Ville de Laval c. Harmouch |
2019 QCCS 5256 |
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JD2968 |
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(Chambre criminelle) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
540-36-001029-189 |
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DATE : |
LE 2 OCTOBRE 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
HÉLÈNE DI SALVO J.C.S. |
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VILLE DE LAVAL |
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Appelante |
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c. |
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HARMOUCH, KAMAL |
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Intimé |
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JUGEMENT MODIFIÉ (en appel d’un acquittement, articles 267 et 270 C.p.p.) Rendu oralement le 15 mai 2019 (Motifs transcrits d’après l’enregistrement et subséquemment édités) |
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INTRODUCTION
[1] Le Tribunal est saisi d’un appel d’un jugement d’acquittement.
[2] L’intimé fut déclaré non coupable de l’infraction suivante :
Le 25 février 2018, a conduit un véhicule routier sans avoir en sa possession l’attestation d’assurance (art. 35 du Code de la sécurité routière du Québec);
LES FAITS
[3] L’intimé est intercepté par les policiers. Il n’a pas en sa possession la copie papier de son attestation d’assurance, mais en possède une copie, version électronique, dans son téléphone cellulaire.
[4] En date du 11 septembre 2018, la première juge acquitte l’intimé, estimant qu’à la lecture de la Loi sur l’assurance automobile, RLRQ c A-25 (ci-après la Loi), ce dernier pouvait être exempté de fournir une copie papier de l’attestation d’assurance et que la version électronique était suffisante.
QUESTION EN LITIGE
[5] La première juge a-t-elle erré en faits et en droit en déclarant que la possession d’une attestation électronique répondait aux exigences de l’article 35 du Code de la sécurité routière du Québec (ci-après C.s.r.)?
ANALYSE
[6] L’article 286 du Code de procédure pénale énonce qu’un tribunal d’appel ne peut accueillir l’appel à moins :
· Qu’il soit convaincu que la décision rendue en première instance est déraisonnable eu égard à la preuve;
· Qu’une erreur de droit a été commise; ou
· Que justice n’a pas été rendue.
Aussi, lorsque le poursuivant interjette appel d’un jugement d’acquittement et qu’il y a erreur de droit, le juge peut rejeter l’appel à moins que le poursuivant ne démontre que, sans cette erreur, le jugement aurait été différent.
[7] En l’espèce, il est utile de reprendre la législation pertinente à la question en litige.
[8] Le législateur définit ainsi les articles 35, 36 et 107 du C.s.r. :
Article 35
La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d’immatriculation du véhicule ou une copie de celui-ci, sauf dans les 10 jours de l’immatriculation, ainsi que l’attestation d’assurance prévue par la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25).
Si le certificat d’immatriculation a été délivré en vertu du Régime d’immatriculation international (IRP), cette personne doit avoir avec elle l’original du certificat, sauf dans la mesure prévue par ce régime.
Si le véhicule routier est loué pour une période de moins d’un an ou s’il a été prêté par un commerçant de véhicules routiers, elle doit également avoir avec elle le contrat de location ou une copie de celui-ci ou un document faisant preuve de la durée du prêt.
En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. Il s’applique également sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci.
Article 36
La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d’un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l’article 35.
L’agent doit remettre ces pièces à leur détenteur dès qu’il les a examinées.
[...]
Article 107
Une personne dont le permis ou une classe de celui-ci fait l’objet d’une suspension ou d’une révocation doit, sur demande de la Société, lui retourner son permis à la date d’entrée en vigueur de la suspension ou de la révocation ou à toute autre date ultérieure fixée par la Société.
La Société peut demander à un agent de la paix de confisquer le permis de toute personne qui refuse ou omet de se conformer à cette exigence. Sur la demande motivée de l’agent de la paix, la personne doit lui remettre immédiatement son permis.
La Société peut également exiger la remise de tout autre permis délivré par une autre autorité administrative.
[9] L’appelante soumet deux décisions où les juges de première instance ont conclu que l’article 35 C.s.r. ne permettait pas à l’automobiliste de fournir l’attestation d’assurance par voie de courrier électronique (Ville de Saint-Eustache c. Lehoux [2019] J.Q. no. 1766; DPCP c. Ciarallo [2016] J.Q. no. 6176)
[10] Le Tribunal en arrive à la même conclusion.
[11] La Cour d’appel du Québec, dans Isolation Confort Ltée c. DPCP [2015] QCCA 1459, nous rappelle que les textes des lois doivent être interprétés de manière compatible avec leur objet :
[9] Les articles 12 de la Loi d’interprétation fédérale (Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), c. 1-21.) et 41 de la Loi d’interprétation québécoise (Loi d'interprétation, RLRQ, c. 1-16.) prévoient que les textes de loi doivent être interprétés de manière compatible avec leur objet. Le juge Cory, dans l’arrêt de la Cour suprême Hasselwander (R. c. Hasselwander, [1993] 2 R.C.S. 398, 413.), explique comment concilier cette règle générale avec l’interprétation restrictive qui doit prévaloir en matière pénale :
La règle de l'interprétation restrictive devient donc applicable seulement lorsque les tentatives d'interprétation neutre proposées à l'art. 12 de la Loi d'interprétation laissent subsister un doute raisonnable quant au sens ou à la portée du texte de la loi. Comme l'a signalé le professeur Côté, cela signifie que, même dans le cas des lois pénales, il faut rechercher la véritable intention du législateur et appliquer le sens qui correspond à ses objets. (Voir, par exemple, R. c. Johnston (1977), 37 C.R.N.S. 234 (C.A.T.N.-O.), conf. par [1978] 2 R.C.S. 391; R. c. Philips Electronics Ltd. (1980), 116 D.L.R. (3d) 298 (C.A. Ont.), conf. par [1981] 2 R.C.S. 264; R. c. Leroux, [1974] C.A. 151, et; R. c. Nittolo, [1978] C.A. 146.).
[Nous soulignons.]
[10] La portée véritable de l'article 1 de l'annexe A ne peut être efficacement cernée que si cette disposition est lue en harmonie avec les objets de la loi habilitante (Ruth Sullivan, Construction of statutes, 6e éd., Markham, Ontario, LexisNexis, 2014, p. 413.). Or, parmi ceux-ci, il y a les attentes du législateur en matière de formation professionnelle.
[12] Les règles d’interprétation imposent au Tribunal de donner aux textes législatifs ou règlementations une signification qui ne soit pas absurde ou dénuée de sens.
[13] L’appelante a raison de souligner que l’économie générale du Code de la sécurité routière est de permettre des vérifications simples, rapides et non invasives afin que les policiers puissent s’assurer que les conducteurs sont en règle.
[14] À la lecture des différentes dispositions précitées, le Tribunal conclut que les articles 35 et 36 C.s.r. imposent au conducteur d’avoir en sa possession la version papier de l’attestation d’assurance. Nulle part il n’est inscrit qu’une copie de ce document peut être fournie au policier, alors qu’il y est clairement mentionné qu’un automobiliste peut avoir une copie du certificat d’immatriculation.
[15] Le Tribunal conclut que l’assureur a l’obligation d’émettre l’attestation d’assurance en copie papier et qu’en conséquence l’automobiliste doit fournir cette copie papier au policier lorsque requis.
[16] La première juge a commis une erreur en droit dans l’interprétation de l’article 35 C.s.r. Cette erreur est suffisante pour ordonner un nouveau procès.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] ACCUEILLE l’appel;
[18] ANNULE le jugement d’acquittement rendu par l’honorable Chantal Paré JCM;
[19] ORDONNE la tenue d’un nouveau procès.
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_________________________________ HÉLÈNE DI SALVO J.C.S. |
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Me Jean-Charles Tremblay |
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Procureur pour l’appelante |
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Monsieur Kamal Harmouch |
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Se représente seul |
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Date d’audience : |
LE 15 MAI 2019 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.