépôt calcaire à l’épaule droite retrouvé aux examens spécifiques que le travailleur a passés et compte tenu de son âge, cette condition personnelle est, en l’espèce, un handicap.  Ce handicap a, à son point de vue, prolongé de façon significative la période de consolidation de la lésion professionnelle.

[37]           Dans l’affaire Municipalité Petite Rivière St-François et CSST - Québec-Nord[2], la Commission des lésions professionnelles établit les critères permettant de déterminer si un travailleur est déjà handicapé au sens de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.  Elle considère que pour conclure à l’application de l’article 329, la preuve doit démontrer que le travailleur présentait une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.

[38]           Se référant à la Classification internationale des handicaps élaborée par l’Organisation mondiale de la santé, la Commission des lésions professionnelles écrit :

«Selon cet ouvrage, une déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale.  Cette déficience peut être congénitale ou acquise.  Finalement, pour reprendre le courant de jurisprudence que la soussignée partage, la déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement.  La déficience peut aussi exister à l’état latent, sans qu’elle se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.»

 

 

 

[39]           En l’espèce, retenant le témoignage du docteur André Gilbert, l’on doit conclure que le travailleur présente un handicap considérant que le dépôt calcaire prouvé radiologiquement, n’est pas de la nature de celui que l’on retrouve normalement chez les gens d’une trentaine d’années.  Le docteur Gilbert affirme en effet qu’une calcification d’un centimètre est significative si l’on considère que le défilé acromial mesure environ 2.5 centimètres et, qu’en conséquence, cette calcification occupe à peu près 50 % de l’espace sous-acromial.  Il y a donc lieu de conclure à partir du témoignage du docteur Gilbert que le travailleur présente une déficience.

[40]           En plus de démontrer la présence d’une déficience, l’employeur a également le fardeau d’établir que cette déficience a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.

[41]           En l’espèce, il ressort de l’avis du docteur Gilbert et du docteur Bazin que le handicap a surtout contribué à prolonger la période de consolidation initiale et a généré la rechute, récidive ou aggravation à compter du mois de septembre 1995, en rendant nécessaire l’intervention chirurgicale du 22 janvier 1996.

[42]           L’employeur a donc droit au partage de l’imputation des coûts reliés aux lésions professionnelles dont le travailleur a été victime.

[43]           Se référant à l’affaire Provigo Division Montréal Détail[3], la Commission des lésions professionnelles est d’avis, compte tenu des opinions médicales soumises que l’imputation des coûts reliés à la lésion professionnelle initiale et ceux reliés aux rechutes, récidives ou aggravations , doit être partagée dans des proportions différentes.

[44]           D’une part, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur devrait assumer 30 % des coûts générés par la lésion initiale considérant que la période normale de consolidation est de six semaines et que la période de consolidation documentée en l’espèce est de 20 semaines.  Les employeurs de toutes les unités devraient assumer 70 % des coûts reliés à cette lésion professionnelle.

[45]           D’autre part, la Commission des lésions professionnelles considère que le handicap du travailleur a joué un rôle prépondérant dans l’apparition de la rechute, récidive ou aggravation.  Elle impute donc 10 % des coûts au dossier financier de l’employeur et 90 % des coûts aux employeurs de toutes les unités.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête;

RÉVISE la décision rendue le 10 mars 1999;

Infirme la décision du Bureau de révision paritaire rendue le 2 juillet 1997;

DÉCLARE que Aluminerie Lauralco inc. doit supporter 30 % des coûts reliés à la lésion professionnelle initiale du 7 septembre 1994;

DÉCLARE que les employeurs de toutes les unités doivent supporter 70 % des coûts reliés à la lésion professionnelle initiale du 7 septembre 1994;

DÉCLARE que Aluminerie Lauralco inc. doit supporter 10 % des coûts reliés aux rechutes, récidives ou aggravations des 5 septembre 1995 et 22 janvier 1996;

DÉCLARE que les employeurs de toutes les unités doivent supporter 90 % des coûts reliés aux rechutes, récidives ou aggravations des 5 septembre 1995 et 22 janvier 1996.

 

 

 

 

 

 

MARIE BEAUDOIN

 

Commissaire

 

HEENAN, BLAIKIE & ASS.

Me Francine Legault

1250, René Lévesque Ouest

Bureau 2500

Montréal (Québec)

H3B 4Y1

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

Me Berthi Fillion

730, boul. Charest Est

Québec (Québec)

G1K 7S6

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1] Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P., 733; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P., 783.

[2] [1999] C.L.P., 779 à 785.

[3] 123093-64-9909, 31-03-2000, Carmen Racine, commissaire.

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