Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

11 mai 2006

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

237681-64-0406      265577-64-0506

 

Dossier CSST :

124696733

 

Commissaire :

Me Jean-François Martel

 

Membres :

Gisèle Lanthier, associations d’employeurs

 

Claudette Lacelle, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Gérald Paquette Entrepreneur Électricien & Associés inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Guillaume Gauthier

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier : 237681-64-0406

[1]                Le 23 juin 2004, Gérald Paquette Entrepreneur Électricien & Associés inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 juin 2004, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 29 avril 2004 et déclare que la Commission était justifiée de reconsidérer sa décision du 2 avril 2004 et qu’en conséquence, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit se poursuivre jusqu’à ce qu’une décision de capacité de travail soit rendue.

Dossier : 265577-64-0506

[3]                Le 14 juin 2005, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une autre requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 27 mai 2005, à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 avril 2005 et déclare que :

-          l’emploi de réparateur de moteurs 2 temps et 4 temps constitue un emploi convenable pour monsieur Guillaume Gauthier (le travailleur),

-          afin de rendre le travailleur capable d’exercer cet emploi, la Commission est justifiée de mettre en place une mesure de réadaptation, soit une formation de réparation de véhicules récréatifs et mécanique de petits moteurs 2 temps et 4 temps d’une durée de 198 heures à l’école de formation SAMO, et

-          la Commission est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant la formation.

[5]                Le travailleur est présent à l’audience tenue, le 5 mai 2006, à Saint-Jérôme ; l’employeur y est représenté par procureur.  Quant à la CSST, elle a prévenu le tribunal, par lettre de son procureur en date du 28 avril 2006, qu’elle ne serait pas représentée à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Dans le dossier 237681-64-0406, l’employeur demande de déclarer que la CSST n’était pas justifiée de reconsidérer sa décision du 2 avril 2004, laquelle déclarait le travailleur capable d’exercer son emploi à compter du 5 avril 2004.

[7]                D’emblée, le procureur de l’employeur reconnaît que le sort de la contestation mue dans le dossier 265577-64-0506 doit suivre celui que le tribunal réservera à celle faisant l’objet du dossier précédent.

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être accueillie.  La reconsidération faite par la CSST de sa décision du 2 avril 2004 était contraire à la loi, puisque celle-ci n’était ni entachée d’erreur ni rendue avant que soit connu un fait essentiel.  La preuve ne démontre pas clairement si le médecin en charge du travailleur, le docteur Nguyen, a changé ou non l’opinion exprimée dans son Rapport d’évaluation médicale quant à l’inexistence de limitations fonctionnelles, mais assurément, il n’a reconnu aucune erreur.  Par ailleurs, même si l’on prend pour hypothèse qu’il y a effectivement eu changement d’opinion, cela ne constitue pas un fait essentiel aux termes de la loi.

[9]                La détermination d’un emploi convenable et l’instauration de mesures de réadaptation doivent donc être annulées, puisque le travailleur était apte à exercer son emploi prélésionnel.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[10]           À la suite d’une chute survenue au travail le 30 juillet 2003, le travailleur a subi une fracture du calcanéum gauche.

[11]           Aux fins de rendre la présente décision, le tribunal doit d’abord déterminer qui est le médecin ayant eu charge du travailleur à la période pertinente.

[12]           L’Attestation médicale initiale a été délivrée le jour de l’accident par le docteur Philippe Cloutier.  Il a aussitôt demandé consultation auprès d’un chirurgien orthopédiste, le docteur Tuan Khoan Nguyen, et n’a plus revu le travailleur par la suite.  Le tribunal ne saurait donc reconnaître au docteur Cloutier le statut de médecin en charge du travailleur au-delà de la date du 30 juillet 2003.

[13]           Le docteur Nguyen a pris charge du travailleur le jour même pour le traiter, sans interruption et à l’exclusion de tout autre médecin, jusqu’au Rapport final du 23 décembre 2003 déclarant la lésion consolidée en date du 14 janvier 2004.  Il l’a ensuite examiné, le 13 janvier 2004, pour rédiger le Rapport d’évaluation médicale du 6 février 2004[2].  Son dernier examen du travailleur remonte au 27 avril 2004.  En tout, il a reçu le travailleur à neuf reprises.  Il a suivi l’évolution de l’état du travailleur et en a tenu la CSST informée tant par ses rapports écrits que par ses échanges téléphoniques avec ses représentants.

[14]           Le chirurgien orthopédiste Chérif Tadros a agi dans le dossier à titre de médecin désigné par l’employeur.  Il a examiné le travailleur à deux occasions, les 20 février et 12 mai 2004, et a soumis deux rapports adressés à l’association défendant les intérêts de l’employeur assortis de « notes médico-administratives ».  Bien évidemment, il n’est pas le médecin qui a charge du travailleur au sens de la loi.

[15]           Il en va de même de la docteure Andrée Magnan qui, elle, est intervenue dans le dossier à titre de médecin conseil régional de la CSST.

[16]           Reste à considérer le rôle joué par la docteure Marianne Codsi, « médecin de famille » du travailleur depuis 2001.

[17]           Force est de constater que la docteure Codsi n’a été impliquée dans le dossier qu’après la consolidation de la lésion et qu’après la tenue de l’examen menant au Rapport d’évaluation médicale : la première consultation auprès d’elle date en effet du 15 janvier 2004, plus de cinq mois après l’accident.

[18]           La docteure Codsi n’a aucunement participé au traitement de la lésion professionnelle subie en juillet 2003 par le travailleur puisqu’elle n’a vu ce dernier qu’une fois sa lésion consolidée.  Selon le dossier, elle ne l’aurait revu que deux fois par la suite.  Personne ne lui a jamais confié mandat ou délégué le pouvoir d’évaluer les séquelles permanentes découlant de l’accident de juillet 2003.  C’est pourtant la mission dont elle semble s’être investie en examinant le travailleur les 15 janvier et 28 avril 2004, chaque fois immédiatement après que le docteur Nguyen ait lui-même procédé à ses propres examens, les 13 janvier et 27 avril 2004.

[19]           La docteure Codsi ne peut être considérée comme médecin en charge pour les fins de l’évaluation des séquelles permanentes de la lésion professionnelle du travailleur, car à l’époque pertinente, soit au 13 janvier, ce rôle était exclusivement dévolu au docteur Nguyen.  S’il avait voulu qu’il en soit autrement, le travailleur n’avait qu’à consulter son médecin de famille bien avant le 15 janvier 2004.

[20]           Dans des circonstances analogues, il a été décidé que le médecin de famille ne peut être considéré comme étant le médecin qui a charge du travailleur aux fins de l’émission du Rapport final puisqu’il fut consulté après que le médecin ayant charge eut fait parvenir son rapport final à la CSST[3].

[21]           Pour sa part, le docteur Nguyen présente toutes les caractéristiques du médecin ayant charge du travailleur[4] pour la période s’étendant du 30 juillet 2003 au 14 janvier 2004, date de consolidation de la lésion, inclusivement :

-          il a examiné le travailleur,

-          il est le médecin que le travailleur a librement choisi, ainsi qu’en attestent le nombre et la fréquence des visites effectuées à son cabinet,

-          il a établi le plan de traitement, et

-          il a assuré le suivi médical et administratif.

[22]           Après la consolidation de la lésion et alors même que la docteure Codsi s’immisçait dans le suivi administratif du dossier, c’est encore le docteur Nguyen qui, à titre d’auteur du Rapport d’évaluation médicale, a réexaminé le travailleur le 27 avril 2004.

[23]           Ainsi, le tribunal reconnaît que le médecin en charge du travailleur à l’époque pertinente au présent litige était le docteur Nguyen.

[24]           Son Rapport d’évaluation médicale comporte, entre autres, les mentions suivantes :

5.   EXAMEN PHYSIQUE EN RAPPORT AVEC LA LÉSION PROFESSIONNELLE

 

      (…)

 

      Le patient peut pousser, tirer des charges pesantes selon sa tolérance sur terrain plat.

 

      Comme il s’agit d’un électricien travaillant dans la construction, les échelles sont à éviter pour une période de six semaines.

 

 

9.   LIMITATIONS FONCTIONNELLES RÉSULTANT DE LA LÉSION PROFESSIONNELLE

 

      Il s’agit d’une fracture du calcanéum qui est consolidée avec présence de cal osseux.  Cependant le patient présente toujours des séquelles d’un gros talon avec difficultés et inconfort pour le port de certains souliers.

 

 

      Il présente pour une période de six semaines additionnelles de la difficulté pour monter les escaliers à pas alternatifs.

 

11.  CONCLUSION

 

      (…)  Le patient a fait de la physiothérapie pour retrouver la mobilité au niveau de la cheville et permettre une mise en charge adéquate.

 

      Il peut retourner à son travail d’électricien avec la restriction temporaire déjà mentionnée.

 

[Le tribunal souligne]

 

 

 

[25]           Bref, selon le médecin en charge, le travailleur ne conserve que certaines limitations fonctionnelles temporaires, pour une durée de six semaines.

[26]           Sur réception de ce rapport, le docteur Michel Allard, médecin conseil régional pour la CSST, veut être rassuré sur l’absence de limitations fonctionnelles permanentes.  Un bilan médical téléphonique est donc fait, le 30 mars 2004, par la docteure Magnan avec le docteur Nguyen.  Il se lit comme suit :

Les limitations fonctionnelles sont toutes transitoires soit 6 semaines que ce soit pour les échelles, escaliers ou le fait de pousser, tirer charges pesantes selon tolérance sur terrain plat.

 

Pour ce qui est des séquelles d’un gros talon avec difficultés et inconfort pour le port de certains souliers, ce problème se pose que pour les bottes de travail qui pourraient être faites sur mesure à la demande de T.

 

Par ailleurs, les souliers de ville, souliers de course et bottes ordinaires ne sont pas inclus.  Ils ne feront pas l’objet de débourser par la CSST.  (sic)

 

 

 

[27]           C’est dire qu’à la fin mars 2004, le docteur Nguyen maintient toujours l’opinion exprimée à la suite de son examen de la mi-janvier.

[28]           Selon les notes évolutives, la CSST rend sa décision initiale du 2 avril 2004 (déclarant le travailleur capable à compter du 5) sur la base du susdit Rapport d’évaluation médicale tel que confirmé par le bilan téléphonique du 30 mars.

[29]           Le travailleur manifeste aussitôt son mécontentement.  De concert avec la docteure Codsi, il fait alors valoir à l’agente d’indemnisation que même le médecin désigné par l’employeur, le docteur Tadros, est d’avis qu’il conserve des limitations fonctionnelles.

[30]           En réalité, cette affirmation n’est pas tout à fait exacte puisque à l’époque, le docteur Tadros estime lui aussi, comme le docteur Nguyen, que les limitations fonctionnelles du travailleur pourraient bien n’être que temporaires.  En effet, le 20 février précédent, il concluait son rapport comme suit à propos de l’existence de limitations fonctionnelles :

Pour le moment, les limitations fonctionnelles suivantes sont imposables.  Il doit éviter de travailler sur un terrain inégal.  Il doit éviter de monter des échelles ou des échafaudages.

 

Nous pensons que ces limitations fonctionnelles devraient être réévaluées dans deux trois mois.  Nous pensons que monsieur Gauthier pourrait encore s’améliorer.  Si dans deux ou trois mois son état reste stable, ces limitations fonctionnelles pourraient donc être permanentes.

 

[Le tribunal souligne]

 

 

 

[31]           Dans ses « notes médico-administratives », le docteur Tadros ajoutait que « monsieur Gauthier peut reprendre son travail avec les limitations fonctionnelles que j’ai imposées - il pourrait être évalué d’ici deux ou trois mois afin d’envisager la possibilité de retourner à son travail régulier versus la possibilité d’avoir des limitations fonctionnelles permanentes ».

[32]           Lors de son entretien avec l’agente d’indemnisation, la docteure Codsi annonce qu’« elle tentera de discuter avec le docteur Nguyen sur les limitations fonctionnelles ».

[33]           Pour sa part, le 7 avril 2004, la CSST envisage le scénario suivant : « si l’employeur n’utilise pas son expertise pour aller au BEM[5] sur les limitations fonctionnelles, nous pourrions faire une demande d’expertise (204)[6] pour éclaircir le point sur les limitations fonctionnelles ».

[34]           D’ailleurs, le dossier montre qu’une Demande d’examen et suivi selon l’article 204 de la loi a été adressée par le docteur Allard de la CSST, le 8 avril 2004, au docteur Éric Renaud, chirurgien orthopédiste, portant entre autres sur l’existence et l’évaluation de limitations fonctionnelles chez le travailleur.  Cette demande a été reçue par le spécialiste le 19 avril 2004 et l’examen devait avoir lieu le 7 mai suivant, à 10 heures.

[35]           Le 13 avril 2004, l’employeur confirme à l’agente d’indemnisation qu’il n’a pas l’intention de demander l’application de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi.  L’agente l’informe alors que la CSST fera une demande d’examen médical en vertu de l’article 204 de la loi.

[36]           Le 16 avril 2004, la docteure Codsi confirme avoir parlé au docteur Nguyen qui accepte de revoir le travailleur pour évaluer ses limitations fonctionnelles.

[37]           Le 28 avril suivant, le travailleur communique avec l’agente d’indemnisation pour l’informer qu’après examen, le docteur Nguyen serait d’accord qu’il « ne peut plus monter dans les échelles et marcher sur des terrains inégaux ».  Le docteur Nguyen lui aurait remis un nouveau Rapport médical d'évolution « indiquant séquelles de fracture et inconfort pour échelles et terrains inégaux » tout en lui disant « qu’avec ça la CSST pourrait travailler » et qu’il « n’a pas à refaire REM » ni « à [le] revoir ».

[38]           En réalité, dans ledit Rapport médical d'évolution, daté du 27 avril 2004, le docteur Nguyen ne rapporte aucun constat d’examen objectif, n’exprime aucun avis, ne propose aucun nouveau traitement ni ne décrit aucune limitation fonctionnelle ; il se borne à rapporter les dires du travailleur :

Séquelles de fracture du calcanéum gauche - Se dit vraiment inconfortable pour les échelles et les terrains inégaux.

 

 

 

[39]           On peut même se demander si un nouvel examen a eu lieu ou non.

[40]           Cela est nettement insuffisant pour informer le lecteur sur les véritables raisons de l’émission du nouveau rapport :

[48]      Par ailleurs, sa conclusion doit reposer sur un questionnaire qui lui permet de s'assurer d'être en possession de toutes les données pertinentes notamment, l'existence d'autres traitements ou consultations médicales pour la lésion depuis la production du rapport final, et elle doit être motivée de façon satisfaisante compte tenu des divers éléments à prendre en considération. De plus, elle doit surtout être supportée par un examen physique détaillé dont il est fait clairement état et ce, afin qu'il soit possible d'objectiver l'évolution réelle de l'état du travailleur compte tenu de celui qui a été observé au moment de la production du premier rapport final et qui a justifié la reconnaissance de séquelles permanentes.[7]

 

 

 

[41]           Pourtant, la CSST a considéré que le « médecin en faisant ce Rapport médical d'évolution vient faire correction à son REM en donnant des limitations fonctionnelles ».

[42]           C’est sur cette base que la CSST a décidé, le 29 avril 2004, de reconsidérer sa décision du 2 avril précédent ; une reconsidération que l’employeur conteste par le présent recours.

[43]           Contrairement à l’interprétation faite par la CSST du Rapport médical d'évolution portant la date du 27 avril 2004, le tribunal estime que le médecin en charge du travailleur n’a pas manifesté par ce document sa volonté de corriger son Rapport d’évaluation médicale du 6 février précédent.

[44]           L’eut-il fait, qu’aucune explication ou justification n’était fournie au soutien de tel amendement.  Rien dans le Rapport médical d'évolution du 27 avril 2004 ne dit en effet pourquoi le docteur Nguyen aurait modifié ses conclusions : s’agit-il de la correction d’une erreur d’écriture manifeste dans le Rapport d’évaluation médicale ou d’un changement d’opinion médicale fondé sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l’état de santé du travailleur constaté lors de l’examen pratiqué ce jour-là ?

[45]           Il a maintes fois été jugé qu’à défaut de telle justification, le tribunal est lié par l’évaluation originale et non par le deuxième rapport[8].

[46]           À cet égard, le tribunal fait siens les propos tenus par le commissaire Robert Daniel dans sa décision de l’affaire Lachance et Gestion Loram inc.[9] :

[36]    Les circonstances particulières permettant au médecin traitant de modifier son Rapport final sont une erreur matérielle manifeste, qui doit être corrigée, ou une évolution exceptionnelle et inattendue de l’état de santé du travailleur qui justifie une modification des conclusions médicales déjà bien établies.  C’est ainsi que s’exprime la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Rivard et Hydro-Québec[10], dans l’affaire Leguë et Serge Côté Fondation enr. et CSST[11], et également dans l’affaire Morin et Forage Orbit inc.[12] dans laquelle il est spécifié ce qui suit :

 

[…]

[57] Par ailleurs, suivant la jurisprudence bien établie6, les circonstances particulières permettant au médecin traitant de modifier son rapport final sont une erreur matérielle manifeste qui doit être corrigée ou une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état de santé du travailleur qui justifie une modification des conclusions médicales déjà établies. Bien que cette jurisprudence ait été développée dans le contexte particulier d’un nouveau rapport final ayant pour but de modifier les conclusions relatives aux séquelles permanentes résultant de la lésion professionnelle, celle-ci doit aussi trouver application, en faisant les adaptations nécessaires, lorsqu’un nouveau rapport final est produit dans le but de modifier le diagnostic déjà retenu.

[…]

_______________________

6                Voir à ce sujet : Talbot et C.H. La Piéta, [1991] C.A.L.P. 492  ; Polaszek et Hôpital Reine Élisabeth, C.A.L.P. 69046-60-9505, 30 juillet 1996, B. Lemay ; Thériault et Deniso Lebel inc. (Div. Scierie), C.L.P. 114363-01A-9904, 26 janvier 2000, G. Tardif ; Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de santé Paul Gilbert) et Lévesque et CSST, C.L.P. 136386 - 03B‑0004, 30 novembre 2001, C. Lessard ; Weiland et Publi‑Calen Art ltée, C.L.P. 180412‑61-0203, 7 juin 2002, L. Nadeau ; Larocque c. Commission des lésions professionnelles et Épiciers Unis Métro-Richelieu et Super C et CSST, C.S., Hull, 550‑05‑011759‑027, j. Isabelle; Charbonneau et Air Canada, C.L.P. 140857‑72‑0006, 15 novembre 2002, M. Montplaisir ; Lanciault et Tricots Maxime inc., C.L.P. 17060-63-0110, 13 juin 2002, F. Juteau, révision rejetée, 25 juillet 2003, G. Godin ; Paul et Épicerie Guilbert et Lacasse et CSST, C.L.P. 114450-07-9904, 31 mars 2003, M. Langlois ; Brière et Les pelouses L. Lévesque & Fils inc., C.L.P. 194150-64-0211, 6 août 2003, J.-F. Martel

 

 

 

[47]           L’ensemble de la preuve étant considéré, le tribunal estime que le rapport émis par le docteur Nguyen le 27 avril 2004 n’a été rédigé, à l’insistance du travailleur et de la docteure Codsi, qu’afin de permettre de faire annuler le Rapport final du 6 février précédent.  Il ne peut alors lier le tribunal, pas plus qu’il ne liait la CSST[13].

[48]           Appliquer les soi-disant conclusions du rapport du 27 avril 2004 équivaudrait à permettre au travailleur de contester, de façon détournée, l’opinion de son médecin, ce que la loi interdit[14].

[49]           Le présent cas n’en n’est pas un où le médecin ayant charge a admis avoir commis une erreur[15] ou encore, un cas où une solide preuve médicale obtenue subséquemment permet de justifier un changement drastique d’opinion de sa part[16].

[50]           En l’absence d’erreur, il n’y avait pas lieu à reconsidération sur cette base, en vertu du premier alinéa de l’article 365 de la loi :

365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

 

 

[51]           Il n’y avait pas lieu, non plus, à reconsidération en vertu du second alinéa du susdit article, puisqu’« une nouvelle opinion médicale ne peut constituer un fait essentiel au sens de l’article 365 de la loi »[17].

[52]           Si la CSST désirait ne pas être liée par le Rapport d’évaluation médicale initial du docteur Nguyen, elle n’avait qu’à poursuivre dans la voie qu’elle s’était elle-même tracée en obtenant l’avis du docteur Renaud et, s’il avait contredit celui du docteur Nguyen, alors demander à un membre du Bureau d’évaluation médicale de trancher le désaccord médical.

[53]           Ayant décidé de ne pas mettre en œuvre « le processus d’évaluation médicale et les procédures énoncées à la loi, la CSST demeure liée par le Rapport d’évaluation médicale du [6 février 2004] émis par le médecin qui a charge »[18].

[54]           Ce rapport ne reconnaissant aucune limitation fonctionnelle permanente, il y avait lieu de déclarer, comme ce fut fait dans le cadre de la première décision rendue avant reconsidération, que le travailleur était capable d’exercer son emploi.

[55]           Il convient enfin de rappeler que, contrairement à ce que considèrent le travailleur et la docteure Codsi, il n’appartient pas au médecin de se prononcer sur la capacité de la victime à exercer un emploi, dans le cadre de la détermination de l’existence et, le cas échéant, de l’évaluation des limitations fonctionnelles, car cela n’est pas de son ressort, mais plutôt de celui de la CSST :

[46]    Dans ce dernier cas, puisque la nouvelle conclusion du médecin traitant doit se fonder sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l’état du travailleur, la Commission des lésions professionnelles estime que celle-ci doit être sans aucune équivoque.

 

[47]    Le médecin traitant doit, si telle est sa conclusion, énoncer clairement qu'il retire, en tout ou en partie, les limitations fonctionnelles antérieurement reconnues et non pas formuler une opinion sur la capacité du travailleur à exercer un emploi donné puisqu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur cette question.[19]

[56]           La décision de reconsidérer est donc entachée de nullité, ainsi que toutes les conséquences juridiques qui en découlent.

[57]           Il y a, par conséquent, lieu de faire droit aux deux contestations.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier : 237681-64-0406

ACCUEILLE la requête de Gérald Paquette Entrepreneur Électricien & Associés inc., l’employeur ;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 juin 2004, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE sans effet la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 avril 2004 ;

DÉCLARE monsieur Guillaume Gauthier, le travailleur, est capable d’exercer son emploi d’électricien à compter du 5 avril 2004 ;

DÉCLARE que le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu prend fin à la susdite date.

Dossier : 265577-64-0506

ACCUEILLE la requête de l’employeur ;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 mai 2005, à la suite d’une révision administrative ;


DÉCLARE sans effet la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 avril 2005, déterminant un emploi convenable et mettant en place une mesure de réadaptation.

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Martel

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Sylvain Lamontagne

Leblanc Lalonde & associés

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Isabelle Piché

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Ce rapport a été déposé à la CSST le 25 février suivant

[3]           St-Germain et Outillage de précision Drummond, 72260-04-9508, 96-10-07, P. Brazeau

[4]           Voir : Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., 91084-62-9709, 99-10-22, H. Marchand, (99LP-151) ; Guillaume c. CLP, C.S. Montréal, 500-17-024444-054, 05-12-14, j. Caron.

[5]           Bureau d’évaluation médicale établi en vertu du chapitre VI de la loi sur la Procédure d’évaluation médicale

[6]           Suivant l’article 204 de la loi

[7]           Rivard et Hydro-Québec, C.L.P. 212822-61-0307, 04-03-22, G. Morin, par. [48]

[8]           Voir notamment : Lanciault et Tricots Maxime inc., 170601-63-0110, 02-06-13, F. Juteau, révision rejetée, 03-07-25, G. Godin ; Larocque c. CLP, C.S. Hull, 550-05-011759-027, 02-06-25, j. Isabelle (02LP-55).

[9]           214050-64-0308, 04-11-19, par. [36]

[10]         Rivard et Hydro-Québec, précitée à la note 7

[11]         Leguë et Serge Côté Fondation enr. et CSST, C.L.P. 223740-04-0401, 04-06-15, J.-F. Clément

[12]         Morin et Forage Orbit inc., C.L.P. 225507-08-0401, 04-07-09, G. Morin

[13]         Fata et Pavage CCA inc., [1997] C.A.L.P. 1102 , révision rejetée, 84456-60-9612, 98-02-25, T. Giroux ; Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel de Champlain, 87804-62-9704, B. Lemay ; Soucy et Les Outils Fuller ltée, 60914-60-9407, 96-03-05, J.-Y. Desjardins.

[14]         Boissonneault et Imprimerie Interweb inc., [1998] C.L.P. 220

[15]         Desruisseaux c. CLP, [2000] C.L.P. 556 (C.S.)

[16]         Metellus et Agence des douanes et du revenu du Canada, 137129-71-0003, 01-06-22, C.‑A. Ducharme.  Voir aussi : Lévesque et Foyer Chanoine Audet inc. et CSST, 136386‑03B‑0004, 01-07-18, M. Cusson.

[17]          Dionne et Ville de Montréal et CSST, 254014-61-0502, 06-03-08, G. Morin ; Coopérative forestière Papineau-Labelle et Gagnon, 136414-64-0004, 00-10-05, J.-F. Martel.

[18]         Gutierrez Baldonado et Les Tricots Lela inc., 266164-72-0506, 05-03-15, J.-D Kushner, par. [30]

[19]         Rivard et Hydro-Québec, précitée à la note 7, par. [46] et [47]

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