DÉCISION
[1] Le 14 décembre 2000, la travailleuse, madame Doris Boudreault, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste la décision rendue le 6 novembre 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) (la Commission) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme la décision initiale rendue par la CSST le 13 janvier 2000 et conclut que le revenu brut servant de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse n’a pas à être modifié.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[3] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer cette décision et de modifier le revenu brut retenu pour établir la base de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle elle a droit en raison de sa lésion professionnelle initiale du 16 février 1996, et ce, en application des termes de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (LATMP) (la loi).
L’AUDIENCE
[4] La travailleuse et son représentant sont présents à l’audience.
[5] L’employeur y a délégué un procureur.
[6] Intervenue au dossier ainsi que le prévoit la loi, la CSST y est représentée par procureur.
[7] La preuve soumise à l’appréciation de la Commission des lésions professionnelles consiste en l’ensemble des documents contenus au dossier préparé pour l’audience ainsi qu’à la pièce T-1 produite à l’audience suivant autorisation à cet effet. Il s’agit d’un document en liasse qui contient les pièces 1 à 12 ainsi que l’argumentation écrite du représentant de la travailleuse.
[8] Après avoir analysé tous les éléments de la preuve documentaire, tant factuelle que médicale, soupesé les arguments invoqués par les représentants respectifs des parties, avoir consulté une jurisprudence pertinente, avoir reçu l’avis des membres conformément à la loi et sur le tout, avoir délibéré, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
L'AVIS DES MEMBRES
[9] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis de rejeter la requête de la travailleuse.
[10] Ils constatent qu’une décision finale a été rendue par la CSST en date du 1er septembre 1999 quant à un refus de reconsidérer la base de salaire retenu pour l’établissement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[11] Or, la démarche entreprise par la travailleuse le 5 octobre 1999, démarche à l’origine de la décision faisant l’objet du présent recours, porte sur deux volets, le premier concernant cette modification de la base de salaire initialement retenu. Quant au deuxième volet, à savoir celui qui a fait plus particulièrement l’objet de la décision rendue le 6 novembre 2000, ils sont d’avis que la travailleuse n’a pas démontré que les conditions de l’application de l’article 76 de la LATMP sont rencontrées en l’espèce, de sorte que c’est de bon droit que la CSST refuse de modifier le revenu brut retenu.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[12] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles doit décider si les conditions permettant l’application de l’article 76 de la LATMP sont démontrées en l’espèce.
[13] Cet article se lit comme suit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous - section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
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1985, c. 6, a. 76.
[14] La travailleuse, par l’entremise de son représentant, soumet que son revenu brut doit être réévalué en conformité des prescriptions de cet article 76.
[15] Plus particulièrement, dans son argumentation écrite, elle soumet ce qui suit :
« L’article 76 de la LATM permet de modifier rétroactivement dans le cas d’incapacité prolongé le revenu brut servant au calcul de l’IRR s’il apparaît de façon raisonnable que des circonstances particulières ont joué en défaveur du bénéficiaire. Dans notre cas, la travailleuse fortement handicapé par son accident de travail et mal informé de ses droits au début de son incapacité a tenté à plusieurs reprises d’atténuer les conséquences de sa lésion (capacités psychologiques réduites, angoisse et peur en présence d’inconnus, carrière brisée, etc.) en demandant à la CSST de réévaluer le revenu brut servant de calcul à son indemnité. À notre avis, la période de convalescence (du à l’accident d’auto) précédent la lésion et les troubles psychologiques provoqués par la lésion constituent des circonstances particulières qui ont favorisé la situation actuelle quant à son IRR. Selon nos données, son revenu brut servant de base au calcul de son IRR devrait se situer quelque part entre $ 38 219 et $ 41362. Au moment de la rédaction de ce document, Madame Boudreault suivait encore sur une base hebdomadaire une thérapie et sa réadaptation progressait lentement. Pour l’instant, elle n’envisage pas avoir la force de faire une seconde carrière dans une nouvelle sphère d’activité. » [sic]
[16] À l’audience, le représentant de la travailleuse rappelle que le revenu brut retenu en 1996 était inférieur au revenu maximal que pouvait générer l’emploi de la travailleuse, puisqu’à l’intérieur de la période de douze mois précédant la lésion professionnelle, celle-ci avait été absente du travail en raison d’un accident d’automobile.
[17] Puisque les prestations reçues de la SAAQ n’ont pas été comptabilisées dans le cadre du salaire brut retenu pour la période des douze mois précédant la lésion professionnelle, il est d’avis que cela entraîne un impact financier important permettant l’ouverture et l’application de l’article 76, alors que la lésion professionnelle a entraîné des conséquences beaucoup plus importantes que celles initialement prévues.
[18] Cette particularité, à savoir un manque de revenu démontré pendant la période des douze mois précédant l’événement, doit donc être analysée sous l’éclairage nouveau que constituent les circonstances particulières en regard des conséquences de l’événement de 1996.
[19] Ce premier volet de l’argumentation concerne donc le caractère rémunérateur de l’emploi détenu par la travailleuse au moment de l’événement initial alors que celle-ci soutient qu’elle aurait été en mesure, n’eut été des particularités reliées à la question de l’accident automobile, d’être rémunérée en fonction d’un revenu brut supérieur à celui retenu au moment de la lésion professionnelle.
[20] En deuxième volet de son argumentation, la travailleuse soumet qu’elle était en mesure, au moment de sa lésion professionnelle, d’occuper un emploi plus rémunérateur que celui détenu au moment de la lésion professionnelle, et ce, en raison de sa formation académique et des possibilités d’emplois qui s’offraient à elle dans le domaine des sciences sociales et du travail social.
[21] Dans la décision faisant l’objet du présent litige, on résume comme suit, dans un premier temps, les données factuelles relatives à la lésion de la travailleuse. Elles se lisent comme suit :
« Madame Boudreault occupe un emploi d’agent des services correctionnels depuis environ 3 ans lorsque, le 16 février 1996, elle est victime d’une lésion professionnelle suite à une agression physique. Le diagnostic retenu est celui d’entorse cervico-dorsale et une contusion à la joue gauche. Elle reçoit les soins et traitements appropriés à sa lésion et celle-ci est consolidée le 19 septembre 1996. Subséquemment à cette lésion, dès le mois de mai 1996, les rapports médicaux font état d’une symptomatologie dépressive pour laquelle madame Boudreault doit être hospitalisée. Le 9 juin 1998, la Révision administrative conclut que les diagnostics d’état de stress post-traumatique et dépression majeure sont reliés à l’accident du travail du 16 février 1996 et constituent ainsi une lésion professionnelle. À ce jour, madame Boudreault reçoit toujours des soins relatifs à cette lésion professionnelle et bénéficie des services de réadaptation de la Commission. »
[22] Plus avant dans la décision, on résume comme suit la position de la travailleuse :
« Le 5 octobre 1999, madame Boudreault, dans une lettre adressée à la Commission, demande l’application de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), pour réviser la base de calcul de ses indemnités de remplacement du revenu.
À l’appui de sa demande, elle soutient que ses qualifications en travail social dépassaient largement les exigences de l’emploi qu’elle occupait et que suite à sa lésion professionnelle, elle ne pourra plus exercer d’emploi dans ce domaine, ce qui se répercute sur sa carrière professionnelle de travailleuse sociale et des bénéfices qui en découlent. Elle maintient le fait que l’emploi occasionnel d’agente de services correctionnels qu’elle occupait n’était qu’un transit vers l’obtention d’un emploi plus rémunérateur dans le milieu du travail social qu’elle espérait obtenir à court ou moyen terne, compte tenu de son BAC obtenu en 1992 et des études de maîtrise qu’elle avait débutées en 1995. »
[23] La CSST conclut à la non-application de l’article 76, et ce, en raison des motifs ci-après exposés :
« La loi prévoit que lorsqu’un travailleur est incapable, en raison d’une lésion professionnelle, d’exercer son emploi pendant plus de 2 ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé si ce travailleur démontre qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion, n’eût été de circonstances particulières.
La Révision administrative est d’avis qu’il est nécessaire de démontrer la possibilité réelle de l’obtention d’un emploi plus rémunérateur au moment où se manifeste sa lésion pour donner ouverture à l’article 76 et ne peut être uniquement basée sur un objectif de carrière.
De plus, les aléas du marché du travail et les possibilités restreintes d’un emploi professionnel dans le domaine du travail social ne peuvent être interprétés comme étant des circonstances particulières énoncées à l’article 76.
Madame Boudreault est diplômée universitaire depuis 1992 et occupe son emploi d’agente des services correctionnels depuis 1993. Il n’est aucunement démontré qu’en février 1996, au moment où se manifeste sa lésion, elle était en attente d’un emploi plus rémunérateur ou sur le point d’être nommée à un tel emploi. »
[24] Ce sont les mêmes éléments qui sont mis en évidence au moment de l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, éléments qui s’inscrivent dans la foulée de la demande d’application de l’article 76 déposée par la travailleuse à la Commission le 5 octobre 1999, alors que la travailleuse s’exprimait comme suit :
« Je détiens un DEC en travail social, un BAC en travail social depuis avril 92, j’étais en poursuite d’une maîtrise à l’UQAC et je paie encore une dette d’étude. Je m’impliquais de façon bénévole auprès d’organismes sociaux et j’occupais à l’occasion un travail à temps partiel dans un organisme social. C’était ça ma vie professionnelle avant l’accident et tout cela est maintenant terminé après tant d’années d’effort.
Mon poste d’agent des services correctionnels, de juin 93 à février 96, était un emploi occasionnel qui permettait d’appliquer mes connaissances auprès d’une clientèle particulière et de mettre un pied dans la fonction publique québécoise mais qui ne demandait pas d’avoir de formation particulière en sciences sociales ni de posséder une quelconque formation collégiale. Ce poste temporaire, sur appel, n’était qu’un transit vers l’obtention d’un emploi dans mon champ de formation. Parallèlement, j’ai occupé des postes à temps partiel dans le milieu du travail social et entrepris en 95 une maîtrise à l’UQAC. Mon objectif à moyen terme était d’obtenir un poste dans le domaine du travail social (Hôpitaux, CLSC, Curatelle publique, etc.) dans la fonction publique. En travaillant pour le Ministère de la sécurité publique, j’augmentait aussi mes chances d’obtenir un poste (ex : agent de probation) dans ce même ministère ou ailleurs dans l’appareil gouvernemental.
Les conséquences de mon accident de travail vont au-delà de la sphère de travail d’agente des services correctionnels, elles se répercutent sur ma carrière professionnelle de travailleuse sociale et des bénéfices économiques qui en découlent. »
[25] En matière de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, on retrouve aux articles 63 et 68 de la loi les principes applicables au cas de la travailleuse au moment de sa lésion initiale de 1996.
[26] Ces articles se lisent comme suit :
63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :
1° l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I‑3) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);
2° la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur l'assurance‑emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23); et
3° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R‑9).
La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.
Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du revenu correspondantes.
Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.
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1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88; MÀJ 54; 1997, c. 85, a. 3.
68. Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé.
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1985, c. 6, a. 68.
[27] Quant à l’article 76 précédemment cité, il prévoit la possibilité de la détermination d’un revenu plus élevé lorsque le travailleur démontre, après qu’il se soit écoulé une période de plus de deux ans pendant laquelle il est incapable de retour à l’emploi, qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur au moment où s’est manifestée sa lésion, et cela, n’eût été de circonstances particulières.
[28] Les termes de l’article sont importants et les conditions d’ouverture doivent être prises dans leur ensemble. Ainsi, les circonstances particulières auxquelles il est fait référence dans le cadre de l’article doivent être présentes au moment de l’événement, au moment de la manifestation de la lésion, et c’est à cette époque que l’on doit se placer pour analyser la possibilité pour le travailleur d’occuper un emploi plus rémunérateur, n’eût été de la preuve de ces circonstances particulières ainsi démontrées.
[29] Dans le cadre de l’espèce, la Commission des lésions professionnelles constate, sur la question de la détermination du revenu brut retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu associée à la lésion professionnelle de 1996, que cette question échappe à sa compétence puisqu’une décision finale et non contestée de la CSST a disposé de la question en septembre 1999.
[30] La Commission des lésions professionnelles comprend que cette question de la détermination du revenu a, à nouveau, été soulevée par le représentant de la travailleuse dans le contexte de l’application de l’article 76 alors que la travailleuse soumet que les événements survenus en 1996, antérieurement à sa lésion professionnelle, ont fait en sorte qu’elle n’a pas retiré le revenu auquel elle était en droit de s’attendre pour l’année 1996.
[31] La Commission des lésions professionnelles ne peut souscrire à cette prétention de la travailleuse puisque la preuve démontre que celle-ci, bien que détenant un contrat de travail, était sur appel, de sorte que rien ne justifiait d’établir un calcul de revenu fixe basé sur un nombre d’heures travaillées, ce nombre d’heures étant aléatoire d’une année à l’autre.
[32] Il est possible, dans les faits, que la période pendant laquelle la travailleuse a été absente du travail ait pu influencer à la baisse le revenu brut retenu.
[33] Cependant, cet élément devait être soulevé dans le contexte d’une contestation du revenu brut et non dans le cadre de la démarche d’application de l’article 76.
[34] En effet, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a une différence entre une démonstration de la possibilité de détenir un emploi plus rémunérateur et la démonstration visant à établir que l’emploi détenu aurait pu être plus rémunérateur en d’autres circonstances.
[35] Or, l’article 76 permet de revoir le montant du revenu brut ayant servi au calcul de l’indemnisation lorsque la preuve démontre que pour des circonstances particulières ayant existé au moment de la lésion, un travailleuse ou une travailleuse, bien qu’en mesure de détenir un emploi plus rémunérateur, n’occupait pas un tel emploi en raison des circonstances particulières démontrées.
[36] En l’espèce, et cela concerne le deuxième volet de l’argumentation soulevée par le représentant de la travailleuse, la preuve ne permet pas de conclure que la travailleuse était en mesure de détenir un emploi plus rémunérateur au moment de sa lésion professionnelle.
[37] En effet, bien qu’inscrite dans un processus évolutif et de formation qui lui aurait permis un jour de détenir un emploi différent et probablement plus rémunérateur, la preuve ne révèle pas cependant que la travailleuse était en mesure de détenir un tel emploi au moment de la lésion professionnelle.
[38] Dans les affaires Ducharme et Henco inc.[2], et Maheux et Enseignes Laval et CSST[3], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a décidé au même sens en raison de faits présentant des similitudes avec le présent litige.
[39] Dans l’affaire Jean-Claude Leclerc et Construction Yvan Fortin[4], la Commission des lésions professionnelles, sous la signature de la commissaire Michèle Carignan, rejette la réclamation du travailleur, relativement à l’application de l’article 76 de la LATMP, et ce, malgré le fait que la preuve démontre que le travailleur avait complété 6 000 heures de formation et s’était inscrit à l’examen de charpentier-menuisier au moment de sa lésion professionnelle.
[40] La Commission des lésions professionnelles écrit :
« Avec respect pour les prétentions du travailleur, la Commission des lésions professionnelles ne les retient pas puisque la jurisprudence de la Commission d’appel(1) a établi que, pour permettre l’application de l’article 76 de la loi, il faut que l’emploi plus rémunérateur invoqué par le travailleur puisse avoir été occupé au moment de la survenance de l’accident du travail.
Dans le présent cas, bien que le travailleur avait effectué 6 000 heures et qu’il s’était inscrit pour passer l’examen afin d’obtenir la carte de compétence d’un chapentier-menuisier, il n’avait toutefois jamais occupé cet emploi lors de la survenance de son accident du travail. Le travailleur ne rencontre donc pas une des conditions prévues à l’article 76 pour permettre son application. La décision initiale de la CSST était donc bien fondée en faits et en droit. »
[41] Les faits de l’espèce permettent de la distinguer des affaires Richard et J.B.L. Transport inc. et CSST[5], et François Rivest et Voyages au Nordest inc.[6].
[42] En effet, dans l’affaire Richard et J.B.L. Transport inc., la demande du travailleur était accueillie, alors que la preuve démontrait que celui-ci occupait un emploi de grutier de façon régulière, et que cela n’est qu’en raison de circonstances particulières qu’il oeuvrait à titre de camionneur au moment de sa lésion professionnelle. Dans cette affaire, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles retient qu’une grève chez l’employeur habituel est à l’origine de la modification temporaire de l’emploi occupé par le travailleur, ce qui constitue, aux fins de l’espèce, les circonstances particulières prévues à l’article 76.
[43] Par ailleurs, dans l’affaire Rivest, la Commission des lésions professionnelles, partageant l’avis émis par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Richard et J.B.L. Transport inc., décision précitée, rappelle que l’indemnité de remplacement du revenu vise à protéger, non seulement le revenu du travailleur, mais aussi sa capacité de gains.
[44] Elle écrit :
« … La référence à l’expérience passée est utile pour déterminer si le travailleur aurait pu occuper un " emploi " plus rémunérateur mais ne peut certes servir à nier une capacité de gains supérieure à celle qui a été initialement consentie. En ce sens, l’article 76 de la loi se distingue de l’article 68. Une fois que les circonstances particulières ont été reconnues, la CSST au même titre que la Commission des lésions professionnelles doit se tourner vers le futur et analyser si l’emploi que le travailleur aurait pu occuper, en l’espèce manœuvre forestier et plus précisément ébrancheur, est plus rémunérateur. »
[45] En raison des faits spécifiques de la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles conclut que la preuve ne démontre pas l’existence de circonstances particulières, dont la présence en 1996 aurait joué un rôle sur le fait que la travailleuse n’ait pas alors occupé un emploi plus rémunérateur que celui qu'elle occupait au moment de sa lésion professionnelle.
[46] Quant aux facteurs particuliers ayant pu influencer la détermination du revenu brut retenu, ils n’ont pas à être considérés dans l’application de l’article 76 et ils ont déjà été présentés par la travailleuse dans le contexte d’une demande de reconsidération ayant fait l’objet d’un refus par la CSST le 1er septembre 1999.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la travailleur, madame Doris Boudreault;
CONFIRME la décision rendue le 6 novembre 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative, et;
DÉCLARE qu’il n’y a pas ouverture à l’application de l’article 76 et qu’il n’y a pas lieu de déterminer un revenu brut plus élevé que celui retenu par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Me
CLAUDE BÉRUBÉ |
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Commissaire |
M. Lucien Frenette 2007, Powell Jonquière (Québec) G7S 2Z2 |
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Représentant de la partie
requérante |
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CREVIER, ROYER SEC. CONSEIL DU TRÉSOR (Me Jean Hébert) 875, Grande-Allée Est, Édifice H., 1-A-1 Québec (Québec) G1R 5R8 |
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Représentant de la partie
intéressée |
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PANNETON, LESSARD (Me Daniel Malo) 901, boul. Talbot, C.P. 5400 Chicoutimi (Québec) G7H 6P8 |
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Représentant de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.