Décision

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Centre de santé et de services sociaux Richelieu-Yamaska et Laflamme

2011 QCCLP 7365

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

16 novembre 2011

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

368427-62B-0901-R

 

Dossier CSST :

133025627

 

Commissaire :

Pauline Perron, juge administratif

 

Membres :

Christian Tremblay, associations d’employeurs

 

Pierre Jutras, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Centre de santé et de

services sociaux Richelieu-Yamaska

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Lorraine Laflamme

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 6 août 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 8 juillet 2010 (le Tribunal).

[2]           Par cette décision, le Tribunal modifie la décision de la CSST. Il déclare que madame Lorraine Laflamme (la travailleuse) n’a pas subi une lésion professionnelle ni le 15 mars 2008 ni le 19 juillet 2008 et qu’elle n’a pas à débourser à la CSST la somme de 978,96 $.

[3]           La CSST a transmis une argumentation écrite. Centre de santé et de services sociaux Richelieu-Yamaska (l’employeur) et la travailleuse ont avisé qu’ils ne seraient pas présents et n’avaient pas d’argumentation à transmettre. La cause est mise en délibéré à la date fixée pour l’audience, soit le 3 novembre 2011.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La CSST demande la révision de la décision quant à la conclusion voulant que la travailleuse n’ait pas à rembourser la somme de 978,96 $, somme qui correspond au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour les 14 premiers jours puisque ceci constitue une erreur manifeste et déterminante de droit.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Monsieur Pierre Jutras, membre issu des associations syndicales, et monsieur Christian Tremblay, membre issu des associations d’employeurs, sont d’avis d’accueillir la requête puisque le deuxième paragraphe de l’article 437 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) a été ignoré.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA REQUÊTE

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par le Tribunal.

[7]           L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[8]           Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]           Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :

429.49.  […] 

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.

[11]        Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].

[12]        En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est soulevé en l’instance, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[3].

[13]        Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[4].

[14]        Dans le cas qui nous occupe, au paragraphe 23 de sa décision, le Tribunal indique qu’étant donné la bonne foi de la travailleuse, elle n’a pas à rembourser la somme correspondant aux 14 premiers jours de versement de l’indemnité de remplacement du revenu :

[23]      Étant donné la bonne foi de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’y a pas lieu de modifier la décision de la CSST voulant que la travailleuse n’ait pas à rembourser la somme de 978,96 $.

 

 

[15]        Il faut ici comprendre que la CSST avait d’abord refusé la réclamation de la travailleuse et ordonné le remboursement de la somme versée pour les 14 premiers jours. Toutefois, lors de la révision administrative, la CSST avait accepté la réclamation et donc conclu que la travailleuse n’avait pas à verser la somme correspondant au versement de l indemnité de remplacement du revenu pour les 14 premiers jours.

[16]        Le Tribunal conclut donc :

ACCUEILLE la requête de CSSS Richelieu Yamaska, l’employeur;

 

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 décembre 2008, à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que madame Lorraine Laflamme, la travailleuse, n’a pas subi de lésion professionnelle, le 15 mars 2008 ni le 19 juillet 2008;

 

DÉCLARE que madame Lorraine Laflamme n’a pas à rembourser à la Commission de la santé et de la sécurité du travail la somme de 978,96 $.

 

 

[17]        Or, les articles 60, 430 et 437 de la Loi énoncent :

60.  L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199 .

 


Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui-ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.

 

Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu conformément à la section I du chapitre XIII.

__________

1985, c. 6, a. 60; 1993, c. 5, a. 1.

 

 

 

430.  Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 430.

 

 

 

437.  La Commission peut, même après le dépôt du certificat, faire remise de la dette si elle le juge équitable en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière.

 

Cependant, la Commission ne peut faire remise d'une dette qu'elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de l'article 60 ou de l'article 133 .

__________

1985, c. 6, a. 437.

 

            [Nos soulignements]

[18]        La Loi ne laisse ainsi place à aucune interprétation. Malgré la bonne foi, le montant correspondant au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pendant les 14 premiers jours d’un arrêt du travail doit être remboursé.

[19]        Le Tribunal n’avait aucune discrétion pour passer outre à cette disposition. Il a ainsi commis une erreur manifeste et déterminante de droit donnant lieu à une révision de la décision rendue.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

MODIFIE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 8 juillet 2010;

DÉCLARE que madame Lorraine Laflamme doit rembourser à la Commission de la santé et de la sécurité du travail la somme de 978,96 $.

 

 

__________________________________

 

Pauline Perron

 

 

 

 

Me Nicolas Matt

Matt Poirier avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Mme Caroline Ouellette Chartrand

C.S.N.

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Hugues Magnan

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.

[3]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ;

[4]           Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.