DÉCISION
Dossier 200923-61-0303
[1] Le 7 mars 2003, Hôtel Le Chanteclerc (1998) (l’employeur) conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision en révision administrative rendue le 27 février 2003.
[2] La décision confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 16 janvier 2003 à l’effet d’accepter la réclamation de monsieur Jean St-Yves (le travailleur) pour entorse au genou gauche survenue le 11 décembre 2002.
Dossier 206540-61-0304
[3] Le 30 avril 2003, l’employeur conteste devant la Commission des lésions professionnelles la décision en révision administrative rendue le 22 avril 2003.
[4] La décision confirme la décision rendue par la CSST le 24 février 2003 acceptant le nouveau diagnostic de déchirure méniscale au genou gauche en relation avec le même événement du 11 décembre 2002.
L'OBJET DES CONTESTATIONS
[5] Par sa contestation dans le dossier 200923-61-0303, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue et de rejeter la réclamation du travailleur.
[6] Dans le dossier 206540-61-0304, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue et de refuser de reconnaître le nouveau diagnostic posé par le médecin du travailleur.
[7] À l'audience les parties sont présentes.
LES FAITS
[8] La Commission des lésions professionnelles fait sienne la description des faits apparaissant à la décision du 27 février 2003 et à celle du 22 avril 2003 :
« Le travailleur est chef exécutif des cuisines de l’hôtel. Il travaille chez l’employeur depuis le 4 octobre 2000. Le 11 décembre 2002, lors du party de Noël des employés qui s’est déroulé sur les lieux du travail, son pied gauche a glissé et il a " ressenti un claquement " dans le genou gauche alors qu’il dansait sur une boîte de son posée sur le sol. À la suite de ce faux mouvement, il est tombé de la boîte de son.
Le lendemain, il déclare l’événement à son employeur et consulte le médecin qui diagnostique une entorse au genou gauche. »
« Le 11 décembre 2002, dans le cadre d’activités au travail, monsieur St-Yves est monté sur une boîte de son, sa jambe gauche a glissé et il est tombé. En tentant de se remettre en équilibre, son genou a craqué. Le diagnostic retenu est une entorse du genou gauche. Le travailleur est référé en orthopédie et suite à un examen par résonance magnétique, il est constaté une déchirure du ménisque interne du genou gauche ainsi qu’une déchirure du ligament croisé antérieur. Le rapport du 5 février 2003 du Dr Tadros confirme le diagnostic de déchirure méniscale avec suggestion d’un traitement chirurgical. »
[9] Dans une décision rendue le 16 janvier 2003, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour entorse au genou gauche survenue le 11 décembre 2002.
[10] Cette décision est confirmée en révision administrative le 27 février 2003 et fait l’objet de la contestation devant la Commission des lésions professionnelles dans le dossier 200923-61-0303.
[11] Dans une autre décision rendue le 24 février 2003, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour le même événement mais pour un nouveau diagnostic de déchirure méniscale au genou gauche.
[12] Cette décision est également confirmée en révision administrative le 22 avril 2003 et fait l’objet de la contestation de l’employeur dans le dossier no 206540-61-0304.
[13] À l’audience, à la demande de l’employeur, le travailleur témoigne. Il a produit une réclamation à la CSST à la suite d’un incident dans lequel il a été impliqué le 11 décembre 2002.
[14] Il est chef cuisinier exécutif et supervisait le 11 décembre 2002 la réception de Noël des employés à l’hôtel même dans une salle réservée pour cette occasion. Il y avait un cocktail de 18 h à 19 h, puis un buffet offert au personnel dans la salle principale. Lui-même n’a pas participé au cocktail car il avait aussi à être présent pour superviser le service à la clientèle de l’hôtel. Pour le buffet du personnel, il voyait lui-même à regarnir les plats. À cette occasion, les «patrons» étaient au service des employés. La coutume à cette occasion était pour les employés d’inviter leur patron à danser. Ses employés sont donc allés le chercher pour l’inviter à danser sur une boîte de son de 18 pouces par 30 pouces. Il est donc monté sur la colonne de son pour s’exécuter quand son pied a glissé. Il a ressenti comme un claquement dans le genou gauche et il a chuté en bas de la colonne de son. Il n'avait jamais eu un tel claquage avant cet événement.
[15] Il est resté cinq minutes par terre puis s'est relevé pour se rendre à la cuisine et appliquer de la glace à son genou. Il a ressenti un certain engourdissement. Vers 22 h 30 il s'est changé et a rejoint les gens au party qu'il a quitté vers 23 h 45.
[16] Le travailleur indique qu'il a déjà eu des antécédents de maux de genou mais pour le genou droit seulement, en 1987. Il n'a jamais rien eu au genou gauche.
[17] Il indique avoir toujours participé à cette activité annuelle depuis les deux dernières années et avait fait une danse semblable l'année précédente, toujours à la demande express de ses employés.
[18] L'employeur fait également témoigner monsieur Benoit Groulx, directeur des finances. Il a lui aussi participé à la réception de Noël organisée pour les employés et a lui aussi été invité par les employés de son département à exécuter une danse sur la colonne de son. Il s'est d'ailleurs exécuté tel que requis. Il se rappelle avoir vu le travailleur appliquer de la glace sur son genou. Le travailleur était habillé en blanc comme tout chef cuisinier quand il l'a vu s'occupant du buffet.
L'AVIS DES MEMBRES
[19] Tel qu'il est prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., ch. A-3.001) (la loi), le commissaire soussigné a requis l'avis des membres issus des associations syndicales et d'employeurs sur les questions à être décidées par la Commission des lésions professionnelles.
[20] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont unanimes que le travailleur a subi une blessure au genou alors qu'il était au travail et participait pour en faire un succès, à la soirée de Noël des employés que l'employeur avait organisée et payait d'ailleurs en bonne partie.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[21] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 11 décembre 2002 puis si le diagnostic de déchirure méniscale au genou gauche est en relation avec l'événement du 11 décembre 2002.
[22] La loi donne la définition suivante de «lésion professionnelle» et d'«accident du travail» :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
[23] La Commission des lésions professionnelles retient des faits mis en preuve que le travailleur explique avoir fait une chute alors qu'il participait à la réception annuelle de Noël des employés de l'hôtel.
[24] Le travailleur était rémunéré pour ses activités et agissait alors comme chef cuisinier en charge de la supervision du buffet offert aux employés.
[25] S'il y a, de l'avis du soussigné, une activité qui est vue par un employeur comme une occasion de renforcer le sentiment d'appartenance à une entreprise, c'est bien la réception de Noël offerte aux employés. C'est une occasion pour ceux-là mêmes qui ont servi la clientèle et l'employeur pendant toute l'année, d'être à leur tour servis par leur employeur et leurs dirigeants. Une telle activité n'aura de succès que s'il y a participation de tous à l'entreprise.
[26] C'est justement ce que le travailleur faisait cette journée-là, en surveillant le service à la clientèle externe de l'hôtel tout en voyant à ce que la réception offerte par l'hôtel aux employés soit un succès et que rien n'y manque.
[27] Le travailleur a fait une chute alors qu'il participait à une activité devenue une coutume chez les dirigeants de l'entreprise exploitée par l'employeur, soit de danser devant tout le monde.
[28] D'ailleurs même le directeur des finances a été invité à son tour à participer à cette même coutume qui permet et encourage un rapprochement entre dirigeants et employés. C'est là un avantage certain pour un employeur.
[29] Le travailleur a accepté de s'impliquer lui-même dans une coutume qui faisait partie de la réception de Noël. C'est en y mettant du sien que le travailleur s'est blessé en tombant d'une colonne de son sur laquelle il avait accepté de danser à la demande des employés de son département. Le travailleur contribuait à sa façon à faire un succès de cette soirée offerte en bonne partie par l'employeur.
[30] La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a subi le 11 décembre 2002 une entorse au genou gauche à l'occasion d'une activité certainement connexe à son travail et bénéfique pour l'employeur.
[31] Dans une cause de Plomberie & Chauffage Plombec inc. et Deslongchamps[1], le commissaire retenait ceci :
« La notion d'accident à l'occasion du travail n'est pas définie à la loi. Les principaux éléments susceptibles de permettre de qualifier un événement d'accident survenu à l'occasion du travail sont les suivants: a) le lieu de l'événement; b) le moment de l'événement; c) la rémunération de l'activité exercée par le travailleur au moment de l'événement; d) l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l'événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail; e) la finalité de l'activité exercée au moment de l'événement qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail; et f) le caractère de connexité ou d'utilité relative de l'activité du travailleur en regard de l'accomplissement du travail. »
[32] Dans une cause de Cité de la Santé de Laval et Milanese[2], la travailleuse avait subi une blessure au dos alors qu'elle se penchait pour déposer dans son sac à main les billets pour le souper de Noël que l'employeur lui avait demandé de vendre pendant ses heures de travail. Il a été retenu que la travailleuse était toujours sous l'autorité de l'employeur quand elle s'est blessée en exécutant un geste relié à une activité qu'elle accomplissait pour l'employeur.
[33] Dans Lahaye et D.R.H.C. Direction Travail (Service correctionnel Canada)[3], la Commission des lésions professionnelles donnait raison au travailleur dans les circonstances ainsi résumées :
« Agent de correction blessé à la cheville en jouant au volleyball sur le terrain de l'employeur. Activité organisée par le comité social et le programme d'aide aux employés dans le cadre de la semaine de la fonction publique fédérale. L'employeur avait sollicité la participation des employés en adoptant diverses mesures concrètes à cet effet. Une telle implication de la part de l'employeur dépasse nettement l'encouragement ou même la coopération minimale à une activité récréative. Cela témoigne d'un degré certain d'autorité exercée sur l'ensemble des activités offertes au cours de cette journée particulière. »
[34] La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur s'est blessé en participant comme il le devait à une activité encouragée par l'employeur, facilitée par l'employeur et dont ce dernier pouvait certainement tirer des avantages et bénéfices.
[35] Le travailleur n'agissait pas simplement comme un employé de l'hôtel quand il s'est blessé à un genou, il était également en fonction comme responsable des cuisines. Les employés de l'hôtel étaient «la clientèle» pour cette réception de Noël.
[36] La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a été blessé sur les lieux du travail, alors qu'il était rémunéré et participait à une activité utile et pertinente à un travail et à l'avantage de l'employeur.
[37] Il a subi une entorse au genou gauche diagnostiquée le 12 décembre 2002.
[38] C'est par la suite que les médecins du travailleur, en poursuivant les investigations, ont retenu qu'il y avait déchirure du ménisque interne du genou gauche.
[39] Le travailleur a reconnu avoir eu un accident au genou droit antérieurement mais il est catégorique qu'il n'a jamaiseu aucun antécédent quant au genou gauche. Il ne partage pas les conclusions du médecin de l'employeur qui parle d'une condition préexistante sous forme de déchirure complexe du ménisque interne, de séquelles de déchirure complète du ligament croisé antérieur, de séquelles d'entorse en regard du ligament collatéral interne, de chondropathie fémorale interne.
[40] L'ensemble du dossier ne permet pas de retenir de tels antécédents quant au genou gauche chez le travailleur.
[41] La Commission des lésions professionnelles estime plus plausible que ce soit la blessure subie au genou gauche le 11 décembre 2002 qui ait été à l'origine de cette déchirure du ménisque interne au genou gauche. Ce qui paraissait au début être une simple entorse s'est avéré être une déchirure méniscale au genou gauche.
[42] C'est donc avec raison que la CSST a accepté ce nouveau diagnostic comme étant en relation avec l'événement accidentel du 11 décembre 2002.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 200923-61-0303
REJETTE la contestation de l'employeur, Hôtel Le Chanteclerc (1998);
CONFIRME la décision rendue le 27 février 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d'une révision administrative, reconnaissant que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 11 décembre 2002.
Dossier 206540-61-00304
REJETTE la contestation de l'employeur, Hôtel Le Chanteclerc (1998);
CONFIRME la décision rendue le 22 avril 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d'une révision administrative, retenant le diagnostic de déchirure méniscale au genou gauche comme étant en relation avec l'événement du 11 décembre 2002.
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Me Michel Duranceau |
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Commissaire |
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GCO Santé et Sécurité inc. (Monsieur Gérald Corneau) |
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Représentant de la partie requérante |
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