Delson (Ville de) c. Autobus La Québécoise Roussillon inc. |
2015 QCCA 20 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
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(505-17-005244-118) |
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DATE : |
12 janvier 2015 |
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VILLE DE DELSON |
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CARL BEAUCHEMIN |
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APPELANTS - INTIMÉS INCIDENTS - Défendeurs |
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c. |
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AUTOBUS LA QUÉBÉCOISE ROUSSILLON INC. |
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INTIMÉE - APPELANTE INCIDENTE - Demanderesse |
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[1] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 1er mars 2013 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l'honorable Marie-Anne Paquette), qui a accueilli la requête réamendée en jugement déclaratoire et déclaré que l’immeuble de l’intimée bénéficie de droits acquis à l’opération d’un commerce d’entretien, de réparation et d’entreposage d’autobus et autres véhicules lourds, incluant l’opération d’une entreprise de remorquage.
[2] Par appel incident, l’intimée demande à la Cour de leur accorder 500 000 $ en dommages et intérêts, question sur laquelle la juge de première instance ne s’est pas prononcée.
[3] Pour les motifs de la juge Dutil, auxquels souscrivent les juges Chamberland et Schrager, LA COUR :
Sur l’appel principal :
[4] ACCUEILLE en partie l’appel principal, avec dépens;
[5] INFIRME en partie le jugement de première instance;
[6] ACCUEILLE en partie la requête pour jugement déclaratoire, avec dépens;
[7] DÉCLARE que l’immeuble d’Autobus La Québécoise Roussillon inc., situé au 161, chemin Saint-François-Xavier à Delson, bénéficie de droits acquis pour les usages « Services spécialisés de réparation de véhicules » et « Établissements d’entreposage » de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) »;
Sur l’appel incident :
[8] REJETTE l’appel incident, avec dépens.
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MOTIFS DE LA JUGE DUTIL |
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L’APPEL PRINCIPAL
[9] L’intimée, Autobus La Québécoise Roussillon inc. (La Québécoise), possède-t-elle des droits acquis qui lui permettent d’opérer, sur le territoire de l’appelante, Ville de Delson (Delson), un commerce d’entretien, de réparation et d’entreposage d’autobus et autres véhicules lourds, incluant l’opération d’une entreprise de remorquage, comme le déclare la juge de première instance?
[10] Les faits, dans cette affaire, ont une grande importance puisqu’il me faut déterminer quel était l’usage préexistant au moment où le Règlement no 400-107 modifiant le Règlement de zonage no 400 est entré en vigueur, le 1er juin 2009. Pour une bonne compréhension du litige, il est donc utile de les résumer.
LES FAITS
[11] Le 6 juin 2003, La Québécoise achète un terrain vacant (la Propriété) situé au 161, chemin Saint-François-Xavier à Delson, soit dans la zone C04-410 du plan d’urbanisme accompagnant le règlement de zonage de la Ville.
[12] Le 8 juillet 2003, à la demande de La Québécoise, Delson adopte le Règlement no 400-69 qui modifie la Grille des usages et normes jointe au Règlement de zonage nº 400, et ce, afin de permettre, dans la zone C04-410, les « Établissements d’entreposage » comme usage spécifiquement permis de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) ». Les articles 5.2.2.3 et 5.2.2.3.1 définissent cette classe d’usages de même que les usages permis :
5.2.2.3 Commerce artériel lourd (c3)
Cette classe d'usages réunit les établissements commerciaux qui sont de façon générale incompatibles avec l'habitation et qui répondent aux exigences suivantes :
a) ils consomment de grands espaces servant souvent à exhiber, étaler, remiser et entreposer la marchandise à l'extérieur;
b) le remisage ou l'entreposage extérieur des marchandises est permis dans les cours latérales et arrières à la condition qu'elles soient entourées d'une clôture opaque de façon à soustraire de la vue les marchandises ou autres objets entreposés ou remisés pouvant être visibles de la voie publique;
c) sont de forts générateurs de circulation automobile et nécessitent de par la nature des produits qui y sont vendus d'être situés en bordure des voies principales de communication;
d) l'usage ne cause ni fumée, ni poussière, ni odeur, ni chaleur, ni gaz, ni éclat de lumière, ni vibration, ni bruit plus intense que l'intensité moyenne de bruit normal de la rue aux limites du terrain;
e) le transport de la marchandise s'effectue généralement par véhicules lourds.
5.2.2.3.1 Les usages permis
À moins d'indication contraire à la grille des usages et normes, les usages regroupés dans cette classe sont, de manière non limitative, les établissements commerciaux suivants :
[…]
b) Services spécialisés de réparation de véhicules
(à titre d’exemples) :
i) atelier et garage de réparation de voitures, camions, autobus
ii) débosselage, peinture
iii) amortisseurs, silencieux, transmission
[…]
g) Établissements d'entreposage (à titre d'exemples) :
i) garage d'autobus
ii) entreprises de camionnage
[…]
[je souligne][1]
[13] La Québécoise construit ensuite un garage d’autobus sur la Propriété. Le projet s’exécute de concert avec Delson qui approuve les plans. Entre 2003 et 2008, elle y entretient et entrepose entre 40 et 55 autobus.
[14] Le 1er octobre 2008, La Québécoise suspend ses opérations à Delson à la suite de la perte d’un important contrat. Elle rapatrie alors ses autobus à ses installations de La Prairie, sauf pour quelques-uns qu’elle laisse entreposés à Delson pour les revendre ou parce qu’ils sont hors d’usage.
[15] Le 30 janvier 2009, La Québécoise signe un bail d’un an avec DDACE Systèmes de puissance (DDACE), une entreprise de réparation et d’inspection de moteurs diesel et de transmissions pour véhicules lourds. L’entreprise vend aussi des pièces. La Québécoise continue à entreposer des autobus sur le terrain.
[16] Lorsque, en mars 2009, DDACE tente d’obtenir un certificat d’occupation et d’affichage, Delson lui oppose un refus. Elle soutient que DDACE exerce des activités dérogatoires au règlement de zonage puisque seul l’usage « Établissements d’entreposage » est permis dans la zone C04-410, alors qu’elle exerce des activités qui sont classées comme « Services spécialisés de réparation de véhicules ». Delson refuse également de modifier le règlement de zonage pour permettre cet usage.
[17] Au contraire, Delson adopte, le 12 mai 2009, le Règlement no 400-107 qui modifie la Grille des usages et normes jointe au Règlement de zonage no 400, et ce, pour retirer de la zone C04-410 les usages commerciaux de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) » et l’usage spécifiquement permis d’« Établissements d’entreposage ». Ce règlement entre en vigueur le 1er juin 2009. Il s’agit là d’une date fort importante dans le présent litige puisque c’est à ce moment qu’il nous faut analyser les usages sur la Propriété pour déterminer si des droits acquis ont pris naissance.
[18] Le 8 janvier 2010, Delson exige une fois de plus que DDACE quitte les lieux. Cela ne se fera toutefois qu’en novembre 2010.
[19] En janvier 2011, La Québécoise reprend certaines activités à Delson. Elle utilise le garage pour entretenir ses autobus lorsqu’il y a trop de véhicules au garage de La Prairie. En outre, elle continue à en entreposer sur le terrain.
[20] Le 18 février 2011, La Québécoise demande à Delson de prendre position à l’égard de l’établissement, sur la Propriété, d’une entreprise de remorquage qui serait intéressée à l’acheter ou la louer.
[21] Le 14 mars 2011, Delson répond qu’une entreprise de remorquage fait partie de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) ». Or, selon elle, cet usage n’est ni autorisé dans la zone C04-410 ni protégé par des droits acquis.
[22] Le 14 avril 2011, La Québécoise dépose sa requête introductive d’instance.
LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
[23] La juge accueille la requête en jugement déclaratoire de La Québécoise et déclare que son immeuble, à Delson, bénéficie de droits acquis à l’opération d’un commerce d’entretien, de réparation et d’entreposage d’autobus et autres véhicules lourds, incluant l’opération d’une entreprise de remorquage.
[24] Pour parvenir à cette conclusion, elle détermine que la Propriété bénéficie de droits acquis. À cette fin, elle retient la date du 1er juin 2009, soit celle de l’entrée en vigueur du Règlement no 400-107 et reconnaît que les usages de la classe « Commerce artériel lourd (c3) » ne sont plus permis dans la zone depuis ce jour. Seuls subsistent ceux de la classe « Commerce artériel léger (c2) ».
[25] La juge constate qu’au 1er juin 2009 La Québécoise a suspendu ses activités à Delson depuis octobre 2008. Antérieurement, ses opérations étaient les suivantes : entreposage d’autobus et opération d’un garage d’autobus, incluant des services d’entretien et de réparation mécanique d’autobus[2]. Elle est d’avis qu’il s’agit là de l’usage préexistant[3], soit celui qui constitue le fondement des droits acquis.
[26] Elle indique que les activités de La Québécoise, à la suite du départ de DDACE en novembre 2010, sont du même type que l’usage préexistant, quoique de moindre intensité[4]. Au surplus, elle estime que l’usage que fait DDACE de la Propriété de janvier 2009 à novembre 2010 est aussi du même type que cet usage préexistant[5].
[27] Puis, la juge consacre quelques paragraphes de son jugement à expliquer que l’opération d’une entreprise de remorquage est incluse dans la description des droits acquis dont bénéficie la Propriété, et ce, malgré le fait que La Québécoise n’a jamais exploité ce type d’entreprise :
[81] D’autre part, l’opération d’une entreprise de remorquage implique l’entreposage de véhicules sur un terrain. Or selon la Ville, les établissements d'entreposage étaient le seul usage autorisé dans la Zone au moment de la construction du garage de Delson. Suivant l'article 5.2.2.3.1 g) du Règlement, cette classe d'usage inclut, à titre d'exemple, les garages d'autobus.
[82] La Québécoise n’a jamais cessé d'entreposer des véhicules sur la Propriété.
[83] De l'avis du Tribunal, l'entreposage de véhicules sur la Propriété, qu'il se fasse dans le cadre de l'exploitation d'un garage d'autobus ou d'une entreprise de remorquage, relève du même type d'usage. L'exploitation d'une entreprise de remorquage implique peut-être l'entreposage d'un plus grand nombre de véhicules, des durées d'entreposage plus courtes et l'entreposage de véhicules plus hétéroclites. Malgré ces possibles distinctions, que la Ville ne soulève aucunement, le Tribunal conclut que l'exploitation d’une entreprise de remorquage relève du même type d'usage que celui auquel La Québécoise s'est toujours livrée.
[28] Selon la juge, La Québécoise n’a pas perdu ses droits acquis par la suspension partielle de ses activités parce que ce n’est pas volontairement qu’elle l’a fait en octobre 2008. Pour appuyer ses propos, elle indique que La Québécoise « a déployé beaucoup d’efforts pour continuer à exploiter la Propriété sans en changer substantiellement la destination »[6]. Par ailleurs, elle estime que l’entreprise « a posé des gestes dont l’ampleur et la nature sont suffisamment importantes pour conclure que les droits protégés étaient, en réalité, exercés [pendant la suspension de ses activités] »[7].
[29] Quant au fait que DDACE a occupé la Propriété sans permis de janvier 2009 à novembre 2010, la juge est d’avis que ce n’est pas une illégalité susceptible d’empêcher La Québécoise de prétendre à ses droits acquis[8].
[30] Finalement, la juge mentionne que les prétentions des appelants relèvent de « l’opportunisme et non d’une analyse raisonnable de la situation »[9]. Selon elle, Delson a préconisé une interprétation pointilleuse de la réglementation de zonage pour imposer à La Québécoise sa nouvelle vision[10].
L’ANALYSE
[31] Les appelants formulent plusieurs griefs contre le jugement de première instance.
[32] Ils plaident d’abord que la juge a erré en droit en concluant à l’existence de droits acquis sur la base d’un usage illégal. Puisque l’usage préexistant exercé par DDACE, le 1er juin 2009, était illégal, il ne pouvait fonder l’existence de droits acquis pour La Québécoise.
[33] En effet, selon les appelants, la juge n’a pas vérifié la nature et la légalité des activités réellement exercées sur la Propriété en date du 1er juin 2009, ce qui est une question fondamentale en matière de droits acquis. Or, à cette date, DDACE exploitait un service spécialisé de réparation de véhicules, plus particulièrement un atelier de réparation et d’entretien de moteurs et de transmissions, lequel n’a jamais été autorisé dans cette zone. C’est une entreprise qui fait la réparation et l’inspection de moteurs et de transmissions. Elle est distributrice de moteurs de marque Detroit Diesel et Mercedes ainsi que de transmissions de marque Allison. Elle vend également des pièces.
[34] Les appelants reprochent à la juge d’avoir erronément interprété l’article 4.3.2.2 du Règlement de zonage nº 400. En appliquant cette disposition, il appert que seul l’usage « Établissements d’entreposage » était permis dans la zone C04-410 du 8 juillet 2003 au 1er juin 2009, puisque le Règlement no 400-69 le permettait à titre d’usage spécifiquement autorisé de la classe (c3).
[35] Ils concluent que l’usage préexistant exercé par DDACE au 1er juin 2009 était dérogatoire au Règlement de zonage nº 400 et qu’il ne peut créer de droits acquis pour la Propriété.
[36] Parallèlement, les appelants indiquent que La Québécoise ne peut non plus réclamer des droits acquis sur la base de l’usage existant entre 2003 et 2008 - qui, tel que mentionné, était légal - puisque cet usage n’a pas été exercé dans les faits pendant les huit mois précédant l’entrée en vigueur du Règlement no 400-107.
[37] La Québécoise estime, pour sa part, que la juge n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation du Règlement de zonage nº 400 et du Règlement nº 400-69. Pour elle, l’article 4.3.3.2 du Règlement de zonage no 400 ne s’applique pas pour interpréter le Règlement no 400-69, puisque les termes utilisés ne sont pas exactement les mêmes. Premièrement, alors que l’expression usage spécifique est utilisée à l’article 4.3.2.2, le Règlement no 400-69 traite plutôt d’usage spécifiquement permis. Deuxièmement, l’article 4.3.2.2 réfère à une classe générique tandis que, dans le Règlement no 400-69, la formule classe d’usages est préférée.
[38] Elle soutient que l’ensemble des usages mentionnés à l’article 5.2.2.3.1 du Règlement de zonage nº 400 devait nécessairement être autorisé du 8 juillet 2003 au 1er juin 2009, puisqu’en octobre 2003, alors que le Règlement nº 400-69 était en vigueur, Delson a délivré un permis pour la construction d’un bâtiment de nature « Commerce artériel lourd (c3) ».
* * *
[40] La solution de ce litige nécessite de déterminer quel était l’usage préexistant au moment de l’entrée en vigueur du Règlement no 400-107, le 1er juin 2009, qui modifie la Grille des usages et normes jointe au Règlement de zonage no 400 afin de retirer de la zone C04-410 les usages commerciaux de la classe d'usages « Commerce artériel lourd (c3) » et l’usage spécifiquement permis d’« Établissements d’entreposage ».
[41] En somme, quels étaient les usages permis avant le 1er juin 2009? Il s’agit là d’une question de droit. La juge expose d’ailleurs bien le principe :
[58] Depuis le 1er juin 2009, les usages de la classe de commerce artériel lourd (C3) ne sont plus permis dans la Zone. Seuls ceux de la classe « commerce artériel léger (C2) », dont les détails sont reproduits en annexe, y sont désormais autorisés.
[59] En effet, le Règlement 400-107 est entré en vigueur à cette date.
[60] L'analyse de la question des droits acquis doit donc se faire en utilisant le 1er juin 2009 comme date de référence.
[61] Or, La Québécoise a suspendu la plupart de ses activités à Delson en octobre 2008. Ainsi, lors de l’entrée en vigueur du nouveau règlement, son locataire (DDACE) occupait principalement la Propriété. DDACE ne détenait cependant pas de permis d’occupation.
[références omises]
[42] Le 8 juillet 2003, à la demande de La Québécoise, Delson adopte le Règlement no 400-69 qui modifie la Grille des usages et normes jointe au Règlement de zonage no 400, et ce, afin de permettre les « Établissements d’entreposage » comme usage spécifiquement permis de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) » :
1. Le règlement de zonage numéro 400 est modifié au feuillet numéro 41 de sa cédule « B » correspondant à la grille des usages et normes de la zone C04-410, et ce, afin de permettre les établissements d’entreposage comme usage spécifiquement permis de la classe d’usage « Commerce artériel lourd C3 » et d’y intégrer des normes, le tout tel que plus amplement décrit à la grille des usages et normes de la zone C04-410 présentée à l’annexe « A » faisant partie intégrante du présent règlement.
[43] La Québécoise construit ensuite un garage d’autobus sur la Propriété. Le projet s’exécute avec l’approbation de Delson qui revoit et approuve les plans.
[44] À mon avis, on ne peut retenir l’interprétation que les appelants proposent du Règlement no 400-69, soit que, dès l’entrée en vigueur du Règlement no 400-69, le 3 septembre 2003, tous les usages de la classe « Commerce artériel lourd (c3) » étaient prohibés dans la zone C04-410, sauf en ce qui concerne ceux mentionnés à l’article 5.2.2.3.1 g), dont « Établissements d’entreposage ».
[45] La Grille des usages et normes vise à éviter de reproduire de longues listes d’usages pour chaque zone. Elle concentre en une page plusieurs normes applicables à une zone et elle fait partie du règlement.
[46] En l’espèce, les appelants n’ont pas reproduit la Grille des usages et normes en vigueur avant le 8 juillet 2003, mais on comprend du Règlement no 400-69 qu’il ne fait qu’ajouter les « Établissements d’entreposage » comme usage spécifiquement permis. L’usage « Commerce artériel lourd (c3) » était donc permis avant cette date puisque l’article 4.3.2.1 c) précise que :
Lorsqu’à la grille des usages et normes un X apparaît vis-à-vis une classe d’usages, il indique que les usages de cette classe d’usages sont permis mais que les normes d’aménagement (i.e. terrain, bâtiment, structure, marges et rapports) devront être spécifiées ultérieurement dans le cadre d’un plan d’aménagement détaillé (ou plan d’ensemble) pour la zone.
[…]
[47] En conséquence, avant et après le 8 juillet 2003, et ce, jusqu'au 1er juin 2009, tous les usages de la classe « Commerce artériel lourd (c3) » étaient autorisés dans la zone C04-410.
[48] Quant à l’expression usages spécifiquement exclus ou permis, le Règlement de zonage no 400, à son article 4.3.2.2, en explique la signification. Il mentionne ceci :
Les usages spécifiquement exclus ou permis
Le numéro d’un article ou un numéro de renvoi à la case "note" inscrit dans la case "usages spécifiquement exclus" de la grille des usages et normes indique spécifiquement que l’usage correspondant est spécifiquement exclu pour la zone. De même, tout numéro d’article ou un numéro de renvoi à la case "note" inscrit dans la case "usages spécifiquement permis" indique que l’usage correspondant est spécifiquement permis en plus des usages des autres classes d’usages permis pour cette zone à la grille des usages et normes. L’autorisation d’un usage spécifique exclut les autres usages de la classe générique le comprenant.[11]
[Je souligne]
[49] Les usages spécifiquement exclus et spécifiquement permis visent deux situations particulières et distinctes. En cochant la case spécifiquement exclus, une municipalité peut exclure un usage qui serait autrement permis parce que tous les usages de la classe d’usages autorisés dans cette zone sont permis et qu’il en fait partie.
[50] En ce qui concerne la case usages spécifiquement permis, elle vise la situation inverse. La municipalité permet un usage qui ne fait pas partie des usages d’une classe autorisée pour la zone, et ce, en plus de tous ceux qui font partie de cette classe. Toutefois, la dernière phrase de l’article 4.3.2.2 permet d’éviter qu’en permettant cet usage (qui ne fait pas partie de la liste des usages inclus dans les classes d’usages autorisés pour la zone), on ne soit obligé d’autoriser « […] les autres usages de la classe générique le comprenant ».
[51] En ce qui concerne l’expression classe générique, que l’on retrouve à la dernière phrase de l’article 4.3.2.2, elle n’a pas la même signification que classe d’usages. Prenons l’exemple d’un usage de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) » qui serait autorisé expressément dans une zone où seule la classe d’usages « Commerce artériel léger (c2) » est permise. Si l’on permet l’usage « garage d’autobus », prévu à l’article 5.2.2.3.1 g) i) du Règlement de zonage no 400, comme usage spécifiquement permis dans une zone qui n’autorise que les usages de la classe « Commerce artériel léger (c2) », la dernière phrase de l’article 4.3.2.2[12] signifie alors que seuls les garages d’autobus sont autorisés dans cette zone comme usage spécifiquement permis. Les autres usages de la classe générique « Établissements d’entreposage » de l’article 5.2.2.3.1, et notamment les « entreprises de camionnage » du sous-paragraphe ii) du paragraphe g), ne seraient pas autorisés. Le seul usage de la classe générique « Établissements d’entreposage » qui serait autorisé comme usage spécifiquement permis serait le « garage d’autobus », à l’exclusion de tous les autres usages de la classe générique « Établissements d’entreposage » le comprenant
[52] Cette règle d’interprétation des usages permis ou exclus s’applique au Règlement no 400-69. En effet, la seule modification apportée au Règlement de zonage no 400, en 2003, est au feuillet numéro 41 de la cédule « B » qui est la Grille des usages et normes. Toutes les autres dispositions du Règlement de zonage no 400 demeurent inchangées et s’appliquent à l’interprétation de cette grille.
[53] On ne peut retenir l’interprétation que soutient La Québécoise qui estime que les différences entre les expressions utilisées à l’article 4.3.2.2 du Règlement de zonage no 400 et celles que l’on retrouve au Règlement no 400-69 font en sorte que l’article 4.3.2.2 ne peut s’appliquer pour interpréter ce dernier.
[54] La Québécoise fait une application trop stricte du concept de l’uniformité d’expressions. Comme le souligne l’auteur Pierre-André Côté, ce principe ne constitue qu’une faible présomption et le contexte dans lequel les termes sont employés doit toujours guider le lecteur dans l’interprétation qu’il donne à la différence de rédaction[13].
[55] Toutefois, même en appliquant l’article 4.3.2.2 pour interpréter le Règlement no 400-69, je suis d’avis que tous les usages de la classe « Commerce artériel lourd (c3) » étaient permis dans la zone avant le 1er juin 2009, comme le soutient La Québécoise. En effet, la présence d’un X vis-à-vis la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) » indique clairement que tous ces usages sont permis[14].
[56] Par ailleurs, si on retenait l’interprétation des appelants quant au fait que les usages de la classe « Commerce artériel lourd (c3) » n’étaient pas autorisés après 2003, pourquoi Delson aurait-elle adopté le Règlement no 400-107, entré en vigueur le 1er juin 2009, qui visait à les abolir six ans plus tard? Il est rédigé ainsi :
ARTICLE 2
Le règlement de zonage numéro 400 et ses amendements est modifié au feuillet numéro 41 de sa cédule « B » correspondant à la grille des usages et normes de la zone commerce C04-410, et ce, afin d’abroger la quatrième colonne de la grille, de manière à abroger les usages commerciaux de la classe d’usages « artériel lourd » (C3) de même qu’exclure l’usage spécifiquement permis mentionné à l’article 5.2.2.3.1 g) (établissement d’entreposage).
Le tout tel que montré à l’annexe « A » faisant partie intégrante du présent règlement.
[57] Cette interprétation est également compatible avec le fait que Delson a autorisé La Québécoise, en 2003, à construire un garage permettant d’effectuer des réparations à de gros véhicules.
[58] Il ressort de ce qui précède que l’usage exercé par DDACE, en juin 2009, soit la réparation, l’inspection de moteurs diesel et de transmissions pour véhicules lourds, était légal puisqu’il était inclus dans la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) », plus particulièrement sous le paragraphe b) de l’article 5.2.2.3.1 du Règlement de zonage no 400, soit « Services spécialisés de réparation de véhicules ».
[59] Après la suspension de ses activités à Delson, le 1er octobre 2008, La Québécoise a conclu un bail avec DDACE dès le 30 janvier 2009. Cette dernière a exercé l’usage « Services spécialisés de réparation de véhicules », inclus dans la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) », au paragraphe b) de l’article 5.2.2.3.1. Le 1er juin 2009, DDACE exerçait donc légalement cet usage. Il faut également noter que La Québécoise, au cours de la période 2009-2010, a continué à entreposer jusqu’à sept véhicules sur la Propriété. À mon avis, la preuve démontre qu’elle a continué à exercer l’usage « Établissements d’entreposage » pendant cette période, bien qu’avec une moindre intensité. En conséquence, lorsque le Règlement no 400-107 est adopté, le 1er juin 2009, deux des usages compris dans la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) » sont exercés sur la Propriété, soit « Services spécialisés de réparation de véhicules » et « Établissements d’entreposage ». À cette date, La Propriété possédait donc des droits acquis à l’égard de ces usages.
[60] Par ailleurs, je suis d’avis que, dans le contexte, il n’y a pas eu abandon ou interruption des usages[15].
[61] La juge de première instance fait toutefois erreur, à mon avis, lorsqu’elle reconnaît également des droits acquis à l’opération d’une entreprise de remorquage :
[95] DÉCLARE que l'immeuble de la demanderesse, Autobus la Québécoise Roussillon Inc., sis au 161, chemin St-François-Xavier, à Delson bénéficie de droits acquis à l’opération d’un commerce d’entretien, de réparation et d'entreposage d’autobus et autres véhicules lourds, incluant l'opération d'une entreprise de remorquage;
[62] En effet, le droit acquis à un usage dérogatoire n’existe que pour le ou les usages spécifiques qui existaient à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation[16]. Or, il n’y avait pas exploitation d’une entreprise de remorquage au moment de la modification du règlement de zonage, le 1er juin 2009. Il ne pouvait donc y avoir naissance de droits acquis à cet égard.
[63] Même si l’on considérait qu’il a pu y avoir des activités de remorquage exercées sur la Propriété, il ne pouvait s’agir que d’un usage accessoire aux usages « Services spécialisés de réparation de véhicules » et « Établissements d’entreposage ». Or, pour qu’un usage soit générateur de droits acquis à un usage principal, on doit être en présence d’un usage principal et non d’un usage accessoire. C’est ce qu’écrivait le juge Lorne Giroux (alors professeur) :
[...] la règle applicable est à l'effet qu'un droit acquis ne peut naître d'un usage accessoire mais doit résulter d'un usage principal existant au moment de l'entrée en vigueur du nouveau règlement. Ainsi, l'enlèvement de sable comme usage accessoire à une exploitation agricole ne permet pas d'invoquer des droits acquis à un usage principal de sablière. L'entreposage de bouteilles, accessoire à une entreprise d'embouteillage, ne peut conférer de droits acquis à un usage principal d'entreposage, pas plus que l'entreposage accessoire à une exploitation agricole d'horticulteur-jardinier ne justifie de reconnaître des droits acquis à une base d'opérations d'une entreprise commerciale de terrassement ou d'embellissement paysager.[17]
[Je souligne] [références omises]
[64] L’auteur Marc-André LeChasseur exprime la même opinion :
Il est également un principe fondamental selon lequel des droits acquis ne peuvent naître que d’un usage principal qui était autorisé sous la réglementation alors en vigueur et non d’un usage accessoire. Il faut une mise en œuvre réelle du droit auquel on prétend et cet usage doit être de notoriété suffisante.[18] […]
[Je souligne] [références omises]
[65] En conséquence, je conclus que la juge a commis une erreur révisable en reconnaissant des droits acquis pour l’opération d’une entreprise de remorquage.
[66] Pour ces motifs, je propose d’accueillir en partie l’appel principal, avec dépens, d’infirmer en partie le jugement de première instance, d’accueillir en partie la requête pour jugement déclaratoire, avec dépens, de déclarer que l’immeuble d’Autobus La Québécoise Roussillon inc., situé au 161, chemin Saint-François-Xavier à Delson, bénéficie de droits acquis pour les usages « Services spécialisés de réparation de véhicules » et « Établissements d’entreposage » de la classe d’usages « Commerce artériel lourd (c3) ».
L’APPEL INCIDENT
[67] Dans sa requête introductive d’instance réamendée, La Québécoise réclame aux appelants 500 000 $ en dommages-intérêts. La juge ne se prononce pas sur cette question. Elle mentionne simplement, au paragraphe [40] de son jugement, que « La Québécoise n’insiste pas pour obtenir des dommages-intérêts […] ».
[68] Par son appel incident, La Québécoise demande à la Cour de se prononcer sur les dommages ou, subsidiairement, de retourner le dossier à la Cour supérieure pour qu’ils soient déterminés.
[69] Les appelants-intimés incidents soutiennent que la juge a eu raison de ne pas se prononcer sur les dommages puisque l’avocat de La Québécoise n’a pas insisté sur ce point dans sa plaidoirie.
[70] Ils plaident également que cette réclamation était prescrite puisque c’est le 2 septembre 2010 que DDACE a avisé par écrit La Québécoise qu’elle mettait fin au bail. Puisque la prescription est de six mois, en vertu de l’article 585 de la Loi sur les cités et villes[19], elle était acquise le 3 mars 2011. Or, la requête a été introduite le 13 avril 2011.
[71] En ce qui concerne les dommages, les appelants-intimés incidents allèguent que la réclamation est nettement exagérée et que La Québécoise ne peut réclamer que la perte de loyer entre décembre 2010 et janvier 2011.
* * *
[72] La juge ayant conclu à l’existence de droits acquis, elle devait examiner la question des dommages qui n’a jamais été abandonnée par La Québécoise. Voici l’échange, à ce sujet, entre la juge et l’avocat de La Québécoise :
[…]
LA COUR :
Oui? Donc, les conclusions qui sont…
Me BERNARD CAOUETTE,
pour la demande :
Là, je reviens…
LA COUR :
… demandées sont essentiellement les deux (2) premières de la requête?
Me BERNARD CAOUETTE,
pour la demande :
Exact. À toutes fins pratiques.
Ben, écoutez, j’ai pas le mandat de retirer des dommages. Donc, il y a une demande au niveau des dommages. Mais essentiellement, ce que je vous dis, puis ça… ça évite vraiment un débat important, c’est déclarer que l’immeuble bénéficie de droits acquis pour l’opération d’un commerce, et on va tenter de préciser ces droits acquis là, quels sont-ils, qu’en est-il.
[…]
[je souligne]
[73] À mon avis, la juge a commis une erreur à cet égard. Il est inexact que l’avocat a abandonné la réclamation de dommages lors de l’audition et il y a donc lieu d’examiner si La Québécoise y a droit.
[74]
Le dépôt de la requête introductive, le 13 avril 2011, a interrompu la
prescription, même si, à ce moment, elle ne comportait aucune conclusion en
dommages. Il n’est pas contesté que c’est la prescription de six mois édictée à
l’article
[75] Pour déterminer si la réclamation est prescrite, il faut donc établir son point de départ. C’est au moment où tous les éléments de responsabilité sont présents, soit la faute, le préjudice et le lien de causalité, que le droit d’action prend naissance en matière de responsabilité civile[20]. Les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore expliquent la difficulté de fixer le point de départ de la prescription lorsque la faute et le dommage ne surviennent pas simultanément :
Le problème devient plus difficile lorsque
l’apparition du dommage est retardée par rapport à celle de la faute. Ainsi,
lorsqu’un chirurgien oublie une compresse dans le ventre d’un malade, et que ce
fait ne cause un préjudice que plusieurs années après, il est illogique de
faire débuter la prescription de l’action du jour de l’oubli qui est donc celui
de la faute reprochée. La jurisprudence, plus réaliste, fait partir le délai
du jour de la réalisation du préjudice, puisque c’est à ce moment seulement que
les conditions juridiques du droit de poursuite se trouvent enfin réunies,
règle qui est maintenant codifiée à l’article
[je souligne] [références omises]
[76]
L’article
[77] C’est le 2 septembre 2010 que DDACE a avisé La Québécoise qu’elle mettait fin au bail le 31 octobre 2010 en raison du problème de zonage et du manque d’espace. Toutefois, c’est le 31 octobre 2010 que le préjudice s’est réalisé.
[78] À mon avis, le point de départ de la prescription est donc le 31 octobre 2010. C’est d’ailleurs la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Monopro Ltd. c. Montreal Trust[22] :
[24] Il ne s’agit pas non plus d’un cas où la date est fixée en fonction de chaque échéance mensuelle des loyers non perçus puisque le recours n'est pas contractuel. Le débiteur poursuivi n'est pas Alcan mais bien l'intimée. Le fait que le dommage soit évaluable pour partie en fonction de la perte de loyers ne rend pas le préjudice distinct pour chaque mois ou progressif à l’égard de l’intimée qui serait responsable de la faute extracontractuelle de son agent immobilier. L’exception en cas de dommages continus ne s’applique pas ici. La faute est ici unique, circonscrite dans le temps et non continue (Laurin c. Ville de Val d’Or, [1944] B.R. 661 et Paul Revere Cie d'assurance-vie c. Geary, C.A. Québec, no 200-09-000287-943, 5 août 1994, jj. Rousseau-Houle, Delisle et Otis, J.E. 1275).
[25] L’appelante a su à un moment bien antérieur à chaque échéance de loyer que Alcan ne paierait pas le loyer convenu au bail initial. En fait, le juge de première instance a même conclu, sur la base du témoignage du représentant de l’appelante, que cette dernière a, entre le 13 et le 14 juillet 1988, acquis la certitude que Alcan ne relouerait pas. Cette certitude a été confirmée dans les faits : d'une part, Alcan a nié s'être engagée en janvier 1989 et, d'autre part, elle n'a pas exercé son option de renouvellement du bail le 1er novembre 1989. Enfin, les dommages se sont concrétisés de façon définitive à compter du 1er août 1990, lorsque Alcan a occupé les lieux moyennant un prix inférieur au loyer prévu au bail.
[26] En somme, tenant pour acquis le lien de causalité, le moment à partir duquel la prescription doit courir ne peut être postérieur au 1er août 1990. L'action instituée en octobre 1992 est donc tardive.[23]
[je souligne]
[79] En conséquence, La Québécoise avait jusqu’au 1er mai 2011 pour déposer sa requête introductive d’instance. Puisqu’elle l’a fait le 13 avril 2011, la prescription n’était pas acquise.
[80] Il me faut maintenant déterminer si les appelants-intimés incidents ont commis une faute qui peut engendrer leur responsabilité.
[81]
Carl Beauchemin, un préposé de Delson, agissait dans le cadre de ses
fonctions lorsqu’il a refusé de délivrer à DDACE un certificat d’occupation. La
Québécoise pouvait donc poursuivre tant Delson (art.
[82] La Cour suprême, dans Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), explique que lorsqu’une municipalité pénètre dans la sphère opérationnelle de son pouvoir, sa négligence peut entraîner sa responsabilité :
[…] Cependant, le pouvoir discrétionnaire conféré par le législateur n'est pas général au point d'exempter l'autorité en question de toute responsabilité à l'égard de ses actes. En effet, lorsque cette autorité pénètre dans la sphère opérationnelle de son pouvoir, c'est-à-dire lorsqu'elle passe à l'exécution pratique de ses décisions politiques, elle est responsable du préjudice causé à un particulier par sa négligence. […] [24]
[je souligne]
[83] En l’espèce, tant le refus de délivrer un permis d’occupation à DDACE que celui de reconnaître des droits acquis relevaient de la sphère opérationnelle du pouvoir de Delson. Il ressort cependant de la preuve que Carl Beauchemin n’a pas agi de façon fautive lorsqu’il a refusé d’accorder à DDACE un certificat d’occupation en raison du fait que l’usage proposé était dérogatoire au Règlement de zonage no 400. Le 23 mars 2009, il répond à la demande de DDACE de la façon suivante :
Le 23 mars 2009
Monsieur Éric Couturier, directeur régional
DDACE
10955, Côtes-de-Liesses
Dorval (Québec) H9P 1A7
_______________________________________________________________
Objet : Demande de certificat d’occupation no 2009-00015
161, ch. St-François-Xavier
n/1 : 0126-98-1508
_______________________________________________________________
Monsieur,
La présente fait suite à la demande de certificat d’occupation no 2009-00015 que vous avez formulée le 12 mars dernier pour votre établissement situé à l’adresse susmentionnée. Suite à l’analyse de la demande, nous désirons vous informer qu’elle a été refusée du fait que l’usage proposé est actuellement dérogatoire au règlement de zonage no 400 présentement en vigueur.
En effet, le bâtiment sis au 161, chemin Saint-François-Xavier est situé dans la zone C04-410 qui est identifiée au plan de zonage faisant partie intégrante du règlement no 400 (art. 1.1.5). Dans cette zone, les seuls usages autorisés dans la classe d’usages « Commerce artériel lourd C3 » sont les « établissements d’entreposage ». Or, l’usage que vous proposez est classé dans le type d’activités « services spécialisés de réparation de véhicules ».
Ainsi, nous vous demandons de cesser l’usage dérogatoire que vous exercez actuellement afin de vous conformer à la réglementation municipale.
Par ailleurs, il est entendu que la Ville ne pourra autoriser de projet d’affichage pour un usage dérogatoire. Tel que mentionné dans notre correspondance du 11 février dernier, les deux enseignes dérogatoires ayant la forme de banderole ou bannière devront être retirées.
Nous comptons sur votre collaboration et vous prions de recevoir, Monsieur, mes salutations distinguées.
Carl BEAUCHEMIN
Coordonnateur - Urbanisme & Inspection
C.c. Autobus La Québécoise, propriétaire
M. Sébastien Sylvestre, directeur du Service de l’urbanisme
Ville de Delson
[84] Bien que je ne retienne pas cette interprétation du Règlement de zonage no 400 et de ses amendements, je ne crois que celle retenue par M. Beauchemin est de nature à engendrer sa responsabilité et celle de Delson. Les règlements de zonage sont parfois complexes à interpréter et une erreur à cet égard ne peut, dans tous les cas, être qualifiée de faute. En l’espèce, le témoignage de M. Beauchemin établit le sérieux de l’analyse qui l’a amené à refuser le certificat d’occupation.
[85] En ce qui concerne le refus de Delson d’autoriser l’opération d’une entreprise de remorquage, il était parfaitement justifié puisqu’il n’existait aucun droit acquis à cet usage.
[86] Je conclus donc que les appelants/intimés incidents n’ont pas commis de faute qui aurait pu entraîner leur responsabilité civile et le paiement de dommages.
[87] Pour ces motifs, je propose de rejeter l’appel incident, avec dépens.
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JULIE DUTIL, J.C.A. |
[1] Je n’ai reproduit que les deux usages qui font l’objet du litige.
[2] Jugement dont appel, paragr. 69.
[3] Ibid., paragr. 74-84.
[4] Ibid., paragr. 74 et 75.
[5] Ibid., paragr. 80.
[6] Jugement dont appel, paragr. 72.
[7] Ibid., paragr. 71.
[8] Ibid., paragr. 73.
[9] Ibid., paragr. 79.
[10] Ibid., paragr. 93.
[11] Voir la Grille des usages et normes reproduite au paragraphe [42] du présent arrêt.
[12] « L’autorisation d’un usage spécifique exclut les autres usages de la classe générique le comprenant ».
[13] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e éd., avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, Montréal, Éditions Thémis, 2009, no 1241, p. 384.
[14] Rouyn-Noranda (Ville) c. Gestion Jean-Marc Baronet inc., [2003] J.Q. no 5122 (C.A.), paragr. 2.
[15] Saint-Laurent
(Ville) c. 2426-4640 Québec inc.,
[16] Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Les pouvoirs municipaux en matière d’urbanisme », dans Droit public et administratif, École du Barreau, Collection de droit 2014-2015, vol. 7, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 505.
[17] Lorne Giroux, « Les usages accessoires ou complémentaires en droit de l’urbanisme », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal, vol. 74, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 323.
[18]
Marc-André LeChasseur,
[19] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.
[20] Monopro Ltd. c. Montreal Trust,
[21] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2014, no 1-1322, p. 1158.
[22] Monopro Ltd. c. Montreal Trust, supra, note 20, paragr.
24-26; voir également Leasehold Construction Corp. c. Aéroports de
Montréal,
[23] Monopro Ltd. c. Montreal Trust, supra, note 20, paragr. 24-26.
[24]
Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville),
AVIS :
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