Bastien et Société des alcools du Québec |
2007 QCCLP 5146 |
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[1] Le 19 février 2007, monsieur Marc-André Bastien (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 février 2007.
[2] Par cette décision, la CSST rejette la demande de révision produite par le travailleur, confirme sa décision initiale et déclare que le travailleur n’a pas droit d’être remboursé du coût de réparation ou de remplacement de la montre et du vélo endommagés au moment de la survenance de la lésion professionnelle.
[3] L’audience a dûment été convoquée et devait se tenir le 4 septembre 2007, à Québec. Les parties et leur procureur ne se sont pas présentés à l’audience. Le procureur du travailleur a produit une argumentation écrite. Le procureur de Société des alcools du Québec (l’employeur) a indiqué au tribunal qu’il n’avait aucun commentaire à offrir.
[4] La cause a été mise en délibéré le 4 septembre 2007.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Invoquant les articles 1 et 351 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi), le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement qu’il réclame.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête.
[7] En l’absence de disposition prévoyant le remboursement demandé, ils considèrent qu’il n’appartient pas au tribunal de modifier la loi et d’octroyer au travailleur une prestation à laquelle il n’a pas droit.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit d’être remboursé des frais qu’il réclame.
[9] Selon la preuve non contredite, au cours de l’agression dont le travailleur a été victime à l’occasion de son travail, le 12 juillet 2004, la montre qu’il portait et le vélo qu’il montait ont été endommagés au point de devoir être remplacés.
[10] Les seules dispositions de la loi prévoyant le remboursement d’effets endommagés au cours d’une lésion professionnelle sont les articles 112 et 113 de la loi qui se lisent comme suit :
112. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité maximale de:
1° 300 $ pour le nettoyage, la réparation ou le remplacement des vêtements endommagés par suite d'un accident du travail;
2° 300 $ par année pour les dommages causés à ses vêtements par une prothèse ou une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) dont le port est rendu nécessaire en raison d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 112; 2001, c. 60, a. 166.
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.
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1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.
[11] Le procureur du travailleur reconnaît que ces dispositions ne permettent pas au travailleur d’obtenir le remboursement qu’il réclame.
[12] Devant ce vide juridique, il plaide que les articles 1 et 351 de la loi autorisent le tribunal à faire droit à la demande.
[13] Ces dispositions se lisent comme suit :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
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1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[14] L’objet de la loi est de réparer les conséquences résultant d’une lésion professionnelle. Cependant, la loi fixe des limites à cette réparation et il n’appartient pas au tribunal de modifier la loi pour y ajouter des droits qui n’y sont pas prévus, ou encore, supprimer les conditions d’acquisition des droits qui y sont consentis.
[15] Comme dans l’affaire Gillam et Centre Molson inc.[1], la commissaire soussignée est d’avis que l’objectif énoncé à l’article 1 de la loi n’habilite pas le tribunal à accorder plus de droits ou à créer des obligations à la CSST au-delà de ce qui est prévu par la loi d’où le tribunal tire sa compétence et ses pouvoirs.
[16] De l’avis de la commissaire soussignée, le même raisonnement s’applique au devoir de rendre des décisions suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas.
[17] D’ailleurs, la Cour d’appel a rappelé dans l’affaire Chaput c. STCUM[2] que l’application de la loi doit permettre aux travailleurs d’obtenir les prestations auxquelles ils ont droit, mais pas davantage.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation de monsieur Marc-André Bastien, le travailleur;
CONFIRME la décision en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 9 février 2007;
DÉCLARE que monsieur Marc-André Bastien n’a pas droit d’être remboursé du coût de remplacement de la montre et du vélo endommagés au cours de la lésion professionnelle qu’il a subie le 12 juillet 2004.
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GUYLAINE TARDIF |
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Commissaire |
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Me Denis Mailloux |
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C.S.N. |
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Procureur de la partie requérante |
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Me Jean-Guy Durand |
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JOLICOEUR, LAMARCHE, ASS. |
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Procureur de la partie intéressée |
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