Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 9 avril 2003

 

 

DOSSIER :

187386-63-0207

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Besse

 

 

DOSSIER CSST :

121029284

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Mme Lorraine Patenaude

Associations d’employeurs

 

 

 

 

M. Richard Tremblay

Associations syndicales

 

 

 

 

AUDIENCE TENUE LE :

2 décembre 2002

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

19 décembre 2002

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE CHEVALIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CENTRE CULTUREL DE JOLIETTE INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 9 juillet 2002, monsieur Claude Chevalier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 26 juin 2002, à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision logée par le travailleur le 5 mars 2002 à l’encontre des deux décisions rendues par la CSST le 5 février 2002.

[3]               Par ces décisions du 5 février 2002, la CSST considère que le docteur Clément Payette, médecin qui a charge du travailleur, a entériné dans son rapport complémentaire l’opinion exprimée par le docteur Suzanne Lavoie, médecin désigné par la CSST.  En conséquence, la CSST déclare que le diagnostic en relation avec la lésion professionnelle du 11 juillet 2001 est un dérangement intervertébral mineur (DIM) cervical, que cette lésion est consolidée le 6 novembre 2001 et qu’il en résulte une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % donnant droit à une indemnité pour dommages corporels de 1 347,15$.  La CSST ajoute qu’en l’absence de limitations fonctionnelles, le travailleur est capable d’exercer son emploi.

[4]               Le 2 décembre 2002, la Commission des lésions professionnelles a tenu une audience en présence du travailleur qui était représenté et de la représentante de la CSST, partie intervenante au dossier.  L’employeur, Centre culturel de Joliette inc., a fait parvenir au tribunal une argumentation écrite.

[5]               À la fin de l’audience, un délai a été accordé à la représentante de la CSST pour qu’elle transmette au tribunal une mise à jour du dossier.  Ces documents ont été reçus le 4 décembre 2002 et le 19 décembre 2002, le tribunal a été avisé que le représentant du travailleur n’avait pas de commentaires additionnels à soumettre.

[6]               Le dossier a été pris en délibéré le 19 décembre 2002.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[7]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que sa demande de révision des décisions rendues par la CSST le 5 février 2002 est recevable.

[8]               Le travailleur demande également au tribunal de reconnaître que le docteur Payette n’était plus le médecin qui avait charge de son suivi médical et, qu’au surplus, la CSST ne pouvait être liée par le rapport complémentaire que ce médecin a signé à une date qui était au-delà du délai prévu à l’article 205.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[9]               Le travailleur demande finalement au tribunal de conclure que la procédure d’évaluation médicale initiée dans ce dossier est illégale, plusieurs irrégularités ayant été commises par la CSST.  Plus précisément, la CSST a, de son propre chef, modifié le déficit anatomo-physiologique retenu par le médecin qu’elle avait désigné; de plus, le rapport complémentaire du docteur Payette a été reçu après le délai de 30 jours prévu à la loi et ce médecin n’étayait pas ses conclusions mais les modifiait.  Dans ces circonstances, la CSST ne pouvait, le 6 mars 2002, annuler la transmission du dossier faite au Bureau d’évaluation médicale le 22 janvier 2002.

 

LES FAITS

[10]           La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier, des documents additionnels déposés dans le cadre de l’audience, entendu le témoignage du travailleur et pris en considération l’argumentation des parties.  Elle retient les éléments suivants.

[11]           Le travailleur, qui est âgé de 39 ans, est technicien-machiniste chez l’employeur depuis trois ans lorsque, le 11 juillet 2001, il perd pied en descendant d’une échelle d’environ huit pieds et tombe sur une table qui s’écrase au sol.  Il est hospitalisé du 11 au 24 juillet 2001.

[12]           L’attestation médicale initiale est émise le 24 juillet 2001 par le docteur Éric Juteau qui réfère à la période d’hospitalisation, fait état d’un diagnostic d’entorse lombaire, de DIM cervical et d’une possible atteinte du plexus brachial gauche; il prescrit un arrêt de travail, de la médication et des traitements de physiothérapie et demande qu’un électromyogramme soit effectué.

[13]           Dans un rapport médical émis le 27 juillet 2001, le docteur Payette pose le diagnostic de cervico-dorso-lombalgie, d’entorses multi-étagées et de DIM multi-étagé.  Il prescrit du repos, des anti-inflammatoires et des traitements de physiothérapie, lesquels sont entrepris le 1er août 2001.  Le travailleur consulte ce médecin régulièrement par la suite.

 

[14]           L’électromyogramme effectué le 15 août 2001 révèle ce qui suit :

Donc en conclusion, cette étude électromyographique démontre tout d’abord la présence d’un léger syndrome du canal carpien sensitif à gauche, également une légère atteinte du nerf cubital purement sensitive dans le canal de Guyon du même côté.  Cliniquement, ceci n’explique en rien sa symptomatologie, il s’agit d’une découverte fortuite.  Je n’ai pas d’atteinte du plexus brachial au niveau du membre supérieur gauche qui expliquerait sa symptomatologie.  Personnellement, à ce stade-ci, je n’ai pas d’explication neurologique clair pour ses symptômes mais selon moi, il n’y a pas d’anomalie du système nerveux périphérique au niveau du membre supérieur gauche et je ne peux me prononcer plus en raison que je n’ai pas le dossier complet de l’hôpital sacré-coeur.  [sic]

 

 

 

[15]           Le 27 septembre 2001, un bilan médical téléphonique est effectué par le docteur Laurent Cardin, médecin régional de la CSST, auprès du docteur Payette afin de préciser la courbe de récupération.  Lors de cette conversation, il est précisé que le diagnostic retenu est une entorse cervico-dorso-lombaire et un DIM multi-étagé et qu’il n’y a pas d’antécédents particuliers à retenir.

[16]           Le docteur Payette rapporte que le travailleur est encore symptomatique.  Il mentionne la présence de douleurs et d’intolérance avec persistance de phénomènes de cellulalgie.  Le patient ne répond pas aux traitements et il semble y avoir une disproportion entre les symptômes et les découvertes cliniques et para-cliniques.  Il est convenu qu’une expertise en physiatrie sera demandée par la CSST et que par la suite, le docteur Payette pourra prendre les dispositions nécessaires à la lumière de l’ensemble des données et de son appréciation clinique.

[17]           Le 2 octobre 2001, la CSST transmet le dossier au docteur Suzanne Lavoie pour une expertise qui doit avoir lieu le 6 novembre 2001.

[18]           Dans son rapport médical du 9 octobre 2001, le docteur Payette fait état d’une évolution lente, d’un seuil de douleur très bas et ajoute qu’il n’y a pas d’évidence de lésion neurologique.  Lors de la visite du 23 octobre 2001, le docteur Payette fait état d’un échec thérapeutique et indique qu’il attend le résultat de la résonance magnétique effectuée à l’Hôpital Sacré-Coeur.

[19]           Le 29 octobre 2001, le travailleur rencontre l’agente d’indemnisation de la CSST responsable de son dossier.  Il lui mentionne que le docteur Payette croit qu’il simule et, la semaine dernière, il lui a dit que ses problèmes physiques étaient en relation avec ses émotions.

[20]           Le travailleur ne sait pas s’il retournera voir le docteur Payette parce qu’il a l’impression qu’il ne le croit pas lorsqu’il décrit les douleurs qu’il ressent.  L’agente l’informe que la CSST a besoin d’un suivi médical régulier et lui explique qu’il peut choisir son médecin traitant.  Le travailleur lui dit qu’il va réfléchir pour décider s’il retournera consulter le docteur Payette.

[21]           Dans un rapport médical émis le 2 novembre 2001, le docteur Payette fait état d’une bonne amélioration, indique que la résonance magnétique cérébrale ne sera pas faite et qu’il faut diminuer les traitements de physiothérapie à une fois par semaine.  Il ajoute que le travailleur sera apte au travail le 5 décembre 2001 alors qu’à ses notes de consultation, il précise que le patient retournera au travail le 5 novembre 2001.

[22]           Les notes évolutives de la CSST, en date du 6 novembre 2001, rapportent un bilan médical téléphonique fait par le docteur Cardin auprès du docteur Payette qui mentionne que le travailleur a une formation en théâtre et que son comportement est exagérément expressif.  Il ajoute avoir discuté avec monsieur Chevalier de l’incongruité de ses symptômes compte tenu des données physiologiques et anatomiques médicalement reconnues et informé celui-ci qu’il ne donnerait pas suite à une investigation de pathologies invraisemblables.  Le docteur Payette indique que le travailleur aurait compris le message et lors de la dernière visite, la condition était améliorée au point où il prévoyait un retour au travail, tel qu’indiqué à son rapport médical.

[23]           Le 6 novembre 2001, le travailleur est examiné par le docteur Suzanne Lavoie, physiatre, à la demande de la CSST.  À son expertise signée le 22 novembre 2001, elle indique que le diagnostic pré-évaluation est celui de cervico-dorsalgie.  Elle passe en revue les examens faits pendant la période d’hospitalisation, à savoir des radiographies du rachis cervical, dorsal et lombaire, une tomodensitométrie (scan) cérébrale, un scan cervical, un scan thoracique, un scan abdominal et du pelvis de même qu’une résonance magnétique cervicale et dorsale.  Elle ajoute que le travailleur a aussi été évalué en orthopédie et en neurologie.

[24]           Le docteur Lavoie retient le diagnostic de DIM cervical avec une légère ankylose de 10 degrés en rotation et en latéro-flexion.  Elle conclut que cette lésion est consolidée à la date de son examen, précise qu’aucune investigation additionnelle n’est nécessaire et qu’il n’existe pas de limitations fonctionnelles en relation avec cette lésion.  Elle retient le déficit anatomo-physiologique suivant :

CODE             DESCRIPTION                                              POURCENTAGE

 

207804             Rotation gauche à 50º                                                  1 %

207724             Latéro-flexion gauche à 30º                                          1 %

 

 

 

[25]           À l’examen de cette expertise, le tribunal constate que les codes retenus pour établir le déficit anatomo-physiologique ont été biffés et remplacés de façon manuscrite par le code 203513 du Règlement sur le barème des dommages corporels[2](le barème) donnant droit à un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse cervicale.

[26]           Il semble que cette correction ait été apportée le 1er février 2002 par le docteur Zotique Bergeron, médecin régional de la CSST, après une conversation téléphonique avec le docteur Payette.  En effet, le 1er février 2002, le docteur Bergeron appose une mention à cette expertise indiquant qu’elle est conforme et entérinée par le médecin traitant.

[27]           Les notes évolutives de la CSST, en date du 17 décembre 2001, confirment la réception de cette expertise et indiquent qu’une copie sera transmise au travailleur et au docteur Payette.

[28]           Dans une lettre adressée au docteur Payette le 19 décembre 2001, la CSST lui demande de faire parvenir un rapport complémentaire en précisant que « la réponse au rapport complémentaire ci-joint est une opportunité de vous exprimer sur les points médicaux relevant de votre autorité à titre de médecin traitant […] ».

[29]           Le 4 janvier 2002, le travailleur communique avec l’agente d’indemnisation de la CSST et lui indique qu’il verra le docteur Payette le 31 janvier suivant ou peut-être même avant.  Il affirme qu’il a toujours des spasmes mais qu’il réussit à travailler à raison de 20 heures par semaine.

[30]           Le 22 janvier 2002, la CSST transmet le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale.  À ce document, la CSST réfère aux conclusions du docteur Lavoie, n’identifie pas le diagnostic retenu par le docteur Payette mais mentionne que ce médecin n’a pas précisé la date de consolidation de la lésion ni l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou les limitations fonctionnelles en relation avec la lésion.

[31]           Le 23 janvier 2002, le docteur Hany Daoud, orthopédiste, est désigné à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale dans le dossier du travailleur.

[32]           Le 25 janvier 2002, le docteur Payette signe son rapport complémentaire dans lequel la CSST lui demandait s’il était en accord avec les conclusions du docteur Lavoie.  Le docteur Payette répond que le patient a été admis environ une semaine à l’Hôpital Sacré-Coeur, qu’il n’a pas été revu depuis le 2 novembre 2001, qu’il a manqué son rendez-vous prévu en décembre 2001 et a fortiori celui de janvier 2002; il termine en indiquant ce qui suit :

Je suis d’accord avec les conclusions.  Je présume que le patient est mieux puisqu’il n’a pas reconsulté tel que recommandé.

 

 

 

[33]           Le 1er février 2002, le docteur Bergeron de la CSST communique avec le docteur Payette concernant le déficit anatomo-physiologique; il le réfère au code prévu au barème pour une entorse cervicale et précise que le barème ne prévoit pas de pourcentage pour les ankyloses.

[34]           Le 5 février 2002, le travailleur revoit le docteur Payette qui mentionne à ses notes de consultation la présence d’un spasme cervical droit, un pincé-roulé positif à droite et des réflexes rotuliens et achilléens normaux.  Il ajoute que le patient présente des malaises tellement variés qu’il ne peut en identifier la cause.  Il prescrit de la médication et réfère le travailleur en physiatrie.

[35]           Dans une décision rendue le 5 février 2002, la CSST indique que suite à la réception du rapport complémentaire signé le 25 janvier 2002 par le docteur Payette qui entérine les conclusions du docteur Lavoie, le diagnostic retenu en relation avec l’événement du 11 juillet 2001 est un DIM cervical et cette lésion est consolidée depuis le 6 novembre 2001 avec suffisance de soins.  La CSST ajoute que cette lésion a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique mais pas de limitations fonctionnelles; en conséquence, le travailleur est capable d’exercer son emploi et l’indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 novembre 2001.

[36]           Une deuxième décision est rendue par la CSST le 5 février 2002 dans laquelle il est indiqué que suite à un avis rendu par un professionnel de la santé qu’elle a désigné, l’atteinte permanente à l’intégrité physique a été évaluée à 2,2 % et que dans la mesure où cette conclusion a été entérinée par le médecin qui a charge du travailleur, la CSST devient liée par ce rapport.  Le travailleur conserve donc une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % donnant droit à une indemnité pour dommages corporels de 1 347,15 $.

[37]           Le 11 février 2002, le travailleur communique avec l’agente d’indemnisation de la CSST pour exprimer la piètre opinion qu’il a du docteur Payette et ajouter qu’il se sent floué par le traitement qui a été fait de son dossier.  Lors de cette conversation, il confirme avoir revu le docteur Payette le 5 février 2002.

[38]           En date du 6 mars 2002, les notes évolutives indiquent que la référence du dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale a été annulée puisque le docteur Payette a entériné l’avis exprimé par le médecin désigné par la CSST.

[39]           Le travailleur revoit le docteur Payette le 22 mars 2002.  À ses notes de consultation, le médecin indique que le travailleur est agressif parce que la CSST a coupé ses prestations.  Il mentionne ne pas retrouver de note finale transmise à la CSST et ajoute que la symptomatologie est tellement variée qu’elle le dépasse.  Il attend les résultats de la consultation en physiatrie et réfère le travailleur en neurologie.

[40]           Le 26 juin 2002, le travailleur signe un formulaire de réclamation qu’il transmet à la CSST alléguant la survenance, en date du 27 mars 2002, d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.

[41]           À compter du 27 mars 2002, le suivi médical du travailleur est assumé par le docteur Bernard Chartrand qui prescrit un arrêt de travail, reprend l’investigation et réfère le travailleur à des médecins spécialistes.

[42]           À l’audience, le travailleur affirme que suite à la consultation du 2 novembre 2001 auprès du docteur Paquette, il ne voulait plus voir ce médecin et qu’il ne s’est pas présenté à ses rendez-vous de décembre 2001 et janvier 2002 parce qu’il se cherchait un autre médecin.  Il a finalement communiqué avec le bureau du docteur Chartrand en décembre 2001 et on lui a donné un rendez-vous pour le 27 mars 2002.  Il affirme avoir informé l’agente d’indemnisation de la CSST à deux reprises de son intention de changer de médecin et ce avant même de rencontrer le docteur Lavoie en novembre 2001.

[43]           Compte tenu du litige dont est saisi le présent tribunal, soit la légalité du traitement administratif du dossier suite à l’expertise effectuée le 6 novembre 2001 à la demande de la CSST, il suffit de mentionner que le docteur Chartrand a demandé que les examens suivants soient faits :  une scintigraphie osseuse, une résonance magnétique cervicale et lombaire, un électromyogramme, une radiographie et une résonance magnétique du genou gauche.  La CSST a refusé, dans une décision rendue le 4 novembre 2002, la récidive, rechute ou aggravation qui se serait manifestée le 27 mars 2002.  Le travailleur a contesté cette décision qui était toujours sous étude à la date de l’audience.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[44]           Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur n’a soumis aucune preuve permettant de conclure que le docteur Payette n’était pas le médecin qui avait charge de son dossier au mois de décembre 2001 lorsque la CSST lui a transmis une copie de l’expertise effectuée par le docteur Lavoie pour qu’il complète le rapport complémentaire.  En effet, bien que les notes évolutives de la CSST indiquent que le travailleur exprimait un certain niveau d’insatisfaction à l’endroit du docteur Payette, rien n’indique qu’un autre médecin assumait le suivi médical de son dossier.  Dans ce contexte, la CSST était justifiée de transmettre l’évaluation effectuée par le docteur Lavoie au docteur Payette en vue d’obtenir un rapport complémentaire puisqu’il s’agissait là du seul médecin qui pouvait, à l’époque, être considéré comme étant le médecin qui avait charge du travailleur.

[45]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie et que le dossier devrait être retourné à la CSST pour être soumis au Bureau d’évaluation médicale.

[46]           Ce membre retient que la travailleur a manifesté à plusieurs reprises à la CSST qu’il était insatisfait du docteur Payette; c’est dans ce contexte qu’il ne s’est pas présenté aux rendez-vous prévus en décembre 2001 et janvier 2002.  Dans son rapport complémentaire du 25 janvier 2002, le docteur Payette réfère à l’absence de monsieur Chevalier à ces deux rendez-vous et il se base alors sur une prémisse ou une « présomption » qui s’avère fausse à savoir que l’état du travailleur se serait amélioré puisque celui-ci ne l’a pas consulté depuis quelques mois, ce qui le mène à conclure de la même manière que le médecin désigné par la CSST.  Or, il appert qu’à ce moment, le travailleur était déjà à la recherche d’un autre médecin traitant.

[47]           Ce membre considère que dans son rapport complémentaire, le docteur Payette écarte le diagnostic qu’il avait posé dans ses rapports médicaux, ce qui va à l’encontre de l’article 205.1 de la loi qui stipule que le rapport complémentaire doit servir à « étayer » les conclusions du médecin traitant et non à les modifier.  Ce membre réfère à l’analyse suivante faite dans une décision[3] rendue par la Commission des lésions professionnelles :

[20]  [...]  On arrive ainsi à la situation absurde qu’un simple « oui » du médecin à charge sur un formulaire préparé par la CSST remplace un examen clinique complet pour évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.  Ce n’est certainement pas ce que le législateur a voulu prévoir par ces dispositions.

 

 

 

[48]           Ce membre considère de plus que la CSST a commis une irrégularité en effectuant elle-même une correction au pourcentage de déficit anatomo-physiologique retenu par son médecin désigné, correction qu’elle fait par la suite entériner par le docteur Payette et non par le docteur Lavoie qui a signé l’expertise.

[49]           La membre issue des associations d’employeurs est d’opinion que la requête du travailleur devrait être rejetée.  Elle considère que lors de la consultation du 2 novembre 2001, le docteur Payette avait noté une amélioration spectaculaire de la condition du travailleur et qu’à ses notes de consultation, il avait précisé que le patient retournerait travailler le 5 novembre 2001 et qu’il le reverrait dans un mois.

[50]           Ce membre constate que l’évaluation du médecin désigné par la CSST le 6 novembre 2001 est superposable à ce que constatait le docteur Payette et dans ce contexte, le rapport complémentaire qu’il signe le 25 janvier 2002 confirme qu’il entérine les conclusions du docteur Lavoie et rien ne permet de conclure qu’il modifie ses conclusions antérieures.  Elle considère que lors de la consultation du 5 février 2002, la condition rapportée n’était pas identique à celle qui prévalait en novembre 2001 puisque la symptomatologie semblait plus importante.

 

[51]           Ce membre ajoute que la correction apportée par le médecin régional de la CSST ne vient que corriger l’expertise du docteur Lavoie pour le rendre conforme au barème et ne modifie pas celle-ci.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[52]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la demande de révision logée par le travailleur, à l’encontre des deux décisions rendues par la CSST le 5 février 2002, est recevable.

[53]           Plus précisément, le tribunal doit déterminer si la procédure d’évaluation médicale prévue aux articles 199 à 225 de la loi a été respectée.

[54]           Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que le travailleur n’a soumis aucune preuve permettant de conclure qu’en décembre 2001 et janvier 2002, le docteur Payette n’était pas le médecin qui avait charge de son dossier.

[55]           En effet, bien qu’en octobre 2001 le travailleur ait exprimé à l’agente d’indemnisation de la CSST son insatisfaction à l’endroit du docteur Payette et ajouté qu’il n’était pas certain de le revoir, aucun autre médecin n’est intervenu dans son dossier dans les semaines qui ont suivi.

[56]           Bien que le travailleur ne se soit pas présenté aux rendez-vous prévus au cabinet du docteur Payette en décembre 2001 et janvier 2002, il n’a pas à cette époque informé la CSST qu’un autre médecin assumerait dorénavant le suivi de son dossier et il n’a pas non plus indiqué qu’il avait communiqué au mois de décembre 2001 avec le cabinet du docteur Chartrand et avait obtenu un rendez-vous pour le mois de mars suivant.

[57]           De plus, le travailleur a revu le docteur Payette les 5 février et 22 mars 2002 et ce médecin lui a prescrit de la médication et lui a remis une référence en physiatrie et en neurologie.  Ce n’est que le 27 mars 2002 que le docteur Chartrand signe son premier rapport médical pour la CSST et qu’il devient le médecin qui assume le suivi médical de monsieur Chevalier.

[58]           Dans les circonstances décrites plus haut, la preuve non contredite dont dispose le tribunal établit que seul le docteur Payette peut être considéré comme étant le médecin qui a charge du travailleur et ce jusqu’au 27 mars 2002.  En effet, il s’agit du seul médecin que le travailleur a consulté régulièrement à compter du 27 juillet 2001 et c’est ce même médecin qui a prescrit divers traitements et référé monsieur Chevalier à des médecins spécialistes.

[59]           S’il est vrai que le travailleur a le droit de choisir le médecin qui assumera la responsabilité du traitement de son dossier médical auprès de la CSST comme le prévoit l’article 192 de la loi, il lui appartient, s’il décide de changer de médecin, d’en informer la CSST pour qu’elle se conforme à cette décision.  Bien que le travailleur affirme avoir contacté en décembre 2001 le cabinet du docteur Chartrand et obtenu un rendez-vous auprès de ce médecin le 27 mars 2002, il n’a en aucun temps informé la CSST entre décembre 2001 et le 27 mars 2002 de cette décision et au contraire, il a plutôt revu le docteur Payette à deux occasions.  Le tribunal conclut que ce n’est que le 27 mars 2002 que le travailleur a confié le traitement de son dossier à un autre médecin que le docteur Payette, soit au docteur Chartrand.

[60]           Ce n’est donc qu’à compter du 27 mars 2002 que la CSST a été informée que le docteur Payette n’était plus le médecin qui avait charge du dossier du travailleur et les intervenants de cet organisme devaient, à compter de cette date, donner effet au choix exprimé par le travailleur.  Avant cette date, la CSST n’avait aucune raison de croire que le docteur Payette n’était plus le médecin qui avait charge du travailleur et c’est à bon droit que la demande de rapport complémentaire a été transmise à ce médecin le 19 décembre 2001, suite à la réception de l’expertise du médecin désigné par la CSST.

[61]           Avant de se prononcer sur la portée du rapport complémentaire signé par le docteur Payette le 25 janvier 2002, le tribunal tient à commenter la façon dont la CSST a traité l’opinion exprimée par le médecin qu’elle avait désigné relativement à l’évaluation du déficit anatomo-physiologique résultant de la lésion.

[62]           Dans son expertise, le docteur Lavoie a retenu un diagnostic de DIM cervical et accordé un pourcentage de 1 % pour une diminution de la rotation et de 1 % pour une diminution de la flexion latérale gauche.  Or, en présence d’un diagnostic de DIM cervical, assimilable à une entorse cervicale, le barème prévoit un déficit de 2 % sous le code 203513 en présence de séquelles fonctionnelles objectivées sans référer au tableau des ankyloses du rachis dorso-lombaire.

[63]           Il est vrai que la CSST peut, lorsqu’une telle erreur est constatée dans une expertise, informer le médecin qui l’a signée que son évaluation doit être conforme au barème.  Ainsi, la CSST est justifiée de communiquer avec le médecin traitant, le médecin désigné ou le membre du Bureau d’évaluation médicale qui a signé l’expertise pour lui suggérer d’apporter la correction appropriée.

[64]           Dans le présent dossier, le docteur Bergeron, médecin régional de la CSST, sans que l’on retrouve quelque mention au dossier permettant de croire qu’il a contacté le docteur Lavoie et obtenu son autorisation pour modifier son expertise, biffe les codes retenus, les remplace par le code approprié pour une entorse cervicale et discute de cette question avec le docteur Payette.

[65]           La Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’agit là d’une façon de faire à tout le moins inappropriée bien que, dans les faits, le résultat eut été le même si la démarche correcte et habituellement appliquée avait été respectée.

[66]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant se prononcer sur la légalité de la procédure d’évaluation médicale dans le présent dossier.

[67]           Les articles 199 à 225 de la loi prévoient que la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur sur les questions suivantes :  diagnostic, date de consolidation, nécessité de soins et traitements, atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et limitations fonctionnelles.  Toutefois, la CSST peut contester cette opinion si le médecin qu’elle désigne arrive à des conclusions différentes.  Si le médecin désigné est en désaccord avec l’une ou l’autre des conclusions du médecin qui a charge du travailleur, l’article 205.1 de la loi prévoit que cette opinion doit être soumise au médecin du travailleur afin de lui permettre d’étayer ses conclusions.  Cet article se lit comme suit :

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé.  Le médecin qui a charge du travailleur informe celui - ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

[68]           Dans son premier rapport médical émis le 25 juillet 2001, le docteur Payette posait le diagnostic de cervico-dorso-lombalgie, d’entorses multi-étagées et de DIM multi-étagé, diagnostic qu’il reprend lors d’une conversation avec le docteur Cardin le 27 septembre 2001.  Lors de la visite du 2 novembre 2001, le docteur Payette rapporte une amélioration de la condition et prévoit un retour au travail le 5 décembre suivant.

[69]           Le 6 novembre 2001, le travailleur est évalué par le docteur Lavoie et son expertise est transmise au docteur Payette le 19 décembre 2001.

[70]           Le tribunal retient qu’entre le 2 novembre 2001 et le 19 décembre 2001, le travailleur n’a pas revu le docteur Payette.  Le 22 janvier 2002, soit à l’expiration du délai de 30 jours accordé par le législateur au médecin qui a charge pour compléter un rapport complémentaire, la CSST a transmis le dossier au Bureau d’évaluation médicale et le lendemain, le docteur Hany Daoud était désigné dans le dossier du travailleur.

[71]           Le docteur Payette signe son rapport complémentaire le 25 janvier 2002, document qui est reçu par la CSST à une date qui n’est pas précisée mais qui donne lieu, en date du 2 février 2002, à une conversation téléphonique de ce médecin avec le docteur Bergeron relativement au déficit anatomo-physiologique retenu par le docteur Lavoie; le 6 mars 2002, la CSST annule la convocation au Bureau d’évaluation médicale.

[72]           À la lumière de cette chronologie, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas l’argument du procureur du travailleur qui allègue que le rapport complémentaire du docteur Payette ayant été reçu à l’extérieur du délai de 30 jours prévu à l’article 205.1 de la loi, la CSST devait soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[73]           Le tribunal retient plutôt que la demande de rapport complémentaire postée le mercredi 19 décembre 2001 a vraisemblablement, compte tenu des délais postaux, été reçue au plus tôt le vendredi 21 décembre 2001 et plus probablement après le 25 décembre 2001.  Dans ces circonstances, le rapport complémentaire signé par le docteur Payette le 25 janvier 2002 respecte le délai prévu à la loi et si la légalité de la transmission du dossier au Bureau d’évaluation médicale le 22 janvier 2002 peut être attaquée, ce serait plutôt sous l’angle d’un envoi prématuré de quelques jours, ce qui n’est pas le cas.  Compte tenu que cet échange de courrier a été fait à la période des fêtes de fin d’année et que les délais prévus à la loi sont respectés, le tribunal considère que la transmission du dossier au Bureau d’évaluation médicale le 22 janvier 2002 est conforme à la loi.

[74]           Reste maintenant la question la plus importante quant à la légalité de la procédure d’évaluation médicale, soit celle de déterminer si le rapport complémentaire du docteur Payette étayait ses conclusions, s’il pouvait modifier l’opinion qu’il avait émise antérieurement et si ce rapport confirmait les conclusions du médecin désigné.

[75]           La Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à quelques reprises sur le rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 de la loi.  Dans l’une de ces décisions[4], la commissaire rapporte certaines définitions du verbe étayer que l’on retrouve dans les dictionnaires et conclut comme suit :

[40]  Des définitions du mot étayer que l’on retrouve dans différents dictionnaires, les extraits suivants sont pertinents :

 

étayer :  Appuyer.  Étayer une démonstration par, sur, avec ou à l’aide de données statistiques.  Un exposé étayé sur des arguments solides. SYN. baser; fonder.2

 

 

étayer :  (Abstrait) Appuyer, soutenir.  Cela étaiera sa réputationArgumentation bien étayée.  Contr. Détruire, saper.3

 

étayer :  fig. Appuyer, soutenir une idée; fonder.  Les arguments qui étaient sa démonstration4

 

étayer :  fig. Soutenir.  Étayer une théorie de preuves - De étai5

 

étayer :  fig. Appuyer, soutenir.  Des éléments nouveaux étayent cette hypothèse, la thèse de la défense.  « Nous gagnons rarement à étayer d’un mensonge une erreur ou un échec » (Bernanos). pronom « Rien n’est parfait, mais tout se tient, s’étaye, s’entrecroise » (France). P.p. adj. Argumentation bien étayée.  CONTR. Miner, ruiner, saper6

 

 

[41]  De ces définitions, la Commission des lésions professionnelles retient que le mot « étayer » réfère à une opinion qui va dans le même sens qu’une autre opinion déjà émise et qui vise à lui donner plus de poids, à l’appuyer, à la soutenir.  Elle doit servir à confirmer ou préciser et non contredire ou remettre en question.  Ces définitions ne comportent pas l’idée de changer d’opinion ou d’en émettre une qui diffère de la première.

 

___________________

2  Multi dictionnaire de la langue française, Troisième édition, Québec Amérique.

3  Robert méthodique, dictionnaire méthodique du français actuel.

4  Le Petit Larousse illustré 2000.

5  Dictionnaire du français plus.

6  Le Nouveau Petit Robert 1, dictionnaire de la langue française.

 

 

[76]           Dans une autre décision[5], la commissaire fait l’analyse suivante :

[29]  Le deuxième alinéa de l’article 205.1 mentionne que la CSST peut soumettre ses rapports au Bureau d’évaluation médicale mais il est évident que lorsqu’il n’y a pas de désaccord quant aux cinq sujets mentionnés à l’article 212, il n’y a pas lieu de demander l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale.  C’est ce qui a été fait en l’espèce.

 

[30]  Lorsque la réponse du médecin traitant est claire suite à l’examen d’un rapport d’expertise demandé par la CSST, il a été reconnu, à quelques occasions, que cette réponse du médecin traitant, manifestant son accord avec les conclusions du médecin désigné par la CSST, devienne les conclusions d’ordre médical par lesquelles la CSST est liée en vertu de l’article 224. Il faut évidemment que la réponse du médecin traitant sur ces questions soit claire et ne porte pas lieu à interprétation.

 

 

[77]           Dans le présent dossier, rappelons que deux jours avant l’expertise effectuée par le docteur Lavoie le 6 novembre 2001, le docteur Payette avait diminué la fréquence des traitements de physiothérapie et autorisé un retour au travail à compter du 5 décembre 2001.

[78]           Dans son rapport complémentaire du 25 janvier 2002, le docteur Payette ne traite pas de la question du diagnostic mais mentionne simplement que le travailleur a été hospitalité pendant une semaine à l’Hôpital Sacré-Cœur.  Il ne se prononce pas directement sur la date de consolidation de la lésion, la nécessité des soins ou traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou les limitations fonctionnelles et ne fait aucun commentaire à cet égard.

[79]           Le docteur Payette mentionne simplement que le travailleur ne s’étant pas présenté aux rendez-vous prévus en décembre 2001 et janvier 2002, il conclut qu’il présume que le patient est mieux puisqu’il n’a pas consulté depuis le 2 novembre précédent contrairement à ce qui était prévu.  Il ajoute qu’il est d’accord avec les conclusions du docteur Lavoie, sans plus.

[80]           Dans ce contexte, il apparaît pour le moins surprenant de conclure que le docteur Payette se rallie totalement aux conclusions du docteur Lavoie le 25 janvier 2002 et ce d’autant plus que dès la visite du 5 février 2002, il note la présence de spasmes, prescrit de la médication et poursuit l’investigation.

[81]           Sur réception de ce rapport complémentaire, la CSST a conclu qu’il n’y avait pas de divergence d’opinion entre les docteurs Payette et Lavoie et la référence au Bureau d’évaluation médicale a été annulée.

[82]           La Commission des lésions professionnelles rappelle que les circonstances de chaque dossier doivent être analysées au mérite et dans le cas qui lui est soumis, considère que le court texte du rapport complémentaire du docteur Payette ne permet pas de comprendre en quoi ce médecin se rallie aux conclusions du médecin désigné et, en ce sens, on ne peut considérer qu’il étaye ses conclusions.

[83]           La Commission des lésions professionnelles considère que la conclusion tirée par la CSST du court texte qui constitue le rapport complémentaire du docteur Payette n’est pas supportée par une analyse de l’ensemble de la preuve médicale disponible, dont les conversations téléphoniques entre le docteur Payette et les médecins de la CSST.

[84]           Le tribunal retient que le docteur Payette a exprimé à plus d’une reprise, avant et après son rapport complémentaire, la difficulté de concilier la symptomatologie multiple présentée par le travailleur, son examen clinique, les tests para-cliniques et les données médicales généralement reconnues.  Le docteur Payette constatait des signes de lésion active, puisqu’il parlait de cellulalgie et de spasmes cervicaux, mais il notait aussi une disproportion entre les douleurs et les constatations cliniques.

[85]           Le tribunal retient qu’avant la réception du rapport complémentaire, la CSST considérait que les opinions des docteurs Payette et Lavoie divergeaient puisqu’elle a transmis le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale en mentionnant que le docteur Payette ne s’était pas prononcé sur la date de consolidation de la lésion, l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles, qu’il poursuivait les traitements alors que le médecin désigné considérait que les traitements reçus étaient suffisants, qu’il y avait une atteinte permanente à l’intégrité physique mais pas de limitations fonctionnelles.

[86]           Avec respect pour l’opinion contraire, la commissaire soussignée considère que le médecin qui a charge peut, dans un rapport complémentaire, modifier l’opinion qu’il avait déjà exprimée relativement aux questions d’ordre médical.

[87]           En effet, il est fréquent et normal de constater qu’un médecin pose un diagnostic préliminaire et qu’il modifie celui-ci par la suite en tenant compte de l’évolution de la symptomatologie, des résultats de l’investigation médicale, de l’opinion exprimée par un médecin spécialiste, etc.

[88]           Ceci étant dit, lorsque le médecin qui a charge d’un travailleur modifie son opinion dans le contexte d’une expertise effectuée à la demande de l’employeur ou de la CSST, il doit indiquer à tout le moins sommairement, dans son rapport complémentaire, les raisons qui l’amènent à conclure ainsi et lorsqu’il le fait, on peut considérer qu’il a étayé ses conclusions.

[89]           Le tribunal considère que la seule mention qu’un médecin est d’accord avec un collègue alors que dans les jours précédents il exprimait une opinion différente ne permet pas de conclure qu’il s’agit là, sans avoir tenté d’en comprendre les raisons, d’une adhésion totale à une nouvelle façon de considérer le dossier du travailleur dont il assume le suivi médical.

[90]           Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que le dossier doit être soumis au Bureau d’évaluation médicale.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partiela requête de monsieur Claude Chevalier; le travailleur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 juin 2002, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le docteur Clément Payette était le médecin qui avait charge du travailleur jusqu’au 27 mars 2002;

DÉCLARE que le rapport complémentaire signé par ce médecin, le 25 janvier 2002, ne confirmait pas les conclusions du médecin désigné par la CSST;

RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’il soit soumis au Bureau d’évaluation médicale; et

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations et indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

DIANE BESSE

 

Commissaire

 

 

 

 

 

LAPORTE ET LAVALLÉE

(Me André Laporte)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

(Me Carole Bergeron)

 

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          (1987) 119 G.O. II, 5576.

[3]          Emond et EBC-Spie Société Coparticipation, C.L.P. 128111-09-9912, 19 juin 2000, Y. Vigneault.

[4]          Montecalvo et André Créations de cuir inc., C.L.P. 126403-73-9910, 14 juillet 2000, F. Juteau.

[5]          Morin et 2970-0374 Québec inc. (faillite), C.L.P. 135078-08-0003, 9 octobre 2001, L. Boudreault.

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