COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500 - 10‑000122‑943
(760‑01‑000985‑942)
Le 11 octobre 1994.
CORAM: LES HONORABLES McCARTHY
FISH
ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A.
SA MAJESTÉ LA REINE,
APPELANTE - (poursuivante)
c.
GUY GENDRON,
INTIMÉ - (accusé)
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi contre une sentence de deux (2) ans moins un jour, accompagnée d'une probation d'une durée de trois (3) ans, imposée par l'honorable Michel Mercier, de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Beauharnois, le 2 mai 1994;
Après étude du dossier, audition et délibéré;
Pour les motifs exprimés dans l'opinion écrite de madame la juge Rousseau-Houle, déposée avec cet arrêt, auxquels souscrivent messieurs les juges McCarthy et Fish;
ACCUEILLE l'appel;
MODIFIE la sentence et SUBSTITUE à la peine d'emprisonnement de deux (2) ans moins un jour, une peine de quatre (4) ans d'emprisonnement;
RETRANCHE du dispositif l'ordonnance de probation d'une durée de trois (3) ans.
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GÉRALD McCARTHY, J.C.A.
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MORRIS J. FISH, J.C.A.
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THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE, J.C.A.
Me Mylène Grégoire
Procureure de l'appelante.
Me Guy Angers
Procureur de l'intimé.
Date de l'audition: 21 septembre 1994.
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500‑10‑000122‑943
(760‑01‑000985‑942)
CORAM: LES HONORABLES McCARTHY
FISH
ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A.
SA MAJESTÉ LA REINE,
APPELANTE - (poursuivante)
c.
GUY GENDRON,
INTIMÉ - (accusé)
OPINION DE LA JUGE ROUSSEAU-HOULE
L'intimé a plaidé coupable aux infractions d'introduction par effraction dans une maison d'habitation, de voies de fait graves contre son ex-compagne X, de menaces de lui causer la mort et de méfait à l'égard d'un bien ne dépassant pas 1 000$.
Le juge du procès a imposé une sentence de deux (2) ans moins un jour de prison sur chacun des chefs et ce concurrents entre eux et une ordonnance de probation de trois (3) ans comportant la défense de consommer toute boisson alcoolique, de communiquer de quelque façon avec X et de posséder toute arme à feu ou autre arme offensive pour une durée de dix (10) ans.
L'appelante soutient que cette sentence est déraisonnable eu égard à la gravité objective et subjective des crimes et que le juge a indûment privilégié le principe de la réhabilitation de l'intimé.
La preuve révèle que l'intimé qui avait habité avec la victime pendant un peu plus d'un an n'acceptait pas la séparation qui avait eu lieu le 14 février 1994. Le 4 avril 1994, il décide d'aller la voir et tente de se rendre à bicyclette. Il rebrousse chemin parce que, selon son témoignage, il fait trop noir. À son retour, il lui téléphone pour lui dire qu'il l'aime et qu'il désire reprendre la vie commune. Comme elle refuse, il la menace de «lui faire quelque chose avec laquelle elle vivra pour le restant de ses jours». Vers 23:30 heures, le même soir, elle l'entend arriver en automobile. Il entre en fracassant la porte patio du salon, coupe ensuite le fil du téléphone et commence à la frapper à coups de pied et de poing, la menaçant de mort et exhibant à cet égard le couteau et le ruban adhésif qu'il a apportés avec lui. À plusieurs reprises, il lui répète qu'elle va mourir avec lui. La victime réussit à s'échapper et l'intimé lui dit alors que si elle fait une plainte à la police et qu'il fait de la prison, il la tuera.
La victime a subi des blessures graves: fractures du pied gauche, du poignet gauche, du nez, lacérations ayant nécessité des points de suture, morsures, multiples hématomes et ecchymoses. Elle a dû subir des interventions chirurgicales, suivre un traitement psychologique. Elle garde des séquelles tant physiques que psychologiques des évènements.
L'intimé, âgé de 57 ans au moment du drame, a plaidé coupable avouant avoir perdu le contrôle de ses gestes et s'expliquant mal les actes violents qu'il a pu poser. Il n'avait jamais eu des démêlés judiciaires pendant les quinze années de son mariage avec sa première femme. Il avait toutefois été reconnu coupable, en 1992, de voies de fait et de menaces. Les infractions avaient été commises dans un contexte de rupture avec une autre femme. Il avait reçu une sentence suspendue accompagnée d'une ordonnance de probation de deux (2) ans. Il était toujours sous probation le 4 avril 1994.
Le rapport de l'agente de probation chargée d'évaluer l'intimé, dans le cadre de sa sentence, mentionne:
Les informations recueillies ne démontrent pas de cycles de violence conjugale clairement établis dans ce dossier. Nous sommes plutôt en présence d'un individu ayant des lacunes au niveau de sa personnalité et qui est très insécure. Il s'adapte difficilement aux changements et n'accepte absolument pas la séparation et ce, encore aujourd'hui.
Bien qu'il ait pris du recul face à la présente situation, nous avons noté une faible capacité d'introspection et de remise en question de la part de monsieur Gendron. Il semble conscient de certaines lacunes au plan personnel mais ne semble pas disposé pour l'instant à entreprendre une thérapie pour hommes violents, puisque monsieur ne se perçoit pas comme tel.
L'introduction par effraction, la gradation dans la violence, la gravité des blessures, le climat de terreur et les menaces de représailles et de mort sont des facteurs extrêmement graves auxquels s'ajoute le bris de l'ordonnance de probation.
Un rappel de certaines décisions permet de mesurer l'importance conférée par les tribunaux à l'existence de ces facteurs d'aggravation dans la détermination de la peine.
Dans R. c. Frew,
Le juge Kaufman, dans cet arrêt, a lancé un message clair à ceux qui pourraient se rendre coupable de violence dans un contexte de relations conjugales:
I fully agree with the trial judge that there will always be "des cas plus graves et moins graves". But, again with respect, I cannot accept that, because the victim and the Respondant had known each other for a long period of time, including a period of cohabitation, this, somehow, mitigated the Respondent's aggression. Surely, women are entitled to be protected against this type of attack, and the fact of cohabitation or long friendship should not be singled out as an important factor on the question of sentence: it is but one of the circumstances particular to the case, but not one which is in any way déterminate.
Dans Protection de
la jeunesse-484,
Dans Rajotte c.
R.,
Dans Tait c. R.,
Dans Ducap c. R.,
Dans R. c. Bélanger,
Dans R. c. Lavoie,
Ces décisions qui présentent, sous certains de leurs aspects, des faits délictuels semblables à ceux qui font l'objet du présent pourvoi, permettent de conclure que la sentence imposée par le juge est excessivement clémente. Sans doute existe-t-il, en l'espèce, des facteurs atténuants tels la coopération de l'intimé avec le système judiciaire, ses remords et son désir exprimé, lorsqu'il a témoigné dans le cadre de sa sentence, d'entreprendre une thérapie contrairement à ce qu'il avait d'abord dit lors de sa rencontre avec l'agente de probation.
Cependant, si la
réhabilitation demeure un facteur important dans la détermination de la peine,
elle ne doit doit pas, surtout dans un contexte de violence conjugale,
prévaloir démesurément sur les facteurs de dissuasion et d'exemplarité de la
sentence. Madame la juge Wilson dans R. c. Lavallée,
La sentence imposée me paraît insuffisante pour dissuader l'intimé de se livrer à des actes de violence à l'égard des femmes et pour faire prendre conscience à tous les hommes de la réprobation de la société à l'égard de la violence faite aux femmes.
POUR CES MOTIFS, je proposerais D'ACCUEILLIR l'appel, de SUBSTITUER à la peine d'emprisonnement de deux (2) ans moins un jour, une peine de quatre (4) ans d'emprisonnement et de RETRANCHER du dispositif du jugement entrepris, l'imposition de la probation d'une durée de trois (3) ans parce qu'une telle probation ne peut plus être imposée vu la nouvelle peine d'emprisonnement.
THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE, J.C.A.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.