Section des affaires immobilières
En matière de fiscalité municipale
Référence neutre : 2017 QCTAQ 07214
Dossier : SAI-Q-219463-1608
ROBERT SANCHE
c.
[1] Par requête déposée en temps utile, la requérante conteste l’évaluation municipale de sa propriété sise au 1226, Île du Canard-Blanc dans la municipalité du Lac-Simon.
[2] Les coordonnés apparaissant au rôle de cette unité se lisent comme suit :
Matricule : |
[…] |
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Rôle d'évaluation contesté : |
Triennal 2016-2017-2018 |
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Valeur inscrite au rôle : |
Terrain : |
84 500 $ |
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Bâtiment : |
51 000 $ |
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Total : |
135 500 $ |
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Proportion médiane : |
100 % |
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Facteur comparatif : |
1,00 |
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Valeur uniformisée : |
135 500 $ |
[3] Cette requête est présentée devant la Section des affaires immobilières du Tribunal administratif du Québec (le Tribunal) et fait suite à la réponse de l'évaluateur municipal du 16 août 2016 qui recommande le maintien des valeurs déposées.
Preuve de la requérante
[4] M. Robert Lacasse, conjoint de la requérante, estime que la valeur réelle de la propriété à l’étude se situe entre 75 000 $ et 90 000 $.
[5] Afin de déterminer la valeur du terrain, M. Lacasse soumet trois ventes supplémentaires aux quatre ventes relevées par l’évaluateur municipal[1].
[6] Après avoir soustrait les évaluations municipales des bâtiments pour les ventes R-2 et R-4, les indications des valeurs de terrain se lisent comme suit :
Vente |
$/m2 |
R-1 |
23,04 $ |
R-2 |
15,84 $ |
R-4 |
22,23 $ |
[7] En considérant également le taux de 21,77 $/m2, dérivé de la vente T-4[2] de M. Leblond, dont il dépose le « listing »[3], il obtient un taux moyen de 20,72 $/m2.
[8] M. Lacasse applique ce taux unitaire moyen à la superficie de 2 468,52 m2 du terrain à l’étude et obtient une indication de valeur de 51 147,88 $ pour le terrain.
[9] Comme l’indiquent différentes photos[4], le terrain est inondé. Il estime que la valeur en est affectée et c’est pourquoi il applique une dépréciation de 50 % et retient finalement une valeur de 25 573 $ pour le terrain.
[10] M. Lacasse additionne à la valeur du terrain le montant de 46 800 $, estimé pour le bâtiment dans la méthode de comparaison du rapport I-1, et obtient une valeur globale de 72 373 $, d’où la valeur de 75 000 $ dans sa demande de révision.
[11] Il mentionne que la municipalité exige une fosse septique scellée, ce qui nécessite des frais de vidanges supplémentaires[5].
[12] L’immeuble sis au 1496, Île du Canard-Blanc a fait l’objet d’une vente en 2016[6]. Cette propriété qui possède une magnifique vue sur le lac, une plage de sable d’environ 140 pieds et un chalet un peu plus petit que celui à l’étude a été transigé pour un prix de 70 000 $. Sur la base de cette transaction et considérant que l’évaluation municipale du bâtiment est de 76 000 $, il découle une valeur pour le terrain de moins 6 000 $.
[13] Selon la liste des terrains à vendre et/ou vendu en tout temps[7], le taux unitaire moyen indiqué est de 24,87 $/m2. M. Lacasse trouve cette indication plutôt loin du taux unitaire de 35 $/m2 retenu par M. Leblond.
[14] En comparant les évaluations d’autres propriétés avec des terrains plus grands[8], M. Lacasse ne comprend pas et trouve inéquitable l’évaluation de la propriété à l’étude.
Preuve des intimées
[15] M. Alexandre Leblond, É.A., dépose son rapport d’évaluation[9] dans lequel il détermine la valeur réelle de la propriété par la méthode du coût et celle de comparaison.
[16] Il décrit sommairement les photos incluses à son rapport et mentionne que le terrain est plat avec une plage.
[17] La propriété ne dispose pas de l'électricité et ne peut être accessible qu'en bateau, puisqu'elle est implantée sur les rives d’une île localisée au centre du lac Simon.
[18] Le bâtiment est une résidence saisonnière en bon état, mais avec peu de commodités.
[19] Afin d’estimer la valeur du terrain, M. Leblond relève quatre ventes de terrains[10] sur l’île en bordure du lac Simon.
[20] Après avoir résumé chacune de ces ventes, il écarte la vente T-4, dont le terrain n’a pas de plage, et estime la valeur du terrain à 84 900 $[11], sur la base du taux unitaire moyen au mètre carré de 34,40 $/m2 obtenu des ventes T-1, T-2 et T-3.
[21] Il ajoute par la suite le coût déprécié du bâtiment (59 700 $)[12] pour conclure à une indication de 144 600 $ par la méthode du coût.
[22] Dans sa méthode de comparaison[13], M. Leblond relève trois ventes de propriétés comparables.
[23] C’est à partir des ventes no 1 et 2, dont les immeubles disposent d’une plage, que M. Leblond conclut à une valeur de 131 700 $ par la méthode de comparaison. Il spécifie ne pas considérer d’ajustement pour les inondations étant donné que la propriété de la vente no 1 est située dans le même secteur.
[24] C’est à partir de cette dernière indication que M. Leblond recommande le maintien des valeurs déposées, étant donné que l’écart observé n’est que de 3 %.
[25] Concernant les ventes soumises par la requérante, M. Leblond indique que les ventes R-1 et R-7 ont été transigées en 2016 et que les évaluations municipales retenues pour l’analyse des ventes R-2 et R-4 concernent le rôle 2013.
[26] En contre preuve, contrairement aux affirmations de M. Leblond, M. Lacasse, se référant aux photos produites, spécifie que le terrain de la vente T-4 (R-3) a une plage de même que celui de la vente R-1 qui lui est voisin.
Considérations du Tribunal
[27] Il convient de rappeler que le Tribunal doit déterminer la valeur réelle selon les règles prescrites par la Loi sur la fiscalité municipale[14] (LFM). Il faut d’abord préciser quelques principes applicables en matière de fiscalité municipale. Ces principes sont exposés aux articles 42 à 46 de la LFM. Au départ, l'article 42 de la LFM signale que le rôle doit indiquer la valeur de chaque unité d'évaluation, sur la base de sa valeur réelle. La valeur réelle est ainsi définie à l'article 43 de la LFM :
43. La valeur réelle d'une unité d'évaluation est sa valeur d'échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d'une vente de gré à gré dans les conditions suivantes :
1o le vendeur et l'acheteur désirent respectivement vendre et acheter l'unité d'évaluation, mais n'y sont pas obligés; et
2o le vendeur et l'acheteur sont raisonnablement informés de l'état de l'unité d'évaluation, de l'utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.
[28] Pour établir la valeur réelle d'une unité d'évaluation, l'article 45 de la LFM dicte de tenir notamment compte de l'incidence que ses avantages ou désavantages peuvent avoir sur son prix de vente le plus probable, en les considérant de façon objective.
[29] Selon l'article 46 de la LFM, la valeur réelle qui sert de base à celle inscrite au rôle est la valeur d'échange de l'unité d'évaluation telle qu'elle existe, en tenant compte des conditions du marché au 1er juillet du deuxième exercice qui précède le premier des exercices pour lesquels le rôle est fait.
[30] Le Tribunal doit rechercher le prix de vente le plus probable de l'immeuble analysé en tenant compte de son état à une date précise, soit au moment de l'évaluation, et en fonction des conditions du marché à une date donnée, soit la date de référence, qui est en l'occurrence le 1er juillet 2014, puisqu'il s'agit du rôle triennal 2016.
[31] Afin de déterminer la valeur du terrain, sept ventes ont été soumises en preuve.
[32] La requérante retient la moyenne des taux unitaires au mètre carré des quatre indications les plus faibles (R-1, R-2, R-3 et R-4). De son côté, M. Leblond se réfère plutôt aux ventes qui fournissent les indications les plus élevées (T-1, T-2 et T-3).
[33] M. Leblond n’a pas retenu la vente R-1 puisqu’elle a été transigée en 2016, date postérieure à la date de référence du 1er juillet 2014 pour établir la valeur au rôle 2016.
[34] Même si cette transaction est survenue après la date de référence le Tribunal la retient, d’ailleurs il est spécifié au dernier alinéa de l’article 46 LFM, ce qui suit :
46. […] Aux fins de déterminer les conditions du marché à la date visée au premier alinéa, on peut notamment tenir compte des renseignements relatifs aux transferts de propriété survenus avant et après cette date.
[35] Quant aux ventes R-2 et R-4, M. Leblond mentionne que l’indication de valeur que M. Lacasse obtient pour le terrain provient d’un calcul qui considère la valeur des bâtiments pour le rôle 2013.
[36] Quoique cette façon de procéder ne soit pas usuelle, elle a tendance à surestimer la valeur du terrain. De plus le Tribunal tient ici à ajouter que M. Leblond n’a pas contredit la méthode utilisée ni la valeur du bâtiment retenue.
[37] M. Leblond indique avoir écarté sa vente T-4 (R-3) puisque le terrain n’offre pas de plage comme le terrain à l’étude. Or, en comparant les photos mises en preuve des terrains objet des ventes R-1 et R-3 avec celui à l’étude[15], le Tribunal constate que seuls un léger aménagement et quelques buissons en moins distinguent le rivage du terrain à l’étude des terrains vacants objet des ventes R-1 et R-3.
[38] M. Lacasse applique une dépréciation de 50 % pour tenir compte que le terrain à l’étude est inondé.
[39] Bien que le Tribunal puisse comprendre les inconvénients occasionnés par les inondations, aucune désuétude ne sera retenue. Les témoignages entendus et les photos déposées laissent croire que cet inconvénient n’est pas exclusif au terrain à l’étude, mais affecte l’ensemble des terrains du secteur et que les prix payés considèrent déjà.
[40] En conclusion, plutôt que de ne retenir qu’une partie des données du marché, le Tribunal retient l’ensemble des ventes soumises en preuve, lesquelles fournissent un taux unitaire moyen de 26,60 $ du mètre carré.
[41] En appliquant ce taux à la superficie de 2 468,527 m2, la valeur réelle du terrain à l’étude est de 65 700 $.
[42] En ajoutant le coût déprécié du bâtiment de 59 700 $[16], l’indication de valeur par la technique du coût est de 125 400 $.
[43] Étant donné la conclusion du Tribunal sur la valeur du terrain et considérant son impact dans la méthode de comparaison telle qu’élaborée par M. Leblond, cette dernière est écartée.
[44] Le Tribunal tient cependant à ajouter que la conclusion de 125 400 $, obtenue ci-haut par la méthode du coût, se compare adéquatement au prix payé de 125 000 $ pour la propriété située au 1244, Île du Canard-Blanc[17], que M. Leblond considère comme sa meilleure comparable. Cet immeuble est situé à proximité. Il possède un bâtiment dont la superficie habitable n’est que légèrement plus petite et un terrain dont la superficie et la façade au lac sont très semblables.
[45] La valeur réelle de l’unité d’évaluation est donc déterminée à 125 400 $.
[46] En ce qui a trait aux frais, le Tribunal tient à rappeler qu’en vertu de l’article 48 de la LFM, à moins qu’il n’en décide autrement, il revient à la partie perdante de supporter les frais de la partie adverse.
[47] Étant donné les conclusions retenues dans la présente décision, le Tribunal accorde les frais à la partie requérante, lesquels incluent la somme d’argent exigée pour le dépôt de la requête introductive d’un recours.
[48] Le Tribunal ne considère pas avoir compétence à l’égard des sommes d’argent exigées de la partie requérante lors du dépôt de la demande de révision administrative auprès de l’organisme municipal responsable de l’évaluation, cette somme étant considérée comme un coût relatif à un service rendu plutôt que comme un débours taxable.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE le recours;
DÉTERMINE la valeur réelle de l’unité d'évaluation, DIVISE par le facteur comparatif de 1,00 et FIXE la valeur à inscrire au rôle, avec date de prise d'effet des modifications au 1er janvier 2016, comme suit :
Terrain : |
65 700 $ |
Bâtiment : |
59 700 $ |
Total : |
125 400 $ |
LE TOUT AVEC DÉPENS, solidairement contre les parties intimées, dont la somme d’argent exigée pour le dépôt de la requête introductive du recours.
[1] Pièce I-1.
[2] Pièce I-1.
[3] Pièce R-3.
[4] Pièce R-5, pages 1 et 2.
[5] Pièce R-6.
[6] Pièce R-7.
[7] Pièce R-8.
[8] Pièce R-9.
[9] Pièce I-1.
[10] Pièce I-1, pages 16,17 et annexe 2.
[11] Pièce I-1, pages 18 et 19.
[12] Pièce I-1, page 22.
[13] Pièce I-1, pages 23 à 27 et annexe 6.
[14] RLRQ, chapitre F-2.1.
[15] Pièce I-1, page 2.
[16] Pièce I-1, pages 20 à 22 et annexe 3.
[17] Pièce I-1, vente 1 page 24.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.