Décision

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Propage Communications Marketing Inc

Propage Communications Marketing Inc. c. Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux

2006 QCCS 1400

JP 1488

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-05-058777-002

 

DATE :

17 mars 2006

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CLAUDETTE PICARD, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

PROPAGE COMMUNICATIONS MARKETING INC.

Demanderesse

c.

LA SOCIÉTÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA CRUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]                Propage Communications Marketing Inc. (Propage) réclame de La Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) la somme de
97 318,33 $, étant le solde d'un contrat d'organisation d'une campagne de levée de fonds.

[2]                La SPCA nie devoir ce montant et réclame des dommages de 178 627,12 $.

L'OBJECTION

[3]                Le Tribunal maintient les objections de la demanderesse aux témoignages qui contrediraient le contrat P-2.


LES FAITS

[4]                A l'été 1998, Renée Lavergne (Lavergne) est contactée par Pierre Barnoti (Barnoti), le directeur général de la SPCA, pour faire partie du conseil d'administration de la SPCA et ce, principalement à cause de son expertise en marketing.

[5]                Le 13 janvier 1999, un comité de marketing est créé par la SPCA pour trouver, notamment, des moyens permanents de levées de fonds.  Lavergne en assure la présidence.

[6]                Le 16 février 1999, le comité de marketing fait rapport au conseil d'administration de sa réunion du 22 janvier 1999. Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration (P-17,le Tribunal ne pouvant retenir D-5 où il y a une modification inexpliquée pour changer mars pour avril et 200000 pour 100000) démontre que   Lavergne a suggèré qu'il fallait  profiter du fait que c'était le 130e anniversaire de la SPCA.  Lavergne et Barnoti ont ensuite discuté d'étiquettes.  Le procès-verbal mentionne qu'au début mars 200,000 personnes devaient recevoir des étiquettes.  Lavergne a parlé de t-shirts à 20,00 $ chacun et d'une médaille avec les renseignements concernant l'animal du donateur.  Une discussion a eu lieu concernant ces projets.  Après une longue discussion, Lavergne a proposé qu'une résolution soit adoptée pour aller de l'avant avec le projet de t-shirts, médailles et autres objets, ce qui fut adopté.

[7]                Par la suite, Barnoti a demandé à Lavergne de faire en sorte que son entreprise fasse une proposition pour le projet de t-shirts, médailles et autres objets.

[8]                Le 24 mars 1999, le conseil d'administration a reçu Daniel Larose (Larose) et Sujata Vadlamudy de Propage, lesquels ont fait une présentation de la campagne proposée avec les objectifs.  Une proposition écrite de Propage (P-7) fut remise à tous les membres du conseil d'administration.  A la mention "items promotionnels," il est indiqué que le risque financier pour la SPCA serait limité, puisque Propage serait responsable de la production des produits et du traitement des commandes.  Le coût de la campagne y est indiqué.

[9]                Le 26 mars 1999, lors de la réunion du conseil d'administration tenue pour se prononcer sur la proposition de Propage,  Barnoti a indiqué que le coût total de la campagne serait de 120 000,00 $ mais qu'elle devrait générer 420 000,00 $.  Le procès-verbal de la réunion énonce ce qui suit : "The company has agreed to underwrite the entire expenses of the campaign."  Lavergne a ensuite démissionné du conseil d'administration à cause de son lien avec Propage.  Sa démission fut acceptée.  Le conseil d'administration adopta par la suite la proposition de Propage.

[10]            Le 1er avril 1999, Propage, par le biais de Larose, et la SPCA, par le biais de Barnoti, ont signé un contrat pour l'organisation de la campagne de levée de fonds (P-2) (le Contrat).  Le Contrat reprend essentiellement les termes de la proposition P-7.  Les termes de paiement y sont cependant précisés :

"It is understood that the SPCA is fully responsible for the fees and expenses engaged by Propage-Lavergne in this fund-raising campaign and will be billed accordingly.

Propage-Lavergne agrees to be paid once the SPCA Fund-raising campaign will generate revenues.  All these revenues will be used to pay the invoice(s) issued by Propage-Lavergne until the total amount of the invoice(s) is paid.  If, for any reason, the fund-raising campaign doesn't generate enough revenues by December 31, 1999, the SPCA would have the obligation to pay all invoices issued by Propage-Lavergne for the SPCA Fund-raising."

[11]            Le Contrat prévoit aussi une cédule avec une date du premier mai 1999 pour le lancement de la campagne.

[12]            Vers la fin mai 1999, la campagne a été lancée avec les événements prévus au Contrat, soit conférence de presse, parution à la télévision, insertion d'encarts dans deux revues spécialisées et envoi postal à environ 94,000 personnes, selon la liste fournie à Propage par la SPCA.  La boutique virtuelle a été créée.  Propage a aussi produit les affiches avec l'adresse web.

[13]            Quelques semaines plus tard, Propage s'est aperçue que la campagne ne levait pas.

[14]            A la fin juin 1999, Propage a fait des démarches additionnelles auprès de Wal-Mart pour placer des présentoirs dans les magasins.  Aucune suite ne fut donnée par la SPCA.

[15]            Propage a ensuite contacté, avec le consentement de Barnoti, une entreprise de marketing téléphonique, SICA, qui, de la mi-juin à juillet 1999, a téléphoné à environ 10,000 personnes sur la liste fournie par la SPCA.  Les dons générés par ces appels devaient être partagés 50/50 par SICA et la SPCA mais la SPCA a refusé de faire le jumelage des noms des donateurs fournis par SICA et les dons faits à la SPCA durant cette période.

[16]            SICA a eu des problèmes financiers et c'est Visutel, une entreprise de télémarketing pour handicapés visuels, qui, avec l'accord de Barnoti, a pris la relève de la mi-septembre à la fin décembre 1999.  La SPCA a également refusé de faire le jumelage pour les promesses de dons faites par l'entremise de Visutel.

[17]            A l'automne 1999, Propage a aussi installé certains kiosques au centre ville, a engagé des personnes pour les gérer et en a  assumé le coût sans le facturer à la SPCA.


LA DEMANDE

[18]            Propage réclame la somme de 97 318,33$,ayant reçu la somme de 45 000$.

[19]            La preuve a démontré que les engagements de Propage au Contrat ont été réalisés :  production d'objets promotionnels, traitement des commandes, mailing, insertion dans deux revues spécialisées, incluant "Dogs in Canada" (ce qui était nié par la SPCA), parution à la télévision, conférence de presse, production d'affiches (ce qui était nié par la SPCA) et boutique virtuelle.

[20]            Le montant des factures est conforme au budget prévu au Contrat sauf pour deux factures qu'il faut retrancher.  Il y a lieu de soustraire l'intervention dans les Wal-Mart (facture 0005-0082 pour 1 587,35$), puisque cette intervention ne faisait pas partie du Contrat et que la preuve n'a pas été faite que la SPCA avait consenti à payer pour ce service.  Il en va de même pour la gestion et le suivi du porte-parole de la SPCA (facture 0005-0083 pour 521,06 $).

[21]            La somme qui reste due à Propage selon le Contrat est donc de 95 209, 92 $.

[22]            Il n'est pas contesté que Propage devait être payée en premier à même les sommes recueillies dans le cadre de la campagne.

[23]            Or, la SPCA n'a pas remis toutes les sommes recueillies lors de la campagne.

[24]            Barnoti a reconnu qu'il y avait une somme de 5 000,00 $ qui a été recueillie dans le cadre de la campagne et qui n'a pas été remise à Propage.

[25]            Marjolaine Gilbert (Gilbert) de SICA a témoigné que les appels téléphoniques faits à l'été 1999 ont permis de relever 1481 dons projetés pour 36 514,00 $.  On peut déduire de ce témoignage qu'une somme additionnelle qui ne peut être exactement précisée, à cause du manque de collaboration de la SPCA, a aussi été perçue par la SPCA dans le cadre de la campagne et aurait dû être remise à Propage.

[26]            Luc Labbé de Visutel a aussi témoigné que la campagne téléphonique des handicapés visuels avait généré des promesses de dons de
8 000,00 $ à 10 000,00 $.    On peut déduire de ce  témoignage  qu'une somme additionnelle, qui ne peut être exactement précisée, à cause du manque de collaboration de la SPCA, a aussi été perçue par la SPCA dans le cadre de la campagne et aurait dû être remise à Propage.

[27]            On peut penser qu'à tout le moins, une somme de 50 000,00 $ n'a pas été remise à Propage (si on ne tient pas compte des montants qui auraient dû être versés à SICA et Visutel et qui ne l'ont pas été.)

[28]            Le Tribunal abordera maintenant la prétention de la SPCA quant à l'obligation de Propage d'éponger tout déficit de la campagne.  Cette prétention est en contradiction avec le Contrat.

[29]            Le Tribunal préfère les témoignages de Lavergne et Larose quant aux circonstances entourant la signature du Contrat, vu le temoignage de Barnoti confronté à son interrogatoire du 22 février 2002.  Larose  a discuté spécifiquement avec Barnoti concernant les conditions financières puisqu'il était inhabituel pour Propage d'avancer des fonds,  la norme étant une avance de 30%.

[30]            Barnoti était donc au courant des conditions financières et notamment de la clause qui prévoit que si, au 31 décembre 1999, la campagne de levée de fonds ne génère pas suffisamment de revenus, la SPCA aurait l'obligation de payer toutes les factures de Propage reliées à la levée de fonds.

[31]            Certains membres du conseil d'administration présents lors des réunions lorsque le projet de Propage a été considéré et adopté ont témoigné.

[32]            Howard Sholzberg a retenu des réunions qu'il n'y avait pas de risque et que la SPCA n'aurait pas à mettre 30 000,00 $ à 40 000,00 $ dans la campagne, la situation financière de la SPCA ne lui permettant pas de risquer ces coûts.

[33]            John Walls a témoigné que Lavergne avait assuré le conseil d'administration que c'était une situation gagnante et qu'il ne pouvait y avoir de perte.  Selon lui, Lavergne ne pensait pas que cela puisse être un échec.  Propage était d'accord pour "underwrite the costs" et d'être payée en premier à même les fonds générés par la campagne.

[34]            En tenant compte de tous ces éléments, le Tribunal ne peut en venir à la conclusion que Lavergne a fait des représentations au conseil d'administration que Propage assumait le risque quant à un déficit de la campagne.  Propage a convenu de ne pas demander l'avance usuelle qui aurait été de l'ordre de 30 000,00 $  à
40 000,00 $.

[35]            Tous cependant étaient optimistes au sujet des retombées positives de la campagne de levée de fonds.  Personne ne semblait douter que la campagne proposée serait un succès.

[36]            Que s'est-il passé?

[37]            Le facteur principal de l'échec de la campagne est la décision de la SPCA de faire, en avril 1999, après la signature du Contrat qui prévoyait une campagne en mai 1999, un envoi d'étiquettes pour solliciter des dons en utilisant la même liste de noms que celle fournie à Propage.  La campagne d'étiquettes a rapporté 180 358,00 $.  La sollicitation d'une même banque de donateurs en avril 1999 n'a pu que nuire à la deuxième sollicitation en mai 1999. C'était prévisible.

[38]            Le Tribunal ne retient pas la prétention de la SPCA que la campagne de Propage ne visait que des objets promotionnels.  Elle visait aussi des dons.  Le document de sollicitation en fait spécifiquement état.

[39]            Barnoti jouissait d'une grande marge de manœuvre et  avait l'entière confiance du conseil d'administration . Il a pu engager des frais de production de 30 367,06 $ et  43 273,25 $ pour la campagne d'étiquettes sans l'autorisation du conseil d'administration.  Un des membres du conseil d'administration a expliqué qu'il n'était pas nécessaire que le conseil d'administration approuve la campagne d'étiquettes puisque c'était une campagne usuelle.  Or, la preuve a démontré que la première campagne d'étiquettes a eu lieu en avril 1999. Si Barnoti n'a pas eu besoin d'une resolution du conseil d'administration pour engager des frais de production pour  la campagne d'étiquettes,il n'en avait pas besoin non plus pour signer le Contrat.

[40]            La SPCA a aussi fourni à Propage une liste de 100,000 noms, une banque considérable sur laquelle Propage s'est fondée pour faire sa projection de profits.  Or, il s'est avéré, lors de l'intervention de SICA, que cette liste était largement erronée et gonflée de noms de personnes qui n'avaient pas donné à la SPCA depuis de nombreuses années.  Selon la propre demande reconventionnelle de la SPCA, la liste était erronée pour 71,112 donateurs.  Or, c'est après la campagne de Propage que la SPCA a élagué sa liste de donateurs.

[41]            Il y aussi un autre élément qui a joué sur le succès de la campagne.  La SPCA devait afficher dans des endroits convenus les quelque 1000 affiches produites avec l'adresse WEB pour l'achat des objets promotionnels.  Elle ne s'est pas acquittée de cette tâche. 

[42]            N'eût été de ces éléments, l'optimisme de Lavergne aurait été justifié.  Les représentations de Lavergne au conseil sur les chances de succès ont été faites de bonne foi.  Or, l'optimisme n'équivaut pas à un engagement d'éponger le déficit.

[43]            Le Contrat n'a pas créé une obligation de résultat.

[44]            Il y a donc lieu d'accueillir la demande pour la somme de 95 209,94 $.

LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

[45]            La SPCA réclame la somme de 36 267,12 $ étant les frais postaux pour l'envoi aux 71,112 membres non-donateurs pendant plusieurs années.  La SPCA est mal venue de réclamer ce montant lorsque c'est elle qui a fourni à Propage la liste de 100,000 noms et qui a demandé que l'envoi postal leur soit fait.  La preuve a démontré que la SPCA a fourni une liste qui n'avait pas été revue depuis plusieurs années.  Ce n'est qu'après la campagne de Propage que la SPCA a fait un travail d'élagage de la liste pour en venir à la conclusion que la liste fournie à Propage contenait 71,112 membres non-donateurs pendant plusieurs années.

[46]            La SPCA réclame la somme de 25 000,00 $ pour les heures de travail additionnelles passées par du personnel de la SPCA sur la campagne.  Le Tribunal ne peut accueillir cette réclamation.  La preuve n'a pas été faite d'un nombre précis de personnes et d'heures affectées à des tâches que Propage aurait dû faire en vertu du Contrat. Tatiana Turlea a témoigné qu'elle avait dû passer beaucoup de temps à gérer des plaintes et à s'occuper du paiement par cartes de crédit.  Or, la preuve n'a démontré qu'une seule plainte écrite, soit celle de madame Brault du 3 août 1999 qui a d'ailleurs écrit de nouveau le 5 août pour dire qu'elle avait reçu l'envoi.  Quant au paiement par cartes de crédit, il n'est pas clair que Propage pouvait, au nom de la SPCA, faire des débits de cartes de crédit avec les institutions bancaires.

[47]            Il n'y a eu aucune preuve quant à une perte de revenus de SPCA qui puisse être liée à Propage ni quant à une atteinte à sa réputation par Propage.  Ces deux réclamations de 100 000,00 $ et 50 000,00 $ respectivement doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE l'action;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 95 209,92 $ avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et l'indemnité additionnelle prèvue à l'article 1619 du Code civil du Québec;

REJETTE la défense et demande reconventionnelle.

Avec dépens.

 

 

 

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CLAUDETTE PICARD, J.C.S.

 

Me Olivier Laurendeau

Procureur de la demanderesse

 

Me Nathalie Cardinal

Procureure de la défenderesse

 

 

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