Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général)

2013 QCCA 1690

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-007388-116

(200-17-011203-098)

 

DATE :

Le 2 octobre 2013

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

 

ASSOCIATION DES JUGES ADMINISTRATIFS

DE LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

LUCIE NADEAU

MARIE LANGLOIS

MARTIN RACINE

GUYLAINE TARDIF

ANNE VAILLANCOURT

APPELANTS / INTIMÉS INCIDENTS - demandeurs

c.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

INTIMÉ / APPELANT INCIDENT - défendeur

et

ASSOCIATION DES COMMISSAIRES DE LA COMMISSION

DES RELATIONS DU TRAVAIL

FRANÇOIS CARON

MARIO CHAUMONT

LINE LANSEIGNE

MARYSE MORIN

JEAN PAQUETTE

INTERVENANTS « ACCRT »

et

ASSOCIATION DES JUGES ADMINISTRATIFS

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU QUÉBEC

JEAN-MARC DUFOUR

SOLANGE TARDY

PIERRE LANTHIER

SUZANNE BÉRUBÉ

MANON GOYER

VÉRONIQUE PELLETIER

LOUIS A. CORMIER

CHARLES GOSSELIN

MARIE CHAREST

MATHIEU L'ÉCUYER

MICHEL DAVIAULT

INTERVENANTS « AJATAQ »

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           Les parties interjettent respectivement appel et appel incident d'un jugement de la Cour supérieure, district de Québec (l'honorable Jean Lemelin), qui, le 1er avril 2011, se prononce ainsi sur la requête introductive d'instance des appelants :

[227]    DÉCLARE nuls, inopérants et sans effet les articles 392 et 395 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP);

[228]    DÉCLARE nuls, inopérants et sans effet le Décret 370-2010 du 26 avril 2010 quant à son application à l'égard de la détermination du traitement des commissaires de la Commission des lésions professionnelles;

[229]    SUSPEND les effets de la présente déclaration d'invalidité jusqu'au 30 septembre 2011;

[230]    AVEC DÉPENS;

[…]

[2]           Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Morissette et Dufresne, LA COUR :

[3]           REJETTE l'appel principal, avec dépens;

[4]           ACCUEILLE l'appel incident pour partie, mais avec entiers dépens;

[5]           INFIRME pour partie le jugement de première instance;

[6]           ACCUEILLE la requête introductive d'instance amendée, sans frais, à la seule fin de déclarer que, dans la mesure où il a eu pour effet d'entraîner la réduction, en numéraire, de la rémunération de certains commissaires de la Commission des lésions professionnelles, le Décret 370-2010 du 26 avril 2010 est contraire à l'article 404 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et inapplicable dans cette même mesure;

[7]           ORDONNE en conséquence à l'intimé de faire le nécessaire pour qu'il soit procédé au rajustement de la rémunération des commissaires visés par le paragraphe précédent.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

Me Pascale Racicot

POUDRIER BRADET

Pour les appelants / intimés incidents

 

Me France Bonsaint

CHAMBERLAND, GAGNON

Pour l'intimé / appelant incident

 

Me Paule Veilleux

Me François LeBel

LANGLOIS KRONSTRÔM DESJARDINS

Pour les intervenants ACCRT

 

Me François LeBel

LANGLOIS KRONSTRÔM DESJARDINS

Pour les intervenants AJATAQ

 

Date d’audience :

Le 22 octobre 2012


 

 

MOTIFS DE LA JUGE BICH

 

 

[8]           Les commissaires de la Commission des lésions professionnelles (« CLP ») ont-ils l'indépendance requise par l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne[1], aux fins de l'exercice de leurs fonctions?

I.          Contexte

[9]           Les appelants[2] intentent en 2009 une action visant à faire constater par la Cour supérieure que « les conditions actuelles d'exercice de la charge d'adjudication dévolue aux commissaires de la CLP ne permettent pas de rencontrer les garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité au sens de l'article 23 de la Charte »[3] et, en conséquence, à faire déclarer nulles et inopérantes certaines des dispositions législatives et réglementaires fixant ces conditions. Ils réclament notamment que soit déclaré nul et inopérant le Décret 370-2010 du 26 avril 2010, décret relatif à la rémunération, qui contreviendrait non seulement à l'article 23 de la Charte québécoise mais aussi à l'article 404 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4]. Ils réclament enfin que, pour assurer l'indépendance nécessaire à l'exercice de leurs fonctions, leur rémunération soit désormais fixée grâce à un mécanisme qui s'apparenterait à celui dont bénéficient les juges des cours de justice.

[10]        Les conclusions des appelants sont fondées sur les propositions suivantes, que je résume à très grands traits :

-           La CLP exerçant des fonctions essentiellement juridictionnelles, à la manière des cours de justice, elle doit offrir aux justiciables les plus hautes garanties d'indépendance décisionnelle. L'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne n'exige pas moins, si l'on veut faire en sorte que la personne raisonnable ait confiance en une institution qui se prononce sur des questions liées à l'intégrité physique et psychique des individus et qui statue sur les décisions prononcées par un autre organisme de l'État, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (« CSST »), relevant par ailleurs du même ministre, celui du Travail.

-           En l'occurrence, les garanties offertes aux commissaires de la CLP ne suffisent pas.

-           Ainsi, d'une part, les commissaires sont nommés pour des mandats de cinq ans, renouvelables, ce qui affecte leur indépendance ou, plus exactement, l'image d'indépendance qu'ils doivent projeter. La personne raisonnable peut craindre, en effet, que les commissaires n'aient pas toute la latitude requise pour statuer et que, sauf à mettre en péril le renouvellement de leur mandat, ils puissent subir l'influence de l'autorité responsable des renouvellements. L'indépendance exige l'inamovibilité et requiert que les commissaires de la CLP soient nommés durant bonne conduite, à l'instar des membres du Tribunal administratif du Québec (« TAQ ») ou des juges.

-           D'autre part, les conditions de la rémunération des commissaires de la CLP (et, en particulier, le mode de fixation de leur rémunération initiale) n'assurent pas leur sécurité financière, créent entre eux des disparités injustifiées et ne répondent pas davantage à l'exigence d'indépendance en ce qu'elles les subordonnent, au moins en apparence, à l'appareil gouvernemental/politique. Seule la création d'un comité indépendant chargé d'examiner la rémunération des commissaires et d'effectuer des recommandations périodiques à ce sujet remplirait cette exigence. C'est un modèle que le gouvernement a du reste adopté récemment en ce qui concerne les procureurs aux poursuites criminelles et pénales et qui s'impose avec plus de nécessité encore dans le cas des commissaires de la CLP, vu les exigences de l'article 23 de la Charte québécoise.

-           Sur ce dernier point, le Décret 370-2010 du 26 avril 2010, qui a l'effet de réduire ou de bloquer la rémunération d'un grand nombre de commissaires de la CLP, illustre précisément l'insécurité financière dans laquelle ils se trouvent et, par ailleurs, enfreint l'article 404 L.a.t.m.p.

* *

[11]        Le 1er avril 2011, la Cour supérieure, district de Québec (l'honorable Jean Lemelin), déclare « nuls, inopérants et sans effet » les articles 392 et 395 L.a.t.m.p. de même que le Décret 370-2010 du 26 avril 2010, dans ce dernier cas « quant à son application à l'égard de la détermination du traitement des commissaires de la Commission des lésions professionnelles »[5].

[12]        Pour l'essentiel - et, là encore, je résume à grands traits -, le juge est d'avis que, conformément à l'article 23 de la Charte québécoise, les justiciables qui ont affaire à la CLP, organisme à vocation juridictionnelle, ont le droit d'exiger des garanties d'indépendance élevées, analogues à celles du TAQ, et ce, tant au regard de l'inamovibilité que de la sécurité financière.

[13]        Sur le premier point, estimant que le passage du temps et l'évolution juridique et sociale de la notion d'indépendance, aux fins de l'article 23 de la Charte québécoise, justifient d'aller plus loin que ne l'a fait la Cour dans Montambeault c. Brazeau[6] et Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal[7], le juge conclut que les commissaires de la CLP ne jouissent pas de l'inamovibilité nécessaire. Il invalide en conséquence les articles 392 et 395 L.a.t.m.p. La première de ces dispositions édicte que la durée du mandat d'un commissaire de la CLP est généralement de cinq ans et d'un an celle d'un membre autre qu'un commissaire. La seconde prévoit les conditions générales du processus de renouvellement du mandat d'un commissaire. Selon le juge, les commissaires de la CLP, comme leurs collègues du TAQ (qui jouissent de ce type d'inamovibilité depuis 2006[8]), doivent être nommés durant bonne conduite, ce qui les placera « dans une situation idéale pour exercer leurs fonctions avec assurance, quiétude et totale indépendance »[9].

[14]        Au chapitre de la sécurité financière, le juge considère cependant que la situation prévue par la loi et les règlements applicables est conforme aux garanties d'indépendance requises par l'article 23 de la Charte québécoise. Le fait que les commissaires ne reçoivent pas, au moment de leur nomination, le même traitement initial, qui est fixé selon des critères objectifs établis par règlement et applicables à tous, n'est pas de nature à créer chez le justiciable raisonnable et bien informé la crainte que le tribunal ne soit pas indépendant.

[15]        Cela dit, le juge conclut cependant que le Décret 370-2010 du 26 avril 2010, qui a eu l'effet de réduire la rémunération de certains commissaires, attente à la sécurité financière de tous et enfreint par ailleurs l'article 404 L.a.t.m.p. Cette disposition interdit la réduction de la rémunération des commissaires, ce qui inclut leur droit de progresser dans l'échelle de traitement et le droit d'obtenir un ajustement forfaitaire lorsqu'ils ont atteint le maximum de cette échelle (conformément à l'article 402 L.a.t.m.p., dont le juge ne parle pas, mais auquel il renvoie implicitement). Le Décret 370-2010 ayant l'effet de priver certains commissaires de leur droit à la progression ou à l'ajustement forfaitaire, il est nul.

[16]        Malgré cela et en raison des garanties financières accordées par ailleurs, le juge ne croit pas nécessaire d'ordonner ce que réclament les appelants, à savoir la mise sur pied d'un comité indépendant qui serait chargé d'étudier la rémunération des commissaires de la CLP et de faire des recommandations au gouvernement à ce propos, selon le modèle applicable aux cours de justice.

[17]        Dans un autre ordre d'idées, le jugement rejette également l'intervention du commissaire Simon Lemire, qui s'en prenait à l'article 24 du Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des commissaires de la Commission des lésions professionnelles[10] (« Règlement sur la rémunération »). Cette question n'étant pas débattue en appel, je n'y reviendrai plus.

* *

[18]        Les appelants et l'intimé se pourvoient contre ce jugement, les premiers réclamant qu'il soit révisé au chapitre de la sécurité financière (appel principal), le second qu'il soit infirmé en totalité et la requête introductive d'instance rejetée (appel incident). L'Association des juges administratifs du Tribunal administratif du Québec (« AJATAQ ») et l'Association des commissaires de la Commission des relations du travail (« ACCRT »), de même que certains de leurs membres respectifs, sont par la suite autorisés à intervenir au dossier en vertu de l'article 211 C.p.c.

[19]        Essentiellement, les parties reprennent devant la Cour le débat qui les a opposées devant la Cour supérieure, dans les mêmes termes. Les intervenants présentent des arguments allant dans le sens des propositions des appelants.

[20]        Les appelants soutiennent ainsi qu'il faut étendre aux tribunaux administratifs, du moins à ceux qui, comme la CLP, ont une vocation purement juridictionnelle, le principe cardinal de l'indépendance institutionnelle, source de l'impartialité décisionnelle et élément vital des sociétés démocratiques. L'indépendance est indispensable au règlement juste des litiges entre individus ou entre État et individus, au maintien de l'intégrité du système, à la défense des droits et libertés et à la confiance du justiciable dans l'administration de la justice. Dans la mesure où la justice est aujourd'hui largement remise entre les mains d'organismes relevant de l'ordre administratif, les garanties d'indépendance reconnues aux cours de justice doivent être semblablement reconnues aux tribunaux administratifs : en vertu de l'article 23 de la Charte québécoise, qui ne fait aucune distinction à cet égard, le justiciable a le droit d'être jugé par un tribunal indépendant. Cette indépendance, qui doit être et paraître, requiert ici, impérativement, que les commissaires de la CLP soient nommés pendant bonne conduite, plutôt que pour des mandats de cinq ans, renouvelables. C'est d'ailleurs la décision qu'a prise le législateur dans le cas du TAQ et rien ne justifie qu'il en aille autrement dans le cas de la CLP, organisme dont le statut est identique au regard de la Loi sur la justice administrative[11] et qui est saisi quotidiennement de questions importantes touchant l'intégrité physique et psychique des personnes. Au vu de la similitude entre les deux organismes, « la personne sensée et raisonnablement informée ignorera totalement pourquoi le législateur n'a pas étendu la protection de la nomination durant bonne conduite aux membres de la CLP »[12], ce qui engendrera chez elle « un inconfort certain, de même qu'une crainte plus que raisonnable »[13]. En outre, la CLP est constamment appelée à réviser les décisions d'un autre organisme de l'État québécois, la CSST, organisme qui relève du même ministre, à savoir celui du Travail. Seule une nomination durant bonne conduite - et donc à titre inamovible - peut garantir l'indépendance véritable des commissaires de la CLP aux yeux de la personne raisonnable, qui, ainsi, ne pourra plus craindre que la proximité entre la CLP, la CSST et le ministre du Travail soit source d'ingérence ni que les commissaires, désireux d'obtenir le renouvellement de leur mandat, soient tentés de décider en faveur de l'État plutôt que du justiciable qui conteste la décision de celui-ci.

[21]        En outre, selon les appelants, les différences dans le traitement initial accordé aux commissaires nouvellement nommés et les modalités de la majoration subséquente de ce traitement attentent à leur sécurité financière et, partant, à l'article 23 de la Charte québécoise. Qui plus est, le Décret 370-2010 montre bien la fragilité du statut des commissaires à cet égard et la possibilité d'une ingérence soudaine et préjudiciable de l'exécutif. La seule manière de remédier à cette lacune du système et d'assurer l'indépendance véritable des commissaires de la CLP est de constituer, sur le modèle applicable aux cours de justice, « un mécanisme indépendant, efficace et objectif qui fera des recommandations sur la rémunération et les conditions de travail de ces derniers et ce, de façon rétroactive à une date à être déterminée par cette honorable Cour »[14].

[22]        L'intimé, qui ne partage évidemment pas les vues des appelants, soutient de son côté que le juge de première instance a erré en écartant les arrêts Montambeault et Barreau de Montréal et en concluant que, afin de garantir leur indépendance au sens de l'article 23 de la Charte québécoise, les commissaires de la CLP devraient être nommés durant bonne conduite plutôt que pour des mandats à durée déterminée. Selon la jurisprudence, affirme l'intimé, un tel mandat est pourtant parfaitement acceptable à condition que, pendant son cours, un commissaire ne puisse être destitué sans cause et bénéficie d'une procédure conforme aux exigences de la justice naturelle. Or, les dispositions actuelles de la L.a.t.m.p. vont précisément dans ce sens et sont donc valides. Elles sont tout aussi valides en ce qui concerne le renouvellement du mandat, dont le mécanisme a été modelé sur l'enseignement de la Cour dans l'affaire Barreau de Montréal, précitée.

[23]        Il en va de même, selon l'intimé, au chapitre de la sécurité financière : les dispositions législatives et réglementaires contestées sont entièrement conformes aux exigences de l'article 23 de la Charte québécoise, tel qu'interprété par la jurisprudence. Les différences dans le traitement initial des commissaires sont sans rapport avec l'indépendance de ceux-ci ou celle de la CLP elle-même. Quant à la question de la progression dans l'échelle du traitement et de l'ajustement forfaitaire, l'intimé fait valoir que ces mesures sont garanties en des termes suffisants par le Règlement sur la rémunération. Le Décret 370-2010 ne porterait pas atteinte à cette sécurité financière et ne contreviendrait pas non plus à l'article 404 L.a.t.m.p., qui ne garantit pas la progression dans l'échelle ni l'ajustement forfaitaire prévus par l'article 402 L.a.t.m.p. et l'article 8 du Règlement sur la rémunération. Le gouvernement, qui peut réduire le traitement des juges des cours de justice, encore qu'à certaines conditions (voir Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard[15]), pouvait certainement adopter le décret litigieux. En l'occurrence, il a appliqué aux commissaires la politique généralement applicable à toutes les personnes dont la rémunération émarge aux fonds publics, ce qui est légal et légitime.

II.         Analyse

[24]        La question de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles des tribunaux administratifs est de celles qui ont fait couler passablement d'encre et paraît aujourd'hui largement résolue, du moins en principe. De façon générale, la jurisprudence (qu'elle soit fondée sur la Charte québécoise, la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits ou la common law) reconnaît que les tribunaux administratifs, entités qui ne font pas partie de la branche judiciaire de l'État, mais bien de la branche exécutive (ce que rappelait récemment la Cour, dans St-Pie (Municipalité de) c. Commission de protection du territoire agricole du Québec[16]), doivent présenter les garanties d'indépendance et d'impartialité qui assureront au justiciable que sa cause sera jugée selon la règle de droit, c'est-à-dire librement, sans ingérence ou pression de qui que ce soit et selon les faits de l'espèce. Ces garanties doivent également faire en sorte de distancer les tribunaux administratifs des autres organes de la branche exécutive, bien que les premiers ne soient pas constitutionnellement séparés des seconds. Elles assurent enfin le maintien de la confiance des justiciables dans l'administration de la justice, une justice qui, dans notre société démocratique, n'est plus du seul ressort du pouvoir judiciaire.

[25]        Cela dit, les tribunaux administratifs ne sont pas des cours de justice, leurs membres ne font pas partie de l'ordre judiciaire[17] et les garanties d'indépendance et d'impartialité institutionnelles dont les premiers doivent bénéficier dans l'intérêt des justiciables n'ont pas à être identiques à ceux des secondes et, en particulier, n'ont pas à être celles des cours supérieures, dont la mission de gardien de l'ordre constitutionnel est d'une nature autre, et beaucoup plus vaste[18]. La Cour suprême a d'ailleurs eu l'occasion de préciser à quelques reprises que le contenu particulier des exigences d'indépendance et d'impartialité institutionnelles applicables aux tribunaux administratifs, exigences issues de la justice naturelle, varie en effet selon la volonté du législateur[19] et selon l'ensemble des fonctions du tribunal en cause, ce qui requiert une analyse contextuelle[20]. Dans Cie pétrolière Impériale ltée c. Québec (Ministre de l’Environnement)[21], le juge LeBel, pour la Cour suprême, résume ainsi l'état du droit sur ce point :

31                Le raisonnement de l’appelante traite ainsi le ministre, à toutes fins utiles, comme un juge de l’ordre judiciaire, que son intérêt personnel dans une affaire rendrait apparemment partial aux yeux d’un tiers objectif et correctement informé. On oublie alors que le contenu de l’obligation d’impartialité, tout comme celui de l’ensemble des règles d’équité procédurale, est susceptible de varier pour s’adapter au contexte de l’activité d’un décideur administratif et à la nature de ses fonctions (Baker, précité, par. 21; Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, p. 682, la juge L’Heureux-Dubé; SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, p. 323-324, le juge Gonthier; Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, p. 636, le juge Cory). Cette variabilité du contenu effectif des principes de justice naturelle reflète la très grande diversité des situations des décideurs administratifs et des rôles qu’ils sont appelés à jouer, conformément à la volonté des législateurs (Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, 2001 CSC 52, par. 24, la juge en chef McLachlin). Les catégories d’organismes administratifs visés vont du tribunal administratif qui, dans son travail juridictionnel, est très voisin des tribunaux judiciaires, comme par exemple les arbitres de griefs en droit du travail, aux organismes remplissant des tâches multiples, où la fonction juridictionnelle ne constitue qu’un aspect d’attributions étendues qui incluent parfois l’exercice de pouvoirs réglementaires. La notion de décideur administratif inclut enfin des gestionnaires administratifs comme des ministres ou des fonctionnaires appelés à remplir des fonctions discrétionnaires, à contenu politique, au sein de l’appareil gouvernemental. L’intensité des obligations que les principes de justice naturelle imposent au décideur administratif dépend alors de la nature des fonctions exercées et de la volonté du législateur. Il faut à chaque fois examiner attentivement l’ensemble des dispositions qui définissent les fonctions d’un décideur administratif et le cadre de son action. Seule cette analyse permet de déterminer le contenu effectif des obligations d’équité procédurale pertinentes.[22]

[26]        La chose n'est pas étonnante, du reste, puisque les exigences d'indépendance et d'impartialité institutionnelles peuvent elles-mêmes varier dans le cas des cours de justice, selon que l'on a affaire à une cour supérieure, qui jouit des garanties les plus élevées, constitutionnellement protégées par des dispositions explicites (art. 96, 99 et 100 de la Loi constitutionnelle de 1867), à une autre cour de justice ou encore à un autre décideur judiciaire[23] (par l'effet d'une règle constitutionnelle non écrite issue du préambule de cette même loi constitutionnelle et par l'effet, le cas échéant, de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne)[24].

[27]        Les garanties conférées en cette matière aux tribunaux administratifs, et qui trouvent leur source dans les règles de la justice naturelle[25], peuvent donc varier et elles varieront en fonction de la nature précise du pouvoir décisionnel et des modalités d'exercice de ce pouvoir, le tout sous réserve des termes de la loi. Dans cet ordre fluctuant, le tribunal administratif qui exerce des fonctions purement juridictionnelles - et la Cour suprême, là encore, l'a confirmé - doit offrir le niveau de garantie le plus élevé, niveau qui n'a cependant pas, je me permets de le répéter, à être celui des cours supérieures ni même celui des autres cours de justice. Dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone[26], la Cour suprême, sous la plume conjointe de la juge en chef et du juge Bastarache, fait en ces termes le point sur la question - et l'on voudra bien pardonner la longueur de la citation qui suit et qui établit les principes devant à mon avis régir l'issue du présent pourvoi :

17        Les exigences d’indépendance et d’impartialité en common law sont reliées. Ce sont deux composantes de la règle de l’objectivité exprimée par la maxime latine nemo debet esse judex in propria sua causa. Elles visent toutes deux à préserver la confiance du public dans l’équité des organismes administratifs et de leurs processus décisionnels. Les critères juridiques d’appréciation de l’indépendance et de l’impartialité renvoient donc à la perception d’une personne ordinaire raisonnable et bien renseignée. Dans les deux cas, il faut se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. (Voir Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, p. 394, le juge de Grandpré, dissident.)

[…]

21                Les exigences de l’équité procédurale — comprenant les exigences d’indépendance et d’impartialité — varient d’un tribunal à l’autre. Comme le juge Gonthier l’a affirmé dans SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, p. 324 : « les règles de justice naturelle n’ont pas un contenu fixe sans égard à la nature du tribunal et aux contraintes institutionnelles auxquelles il est soumis ». Au contraire, leur contenu varie. Comme le juge Cory l’a expliqué dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, p. 636, les exigences procédurales qui s’appliquent à un tribunal particulier « tien[nent] à la nature et à la fonction du tribunal en question » (voir également Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, par. 82, et Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, par. 21-22, la juge L’Heureux-Dubé). Comme la Cour l’a fait remarquer dans Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, 2001 CSC 52, les tribunaux administratifs exercent différentes fonctions et « [o]n peut considérer [. . .] qu’ils chevauchent la ligne de partage constitutionnelle entre l’exécutif et le judiciaire » (par. 24). Certains tribunaux administratifs se situent davantage à l’extrémité exécutive de l’échelle : ils sont destinés avant tout à élaborer des politiques gouvernementales particulières et à en contrôler la mise en œuvre. Ces tribunaux ne demandent pas nécessairement de bien grandes protections procédurales. D’autres tribunaux, toutefois, se situent davantage à l’extrémité judiciaire de l’échelle : ils sont destinés avant tout à régler des différends à la suite d’une audience quelconque. Les tribunaux de ce genre peuvent être dotés de procédures et de pouvoirs semblables à ceux des cours de justice. Ces pouvoirs sont parfois accompagnés d’exigences rigoureuses en matière d’équité procédurale, notamment d’une exigence d’indépendance plus élevée (voir Newfoundland Telephone, p. 638, le juge Cory, et Russell c. Duke of Norfolk, [1949] 1 All E.R. 109 (C.A.)).

22                Affirmer que les tribunaux chevauchent la ligne de partage entre l’exécutif et le judiciaire ne signifie pas qu’il n’existe que deux types de tribunaux — les tribunaux quasi judiciaires, qui requièrent toute la gamme des protections procédurales, et les tribunaux quasi exécutifs, qui requièrent des protections beaucoup moins importantes. Un tribunal peut exercer plusieurs fonctions différentes, dont une consiste à tenir des audiences équitables et impartiales semblables à celles des cours de justice et une autre consiste à veiller à la mise en œuvre de certaines politiques gouvernementales. Dans la détermination du contenu des exigences de l’équité procédurale auxquelles un tribunal particulier est assujetti, il faut tenir compte de l’ensemble des fonctions exercées par ce tribunal. Il est inapproprié de qualifier un tribunal de « quasi judiciaire » en raison de l’une de ses fonctions, tout en considérant un autre aspect du régime législatif qui crée ce tribunal — par exemple, l’obligation de ce tribunal de suivre les directives interprétatives établies par un organisme spécialisé ayant une expertise dans ce domaine du droit — comme si cet aspect était étranger à l’objectif véritable du tribunal. Il faut examiner tous les aspects de la structure du tribunal prévus dans sa loi habilitante et tenter d’établir précisément quelle combinaison de fonctions le législateur a voulu que ce tribunal exerce et quelles protections procédurales conviennent à un organisme investi de ces fonctions particulières.

23                La principale fonction du Tribunal canadien des droits de la personne est de nature juridictionnelle. Il tient des audiences formelles sur les plaintes dont il est saisi par la Commission. Il détient plusieurs des pouvoirs d’une cour de justice. Il est habilité à statuer sur des faits, à interpréter et à appliquer le droit aux faits qui lui sont soumis et à accorder les redressements appropriés. De plus, ses audiences sont structurées sensiblement de la même façon qu’un procès formel devant une cour de justice. Les parties en présence devant le tribunal présentent une preuve, font entendre et contre-interrogent des témoins, et présentent des observations sur l’application du droit aux faits. Le Tribunal ne participe pas à l’élaboration des politiques et ne mène pas ses propres enquêtes indépendantes sur les plaintes : le législateur a délibérément attribué les fonctions d’enquête et d’élaboration de politiques à un organisme différent, soit la Commission.

24                Le fait que le Tribunal fonctionne sensiblement de la même manière qu’une cour de justice indique qu’il convient que ses membres jouissent d’un degré élevé d’indépendance par rapport à l’exécutif. Un degré élevé d’indépendance est également opportun compte tenu des droits qui sont touchés par les procédures engagées devant le Tribunal — comme le droit du plaignant à sa dignité, l’intérêt du public à ce que la discrimination soit éliminée et la réputation de la partie à qui on reproche des actes discriminatoires. Rien n’indique dans la Loi que le législateur avait l’intention de ne pas accorder un degré élevé d’indépendance aux membres du Tribunal. La rémunération de ses membres est fixée par le gouverneur en conseil et ne dépend pas de leur rendement au Tribunal : voir par. 48.6(1). Les membres sont nommés pour une période fixe d’au plus cinq ans (ou d’au plus sept ans, dans le cas du président et du vice-président) (par. 48.2(1)); leur mandat ne peut être prolongé que pour leur permettre de terminer les affaires dont ils sont saisis. De plus, le président ne peut être révoqué que pour un motif déterminé; et un membre ne peut être révoqué ni soumis à des mesures disciplinaires avant que le président exerce son pouvoir de demander au ministre de la Justice d’examiner la situation et que le ministre demande au gouverneur en conseil de nommer un juge qui mènera une enquête complète (art. 48.3). Toutes ces caractéristiques du régime législatif indiquent que le législateur voulait que le Tribunal fasse preuve d’un degré élevé d’indépendance par rapport à l’exécutif.

25        Examinons maintenant la question de l’impartialité. Le critère qui s’applique à la question de l’impartialité est le même que celui qui s’applique à la question de l’indépendance (R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, p. 143, le juge en chef Lamer, citant Valente, précité, p. 684 et 689). Le tribunal est impartial s’il satisfait au critère établi par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty, précité, p. 394 : une personne bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique éprouverait-elle une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas? Le juge en chef Lamer a précisé, dans Lippé, que des allégations de partialité sur le plan institutionnel ne peuvent être formulées que si le facteur contesté créerait une crainte raisonnable de partialité chez une personne parfaitement informée dans un grand nombre de cas (p. 144).

[…]

29                Bell prétend également que le Tribunal est lié par un principe constitutionnel — le « principe non écrit de l’indépendance de la magistrature » — qui lui attribue le même degré d’indépendance qu’à un tribunal visé à l’art. 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 : Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3. Bell ne cite aucune source à l’appui de cet argument. En sa qualité de tribunal administratif assujetti au pouvoir de surveillance des tribunaux visés par l’art. 96, le Tribunal ne doit pas obligatoirement présenter toutes les caractéristiques d’une cour de justice. Comme nous l’avons déjà mentionné, le législateur a conféré un niveau élevé d’indépendance au Tribunal, sans aller jusqu’à en faire une cour de justice, mais en lui assurant néanmoins l’appui de protections adaptées à sa fonction.

30                Bell a fait valoir, subsidiairement, que ce principe constitutionnel s’applique et assujettit le Tribunal à la norme de l’équité procédurale en common law. Étant donné que la norme fixée par la common law est respectée, comme nous l’expliquons au par. 53, cette prétention n’est d’aucun secours pour Bell.

31                La présente analyse montre que le Tribunal, bien qu’il ne soit pas assujetti à la norme d’indépendance la plus élevée par application du principe constitutionnel non écrit de l’indépendance juridictionnelle, doit agir de façon impartiale et satisfaire à une norme d’indépendance relativement élevée, aussi bien en vertu de la common law qu’en vertu de l’al. 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

[28]        On notera le paragraphe 24 de ce passage, qui établit que le Tribunal canadien des droits de la personne, instance essentiellement juridictionnelle, jouit des garanties suivantes, qui sont considérées comme élevées, juste en dessous des garanties constitutionnelles d'indépendance et d'impartialité : rémunération qui, bien que fixée par le gouverneur en conseil, ne dépend pas du rendement; mandat d'une durée maximale de cinq ans (sept dans le cas du président et du vice-président), non renouvelable (mais prolongation possible pour permettre au membre de terminer une affaire en cours); révocation ou mesures disciplinaires ne pouvant être imposées par le ministre de la Justice qu'à la demande du président du Tribunal et après enquête par un juge.

[29]        Tous les principes exposés ci-dessus s'appliquent, inutile de le dire, aux tribunaux administratifs québécois. Qu'en est-il donc, en l'espèce, de la CLP et de ses commissaires?

* *

[30]        Établie par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (art. 367 et s.), la CLP, et cela n'est ni contesté ni contestable, est un tribunal administratif exerçant des fonctions essentiellement juridictionnelles, qualification que n'est pas susceptible d'altérer le fait qu'elle puisse, dans son rapport annuel au ministre du Travail, « faire des recommandations sur les lois, les règlements, les politiques, les programmes et les pratiques administratives qui relèvent de sa compétence » (art. 381 L.a.t.m.p.). L'article 369 définit ainsi sa mission :

369.     La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451[27];

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1)[28].

369.     The board shall, to the exclusion of any other tribunal, make determinations on

(1) proceedings brought under section 359, 359.1, 450 or 451;

(2) proceedings brought under section 37.3 or 193 of the Act respecting occupational health and safety (chapter S-2.1).

[31]        La CLP, dont les décisions sont finales[29] (sauf révision judiciaire par la Cour supérieure) participe ainsi, par sa mission juridictionnelle, à la mise en œuvre d'une politique législative importante, à savoir le régime de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que de compensation et de réhabilitation des victimes de tels incidents. Ce régime, désormais régi par la Loi sur la santé et la sécurité du travail[30] et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, est l'une des assises du filet social québécois.

[32]        La manière dont la CLP doit exercer et, de fait, exerce ses fonctions l'apparente à une cour de justice, en ce que, par exemple, elle tient des audiences sur les recours dont elle est saisie par les travailleurs (incluant des employés de l'État) ou les employeurs (incluant des entités étatiques), audiences qui, malgré la souplesse préconisée par la loi, ont l'allure de procès (les parties y présentent leur preuve, interrogent et contre-interrogent les témoins, présentent leurs observations sur le litige, etc.)[31]. Elle est habilitée à statuer sur les faits, sur l'interprétation de sa loi habilitante ou de tout autre disposition législative pertinente et elle applique le droit aux faits[32]. Elle peut même être appelée à se prononcer sur la constitutionnalité d'une disposition législative de son ressort, encore que, conformément à l'enseignement de la Cour suprême dans Okwuobi c. Commission scolaire Lester-B.-Pearson; Casimir c. Québec (Procureur général); Zorrilla c. Québec (Procureur général)[33], ses décisions à cet égard ont une portée limitée :

44                Nous sommes d’accord pour l’essentiel avec les intimés. Sur la question des réparations, les appelants soulignent à bon droit que le TAQ ne peut prononcer une déclaration formelle d’invalidité. À notre avis, ce motif ne suffit pas pour passer outre à la compétence exclusive du Tribunal. Ainsi que notre Cour l’a décidé dans l’arrêt Martin, les réparations constitutionnelles relevant des tribunaux administratifs demeurent effectivement limitées et n’incluent pas les déclarations générales d’invalidité (par. 31). La décision d’un tribunal administratif concluant à l’invalidité d’une disposition législative au regard de la Charte canadienne ne lie pas non plus les décideurs qui se prononceront ultérieurement. Comme l’a fait observer le juge Gonthier au par. 31 : « [c]e n’est qu’en obtenant d’une cour de justice une déclaration formelle d’invalidité qu’une partie peut établir, pour l’avenir, l’invalidité générale d’une disposition législative. »

[33]        La Cour suprême parle du TAQ dans cette affaire, mais son propos s'applique aussi bien à la CLP, tout comme il s'appliquerait à la Commission des relations du travail (« CRT ») ou à tout autre tribunal administratif du genre.

[34]        En tant que tribunal administratif, la CLP (et la même chose a été dite du TAQ, comme on l'a vu précédemment[34], et pourrait l'être de la CRT ou de la Régie du logement) appartient à l'ordre administratif de l'État (lui-même composante de la branche exécutive), appartenance que consacre la Loi sur la justice administrative, notamment en ses articles 1 et 9 :

1.         La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des administrés.

            Elle établit les règles générales de procédure applicables aux décisions individuelles prises à l'égard d'un administré. Ces règles de procédure diffèrent selon que les décisions sont prises dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle. Elles sont, s'il y a lieu, complétées par des règles particulières établies par la loi ou sous l'autorité de celle-ci.

            La présente loi institue également le Tribunal administratif du Québec et le Conseil de la justice administrative.

1.         The purpose of this Act is to affirm the specific character of administrative justice, to ensure its quality, promptness and accessibility and to safeguard the fundamental rights of citizens.

            This Act establishes the general rules of procedure applicable to individual decisions made in respect of a citizen. Such rules of procedure differ according to whether a decision is made in the exercise of an administrative or adjudicative function, and are, if necessary, supplemented by special rules established by law or under its authority.

            This Act also institutes the Administrative Tribunal of Québec and the Conseil de la justice administrative.

9.         Les procédures menant à une décision prise par le Tribunal administratif du Québec ou par un autre organisme de l'ordre administratif chargé de trancher des litiges opposant un administré à une autorité administrative ou à une autorité décentralisée sont conduites, de manière à permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d'agir de façon impartiale.

9.         The procedures leading to a decision to be made by the Administrative Tribunal of Québec or by another body of the administrative branch charged with settling disputes between a citizen and an administrative authority or a decentralized authority must, so as to ensure a fair process, be conducted in keeping with the duty to act impartially.

[35]        Qu'en est-il du degré d'indépendance dont devrait jouir la CLP et ses commissaires aux fins de l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles?

[36]        Le législateur québécois a choisi, pour l'ensemble des tribunaux relevant de sa compétence, une norme d'indépendance générale élevée, que consacre la Charte québécoise, instrument de portée quasi constitutionnelle. En tant que tribunal exerçant des fonctions essentiellement juridictionnelles, la CLP, organisme quasi judiciaire, est en effet visée par l'article 56, paragr. 1, de la Charte québécoise :

56. 1.   Dans les articles 9, 23, 30, 31, 34 et 38, dans le chapitre III de la partie II ainsi que dans la partie IV, le mot «tribunal» inclut un coroner, un commissaire-enquêteur sur les incendies, une commission d'enquête et une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires.

56. (1)  In sections 9, 23, 30, 31, 34 and 38, in Chapter III of Part II and in Part IV, the word “tribunal” includes a coroner, a fire investigation commissioner, an inquiry commission, and any person or agency exercising quasi judicial functions.

[37]        Par conséquent, à l'instar d'ailleurs du TAQ ou de la CRT, elle se trouve visée par l'article 23 de cette même charte, qui confirme le caractère fondamental de l'indépendance et de l'impartialité décisionnelles :

23.       Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.

            Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.

23.       Every person has a right to a full and equal, public and fair hearing by an independent and impartial tribunal, for the determination of his rights and obligations or of the merits of any charge brought against him.

 

 

            The tribunal may decide to sit in camera, however, in the interests of morality or public order.

[38]        Se trouvent ainsi formellement avalisées en droit québécois les règles rappelées plus haut, qui existent, selon que l'on a affaire à une cour de justice ou à un décideur administratif, en vertu d'un principe constitutionnel explicite ou implicite ou en vertu des règles de justice naturelle issues de la common law.

[39]        L'indépendance de l'article 23 de la Charte québécoise n'est pas l'indépendance d'esprit (qui se rattache plutôt à l'exigence d'impartialité personnelle[35]), qui n'est d'ailleurs pas en jeu dans le présent pourvoi. Il s'agit plutôt de l'indépendance structurelle du tribunal, à la fois individuelle et collective, qui repose sur les trois piliers que sont, comme on le reconnaît au moins depuis l'arrêt Valente c. La Reine[36], l'inamovibilité des décideurs, la sécurité financière de ceux-ci et l'autonomie administrative. C'est bien ce que reconnaissent les arrêts 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)[37] et Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal[38], qui reconnaissent également que l'article 23 n'impose pas une norme rigide et applicable identiquement à toutes les cours et tous les tribunaux, mais une norme souple qui s'inscrit à l'intérieur d'un éventail de possibilités.

[40]        C'est ainsi que, bien qu'elles soient dans tous les cas essentielles, l'inamovibilité, la sécurité financière et l'autonomie administrative ne sont pas toutes atteintes par l'octroi des mêmes garanties exactement. Comme on le sait, les garanties accordées aux tribunaux administratifs n'ont pas à être celles des cours supérieures ni celles des autres cours de justice et varieront selon la nature et le contexte de leurs fonctions, selon la question de savoir s'ils statuent sur les droits de l'État ou les décisions de celui-ci ou sur des litiges privés, etc. La situation de chaque tribunal doit être évaluée à la lumière de la réaction du justiciable raisonnable et bien informé, qui étudierait la question en profondeur, mais de manière réaliste[39]. Ce justiciable, ayant examiné les conditions de la nomination des décideurs, les garanties associées à leur sécurité financière et la question de leur autonomie administrative, craindrait-il que le tribunal soit ou paraisse à la solde de l'État, d'une partie, d'un groupe de pression, d'un tiers à la décision ou qu'il soit vulnérable à la corruption tant financière que morale et rende des décisions qui ne soient pas fondées que sur le droit et les faits du litige? Cet exercice, précisons-le, implique à la fois un examen des conditions individuelles de l'indépendance, mais aussi un exercice de soupèsement global : c'est l'ensemble des garanties offertes que l'on doit étudier, pour en tirer une conclusion générale[40].

[41]        En l'espèce, le justiciable en question ne pourrait conclure qu'une chose : la CLP (comme le TAQ ou la CRT) jouit de garanties qui assurent suffisamment son indépendance et qui ne sont pas de nature à soulever quelque crainte raisonnable à cet égard. Pour s'en convaincre, examinons maintenant les garanties que le législateur québécois accorde à la CLP et à ses membres en ce qui concerne l'inamovibilité, la sécurité financière et l'autonomie administrative.

* *

[42]        Inamovibilité. La Cour suprême, que ce soit dans Valente c. La Reine[41], dans 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)[42] ou dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone[43], et notre Cour, en particulier dans Montambeault c. Brazeau[44] et Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal[45], s'accordent : le fait que les décideurs d'un tribunal administratif, même lorsque celui-ci est investi d'une mission importante, socialement ou autrement, soient nommés pour des mandats à durée déterminée répond à l'exigence de l'inamovibilité, à condition cependant que « la charge soit à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations »[46]. Cela signifie, comme l'écrit le juge Gonthier, pour la majorité, dans Régie des permis d'alcool, que :

67        Les conditions d'emploi des régisseurs se conforment à mon avis aux exigences minimales d'indépendance. Celles-ci ne requièrent pas que tous les juges administratifs occupent, à l'instar des juges des tribunaux judiciaires, leur fonction à titre inamovible. Les mandats à durée déterminée, fréquents, sont acceptables. Il importe toutefois que la destitution des juges administratifs ne soit pas laissée au bon plaisir de l'exécutif. Le juge Le Dain résumait ainsi les exigences d'inamovibilité dans l'affaire Valente, à la p. 698 :

que le juge ne puisse être révoqué que pour un motif déterminé, et que ce motif fasse l'objet d'un examen indépendant et d'une décision selon une procédure qui offre au juge visé toute possibilité de se faire entendre. L'essence de l'inamovibilité pour les fins de l'al. 11d), que ce soit jusqu'à l'âge de la retraite, pour une durée fixe, ou pour une charge ad hoc, est que la charge soit à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations

[Je souligne.]

[43]        Or, c'est le cas en l'espèce, les commissaires de la CLP ne pouvant être destitués au bon plaisir de l'exécutif et leur charge étant à l'abri de l'intervention discrétionnaire ou arbitraire de celui-ci. Voyons ce qu'il en est.

[44]        L'article 392 L.a.t.m.p. prévoit un mandat initial de cinq ans pour les commissaires (et un an pour les autres membres, qui ne sont pas visés par le présent pourvoi et dont je ne parlerai plus). Ce mandat est renouvelable selon des modalités qui seront examinées plus loin. L'article 397 L.a.t.m.p. prévoit de son côté que le mandat d'un membre, incluant le commissaire, ne peut prendre fin avant terme que par son admission à la retraite, sa démission ou sa destitution. Cette dernière, selon l'article 400 L.a.t.m.p., ne peut survenir que « lorsque le Conseil de la justice administrative le recommande, après enquête tenue à la suite d'une plainte pour un manquement au Code de déontologie, à un devoir imposé par le présent chapitre ou aux prescriptions relatives aux conflits d'intérêts ou aux fonctions incompatibles ». Les articles 184 à 192 L.j.a., dispositions conformes aux règles de la justice naturelle, régissent cette enquête et prévoient notamment que doit être entendu celui ou celle contre qui la plainte a été faite. L'article 399 permet également au gouvernement de démettre le membre (incluant le commissaire) qui a perdu une qualité requise par la loi pour l'exercice de sa fonction ou qui est atteint d'une incapacité permanente l'empêchant de remplir ses fonctions de manière satisfaisante. Dans ce dernier cas, le Conseil de la justice administrative doit faire enquête conformément aux articles 193 à 197 L.j.a., dispositions qui sont conformes aux règles de la justice naturelle. Précisons enfin que le Conseil de la justice administrative, créé par les articles 165 et suivants L.j.a. sur le modèle du Conseil de la magistrature établi par la Loi sur les tribunaux judiciaires[47], est un organisme dont la composition et les fonctions sont les suivantes :

167.     Le Conseil est formé des membres suivants :

 1° le président du Tribunal administratif du Québec;

 2° un membre du Tribunal administratif du Québec choisi après consultation de l'ensemble de ses membres et qui n'en est pas vice-président;

 3° le président de la Commission des lésions professionnelles;

 4° un membre de la Commission des lésions professionnelles choisi après consultation de l'ensemble de ses commissaires et qui n'en est pas vice-président;

 5° le président de la Commission des relations du travail;

 6° un membre de la Commission des relations du travail choisi après consultation de l'ensemble de ses commissaires et qui n'en est pas vice-président;

 7° le président de la Régie du logement;

 8° un membre de la Régie du logement choisi après consultation de l'ensemble de ses régisseurs et qui n'en est pas vice-président;

 9° neuf autres personnes qui ne sont pas membres de l'un de ces organismes, dont deux seulement sont avocats ou notaires et sont choisis après consultation de leur ordre professionnel.

167.     The council shall be composed of the following members:

 (1) the president of the Administrative Tribunal of Québec;

 (2) a member of the Administrative Tribunal of Québec other than the vice-president, chosen after consultation with all the members of the Tribunal;

 (3) the president of the Commission des lésions professionnelles;

 (4) a member of the Commission des lésions professionnelles other than the vice-president, chosen after consultation with all the commissioners of that Commission;

 (5) the president of the Commission des relations du travail;

 (6) a member of the Commission des relations du travail other than the vice-president, chosen after consultation with all the commissioners of that Commission;

 (7) the chairman of the Régie du logement;

 (8) a member of the Régie du logement other than the vice-chairman, after consultation with all the commissioners of the Régie; and

 (9) nine other persons who are not members of any of those bodies, two of whom only shall be advocates or notaries chosen after consultation with their professional order.

168.     Les membres visés aux paragraphes 2°, 4°, 6°, 8° et 9° de l'article 167 sont nommés par le gouvernement qui désigne, parmi ceux qui ne sont pas membres de l'un des organismes mentionnés aux paragraphes 1° à 8°, le président du Conseil.

 

            Leur mandat est de trois ans et il ne peut être renouvelé consécutivement qu'une fois.

            Ils demeurent en fonction jusqu'à ce qu'ils soient remplacés ou nommés de nouveau.

            Tout membre peut, à la fin de son mandat, continuer à exercer ses fonctions pour terminer les affaires qu'il a déjà commencé à entendre et sur lesquelles il n'a pas encore statué.

168.     The members referred to in paragraphs 2, 4, 6, 8 and 9 of section 167 shall be appointed by the Government, which shall designate the chairman of the council from among the members who are not members of any of the bodies referred to in paragraphs 1 to 8 of that section.

 

            The term of office of the members is three years and may be renewed only once.

            At the expiry of their term, the members shall remain in office until they are replaced or reappointed.

            At the end of his term, each member may continue to perform his duties to conclude the cases he has begun to hear but has yet to determine.

177.     Outre celles qui lui sont confiées par la loi, le Conseil exerce les fonctions suivantes à l'égard du Tribunal administratif du Québec ou de ses membres :

 1° (paragraphe abrogé);

 2° édicter un code de déontologie applicable aux membres du Tribunal;

 

 3° recevoir et examiner toute plainte formulée contre un membre en application du chapitre IV;

 4° faire enquête, à la demande du ministre ou du président du Tribunal, en vue de déterminer si un membre est atteint d'une incapacité permanente;

 5° faire enquête, à la demande du ministre, sur tout manquement invoqué pour révoquer le président ou un vice-président du Tribunal de sa charge administrative dans le cas prévu à l'article 66;

 6° (paragraphe abrogé).

            Le Conseil peut également faire rapport au ministre sur toute question que ce dernier lui soumet et lui faire des recommandations quant à l'administration de la justice administrative par les organismes de l'Administration dont les présidents sont membres du Conseil.

177.     In addition to the functions assigned to it by law, the functions of the council in respect of the Administrative Tribunal of Québec and its members are

 (1) (subparagraph repealed);

 (2) to establish a code of ethics applicable to the members of the Tribunal;

 (3) to receive and examine any complaint lodged against a member pursuant to Chapter IV;

 (4) to inquire, at the request of the Minister or of the president of the Tribunal, into whether a member is suffering from a permanent disability;

 

 (5) to inquire, at the request of the Minister, into any lapse raised as grounds for removal of the president or a vice-president of the Tribunal from his administrative office in the case provided for in section 66;

(6) (subparagraph repealed).

            The council may also report to the Minister on any matter the Minister may submit to the council and make recommendations to the Minister concerning the administration of administrative justice by the bodies of the Administration whose president or chairman is a member of the council.

[45]        Notons la ressemblance avec le Conseil de la magistrature créé par la Loi sur les tribunaux judiciaires :

248.     Le conseil est formé de 15 membres, soit :

 a) du juge en chef de la Cour du Québec qui en est le président;

 

 b) du juge en chef associé de la Cour du Québec;

c) des 4 juges en chef adjoints de la Cour du Québec;

 d) d'un juge-président d'une cour municipale;

 d.1) d'un juge choisi parmi les personnes exerçant la fonction de président du Tribunal des droits de la personne ou du Tribunal des professions;

 d.2) (paragraphe abrogé);

 e) de 2 juges choisis parmi les juges de la Cour du Québec et nommés sur la recommandation de la Conférence des juges du Québec;

 

 f) d'un juge choisi parmi les juges des cours municipales et nommé sur la recommandation de la Conférence des juges municipaux du Québec;

 

 g) de 2 avocats nommés sur la recommandation du Barreau du Québec;

 h) de 2 personnes qui ne sont ni juges ni avocats.

248.     The council shall be composed of 15 members, namely:

(a) the chief judge of the Court of Québec who shall be the chairman of the council;

(b) the senior associate chief judge of the Court of Québec;

 (c) the four associate chief judges of the Court of Québec;

 (d) a president judge of a municipal court;

 (d.1) one judge chosen among the persons exercising the functions of president of the Human Rights Tribunal, or chairman of the Professions Tribunal;

 (d.2) (paragraph repealed);

 (e) two judges chosen among the judges of the Court of Québec and appointed upon the recommendation of the Conférence des juges du Québec;

(f) one judge chosen among the judges of the Municipal Courts and appointed upon the recommendation of the Conférence des juges municipaux du Québec;

 (g) two advocates appointed upon the recommendation of the Barreau du Québec;

 (h) two persons who are neither judges nor advocates.

249.     Le gouvernement nomme les membres du conseil visés aux paragraphes d, d.1 et e à h de l'article 248. Ceux-ci doivent, pour siéger au conseil, prêter le serment contenu à l'annexe III devant le juge en chef ou le juge en chef associé de la Cour du Québec.

 

            Le vice-président du conseil est élu par le conseil parmi ses membres.

            Le mandat des membres du conseil nommés en vertu du premier alinéa est d'au plus trois ans; à l'expiration de leur mandat, ces membres restent en fonction jusqu'à ce qu'ils soient remplacés ou nommés de nouveau.

249.     The Government shall appoint the members of the council contemplated in paragraphs d, d.1 and e to h of section 248. To sit on the council, those members shall make the oath contained in Schedule III before the chief judge or the senior associate chief judge of the Court of Québec.

            The vice-chairman of the council is elected by the council from among its members.

            The term of office of the members of the council appointed under the first paragraph is not more than three years; at the expiry of their term, these members remain in office until they are replaced or reappointed.

256.     Le conseil a pour fonctions :

 

 a) d'organiser, conformément au chapitre II de la présente partie, des programmes de perfectionnement des juges;

 b) d'adopter, conformément au chapitre III de la présente partie, un code de déontologie de la magistrature;

 c) de recevoir et d'examiner toute plainte formulée contre un juge auquel s'applique le chapitre III de la présente partie;

 d) de favoriser l'efficacité et l'uniformisation de la procédure devant les tribunaux;

 e) de recevoir les suggestions, recommandations et demandes qui lui sont faites relativement à l'administration de la justice, de les étudier et de faire au ministre de la Justice les recommandations appropriées;

 f) de coopérer, suivant la loi, avec tout organisme qui, à l'extérieur du Québec, poursuit des fins similaires; et

 g) de connaître des appels visés à l'article 112.

256.     The functions of the council are:

 (a) to organize, in accordance with Chapter II of this Part, refresher programs for judges;

 

 (b) to adopt, in accordance with Chapter III of this Part, a judicial code of ethics;

 

 (c) to receive and examine any complaint lodged against a judge to whom Chapter III of this Part applies;

 

 (d) to promote the efficiency and uniformization of procedure before the courts;

 (e) to receive suggestions, recommendations and requests made to it regarding the administration of justice, to study them and to make the appropriate recommendations to the Minister of Justice;

 

 (f) to cooperate, in accordance with the law, with any body pursuing similar purposes outside Québec, and

 

 (g) to hear and decide appeals under section 112.

[46]        L'analogie est également à faire avec les dispositions semblables que l'on retrouve dans la Loi sur les juges[48], en ce qui concerne les juges des cours supérieures.

[47]        Manifestement, la destitution des commissaires de la CLP n'est pas « laissée au bon plaisir » du gouvernement (et plus précisément de l'exécutif ou de l'autorité qui a procédé à la nomination), mais se fait selon des règles qui sont entièrement conformes aux principes de l'indépendance juridictionnelle.

[48]        Il est vrai que, s'il est question de destitution, le sort du juge de la Cour du Québec ou du juge de paix magistrat ou du juge d'une cour municipale doit encore être soumis à l'attention de la Cour d'appel du Québec[49], alors que la destitution d'un juge d'une cour supérieure nécessite l'intervention du Parlement. L'absence de l'une ou l'autre de ces exigences supplémentaires est cependant justifiée ici par l'appartenance de la CLP à l'ordre exécutif et ne fait pas en sorte, par ailleurs, que la destitution de ses membres relève d'un exercice arbitraire ou même simplement discrétionnaire. Ce n'est pas le cas, et ce, qu'il s'agisse d'inaptitude à l'exercice des fonctions (art. 399 L.a.t.m.p.) ou d'un manquement au devoir de la charge (art. 400 L.a.t.m.p.). Le processus de destitution est au contraire tel qu'il protège adéquatement chaque commissaire - et par ricochet l'institution dont il fait partie - contre « le bon plaisir » des autorités exécutives. La même chose vaut également pour le TAQ, la CRT et la Régie du logement, tous assujettis à cet égard aux mêmes règles et formalités, mutatis mutandis. À mon avis, les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles jumelées à celles de la Loi sur la justice administrative offrent un degré de protection analogue à celui dont jouit le Tribunal canadien des droits de la personne (protection jugée suffisante par la Cour suprême du Canada dans Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone), bien que la garantie ne soit pas identique. Dans cette affaire, l'article 48.3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoyait (et prévoit toujours) la nomination d'un enquêteur en la personne d'un juge d'une cour supérieure, chargé de faire rapport au gouverneur général en conseil. Que l'enquête, dans le cas de la CLP, soit faite par le Conseil de la justice administrative et soit conduite selon les règles de la justice naturelle est suffisant, puisque, ainsi que l'exige l'arrêt Valente dans le cas des tribunaux judiciaires, le commissaire ne peut « être révoqué que pour un motif déterminé, et que ce motif fasse l'objet d'un examen indépendant et d'une décision selon une procédure qui offre au [commissaire] visé toute possibilité de se faire entendre » (Valente, p. 698).

[49]        Je souligne par ailleurs que, dans l'affaire Barreau de Montréal[50], une procédure analogue à celle qui existe actuellement pour la CLP s'appliquait à la destitution d'un membre du TAQ. Le juge de première instance, dans cette affaire, avait conclu que les membres de ce tribunal étaient à l'abri de la destitution sans cause et que, dans les cas de destitution pour cause (inaptitude ou manquement aux fonctions de la charge), la structure mise en place était satisfaisante[51]. La Cour d'appel n'a rien trouvé à redire à ce constat et il doit en aller de même aujourd'hui.

[50]        Bref, le mandat à durée fixe (ou déterminée), renouvelable, est acceptable et conforme au principe de l'indépendance s'il protège suffisamment le décideur administratif contre les destitutions arbitraires ou discrétionnaires. Or, l'examen des dispositions applicables à la nomination des commissaires de la CLP et les règles relatives à leur destitution et, de même, à la discipline en général, offrent à cet égard la protection requise.


[51]        Évidemment, si les mandats à durée fixe de cette sorte sont conformes au principe d'indépendance, il en découle que l'idée du renouvellement de ces mandats, inhérente à la nature de ceux-ci, est elle aussi acceptable[52]. Bien sûr, le renouvellement comporte, en théorie du moins, un risque, à savoir que le décideur cherche à plaire à celui qui doit procéder au renouvellement en question et soit donc à sa solde (ou paraisse l'être). Ce risque, cependant, est-il plausible? Dans l'affirmative, peut-on le réduire?

[52]        C'est un sujet que la Cour a longuement examiné dans l'affaire Barreau de Montréal[53]. Elle y étudiait alors la situation du TAQ, organisme auquel peut se comparer la CLP, même si la mission juridictionnelle de cette dernière est plus étroite que celle du premier. À l'époque, le renouvellement du mandat des décideurs du TAQ relevait d'un comité dont étaient membres le président de l'organisme ainsi qu'un représentant du gouvernement. La Cour, sous la plume du juge Dussault, écrit à ce propos que :

[174]    D'abord, dans Régie des permis d'alcool, la Cour suprême statue sur l'indépendance des membres de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, un organisme multifonctionnel et essentiellement régulatoire. Celle-ci n’exerce pas, contrairement au TAQ, une fonction exclusivement juridictionnelle. Cette considération prend une importance accrue lorsque le juge Gonthier affirme que « les conditions d’emploi des régisseurs se conforment […] aux exigences minimales d’indépendance » (les italiques sont du soussigné). Si, dans cet arrêt, la Cour suprême a approuvé en quelque sorte un renouvellement laissé à la discrétion de l’exécutif lorsqu’il s’agit d’un organisme semblable à la Régie, elle n'a nullement fermé la porte à ce que des mesures plus strictes soient requises lorsqu'il s'agit d'un organisme dont la nature véritable exige un niveau d'indépendance plus élevé tel, à mon avis, le TAQ.

[175]    Subséquemment, dans Montambeault, notre cour a appliqué à la CALP [Commission d'appel des lésions professionnelles], un organisme cette fois entièrement juridictionnel, les principes énoncés par la Cour suprême pour la Régie des alcools, des courses et des jeux dans Régie des permis d'alcool. S'appuyant sur cet arrêt, notre cour a validé un processus de renouvellement des commissaires entièrement discrétionnaire. Dans son opinion, la juge Rousseau-Houle fait toutefois deux commentaires. D'une part, précise-t-elle, s'il est vrai que « [l]a CALP peut entendre des litiges impliquant le gouvernement » en tant qu'employeur, il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où l'intérêt de celui-ci se résume alors à « être le moins possible cotisé par la CSST, il n'est certes pas différent de celui de tous les autres employeurs et ne saurait raisonnablement faire craindre une éventuelle absence d'impartialité ». D'autre part, elle constate que « [l]es commissaires de la CALP […] ne statuent pas sur des litiges où les intérêts du ministre de la Justice », par ailleurs responsable des nominations, « sont directement en jeu ». Ce qui l'amène à déclarer : « Dans ce contexte, l'absence de normes pour le renouvellement des mandats ne me permet pas de conclure que les commissaires, nommés pour un mandat à durée fixe, ne jouissent pas d'une inamovibilité suffisante » (les italiques sont du soussigné).

[176]    Or, contrairement à la situation dans Montambeault, en l'espèce, comme je l'ai expliqué aux paragraphes [146] à [148], les membres du TAQ sont non seulement appelés à statuer sur des recours formés contre des décisions de l'administration gouvernementale, mais les intérêts de l'État, en tant que payeur ou décideur des orientations politiques et, par surcroît, en tant que partie, sont fréquemment en jeu devant cette institution; par exemple, l'intérêt du procureur général lorsque le TAQ est appelé à trancher une question constitutionnelle (art. 112 L.J.A.). Je rappelle aussi que le TAQ cumule un ensemble de pouvoirs très importants, habituellement confiés aux cours de justice, tels ceux de trancher des questions constitutionnelles et d'évaluer les motifs d'une demande de secret administratif. Pour ces motifs, il y a donc lieu, à mon avis, en ce qui concerne le renouvellement des mandats, de soumettre le TAQ à une application plus stricte des principes d'indépendance judiciaire énoncés dans Valente que celle retenue pour les organismes en cause dans l'un ou l'autre de ces arrêts.

[177]    Mais il y a plus. Le premier juge formule précisément trois reproches à la procédure de renouvellement actuelle : elle tient compte de critères extrinsèques aux membres, le membre non renouvelé n’a aucun moyen de se faire entendre et un certain poids est inévitablement accordé, lors du renouvellement, à l’évaluation annuelle effectuée par le président du TAQ, puisque celui-ci siège également au comité chargé de le recommander.

[178]    À cet égard, l’appelante plaide que le gouvernement s’est doté d’une procédure de renouvellement comprenant des critères objectifs qui lui permettront de prendre une décision éclairée.

[179]    L’intimé soutient au contraire que ce mécanisme est fondé sur des normes vagues et extrinsèques. Il ne permettrait pas de mettre les membres du TAQ à l’abri de l’ingérence et de la discrétion du gouvernement. L’intervenante partage ce point de vue mais précise que, dans la mesure où elle implique la formation de comités auxquels siège le ministre de la Justice, la procédure de renouvellement n'offre pas aux membres le niveau de garantie requis par l’article 23 de la Charte québécoise.

[180]    En ce qui concerne le premier reproche du juge qui s'oppose à ce qu'un critère extrinsèque aux membres, tels « les besoins du Tribunal », puisse être pris en compte lors de leur renouvellement, je suis d'avis qu'il n'est pas fondé et que l'appelante a raison. Il s'agit, en effet, d'un critère objectif et il n'y a pas lieu, à mon sens, de présumer que les comités l'utiliseront autrement que comme se rapportant aux besoins essentiels au bon fonctionnement du TAQ ou à l'accomplissement de la mission que la loi lui confie. Par exemple, il pourrait être raisonnable de ne pas renouveler le mandat d'un membre si le nombre de recours entendus par la section à laquelle il est nommé est devenu insuffisant pour en justifier le besoin et s'il n'a pas l'expertise pour être affecté à une autre section.

[181]    En ce qui concerne les deux autres reproches formulés par le juge, je suis d'avis, par contre, qu'ils sont fondés. Je rappelle que l’article 48 L.J.A. prévoit le renouvellement des mandats pour une période de cinq ans alors que l’article 49 L.J.A. habilite le gouvernement à édicter un règlement en établissant la procédure. Édicté sous cet article, le règlement sur la procédure de renouvellement précise, comme je l'ai mentionné au paragraphe [18], que cette procédure débute dans les 12 mois précédant la date d’échéance du mandat du membre. Un comité est alors formé, composé du président du Tribunal ou d’un membre qu’il désigne, d’un membre du personnel du ministère du Conseil exécutif ou du ministère de la Justice et d’un représentant du milieu juridique, pour examiner le renouvellement du mandat. À cette fin, le comité tient compte des besoins du tribunal et d’une liste de critères préétablis, telles les qualités personnelles et intellectuelles du candidat, ses habilités à exercer des fonctions juridictionnelles ou sa capacité de jugement.

[…]

[185]    Je suis donc d'avis que, dans les circonstances de l’espèce où les intérêts de l’État, en tant que partie, sont fréquemment en jeu, la présence d’un représentant du gouvernement aux comités chargés de recommander le renouvellement des membres du TAQ crée une situation de dépendance ou du moins une apparence de dépendance.

[186]    D'autre part, en ce qui concerne la présence du président du TAQ à ces comités, la critique du premier juge vient du fait qu'il est également chargé de procéder à une évaluation annuelle du rendement de chacun des membres qui sert aux fins de la révision de leur traitement. Bien que cette procédure d'évaluation, comme je le conclus plus loin, paraît impropre à satisfaire à la sécurité financière des membres du TAQ et que j'en propose, pour ce motif, l'élimination, il reste qu'à mon avis la présence du président au comité de renouvellement demeure inappropriée étant donné la mission législative de direction et d'administration du Tribunal dont il est investi (art. 75 à 81 L.J.A.) et la place qu'il occupe de ce fait dans la vie quotidienne des membres. Par exemple, c'est le président qui « répartit le travail des membres du Tribunal qui, à cet égard, doivent se soumettre à ses ordres et directives » (art. 75, paragr. 2 L.J.A.); c'est aussi lui qui « [veille] au respect de la déontologie » (art. 75, paragr. 3 L.J.A.), qui « [affecte] temporairement un membre auprès d'une autre section » (art. 77 L.J.A.) et qui « [favorise] la participation des membres à l'élaboration d'orientations générales du Tribunal en vue de maintenir un niveau élevé de qualité et de cohérence des décisions » (art. 75, paragr. 1 L.J.A.). Vu ces pouvoirs dont il dispose et les autres attributions qui peuvent lui être dévolues à titre de dirigeant du Tribunal et supérieur des membres, le fait qu'il décide du renouvellement du mandat de ceux-ci pose problème.

[187]    Une personne raisonnable et bien informée de la nature véritable du TAQ pourrait craindre, même si ce n'était pas le cas en réalité, que la présence du président ou de son représentant aux comités crée, chez les membres souhaitant voir leur mandat renouvelé, une situation de dépendance qui risque de les amener à disposer des recours suivant l'orientation générale qu'il souhaite. Retenant la définition de l'indépendance judiciaire donnée par le juge en chef Dickson dans Beauregard c. Canada, le juge Gonthier précise d'ailleurs dans l'arrêt R. c. Lippé, sur lequel je reviens plus en détails plus loin lorsque j'aborde la question de la sécurité financière, que l'indépendance judiciaire vise à mettre le juge à l'abri de toute forme d'ingérence extérieure, que celle-ci provienne « d'un gouvernement, d'un groupe de pression, d'un particulier ou même d'un autre juge » (les italiques sont du soussigné).

[188]    À mon avis, le risque que la présence de représentants du gouvernement et du président du TAQ au comité chargé de recommander le renouvellement du mandat des membres de ce tribunal ne crée chez ceux-ci une situation de dépendance ou du moins une apparence de dépendance, plus particulièrement dans les 12 mois précédant la date d'échéance de leurs mandats, fait en sorte que la procédure ne leur offre pas le niveau d'indépendance requis. Certes, dans la mesure où les mandats sont renouvelables, il est nécessaire qu'une procédure soit prévue afin de pourvoir à leur renouvellement et d'éviter que celui-ci soit laissé à l'entière discrétion de l’exécutif, sans plus. Toutefois, comme le recommandait le Rapport Ouellette, ce renouvellement ne devrait s'effectuer qu’à la suite de la recommandation d’un comité indépendant, ce qui n’est pas le cas actuellement.

[189]    L'article 49 L.J.A., qui habilite le gouvernement à établir par règlement une procédure de renouvellement, devrait donc, à mon avis, énoncer un tel principe. Il devrait aussi prévoir que, lorsqu'un comité s'apprête à faire une recommandation défavorable à l'égard d'un membre, il lui donne l'occasion de se faire entendre. Ce qui n'empêcherait pas le règlement adopté sous l'autorité de cet article de fixer, comme c'est le cas actuellement, les critères objectifs qui guideront le comité dans sa tâche.

[190]    Pour tous ces motifs, je suis d'avis que le premier juge n'a pas erré en concluant que les articles 48 et 49 L.J.A.[54] n'offrent pas aux membres du TAQ le niveau de garantie requis par l'article 23 de la Charte québécoise et en les déclarant, par conséquent, nuls, inopérants et sans effet.

[La note infrapaginale 54 est ajoutée au texte original, de même que les crochets du paragr. 175. Tous renvois omis.]

[53]        À la suite de cet arrêt et en vue de s'y conformer, le législateur québécois adopta en 2002 la Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives[55], afin, entre autres choses, de modifier selon une même formule les dispositions régissant les modalités du renouvellement du mandat des membres du TAQ, de la CLP, de la CRT et de la Régie du logement[56].

[54]        Les changements apportés ainsi aux dispositions pertinentes de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles et du règlement applicable correspondent exactement à la recommandation que l'on trouve au paragraphe 189 de l'arrêt Barreau de Montréal, reproduit plus haut. En effet, les articles 394 à 396 de cette loi prévoient dorénavant ce qui suit et, de même, le Règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des personnes aptes à être nommées commissaires à la Commission des lésions professionnelles et sur celle de renouvellement du mandat de ces commissaires[57] (« Règlement sur la procédure de recrutement et de renouvellement »), également modifié en 2002[58] :


Art. 394 à 396 L.a.t.m.p.

394.     Le mandat d'un commissaire est, selon la procédure établie en vertu de l'article 395, renouvelé pour cinq ans :

 1° à moins qu'un avis contraire ne soit notifié au commissaire au moins trois mois avant l'expiration de son mandat par l'agent habilité à cette fin par le gouvernement;

 2° à moins que le commissaire ne demande qu'il en soit autrement et notifie sa décision au ministre au plus tard trois mois avant l'expiration de son mandat.

            Une dérogation à la durée du mandat ne peut valoir que pour une durée fixe de moins de cinq ans déterminée par l'acte de renouvellement et, hormis le cas où le commissaire en fait la demande pour des motifs sérieux, que lorsque des circonstances particulières indiquées dans l'acte de renouvellement l'exigent.

394.     The term of office of a commissioner shall be renewed for five years, according to the procedure established under section 395,

 (1) unless the commissioner is notified otherwise at least three months before the expiry of the term by the agent authorized therefor by the Government; or

 (2)  unless the commissioner requests otherwise and so notifies the Minister at least three months before the expiry of the term.

 

            A variation of the term of office is valid only for a fixed period of less than five years determined in the instrument of renewal and, except where requested by the commissioner for a valid reason, only where required by special circumstances stated in the instrument of renewal.

395.     Le renouvellement du mandat d'un commissaire est examiné suivant la procédure établie par règlement du gouvernement. Un tel règlement peut notamment :

 1° autoriser la formation de comités;

 

 2° fixer la composition des comités et le mode de nomination de leurs membres, lesquels ne doivent pas faire partie de l'Administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01), ni la représenter;

 3° déterminer les critères dont le comité tient compte;

 4° déterminer les renseignements que le comité peut requérir du commissaire et les consultations qu'il peut effectuer.

            Un comité d'examen ne peut faire une recommandation défavorable au renouvellement du mandat d'un commissaire sans, au préalable, informer ce dernier de son intention de faire une telle recommandation et des motifs sur lesquels celle-ci est fondée et sans lui avoir donné l'occasion de présenter ses observations.

            Les membres d'un comité d'examen ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.

395.     The renewal of a term of office shall be examined according to the procedure established by government regulation. The regulation may, in particular,

 (1)  authorize the establishment of committees;

 (2)  fix the composition of the committees and the mode of appointment of committee members, who shall neither belong to nor represent the Administration within the meaning of the Public Administration Act (chapter A-6.01);

 (3) determine the criteria to be taken into account by the committees;

 (4) determine the information a committee may require from a commissioner and the consultations it may hold.

            An examination committee may not make a recommendation against the renewal of a commissioner's term of office without first having informed the commissioner of its intention to make such a recommendation and of the reasons therefor and without having given the commissioner the opportunity to present observations.

            No judicial proceedings may be brought against members of an examination committee for any act done in good faith in the performance of their duties.

396.     Les membres d'un comité d'examen ne sont pas rémunérés, sauf dans les cas, aux conditions et dans la mesure que peut déterminer le gouvernement.

 

            Ils ont cependant droit au remboursement des dépenses faites dans l'exercice de leurs fonctions, aux conditions et dans la mesure que détermine le gouvernement.

396.     Members of an examination committee shall receive no remuneration except in such cases, subject to such conditions and to such extent as may be determined by the Government.

            They are, however, entitled to the reimbursement of expenses incurred in the performance of their duties, subject to the conditions and to the extent determined by the Government.

 


Art. 25 à 29 du Règlement sur la procédure de recrutement et de renouvellement[59]

25.       Dans les 12 mois précédant la date d'échéance du mandat d'un commissaire, le secrétaire général associé responsable des emplois supérieurs au ministère du Conseil exécutif demande à ce commissaire de lui fournir les renseignements mentionnés aux paragraphes 5º et 6º de l'article 4 et de lui transmettre un écrit par lequel il accepte qu'une vérification soit faite à son sujet, notamment auprès d'un organisme disciplinaire, d'un ordre professionnel dont il est ou a été membre et des autorités policières et que, le cas échéant, des consultations soient faites auprès des personnes ou sociétés mentionnées à l'article 14.

25.       In the 12 months before the expiry of a commissioner's term of office, the Associate Secretary General for Senior Positions of the Ministère du Conseil exécutif shall ask that commissioner to provide him with the information mentioned in subparagraphs 5 and 6 of section 4 and with a written statement in which he agrees to a verification with, in particular, a disciplinary body, any professional order of which he is or was a member and police authorities and, where applicable, in which he agrees that the persons or partnerships mentioned in section 14 be consulted.

26.       Le secrétaire général associé forme, pour examiner le renouvellement du mandat de ce commissaire, un comité dont il désigne le président.

            Le comité est formé d'un représentant du milieu juridique, d'une personne retraitée ayant exercé une fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'ordre administratif et d'un représentant du milieu universitaire membre d'un ordre professionnel qui ne font pas partie de l'Administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01) ni ne la représentent.

            Les articles 6 à 9 s'appliquent alors.

26.       The Associate Secretary General shall form a committee to examine the renewal of the commissioner's term of office and shall designate the chair thereof.

            The committee shall be composed of a representative from the legal community, a retired person having exercised an adjudicative function within a body of the administrative branch and a university representative who is a member of a professional order. The committee members shall neither belong to nor represent the Administration within the meaning of the Public Administration Act (chapter A-6.01).

            Sections 6 to 9 then apply.

27.       Le comité vérifie si le commissaire satisfait toujours aux critères établis à l'article 15, considère les évaluations annuelles de son rendement et tient compte des besoins de la Commission. Le comité peut, sur tout élément du dossier, effectuer les consultations prévues à l'article 14.

27.       The committee shall determine whether the commissioner still fulfils the criteria set out in section 15, consider the commissioner's annual performance assessments taking into account the needs of the board and may hold the consultations provided for in section 14 on any matter in the record.

28.       Les décisions du comité sont prises à la majorité des membres. En cas d'égalité, le président du comité a une voix prépondérante. Un membre peut inscrire sa dissidence.

 

            Le comité transmet sa recommandation au secrétaire général associé et au ministre du Travail.

28.       Committee decisions shall be made by a majority vote of its members. In the case of a tie-vote, the chair of the committee shall have a casting vote. A member may register his dissent.

            The committee shall forward its recommendation to the Associate Secretary General and to the Minister of Labour.

29.       Le secrétaire général associé est l'agent habilité à notifier au commissaire l'avis de non-renouvellement.

29.       The Associate Secretary General shall be the agent empowered to notify a commissioner of the non-renewal of his term of office.

[55]        Pour compléter le tout, il faut également, selon l'article 26 du règlement ci-dessus, reproduire les articles 6 à 9 de celui-ci, qui édictent que :

6.         Un membre du comité doit se récuser à l'égard d'un candidat lorsque son impartialité pourrait être mise en doute, notamment lorsqu'il :

 

 1° en est ou en a déjà été le conjoint;

 

 2° en est le parent ou l'allié, jusqu'au degré de cousin germain inclusivement;

 3° en est ou en a déjà été l'employeur, l'employé ou l'associé, au cours des 10 dernières années; toutefois, le membre qui est à l'emploi de la fonction publique n'a l'obligation de se récuser à l'égard d'un candidat que s'il est ou a été sous sa direction immédiate ou s'il en est ou en a déjà été le supérieur immédiat.

            Lorsqu'un membre du comité se récuse, est absent ou empêché, la décision est prise par les autres membres.

6.         Where his impartiality could be questioned, a member of the committee shall withdraw in regard to a candidate, particularly in the following situations:

 (1)  the member is or was the candidate's spouse;

 (2)  the member is related to the applicant by birth or marriage, to the degree of first cousin inclusively;

 (3)  the member is or was a partner, employer or employee of the candidate in the last 10 years; notwithstanding the foregoing, a member who is in the public service must withdraw in regard to a candidate only if he is or was the employee or immediate superior of the candidate.

            Where a member of the committee has withdrawn, is absent or unable to act, the decision shall be made by the other members.

7.         Avant d'entrer en fonction, les membres du comité prêtent serment en affirmant solennellement ce qui suit : « Je (prénom et nom) jure de ne rien révéler ni faire connaître sans y être dûment autorisé quoi que ce soit dont j'aurai eu connaissance dans l'exercice de ma charge. ».

 

            Cette obligation est exécutée devant un membre du personnel du ministère du Conseil exécutif ou du ministère du Travail habilité à recevoir le serment.

 

            L'écrit constatant le serment est transmis au secrétaire général associé.

7.         Before taking office, the members of the committee shall take oath by solemnly affirming the following: “I, (full name), swear that I will neither reveal nor make known, without due authorization to do so, anything whatsoever of which I may gain knowledge in the exercise of my office.”.

            The oath shall be taken before a member of the staff of the Ministère du Conseil exécutif or the Ministère du Travail empowered to administer oaths.

            The writing evidencing the oath shall be sent to the Associate Secretary General.

8.         Une personne peut être nommée membre de plusieurs comités simultanément.

8.         A person may be appointed to more than one committee at the same time.

9.         Les frais de voyage et de séjour des membres du comité sont remboursés conformément au décret 2500-83 du 30 novembre 1983 concernant les règles sur les frais de déplacement des présidents, vice-présidents et membres d'organismes gouvernementaux compte tenu des modifications qui y ont ou qui pourront y être apportées.

            Outre le remboursement des frais, les membres du comité qui ne sont pas commissaires de la Commission ou à l'emploi d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement ont droit à des honoraires de 100 $ par demi-journée de séance à laquelle ils participent.

9.         Travel and accommodation expenses of the committee members shall be reimbursed in accordance with Décret 2500-83 dated 30 November 1983 concernant les règles sur les frais de déplacement des présidents, vice-présidents et membres d'organismes.

 

            In addition to the reimbursement of their expenses, the committee members who are neither commissioners of the board nor employees of a government department or agency are entitled respectively to fees of $100 per half-day of sitting which they attend.

[56]        La lecture de l'ensemble de ces dispositions démontre que la procédure de renouvellement du mandat des commissaires de la CLP, calquée sur celle qui s'est appliquée au TAQ entre 2002 et la fin de 2005, est conforme aux exigences de l'indépendance juridictionnelle, telles qu'établies par la Cour dans Barreau de Montréal, dont les recommandations (notamment aux paragr. [189] et [190]) ont été suivies. Le président de la CLP n'est plus membre du comité de renouvellement, comité désormais indépendant, et le commissaire dont le non-renouvellement est envisagé a le droit de se faire entendre. Signalons au passage que les mêmes modifications ont été adoptées au régime de renouvellement des mandats des commissaires de la CRT[60] et des régisseurs de la Régie du logement[61].

[57]        Au chapitre de la composition et de l'indépendance du comité de renouvellement, on ne peut pas se formaliser de ce qu'une personne, désormais retraitée, ayant exercé une fonction juridictionnelle au sein d'un organisme administratif, fasse partie du comité, au contraire : l'expérience d'une telle personne ne peut qu'être utile au comité, celui-ci étant formé par ailleurs d'un représentant du milieu juridique et d'un autre du milieu universitaire. Les trois membres doivent par ailleurs prêter un serment de confidentialité qui les oblige à se tenir loin des instances qui mettront leurs recommandations en œuvre. La composition du comité, tel que prévu par le règlement, est conforme à l'article 395, premier al., paragr. 2, L.a.t.m.p., qui prescrit lui-même que les membres du comité de renouvellement « ne doivent pas faire partie de l'Administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01), ni la représenter ». L'on a donc affaire ici à un comité indépendant.

[58]        Ces garanties sont suffisantes. Elles le sont d'autant que la Cour, quelques années auparavant, dans l'arrêt Montambeault c. Brazeau[62], avait estimé que les garanties jugées plus tard insuffisantes pour le TAQ dans Barreau de Montréal, étaient adéquates en ce qui concerne la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, prédécesseur de la CLP. Selon l'arrêt Barreau de Montréal, le TAQ étant le plus souvent chargé de trancher des litiges mettant en cause, directement, l'intérêt de l'État, ce qui n'était pas le cas de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, une mesure supplémentaire d'indépendance était nécessaire. Or, pas plus que son ancêtre, la CLP n'est-elle, au contraire du TAQ, chargée de statuer principalement sur des litiges concernant l'intérêt de l'État. Sans doute le fait-elle à l'occasion, puisque les employés de l'État (public ou parapublic), comme tous les travailleurs, bénéficient de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, mais, ainsi que le démontre la preuve en l'espèce, la majorité des affaires dont la CLP est saisie mettent en cause des employeurs et des travailleurs du secteur privé. Les intérêts de l'État, par ailleurs, dans ces affaires, ne sont pas différents de ceux des employeurs ordinaires.

[59]        Néanmoins, le législateur, manifestement dans le souci d'éviter toute controverse, a choisi d'étendre aux autres tribunaux administratifs québécois à vocation juridictionnelle les garanties recommandées par la Cour, à cet égard, dans le cas du TAQ. Cela n'était peut-être pas nécessaire, mais le choix est raisonnable et répond aux exigences du principe de l'indépendance.

[60]        Y a-t-il lieu cependant de s'alarmer du fait que les évaluations de rendement prévues par l'article 9 du Règlement sur la rémunération (et conformément à l'annexe IV de ce règlement) soient considérées par le comité de renouvellement, selon ce que prévoit l'article 27 du Règlement sur la procédure de recrutement et de renouvellement? Voici - ou revoici, dans le cas de l'article 27 - le texte de ces dispositions :


Art. 9 du Règlement sur la rémunération[63]

9.         L'évaluation annuelle du rendement d'un commissaire de la Commission est effectuée par le président de la Commission ou le vice-président qu'il désigne. Les critères et les cotes utilisés pour évaluer le rendement d'un commissaire, conformément au principe de l'indépendance dans l'exercice des fonctions juridictionnelles, sont ceux apparaissant à l'annexe IV.

            L'évaluation annuelle du rendement d'un vice-président de la Commission est effectuée par le président de la Commission et porte, quant à l'exercice de sa charge administrative, sur l'efficacité et l'efficience de la gestion des ressources mises à sa disposition pour réaliser la mission de la Commission. Le cas échéant, elle porte également sur l'exercice de sa fonction de commissaire et les critères et cotes utilisés pour évaluer son rendement, conformément au principe de l'indépendance dans l'exercice des fonctions juridictionnelles, sont ceux apparaissant à l'annexe IV.

            L'évaluation annuelle du rendement du président de la Commission est effectuée par le ministre du Travail et porte uniquement sur l'efficacité et l'efficience de la gestion des ressources mises à sa disposition pour réaliser la mission de la Commission. Les cotes utilisées pour évaluer son rendement sont celles apparaissant à l'annexe IV.

9.         The annual performance assessment of a commissioner of the board shall be carried out by the president of the board or by a vice-president he designates. The job factors and job ratings for assessing a commissioner's performance, in accordance with the principle of independent exercise of jurisdictional functions, are shown in Schedule IV.

 

 

            The annual performance assessment of a vice-president of the board shall be carried out by the president of the board and shall address, with respect to his administrative office, the efficiency and effectiveness of the management of resources at his disposal to carry out the board's mission. If applicable, it shall also address his performance as a commissioner. The job factors and job ratings for the assessment, in keeping with the principle of independent exercise of jurisdictional functions, are shown in Schedule IV.

 

 

            The annual performance assessment of the president of the board shall be carried out by the Minister of Labour and shall address only the efficiency and effectiveness of the management of resources at his disposal to carry out the board's mission. The job factors and job ratings for assessing his performance are shown in Schedule IV.

Annexe IV

critères et cotes d'évaluation du rendement

L'évaluation annuelle du rendement est effectuée selon les critères suivants :

1°         Critères d'évaluation d'ordre qualitatif : ces critères regroupent les facteurs et normes qui visent à apprécier les connaissances, habiletés, attitudes et comportements du commissaire dans le cadre de ses attributions, notamment en ce qui concerne :

  a)       la connaissance et l'utilisation des lois, des règlements, des règles de preuve et de procédure et de la jurisprudence par les moyens mis à sa disposition pour les maîtriser;

  b)       la qualité de la rédaction des décisions, notamment par leur clarté, leur précision et leur concision;

  c)       le comportement avec les parties, leurs témoins et leurs représentants, en particulier lors de l'audition;

  d)       le respect du code de déontologie applicable aux commissaires de la Commission;

  e)       la disponibilité et l'intérêt du travail;

  f)        les communications et les relations avec la direction et le personnel de la Commission;

  g)       la participation aux comités et aux activités connexes à la fonction de commissaire de la Commission.

2° Critères d'évaluation d'ordre quantitatif : ces critères visent à apprécier la contribution quantitative du commissaire au traitement des dossiers, notamment en ce qui concerne :

  a)       le nombre de dossiers fermés à la suite d'une conciliation, d'un désistement ou d'un règlement à l'amiable;

  b)       le nombre de dossiers traités à la suite d'enquêtes et d'auditions des parties, de prises en délibéré pour évaluer les témoignages, l'argumentation et l'ensemble de la documentation relative à un dossier;

  c)       le nombre de décisions rendues.

L'évaluation annuelle du rendement est effectuée selon les cotes d'évaluation suivantes :

A :        un rendement qui dépasse de beaucoup les normes requises

B :        un rendement qui dépasse les normes requises

C :       un rendement qui est équivalent aux normes requises


D :       un rendement qui est inférieur aux normes requises

E :        un rendement qui est grandement inférieur aux normes requises.

Schedule IV

job factors and job ratings for performance assessements

Annual performance assessments shall be based on the following job factors:

(1)        Qualitative job factors include factors and standards for assessing the knowledge, skills, attitudes and behaviour of a commissioner in the exercise of his powers and duties, in particular,

 

 

  (a)      the knowledge and use of acts, regulations, rules of evidence and procedure, and jurisprudence acquired through the means available to him;

  (b)      the written quality of decisions, in particular, clarity, precision and conciseness;

  (c)      behaviour with respect to the parties, their witnesses and representatives, in particular during hearings;

  (d)      compliance with the code of ethics applicable to a commissioner of the board;

  (e)      availability and interest in the duties;

  (f)       communications and relations with the management and staff of the board;

  (g)      participation in committees and activities related to the duties of a commissioner of the board.

(2)        Quantitative job factors assess the quantitative contribution of a commissioner with respect to the handling of cases, in particular,

 

 

  (a)      the number of cases settled following conciliation, withdrawal or an amicable settlement;

 

  (b)      the number of cases handled following inquiries and hearings for the parties, and the testimonies, arguments and the entire documentation pertaining to a case taken under advisement;

  (c)      the number of decisions rendered.

The annual performance assessment shall be in keeping with the following job ratings:

A          performance that far exceeds required standards

B          performance that exceeds required standards

C         performance that meets required standards

 

D         performance that is below required standards

E          performance that is far below required standards.

Art. 27 du Règlement sur la procédure de recrutement et de renouvellement

27.       Le comité vérifie si le commissaire satisfait toujours aux critères établis à l'article 15, considère les évaluations annuelles de son rendement et tient compte des besoins de la Commission. Le comité peut, sur tout élément du dossier, effectuer les consultations prévues à l'article 14.

27.       The committee shall determine whether the commissioner still fulfils the criteria set out in section 15, consider the commissioner's annual performance assessments taking into account the needs of the board and may hold the consultations provided for in section 14 on any matter in the record.

[61]        Cela mine-t-il l'indépendance des commissaires?

[62]        L'évaluation du rendement à laquelle procède annuellement le président de la CLP ne détermine plus la rémunération des commissaires ni leur progression dans l'échelle de traitement ou le versement de l'ajustement forfaitaire, comme c'était le cas antérieurement à l'arrêt Barreau de Montréal[64]. Les appelants laissent tout de même entendre que le fait que cette évaluation soit considérée par le comité de renouvellement pourrait laisser croire que le président de la CLP (ou d'autres) est ainsi en mesure, quoiqu’indirectement, de punir un commissaire en raison du contenu de ses décisions ou d'exercer des pressions sur lui, ce qui serait évidemment attentatoire à son indépendance.

[63]        Cette inquiétude est excessive. Je ne peux voir comment une personne bien informée, étudiant la question en profondeur et de manière réaliste, pourrait raisonnablement conclure que l'évaluation du rendement et sa prise en considération par le comité de renouvellement est de nature à affecter l'indépendance des commissaires (ou des membres du comité) ou à susciter une crainte à ce chapitre.

[64]        Comme je l'ai déjà observé[65], l'idée de mandats à durée fixe (ou déterminée) ne va pas sans celle de renouvellement desdits mandats. Or, il va de soi qu'on ne peut pas faire du processus de renouvellement un mécanisme purement arbitraire, dépendant du seul bon vouloir des membres du comité; on ne peut pas non plus en faire un processus automatique n'obéissant à aucun critère qualitatif, sans quoi, ce serait l'équivalent d'une nomination durant bonne conduite, que le législateur, ici, n'a pas voulue et qui n'est pas requise. Que les membres du comité de renouvellement, désormais indépendants de l'administration publique (comme on l'a vu), puissent considérer les évaluations de rendement faites par le président de l'organisme (qui, lui, n'est pas membre du comité) paraît tout à fait normal dans ce contexte. Il n'est pas utile d'insister sur le fait que la compétence, tout autant que l'indépendance, est une condition sine qua non d'une saine administration de la justice, y compris la justice administrative. L'on ne peut pas raisonnablement se formaliser d'un processus de renouvellement qui tient compte de cette dimension de la fonction juridictionnelle. La Cour a déjà exprimé ce point de vue dans l'affaire Barreau de Montréal, lorsqu'elle conclut que, si l'évaluation du rendement de chaque commissaire ne peut être utilisée aux fins de fixer sa rémunération, elle peut néanmoins « être considérée par le comité indépendant chargé d'en recommander le renouvellement »[66].

[65]        L'on n'a par ailleurs pas établi que l'évaluation elle-même aurait été utilisée à mauvais escient ou dans le but de faire échec au renouvellement du mandat d'un commissaire ou de laisser planer sur sa tête une épée de Damoclès. Les critères d'évaluation, qui ne portent pas sur l'orientation des décisions ou le fond des décisions en lui-même, sont raisonnables; rien ne montre qu'un nombre exagérément élevé de commissaires aurait obtenu des cotes de rendement D ou E; rien ne révèle de corrélations inquiétantes entre évaluation et renouvellement.

[66]        Enfin, et dans un autre ordre d'idées, il faut tenir compte du fait que le commissaire dont le comité envisagerait de ne pas renouveler le mandat, pour quelque raison que ce soit, y compris une évaluation mauvaise, doit en être notifié et être entendu préalablement, conformément au second alinéa de l'article 395 L.a.t.m.p. Cette exigence est conforme à ce que requiert la Cour dans Barreau de Montréal (paragr. 189), en rapport avec le TAQ. On ne peut que se réjouir de ce qu'elle soit de même appliquée aux commissaires de la CLP, ce qui élimine toute ambiguïté à cet égard[67].

[67]        En somme, l'examen des dispositions législatives et réglementaires révèle, au chapitre de l'inamovibilité, des garanties suffisantes, adaptées à la situation de la CLP et de ses commissaires et conformes aux enseignements de la Cour suprême, notamment dans l'arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, et de notre cour, notamment dans l'arrêt Barreau de Montréal.

[68]        Cette conclusion peut-elle tenir cependant devant le fait que, depuis le 1er janvier 2006, les membres du TAQ sont désormais nommés durant bonne conduite, échappant par conséquent aux mandats à durée fixe et au processus de renouvellement. En 2005, en effet, le législateur québécois a décidé de modifier de nouveau la Loi sur la justice administrative (déjà amendée en 2002), dont l'article 38 prévoit dorénavant que[68] :

38.       Le Tribunal est composé de membres indépendants et impartiaux nommés durant bonne conduite par le gouvernement qui en détermine le nombre en tenant compte des besoins du Tribunal.

38.       The Tribunal shall be composed of independent and impartial members appointed by the Government, in a number determined according to the needs of the Tribunal, to hold office during good behaviour.

[69]        Les appelants font valoir que la mission juridictionnelle de la CLP n'est pas moins importante que celle du TAQ. Cela justifierait et, même, exigerait que les commissaires de la première, à l'instar des membres du second, soient nommés durant bonne conduite et jusqu'à l'âge de la retraite. Ils soutiennent aussi que le concept de l'indépendance juridictionnelle a, depuis l'arrêt Barreau de Montréal, évolué au point où seule une telle forme de nomination est maintenant, non seulement envisageable, mais souhaitable et nécessaire, et ce, au bénéfice des justiciables. La perception de ces derniers est particulièrement pertinente. Qu'inféreront-ils, en effet, de ce que, contrairement aux membres du TAQ, les commissaires de la CLP ne sont pas nommés durant bonne conduite, mais pour des mandats de cinq ans seulement? Logiquement, ils en concluront que les commissaires sont moins indépendants de l'appareil étatique que le sont leurs collègues du TAQ et que, peut-être, ils n'ont pas le même niveau de compétence, puisqu'on ne leur accorde pas le privilège de la nomination sans terme. La différence dans la manière de traiter les membres des deux tribunaux est de toute façon incompréhensible et ne peut qu'avoir des répercussions négatives sur les perceptions des justiciables.

[70]        La proposition ne convainc pas. Ce n'est pas parce que le législateur (qui n'y était d'ailleurs pas obligé - là-dessus, l'arrêt Barreau de Montréal est parfaitement clair) a choisi de hausser la garantie d'inamovibilité et de conférer aux membres du TAQ le bénéfice d'une nomination durant bonne conduite qu'il est désormais tenu de faire de même à l'endroit de la CLP (ou encore de la CRT ou de la Régie du logement).

[71]        Répétons que l'article 23 de la Charte québécoise, au chapitre de l'indépendance, exprime une norme flexible et contextuelle. La Cour suprême a reconnu que la règle de l'inamovibilité, condition du principe de l'indépendance, se satisfait de mandats à durée fixe, renouvelables, à condition qu'il ne puisse y être mis fin de manière arbitraire ou discrétionnaire par l'autorité exécutive. Autrement dit, l'indépendance, au chapitre de l'inamovibilité, ne requiert pas la permanence, mais s'accommode des mandats à durée fixe. C'est la conclusion de la Cour suprême, notamment dans l'arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, où il s'agissait du Tribunal canadien des droits de la personne, entité assujettie non seulement aux règles de common law, mais aussi à l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. Dans cet arrêt, la Cour suprême réaffirme d'ailleurs les principes énoncés en ce sens par le juge Gonthier dans 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)[69]. C'est aussi, comme on l'a déjà vu, la conclusion de la Cour dans les arrêts Montambeault[70] et Barreau de Montréal[71]. Bref, l'exercice de fonctions purement juridictionnelles n'est pas incompatible avec l'idée que les décideurs soient nommés pour des mandats à durée fixe.

[72]        Que le législateur québécois ait haussé le standard dans le cas du TAQ[72] ne peut donc pas signifier que cette formule soit devenue la seule acceptable, comme si elle établissait dorénavant le minimum requis en matière d'inamovibilité, au sens de l'article 23 de la Charte québécoise. Très respectueusement, j'estime que le juge a erré en statuant que cette mesure, qu'il qualifie d'« idéale », dicte désormais la norme applicable, qui devrait s'imposer dans le cas de la CLP (et celui des autres tribunaux administratifs à vocation juridictionnelle). À mon avis, une telle conclusion déforme la portée de l'article 23 de la Charte québécoise, ne tient aucunement compte de l'appartenance des tribunaux administratifs, même exclusivement juridictionnels, à l'ordre exécutif[73] et revient à leur conférer indirectement le statut de cours de justice.

[73]        Sans doute doit-on concéder que le principe de l'indépendance décisionnelle, sous son angle institutionnel, est un concept évolutif. Réservé d'abord aux cours supérieures, ce principe s'est en effet étendu à l'ensemble des cours de justice; de la common law, il est passé dans de nombreux textes législatifs et, même, des textes qu'on peut qualifier de quasi constitutionnels, comme c'est le cas de l'article 23 de la Charte québécoise. Mais cela n'emporte pas que, depuis 2006, la seule norme d'indépendance acceptable au Québec en vertu de cette disposition est la mesure, idéale il est vrai, adoptée dans le cas du TAQ.

[74]        Quant aux justiciables, qui pourraient a priori s'étonner de la permanence des uns alors que les autres demeurent sous le coup de mandats à durée fixe, renouvelables, je ne crois pas leur impression déterminante (si tant est qu'elle s'avère). Car ce n'est pas à la réaction épidermique du justiciable qu'il faut s'attarder, mais bien, ainsi que le répète la Cour suprême depuis l'arrêt Valente, à la perception du justiciable bien renseigné qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Or, ce justiciable-là ne s'arrêterait pas au seul fait que les membres du TAQ sont nommés durant bonne conduite, alors que les commissaires de la CLP (ainsi que ceux de la CRT ou encore les régisseurs de la Régie du logement) ne le sont pas. Il considérerait aussi tout ce dont il a été question dans les paragraphes précédents. Cette étude faite, il ne pourrait pas, à mon avis, conclure que les commissaires de la CLP ne sont pas indépendants ou n'ont pas le niveau d'indépendance élevé que requiert l'exercice de leurs fonctions.

[75]        Les appelants font également valoir qu'à l'instar des membres du TAQ, les commissaires de la CLP, de par le mandat dont est investie cette dernière, ne statuent que sur des décisions de l'État, et plus exactement sur les décisions d'un organisme de l'État, la CSST. Celle-ci, en vertu de l'article 429.16 L.a.t.m.p., est par ailleurs autorisée à intervenir dans toutes les affaires dont est saisie la CLP. Cette situation requerrait le plus haut niveau d'indépendance possible, qui ne pourrait être atteint qu'avec des commissaires nommés durant bonne conduite. Il ne faudrait pas, en effet, que le justiciable qui conteste une décision de la CSST, organe de l'État, puisse penser que la CLP n'est qu'une émanation - voire une marionnette - de l'État ou d'un autre organe de celui-ci. Si c'était le cas, l'article 23, qui exige l'indépendance du tribunal administratif, serait bafoué.

[76]        Avec égards, l'argument me paraît hyperbolique.

[77]        La CSST, bien sûr, est une institution étatique, qu'on pourrait sans doute qualifier d'organisme administratif décentralisé. Son conseil d'administration est composé principalement de membres qui sont nommés par le gouvernement à partir de listes fournies par les associations patronales et syndicales (art. 141 L.s.s.t.). Son président est nommé lui aussi par le gouvernement, mais après consultation des associations patronales et syndicales. La Loi sur l'administration financière ne s'applique pas à elle (art. 176.0.1 L.s.s.t.), non plus que la Loi sur l'administration publique (sauf exception - voir l'article 176.0.2 L.s.s.t.) ni la Loi sur les contrats des organismes publics (art. 176.0.3 L.s.s.t.). Son personnel, cependant, est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (art. 157 L.s.s.t.). Elle administre des fonds qui proviennent des employeurs (art. 281 et s. L.a.t.m.p. et art. 247 et s. L.s.s.t.). Elle est, si l'on veut, la gestionnaire d'une mutuelle d'assurance-responsabilité (accidents du travail et maladies professionnelles) constituée au double bénéfice des travailleurs et des employeurs. Elle remplit dans ce cadre la mission que lui confie le législateur et veille à l'administration de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (art. 589) et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (art. 166 et s. L.s.s.t.). Ce sont ses décisions qui font l'objet d'un appel à la CLP et qui sont contestées soit par le travailleur, soit par l'employeur (qui est parfois l'État ou un organisme de l'État, dans son incarnation d'employeur.). Le litige, il faut le noter, oppose en effet principalement ces deux parties (travailleur, employeur), bien que la CSST ait le droit d'intervenir au dossier.

[78]        Cela fait-il en sorte que, nécessairement, l'indépendance de la CLP ne puisse être garantie, aux fins de l'article 23 de la Charte québécoise, que par une garantie d'inamovibilité semblable à celle dont jouissent maintenant les membres du TAQ, à savoir la permanence durant bonne conduite?

[79]        On doit répondre à cette question par la négative. La CSST, organisme relativement autonome, n'est en effet partie ni au processus de nomination ni au processus de renouvellement des membres de la CLP. Elle n'a pas même à être consultée et rien dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ou dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne montre ni n'est de nature à laisser soupçonner le moindre lien entre la CSST et la CLP, autrement que par le fait que la seconde révise les décisions de la première (décisions qui n'ont pas d'impact sur les finances publiques[74], mais uniquement sur les fonds administrés par la CSST et qui proviennent des employeurs).

[80]        Les associations patronales et syndicales qui dirigent la CSST ne sont pas non plus mêlées en tant que telles au processus de nomination ou de renouvellement des commissaires, encore qu'on ne puisse pas exclure qu'une personne associée aux unes ou aux autres se glisse au sein d'un comité de nomination, par exemple à titre de « représentant des milieux intéressés » (voir l'art. 5, paragr. 3, du Règlement sur la procédure de recrutement et de renouvellement), ou au sein d'un comité de renouvellement, à titre de « représentant du milieu juridique » (art. 26, 2e al., du même règlement). Mais ce serait une coïncidence et, compte tenu du caractère spécialisé de la mission de la CLP, on ne pourrait de toute façon voir là l'indication que les commissaires nommés à la suite d'un tel processus seraient inféodés aux intérêts de la CSST. Le justiciable bien informé ne peut raisonnablement craindre qu'il en soit ainsi.

[81]        En conclusion, le législateur n'a pas à conférer à tous les tribunaux administratifs québécois exerçant des fonctions juridictionnelles ce qu'il a conféré au TAQ au chapitre de l'inamovibilité et il demeure à cet égard libre de choisir plutôt la formule des mandats à durée déterminée, à condition que ceux-ci soient assortis d'une protection réelle contre la destitution au bon plaisir. Cette protection existe en l'occurrence. Rien dans les prétentions des appelants ne justifierait, au nom de l'indépendance garantie par l'article 23 de la Charte québécoise, que les commissaires de la CLP soient obligatoirement nommés durant bonne conduite, plutôt que d'être nommés pour une durée déterminée, dans le cadre de mandats renouvelables selon la procédure déjà décrite. Pas plus que la Cour suprême n'en a détecté dans le cas du Tribunal canadien des droits de la personne, dont les membres sont assujettis à un régime semblable à celui de l'espèce, je ne puis conclure ici, au chapitre de l'inamovibilité, à l'existence d'un accroc au principe d'indépendance sanctionné par l'article 23 de la Charte québécoise.

* *

[82]        Sécurité financière. La sécurité financière est la seconde composante de l'indépendance garantie par l'article 23 de la Charte québécoise. Qu'en est-il de celle des commissaires de la CLP?

[83]        Là encore, avec égards pour le point de vue contraire, je ne vois pas ce qui, dans le régime de rémunération des commissaires, ferait en sorte d'attenter à leur indépendance ou de générer chez le justiciable une crainte raisonnable qu'eux-mêmes et le tribunal dont ils sont membres ne soient pas indépendants.

[84]        Les appelants insistent sur les arguments suivants :

-           D'une part, la manière dont on arrête le traitement initial des commissaires et les disparités dans leur traitement initial respectif (tous les commissaires n'ayant pas nécessairement le même salaire, et ce, jusqu'à ce qu'ils atteignent le maximum de leur échelle de rémunération) attenteraient à leur sécurité financière.

 

-           D'autre part, le Décret 370-2010 d'avril 2010 serait la manifestation patente de l'ingérence du pouvoir exécutif dans la rémunération des commissaires et démontrerait l'insécurité financière qui affligerait en réalité ces derniers.

 

-           Seule la mise sur pied d'une commission indépendante, sur le modèle existant pour la Cour du Québec ou les cours supérieures, permettrait de remédier à cette déficience.

[85]        Pour décider de ces arguments, il faut dans un premier temps rappeler les dispositions législatives applicables à la rémunération des commissaires de la CLP :

402.     Le gouvernement détermine par règlement :

 1° le mode, les normes et barèmes de la rémunération des membres ainsi que la façon d'établir le pourcentage annuel de la progression du traitement des commissaires jusqu'au maximum de l'échelle salariale et de l'ajustement de la rémunération des commissaires dont le traitement est égal à ce maximum;

 2° les conditions et la mesure dans lesquelles les dépenses faites par un membre dans l'exercice de ses fonctions lui sont remboursées.

 

            Il peut pareillement déterminer d'autres conditions de travail pour tous les membres ou pour certains d'entre eux, y compris leurs avantages sociaux autres que le régime de retraite.

            Le contenu du règlement peut varier selon qu'il s'agit d'un commissaire ou d'un membre autre qu'un commissaire, ou encore selon que le membre occupe une charge administrative au sein de la Commission des lésions professionnelles.

            Les règlements entrent en vigueur le quinzième jour qui suit la date de leur publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure qui y est indiquée.

402.     The Government shall make regulations determining

 (1) the mode of remuneration of the members and the applicable standards and scales, and the method for determining the annual percentage of salary advancement up to the maximum salary rate and of the adjustment of the remuneration of commissioners whose salary has reached the maximum rate;

 (2) the conditions subject to which and the extent to which a member may be reimbursed the expenses incurred in the performance of his duties.

            The Government may make regulations determining other conditions of office applicable to all or certain members, including benefits other than a pension plan.

 

            The regulatory provisions may vary according to whether they apply to a commissioner or a member other than a commissioner or to a member charged with an administrative office within the board.

 

 

            The regulations come into force on the fifteenth day following the date of their publication in the Gazette officielle du Québec or on any later date indicated therein.

403.     Le gouvernement fixe, conformément au règlement, la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail des membres.

403.     The Government shall fix, in accordance with the regulations, the remuneration, benefits and other conditions of office of the members.

404.     La rémunération d'un membre ne peut être réduite une fois fixée.

            Néanmoins, la cessation d'exercice d'une charge administrative au sein de la Commission des lésions professionnelles entraîne la suppression de la rémunération additionnelle afférente à cette charge.

404.     Once fixed, a member's remuneration may not be reduced.

            However, additional remuneration attaching to an administrative office within the board shall cease upon termination of such office.

405.     Le régime de retraite des commissaires est déterminé en application de la Loi sur le régime de retraite du personnel d'encadrement (chapitre R-12.1) ou de la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires (chapitre R-12), selon le cas.

405.     The pension plan of commissioners shall be determined pursuant to the Act respecting the Pension Plan of Management Personnel (chapter R-12.1) or the Act respecting the Civil Service Superannuation Plan (chapter R-12), as the case may be.

406.     Le fonctionnaire nommé membre de la Commission des lésions professionnelles cesse d'être assujetti à la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) pour tout ce qui concerne sa fonction de membre; il est, pour la durée de son mandat et dans le but d'accomplir les devoirs de sa fonction, en congé sans solde total.

406.     A public servant appointed as a member of the board ceases to be subject to the Public Service Act (chapter F-3.1.1) for all matters concerning such office; for the duration of his term of office, he is on full leave without pay for the purpose of performing his duties of office.

[86]        L'article 404 L.a.t.m.p. est un élément-clef de ce régime de rémunération et j'aurai l'occasion d'y revenir.

[87]        Voici par ailleurs certains des articles du Règlement sur la rémunération applicables aux commissaires de la CLP à l'époque du litige[75], articles qui complètent le portrait :

1.         Les échelles de traitement applicables au président, aux vice-présidents et aux commissaires de la Commission des lésions professionnelles sont celles apparaissant à l'annexe I.

            Ces échelles de traitement sont révisées dans le cadre de la politique arrêtée par le gouvernement pour l'ensemble des titulaires d'un emploi supérieur nommés par le gouvernement.

1.         The salary scales applicable to the president, vice-presidents and commissioners of the Commission des lésions professionnelles are those in Schedule I.

 

            The salary scales shall be revised in keeping with the policy adopted by the Government for holders of senior positions appointed by the Government.

 

2.         Lors de l'entrée en fonction d'un commissaire de la Commission, son traitement initial est déterminé en tenant compte de son expérience, de sa scolarité, du niveau du poste à combler et de ses revenus au moment de son entrée en fonction, déterminés en tenant compte des normes prescrites à l'annexe II.

            Le fonctionnaire nommé commissaire à la Commission ne peut cependant recevoir un traitement inférieur au traitement régulier auquel il avait droit avant sa nomination conformément à son classement dans la fonction publique.

2.         The starting salary of a commissioner of the board shall be determined by his experience and education, the position available, and his income at the time of his appointment established taking into account the standards prescribed in Schedule II.

 

            A civil servant appointed as a commissioner of the board may not receive a salary lower than the regular salary to which he was entitled before his appointment, in accordance with his classification in the Québec public service.

5.         Lors du renouvellement du mandat, sous réserve de l'article 3, le traitement est le même que celui qui était versé avant ce renouvellement.

5.         Upon renewal of a term of office, the salary shall remain the same as the salary paid before such renewal, subject to section 3.

8.         Le traitement d'un commissaire progresse, jusqu'à concurrence du maximum normal de l'échelle de traitement applicable, selon le pourcentage annuel correspondant au résultat de la formule suivante :

(0,1 x % octroyé pour la cote d'évaluation du rendement A) + (0,3 x % octroyé pour la cote d'évaluation du rendement B) + (0,6 x % octroyé pour la cote d'évaluation du rendement C)

            Ces pourcentages sont ceux annuellement prévus pour la progression dans l'échelle de traitement dans le cadre de la politique arrêtée par le gouvernement pour l'évaluation du rendement des membres d'un organisme nommés par le gouvernement.

            Lorsque le traitement d'un tel commissaire atteint ce maximum, sa rémunération est ajustée d'un montant forfaitaire dont le pourcentage annuel correspond au résultat de la formule énoncée plus haut. Cependant, les pourcentages sont alors ceux annuellement prévus pour le boni au rendement dans le cadre de cette politique. Ce montant forfaitaire doit, le cas échéant, être réduit pour tenir compte du pourcentage de progression dont le commissaire a bénéficié en vertu du premier alinéa ou de l'excédent du traitement du commissaire sur le maximum normal de l'échelle de traitement qui lui est applicable.

            Dans le cas d'un commissaire qui est retraité du secteur public tel que défini à l'annexe III, le maximum normal de l'échelle qui lui est applicable est établi en tenant compte de la déduction effectuée au moment de sa nomination ou du renouvellement de son mandat conformément à l'article 3.

            Le commissaire qui a exercé ses fonctions moins de 4 mois au cours de la période servant de référence pour la progression de son traitement et l'ajustement de sa rémunération ne bénéficie pas des dispositions du présent article.

8.         The salary of a commissioner shall be increased, up to the regular maximum salary of the applicable scale, by the annual percentage determined according to the following formula:

 

(0,1 x % attributed for the “A” performance rating) + (0,3 x % attributed for the “B” performance rating) + (0.6 x % attributed for the “C” performance rating).

            The percentages of increase shall be the annual percentages provided for salary advancement under the government policy on performance assessments for members of a body appointed by the Government.

 

            Where a commissioner's salary reaches the maximum, the salary shall be adjusted with a lump sum the annual percentage of which is determined according to the above formula. The percentages shall be the annual percentages for performance bonuses under that policy. The lump sum shall, if applicable, be reduced to take into account the percentage of increase that the commissioner has received under the first paragraph or the portion of the salary that exceeds the regular maximum of the salary scale applicable to that position.

 

 

            With respect to a commissioner who has retired from the public sector, as described in Schedule III, the regular maximum of the applicable salary scale shall be determined by taking into account the deduction made at the time of the commissioner's appointment or term renewal in accordance with section 3.

            A commissioner who has been in office less than 4 months during the period used as reference for salary advancement and remuneration adjustment does not benefit from the provisions of this section.

 

9.         L'évaluation annuelle du rendement d'un commissaire de la Commission est effectuée par le président de la Commission ou le vice-président qu'il désigne. Les critères et les cotes utilisés pour évaluer le rendement d'un commissaire, conformément au principe de l'indépendance dans l'exercice des fonctions juridictionnelles, sont ceux apparaissant à l'annexe IV.

            L'évaluation annuelle du rendement d'un vice-président de la Commission est effectuée par le président de la Commission et porte, quant à l'exercice de sa charge administrative, sur l'efficacité et l'efficience de la gestion des ressources mises à sa disposition pour réaliser la mission de la Commission. Le cas échéant, elle porte également sur l'exercice de sa fonction de commissaire et les critères et cotes utilisés pour évaluer son rendement, conformément au principe de l'indépendance dans l'exercice des fonctions juridictionnelles, sont ceux apparaissant à l'annexe IV.

            L'évaluation annuelle du rendement du président de la Commission est effectuée par le ministre du Travail et porte uniquement sur l'efficacité et l'efficience de la gestion des ressources mises à sa disposition pour réaliser la mission de la Commission. Les cotes utilisées pour évaluer son rendement sont celles apparaissant à l'annexe IV.

9.         The annual performance assessment of a commissioner of the board shall be carried out by the president of the board or by a vice-president he designates. The job factors and job ratings for assessing a commissioner's performance, in accordance with the principle of independent exercise of jurisdictional functions, are shown in Schedule IV.

 

 

            The annual performance assessment of a vice-president of the board shall be carried out by the president of the board and shall address, with respect to his administrative office, the efficiency and effectiveness of the management of resources at his disposal to carry out the board's mission. If applicable, it shall also address his performance as a commissioner. The job factors and job ratings for the assessment, in keeping with the principle of independent exercise of jurisdictional functions, are shown in Schedule IV.

 

 

            The annual performance assessment of the president of the board shall be carried out by the Minister of Labour and shall address only the efficiency and effectiveness of the management of resources at his disposal to carry out the board's mission. The job factors and job ratings for assessing his performance are shown in Schedule IV.

13.       Les commissaires de la Commission participent aux régimes d'assurance collective du personnel d'encadrement des secteurs public et parapublic du Québec.

            Si une invalidité donnant droit à l'assurance-salaire survient au cours du mandat d'un commissaire de la Commission, les prestations prévues par les régimes d'assurance-salaire de courte et de longue durée sont payables et l'exonération des cotisations aux régimes d'assurance et de retraite s'applique tant que dure la période d'invalidité, et ce, même si le mandat se termine pendant cette période.

13.       Full-time commissioners of the board shall participate in the group insurance plans for managerial staff of the Québec public and parapublic sectors.

            In case of disability of a commissioner who is entitled to salary insurance benefits during his term of office, the benefits provided for under the long- or short-term salary insurance plans shall be paid and the commissioner shall be exempted from paying premiums to the pension and insurance plans for the duration of the period of disability, even if the commissioner's term expires during that period.

14.       Conformément à l'article 405 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et sous réserve des dispositions particulières permises par les régimes ci-après mentionnés et prévues par décret :

  1° les commissaires de la Commission participent au régime de retraite du personnel d'encadrement (RRPE) ou, selon le cas, au régime de retraite des fonctionnaires;

  2° les vice-présidents de la Commission participent au régime de retraite du personnel d'encadrement (RRPE) et bénéficient des dispositions particulières de retraite, compte tenu des modifications qui y ont été ou qui pourront y être apportées, prévues par les décrets nos 960-2003 et 961-2003 du 17 septembre 2003 en tant qu'employés non visés par l'annexe I de ce dernier décret;

  3° le président de la Commission participe au régime de retraite du personnel d'encadrement (RRPE) et bénéficie des dispositions particulières de retraite prévues aux décrets 960-2003 et 961-2003 du 17 septembre 2003 compte tenu des modifications qui y ont ou qui pourront y être apportées.

14.       In accordance with section 405 of the Act respecting industrial accidents and occupational diseases and subject to any special provisions included in the following plans and prescribed by order in council,

  (1)  commissioners of the board shall participate in the Pension Plan of Management Personnel or, as the case may be, in the Civil Service Superannuation Plan;

  (2)  the vice-presidents of the Board shall participate in the Pension Plan of Management Personnel, and be subject to the special retirement provisions prescribed by Orders in Council 960-2003 and 961-2003 dated 17 September 2003 and any consequential amendments, as employees not subject to Schedule I to the latter Order in Council;

 

  (3)  the president of the board shall participate in the Pension Plan of Management Personnel and be subject to the special retirement provisions of Orders in Council 960-2003 and 961-2003 dated 17 September 2003 and any consequential amendments.

[88]        Antérieurement à 2002, l'article 8 du règlement ci-dessus prévoyait que le traitement d'un commissaire était annuellement révisé en fonction de l'évaluation de rendement prévue par l'article 9. La méthode fut abandonnée dans la foulée de l'arrêt de la Cour dans Barreau de Montréal[76], et ce, malgré que l'arrêt Montambeault[77], précédemment, n'ait pas vu dans cette utilisation du rendement comme outil de progression salariale une atteinte à la sécurité financière des commissaires de l'ancienne Commission d'appel en matière de lésions professionnelles.

[89]        Parlant de l'arrêt Barreau de Montréal, je crois par ailleurs utile de rappeler dans un second temps les propos qu'y tenait la Cour au sujet de la sécurité financière des membres du TAQ, tel qu'il était alors. Je me permets de reproduire ici les paragraphes 191 à 207 :

[191]    L’indépendance judiciaire des membres du TAQ se mesure également par la sécurité financière qui leur est accordée. On se souvient que celle-ci « consiste essentiellement en ce que le droit au traitement et à la pension soit prévu par la loi et ne soit pas sujet aux ingérences arbitraires de l’exécutif ». Tout comme pour l’inamovibilité, ce principe de non-ingérence doit recevoir en l'espèce une application plus stricte que celle généralement retenue pour les tribunaux administratifs.

[192]    À cet égard, le premier juge rejette l’argument de l’intimé selon lequel seule la mise sur pied d’une commission indépendante peut satisfaire à cette condition de sécurité financière et conclut que le régime public fondé sur des normes législatives et réglementaires mises en place par le législateur procure aux membres du TAQ une structure financière qui repose sur des règles de droit s’appliquant à la collectivité des membres, ce qui atténue grandement les pressions de l’exécutif. Il ajoute cependant que la crainte en l’espèce ne vient pas de l’exécutif, mais du président du TAQ dans la mesure où l'article 10 du règlement sur la rémunération lui confère le pouvoir d'effectuer à chaque année l’évaluation du rendement des membres aux fins de la révision de leur traitement.

[193]    Selon l’appelante, le premier juge aurait dû s'en tenir à sa conclusion selon laquelle les membres du TAQ bénéficient sur le plan de la sécurité financière de la garantie d’indépendance essentielle, savoir qu'ils ne peuvent faire l'objet de pressions de l’exécutif. À son avis, étant donné la nature véritable du TAQ, le juge n'avait pas à se pencher sur la place faite au président du TAQ dans la procédure d'évaluation.

[194]    À mon avis, l'appelante a tort. Ainsi que l’intimé et l’intervenante le soulignent en s'appuyant sur l'arrêt Lippé, la garantie d'indépendance judiciaire des membres du TAQ en matière de sécurité financière n'exige pas seulement qu'ils soient à l'abri des pressions du gouvernement au sens étroit du terme, mais également de celles du président du Tribunal.

[195]    Dans cet arrêt portant sur l'indépendance judiciaire aux fins de l'alinéa 11 d) de la Charte canadienne et de l'article 23 de la Charte québécoise des juges municipaux à temps partiel autorisés à pratiquer le droit, le juge en chef Lamer, au nom de deux de ses collègues, reconnaît qu'en fonction de notre tradition constitutionnelle le contenu du principe de l'indépendance judiciaire se limite à l'indépendance vis-à-vis le gouvernement. Il précise toutefois qu'il n'entend pas limiter la notion de « gouvernement » aux simples pouvoirs exécutif et législatif :

[…] Par l'expression « gouvernement », dans ce contexte, je veux dire toute personne ou tout organisme capable d'exercer des pressions sur les juges en vertu de pouvoirs émanant de l'État. […] par exemple, les membres de la Cour doivent jouir de l'indépendance judiciaire et être en mesure d'exercer leur jugement sans faire l'objet de pression ou d'influence de la part du Juge en chef. [Les italiques sont du soussigné].

Pour sa part, le juge Gonthier, au nom de trois autres collègues, rejette le sens restreint que donne le juge en chef à l’indépendance judiciaire bien qu'il partage ses conclusions et le raisonnement qui les sous-tend. Selon lui, il est plus approprié de retenir la définition plus large de l’« indépendance judiciaire » de l’arrêt Beauregard, dont j'ai fait état au paragraphe [187], selon laquelle :

Historiquement, […] l’essentiel du principe de l’indépendance judiciaire a été la liberté complète des juges pris individuellement d’instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises : personne de l’extérieur - que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge - ne doit intervenir en fait, ou tenter d’intervenir, dans la façon dont un juge mène l’affaire et rend sa décision. [Les italiques sont du soussigné.]

[196]    Dans le Renvoi sur les juges, le juge en chef Lamer se range finalement à cette définition plus large de l’indépendance judiciaire lorsqu'il affirme :

[…] l’indépendance de la magistrature protège également les tribunaux contre l’ingérence des parties aux litiges dont ils sont saisis et du public en général […].

[197]    Il est donc nécessaire, en l’espèce, d’examiner si la procédure d’évaluation annuelle du rendement des membres du TAQ satisfait à cette garantie essentielle de l’indépendance judiciaire.

[198]    En ce qui concerne le premier critère d’ordre qualitatif prévu à l'article 1 a) de l’annexe IV du règlement sur la rémunération, le premier juge constate que l’examen de la connaissance et de l’utilisation des lois, des règlements, des règles de preuve et de la jurisprudence ne peut se faire qu’en examinant les décisions elles-mêmes. Il en résulte que ce critère d’évaluation touche à l’essence même de la notion d’indépendance puisqu’il concerne la quiétude d’esprit du décideur qui doit pouvoir juger suivant la loi et sa conscience, sans s’inquiéter de sa prochaine augmentation de salaire. Il s'interroge également sur l'influence que peuvent avoir à cet égard les critères d’ordre quantitatif prévus à l'article 2 d). Il conclut finalement que, en effectuant ainsi l’évaluation du rendement d’un membre, le président du TAQ peut exercer sur lui une pression susceptible de l’influencer dans sa sphère juridictionnelle.

[199]    L'appelante conteste cette conclusion. Soulignant que toutes les personnes nommées à la discrétion du gouvernement font l’objet d’une évaluation annuelle semblable de leur rendement, elle plaide essentiellement que le premier juge aurait dû, ici aussi, se déclarer lié par l’arrêt de notre cour dans Montambeault. En effet, au-delà de la procédure de renouvellement qui n'existait pas à l'époque, cet arrêt met aussi en cause un formulaire d'évaluation annuelle du rendement des commissaires de la CALP dont la grille d'évaluation contient des volets qualitatifs et quantitatifs similaires à ceux prévus en l'espèce. Notre cour, à son avis, aurait conclu que ceux-ci n'affectaient pas la sphère juridictionnelle des commissaires, ajoutant qu’aucun élément de preuve ne permettait de soutenir que le président de cette Commission aurait utilisé cette procédure d’évaluation pour exercer des pressions sur les membres de celle-ci. De la même manière, précise l'appelante, en l'espèce, aucune preuve ne permet de conclure que les critères prévus dans la procédure d’évaluation du rendement seront utilisés par le président du TAQ pour influencer les membres de ce tribunal.

[200]    Pour l'intervenante, il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention au gouvernement, mais simplement d’une question d’apparence d’indépendance. À cet égard, elle se dit d'avis que l’évaluation du rendement d'un membre effectuée par le président en vertu de la procédure d'évaluation contrevient à la condition essentielle de l’indépendance judiciaire qu'est la sécurité financière énoncée dans l’arrêt Valente.

[201]    L’intimé, pour sa part, réitère qu’une distinction doit être faite d’avec l'arrêt Montambeault. Alors que dans cet arrêt, notre cour a dû déterminer si la preuve présentée soutenait la prétention selon laquelle le président de la CALP aurait utilisé les pouvoirs que lui confère le formulaire d'évaluation du rendement pour exercer des pressions indues sur une commissaire dans un cas donné, l’espèce actuelle soulève la question plus générale de savoir si une personne raisonnable peut craindre que la condition de la sécurité financière ne soit pas satisfaite par la structure financière du TAQ. Il ne serait donc pas nécessaire, en l'espèce, de démontrer que le président du TAQ a utilisé ou utilisera la procédure d’évaluation pour faire pression sur un membre. L'intimé plaide, de plus, que le concept même d’une évaluation du rendement serait incompatible avec les fonctions exercées par les membres du TAQ.

[202]    À mon avis, l'intimé a raison sur l'un et l'autre point.

[203]    D’une part, tel que je l’ai précédemment expliqué, il n’y a pas lieu d’appliquer directement à l’espèce l’arrêt de notre cour dans Montambeault étant donné que les organismes en cause - la CALP et le TAQ - méritent d’être distingués l’un de l’autre ne serait-ce qu'en raison de l'identité des parties qui s'y trouvent. De plus, en l’espèce, il s'agit strictement de déterminer si l’évaluation annuelle du rendement, qui est utilisée pour déterminer le pourcentage de progression dans l’échelle de traitement dont un membre bénéficiera, peut, en soi, entraîner chez une personne raisonnable qui connaît la nature véritable du TAQ la crainte que la garantie d’indépendance reliée à la sécurité financière ne soit pas respectée. Il n’est pas question d’examiner s'il existe une preuve quelconque démontrant que la procédure d’évaluation a été utilisée pour exercer des pressions sur les membres. D'ailleurs, ce n'est nullement la prétention des parties et aucune telle preuve n'a été administrée.

[204]    D’autre part, dans R. c. Généreux, le juge en chef Lamer, au nom de la majorité, se prononce contre le principe de l’évaluation annuelle, par un supérieur, du rendement d’un officier des Forces armées siégeant comme membre d'une cour martiale générale. À son avis, une telle évaluation porte atteinte à la garantie d’indépendance dont doit bénéficier un tribunal indépendant au sens de l'alinéa 11 d) de la Charte canadienne non pas parce que l’exécutif a effectivement voulu influencer l’issue des procédures, mais plutôt qu’une personne raisonnable aurait pu craindre que ce soit le cas selon le système qui existait alors :

Au moment où l’appelant a été jugé par la cour martiale générale, il n’était pas interdit formellement d’évaluer un officier en fonction de son rendement en cour martiale générale. L’évaluation de son rendement pourrait traduire la satisfaction ou le mécontentement de son supérieur à l’égard de sa conduite en cour martiale. Par conséquent, en lui accordant ou en lui refusant une augmentation de salaire ou une gratification sur la base d’une évaluation de rendement, l’exécutif pourrait effectivement récompenser ou punir un officier pour son rendement à titre de membre d’une cour martiale générale. Cette atteinte à l’indépendance des membres d’une cour martiale générale serait contraire à l’al. 11d) de la Charte. Encore une fois, cela revient non pas à dire que l’exécutif a, en réalité, voulu influencer l’issue des procédures en cour martiale en accordant ou en refusant des augmentations de salaire, mais plutôt qu’une personne aurait pu craindre que ce soit le cas selon le système qui existait au moment du procès de l’appelant. [Les italiques sont du soussigné.]

[205]    À mon avis, bien que cette analyse traite de la question aux fins de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne, elle peut également s’appliquer à l’examen de la garantie d’indépendance judiciaire requise en vertu de l’article 23 de la Charte québécoise. Ainsi, en raison de la structure du TAQ, de ses compétences, des pouvoirs conférés à ses membres et du fait que les intérêts de l'État, en tant que partie, sont fréquemment en jeu devant cette institution, l’évaluation annuelle du rendement de ceux-ci me paraît incompatible avec la garantie d'indépendance judiciaire dont ils doivent bénéficier sur le plan de la sécurité financière.

[206]    Une fois nommé, chacun des membres du TAQ devrait pouvoir bénéficier annuellement, le cas échéant, jusqu'à ce qu'il ait atteint le maximum de l'échelle de traitement qui lui est applicable, d'une progression déterminée suivant un pourcentage identique pour tous. L'article 56 paragraphe 1  L.J.A., qui habilite le gouvernement à déterminer par règlement le mode, les normes et barèmes de la rémunération des membres, devrait donc, à mon avis, énoncer un tel principe. Cela ne signifie pas pour autant que le président ne pourrait pas effectuer une évaluation annuelle des membres à des fins formatives. Comme le souligne le Rapport Ouellette, celle-ci est sans doute souhaitable et devrait être versée, annuellement, au dossier de chaque membre. Une telle évaluation contribuerait ainsi à leur formation et leur permettrait, si nécessaire, de s’amender en temps utile. De plus, étant versée au dossier, elle pourrait, au terme du mandat d'un membre, être considérée par le comité indépendant chargé d'en recommander le renouvellement.

[207]    En ce qui concerne, toutefois, l’argument de l’intimé selon lequel la mise en place d’une commission indépendante ayant pour rôle de fixer les traitements serait requise par la nature véritable du TAQ, je partage plutôt les conclusions du premier juge. Contrairement à ce que prétend l'intimé, l'institution d'une telle commission ne me paraît pas nécessaire pour satisfaire à la dimension institutionnelle de la sécurité financière des membres du TAQ sous l'article 23 de la Charte québécoise.

[Sauf indication contraire, je souligne et tous renvois omis.]

[90]        À première vue, dans la mesure où :

-           leur rémunération est quantitativement satisfaisante (personne, en tout cas, n'a prétendu ou démontré que cette rémunération était trop maigre pour garantir la sécurité financière des intéressés);

.           l'évaluation de leur rendement ne conditionne plus la progression de leur traitement dans l'échelle applicable ni la quotité des ajustements forfaitaires qu'ils reçoivent à compter du moment où ils atteignent le degré supérieur de cette échelle (après quoi ils progressent tous au même rythme et de concert);

-           leur rémunération ne peut être réduite (art. 404 L.a.t.m.p.);

-           leur régime de retraite est assuré par la loi (art. 405 L.a.t.m.p. et 14 du Règlement sur la rémunération),

la sécurité financière des commissaires de la CLP est suffisamment assurée, selon le standard défini par la Cour dans Barreau de Montréal et emprunté à l'arrêt Valente. Dans ce dernier, on souligne que la sécurité financière implique « un traitement ou autre rémunération assurés et, le cas échéant, une pension assurée » (Valente, p. 704). Plus précisément, il ne faut pas que le droit au traitement soit « sujet aux ingérences arbitraires de l'exécutif d'une manière qui pourrait affecter l'indépendance » (Valente, p. 704); dans le cas de la pension, elle ne doit pas simplement dépendre des bonnes grâces de l'exécutif. La rémunération des commissaires de la CLP répond à cette double exigence.

[91]        Cette sécurité financière se trouve-t-elle indûment affaiblie par le fait que, lors de leur entrée en fonction, tous les commissaires nouvellement nommés ne reçoivent pas la même rémunération, disparité qui perdure jusqu'à ce qu'ils atteignent le sommet de l'échelle salariale, que certains, d'ailleurs, atteindront plus rapidement que d'autres, selon leur salaire de départ?

[92]        On peut être d'avis que, sur le plan de la gestion des ressources humaines, la pratique consistant à octroyer des traitements différents à des personnes qui, étant toutes fraîchement nommées et de même ancienneté dans le poste, effectuent des tâches identiques comporte son lot d'inconvénients[78] et peut se révéler propice à la zizanie. Par contraste, on notera que les juges de chacune des cours supérieures reçoivent tous et toutes la même rémunération (sauf s'ils exercent des fonctions de direction administrative), peu importe leur ancienneté. C'est aussi le cas des juges de la Cour du Québec. Cela dit, la question n'est pas de savoir si une rémunération uniforme est préférable ou non sur le plan humain, mais de savoir si les différences qui existent dans le traitement initial des commissaires de la CLP affectent leur sécurité financière et, par voie de conséquence, leur indépendance ou apparence d'indépendance aux yeux du justiciable raisonnable et bien informé.

[93]        Or, vu la nature des normes applicables à la sécurité financière des membres des tribunaux administratifs, on ne peut pas voir dans l'existence de ces disparités temporaires (qui cessent, rappelons-le, lorsque chaque commissaire atteint le sommet de l'échelle de traitement) une entorse à la sécurité financière des commissaires. Il pourrait en aller autrement si ces disparités étaient permanentes - sujet sur lequel je ne me prononce pas -, mais ce n'est pas le cas. Compte tenu du fait que, une fois le traitement d'entrée fixé, il progresse selon la formule mathématique, d'application uniforme, prévue par l'article 8 du Règlement sur la rémunération (et particulièrement le premier et le troisième alinéas de cette disposition) et non selon la décision arbitraire ou discrétionnaire d'un gestionnaire quelconque, le justiciable raisonnable et bien informé ne pourrait conclure qu'il y a dans cette méthode de progression salariale un risque d'atteinte à l'indépendance des commissaires. En effet, peu importe que les décisions des commissaires plaisent ou non et peu importe à qui elles plaisent ou déplaisent, la progression salariale est prévue par l'article 8 du Règlement sur la rémunération, selon une équation mathématique et sans que l'évaluation du rendement particulier de chaque commissaire soit considérée. De ce point de vue, les commissaires sont à l'abri des ingérences de l'exécutif. Cette sécurité est accrue du fait que le législateur a expressément choisi, par l'article 404 L.a.t.m.p., de mettre les commissaires à l'abri de toute réduction de leur rémunération, sous tous ses aspects.

[94]        Au pire, on pourrait peut-être croire que le justiciable informé de la disparité initiale des traitements des commissaires nouvellement nommés en conclurait, du moins au premier abord, que le mieux payé est plus compétent que le moins payé. À partir du moment, cependant, où on lui expliquerait pourquoi il est possible que certains nouveaux commissaires reçoivent une rémunération inférieure à celle de leurs collègues et où il examinerait la question de manière approfondie et réaliste, cette impression première ne pourrait que se dissiper.

[95]        Le traitement initial d'un commissaire n'est en effet pas arrêté de manière arbitraire ni sur la base d'un seul critère. L'article 2 du Règlement sur la rémunération prévoit plutôt que ce traitement est fixé en fonction des éléments suivants : l'expérience du commissaire (ou du candidat), sa scolarité, le niveau du poste à combler et celui de ses revenus au moment de son entrée en fonction[79]. Il s'agit là de critères communs, connus et généralisés en matière de fixation de la rémunération, critères qui n'ont rien d'incongru ou d'exceptionnel. Et si l'on se demande à quoi renvoie la condition relative au « niveau du poste à combler », puisqu'en principe tous les postes sont de même niveau, il s'agit vraisemblablement de la situation où un commissaire nouvellement nommé le serait à des fonctions de présidence ou de vice-présidence, qui commandent un traitement plus élevé, conformément à l'article 402, 3e al., L.a.t.m.p. et aux dispositions correspondantes du Règlement sur la rémunération.

[96]        Par ailleurs, quel que soit le montant de son traitement initial, le commissaire - et cela est vrai dès le moment de sa nomination - n'a de compte à rendre à personne, sur le plan décisionnel, et sa prestation (incluant le nombre, la qualité ou l'orientation de ses décisions) ne peut déterminer son salaire, encore qu'elle puisse avoir une influence sur le renouvellement de son mandat, comme on l'a vu précédemment. Dans la mesure, cependant, où la progression salariale du commissaire est tributaire de la formule mathématique prévue par l'article 8 du Règlement sur la rémunération et non par le président de la CLP, qui n'est par ailleurs pas membre du comité de renouvellement, l'indépendance de chacun se trouve suffisamment garantie.

[97]        Les appelants soutiennent cependant qu'il existe une faille dans ce système puisque, selon ce que révèle la preuve, l'établissement du salaire initial du commissaire ne respecterait pas les critères de l'article 2 du Règlement sur la rémunération.

[98]        Il ressort en effet du témoignage de M. Stéphane Mercier, secrétaire aux emplois supérieurs, que la fixation des salaires des commissaires qu'on s'apprête à nommer est fondée principalement sur le critère de ses revenus au moment de son entrée en fonction. Diverses raisons (dont les nécessités du recrutement) expliqueraient cette attitude. On considérerait ainsi que les autres critères sont en quelque sorte subsumés dans celui-là, puisque, normalement, sur le marché du travail, plus avancée sera la scolarité et plus grande l'expérience, plus élevés seront les revenus. Cela expliquerait donc que certains nouveaux commissaires, qui gagnaient des revenus supérieurs au moment de leur nomination, bénéficient d'un traitement initial supérieur.

[99]        Même si on pouvait estimer que ces raisons sont plus ou moins satisfaisantes et qu'elles ne justifient pas de s'écarter de la lettre de l'article 2 du Règlement sur la rémunération, elles ne montrent pas que l'on chercherait par ce moyen à faire pression sur les futurs commissaires, à influencer leur processus décisionnel ou à les rendre vulnérables à de telles pressions. Du reste, une fois nommés, et comme je le mentionnais plus haut, la progression salariale et la prestation individuelle des commissaires sont dissociées d'une manière qui fait en sorte que la sécurité financière et l'indépendance décisionnelle, tant individuelle qu'institutionnelle, ne peuvent pas être sérieusement mises en doute. Il n'y a pas de lien entre le reproche que les appelants adressent à l'exécutif à ce chapitre et leur sécurité financière, en tant que composante de l'indépendance juridictionnelle.

[100]     La question se pose cependant de savoir si l'adoption du Décret 370-2010, motivée par une crise des finances publiques aggravée par l'effondrement économique de 2008, peut, elle, être considérée comme attentatoire à la sécurité financière et, partant, à l'indépendance que cherche à protéger l'article 23 de la Charte québécoise. Ce décret, en effet, a fait en sorte que la rémunération des commissaires de la CLP a été, dans certains cas, réduite[80] et que la progression des autres dans l'échelle de traitement a été ralentie. Y a-t-il là atteinte à la sécurité financière, et donc à l'indépendance, des commissaires, par suite d'une ingérence arbitraire de l'exécutif?

[101]     Le décret en question, en date du 26 avril 2010, ne parle pas de la rémunération des commissaires de la CLP, pas plus que de celle des membres du TAQ, des commissaires de la CRT ou des régisseurs de la Régie du logement. Néanmoins, il affecte cette rémunération, par ricochet, en ce qu'il prévoit que, dans le cas des titulaires d'un emploi supérieur, le maximum de la grille des pourcentages d'ajustement salariaux consécutifs à la progression dans l'échelle de traitement ou à l'octroi d'un boni au rendement sera de 0 %, et ce, pour les années 2009-2010 et 2010-2011. Voici son texte :

            Il est ordonné, sur la recommandation du premier ministre :

            QUE pour l'application de l'article 8 des Règles concernant la rémunération et les autres conditions de travail des titulaires d'un emploi supérieur à temps plein, adoptées par le gouvernement par le décret numéro 450-2007 du 20 juin 2007, le maximum de la grille des pourcentages d'ajustement variable du traitement pour la progression dans l'échelle de traitement et le maximum de la grille des pourcentages de boni au rendement correspondent à 0 % pour toute cote d'évaluation obtenue pour les années de référence du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 et du 1er avril 2010 au 31 mars 2011.

[102]     Le premier alinéa de l'article 8 du Règlement sur la rémunération applicable aux commissaires de la CLP fixe la progression de ceux-ci dans l'échelle de traitement ou l'ajustement forfaitaire qui leur est dû lorsqu'ils sont au maximum de celle-ci en fonction d'une formule mathématique renvoyant aux pourcentages des bonis au rendement applicables aux titulaires d'emplois supérieurs[81]. Le Décret 370-2010 fixant ce pourcentage à 0, l'article 8 du Règlement sur la rémunération donne, pour les années en cause, un résultat lui aussi égal à 0[82]. Il reste que le traitement des commissaires a tout de même été augmenté de 0,5 % le 1er avril 2010 et de 0,75 % le 1er avril 2011, en raison de la majoration de l'échelle de traitement elle-même (qui suit celle des titulaires d'emplois supérieurs)[83].

[103]     Que penser de cette manière de faire participer les commissaires de la CLP à l'effort collectif de réduction des dépenses de l'État?

[104]     Rappelons que, selon la jurisprudence, la sécurité financière des décideurs n'est pas mise en péril, en tant que telle, par la réduction ou le gel de leur rémunération. Il en irait autrement si la mesure était discriminatoire, avait pour effet de rabaisser la rémunération en deçà d'un certain seuil ou était imposée dans « un but malhonnête ou spécieux » (l'expression est du juge Dickson dans La Reine c. Beauregard[84]). Je m'en remets sur ce point entièrement à l'analyse du juge en chef Lamer dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard; renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard[85] : les propos qu'il y tient au sujet de la réduction ou du gel de la rémunération des juges des cours de justice sont a fortiori applicables aux tribunaux administratifs et à leurs membres, en ce sens que ces derniers ne peuvent sûrement pas exiger une protection plus avantageuse à cet égard que celle des juges. Si même les plus hautes garanties d'indépendance, ancrées dans la constitution, ne peuvent faire en sorte que les juges échappent aux réductions salariales, les garanties moindres reconnues aux tribunaux administratifs ne sauraient les en protéger, du moins lorsqu'elles respectent les conditions énoncées plus haut.

[105]     En l'espèce, la preuve ne révèle aucunement que le Décret 370-2010 a été imposé dans un but malhonnête ou spécieux ou que l'exécutif entendait cibler par là les commissaires de la CLP (ou d'autres tribunaux administratifs) ou de réduire leurs revenus à un niveau indéfendable ou d'établir entre eux des distinctions injustifiables ou d'influencer leurs décisions. Au contraire, ce décret répond à des impératifs économiques et budgétaires importants, il s'insère dans une politique générale d'austérité applicable à tous ceux dont la rémunération dépend des fonds publics et a par ailleurs un caractère temporaire.

[106]     Il n'y a donc pas lieu de conclure que le Décret 370-2010 attente à la sécurité financière des commissaires et à l'indépendance que requiert l'article 23 de la Charte québécoise, pas plus qu'il n'y a lieu de conclure que ce décret équivaut à une intrusion arbitraire de l'exécutif dans la sphère protégée de l'indépendance juridictionnelle.

[107]     Mais cette conclusion ne suffit pas à régler la question de la validité des effets du décret sur la rémunération des commissaires de la CLP. En effet, quoiqu'il n'affecte pas la sécurité financière des commissaires et n'altère pas leur indépendance (que ce soit individuellement ou institutionnellement), le décret pourrait-il enfreindre néanmoins l'article 404 L.a.t.m.p.?

[108]     Reproduisons ici de nouveau, par commodité, l'article 404 L.a.t.m.p., mais aussi les articles 402 et 403, qui sont utiles à son interprétation :

402.     Le gouvernement détermine par règlement :

1° le mode, les normes et barèmes de la rémunération des membres ainsi que la façon d'établir le pourcentage annuel de la progression du traitement des commissaires jusqu'au maximum de l'échelle salariale et de l'ajustement de la rémunération des commissaires dont le traitement est égal à ce maximum;

2° les conditions et la mesure dans lesquelles les dépenses faites par un membre dans l'exercice de ses fonctions lui sont remboursées.

            Il peut pareillement déterminer d'autres conditions de travail pour tous les membres ou pour certains d'entre eux, y compris leurs avantages sociaux autres que le régime de retraite.

            Le contenu du règlement peut varier selon qu'il s'agit d'un commissaire ou d'un membre autre qu'un commissaire, ou encore selon que le membre occupe une charge administrative au sein de la Commission des lésions professionnelles.

            Les règlements entrent en vigueur le quinzième jour qui suit la date de leur publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure qui y est indiquée.

402.     The Government shall make regulations determining

(1) the mode of remuneration of the members and the applicable standards and scales, and the method for determining the annual percentage of salary advancement up to the maximum salary rate and of the adjustment of the remuneration of commissioners whose salary has reached the maximum rate;

(2) the conditions subject to which and the extent to which a member may be reimbursed the expenses incurred in the performance of his duties.

            The Government may make regulations determining other conditions of office applicable to all or certain members, including benefits other than a pension plan.

 

            The regulatory provisions may vary according to whether they apply to a commissioner or a member other than a commissioner or to a member charged with an administrative office within the board.

 

 

            The regulations come into force on the fifteenth day following the date of their publication in the Gazette officielle du Québec or on any later date indicated therein.

403.     Le gouvernement fixe, conformément au règlement, la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail.

403.     The Government shall fix, in accordance with the regulations, the remuneration, benefits and other conditions of office of the members.

404.     La rémunération d'un membre ne peut être réduite une fois fixée.

            Néanmoins, la cessation d'exercice d'une charge administrative au sein de la Commission des lésions professionnelles entraîne la suppression de la rémunération additionnelle afférente à cette charge.

404.     Once fixed, a member's remuneration may not be reduced.

            However, additional remuneration attaching to an administrative office within the board shall cease upon termination of such office.

[109]     « La rémunération d'un membre ne peut être réduite une fois fixée » (« Once fixed, a member's remuneration may not be reduced »), dit l'article 404 L.a.t.m.p. Qu'entend-on ici par « rémunération »?

[110]     Selon les appelants, ce terme inclut, au sens de l'article 402, premier al., paragr. 1, la « progression du traitement des commissaires jusqu'au maximum de l'échelle salariale et de l'ajustement de la rémunération des commissaires dont le traitement est égal à ce maximum ». L'intimé soutient le contraire, en faisant valoir de surcroît que la « preuve a plutôt démontré que le traitement de tous les commissaires a été augmenté de 0,5 % au 1er avril 2010 et de 0,75 % au 1er avril 2011, et ce, en raison de la majoration annuelle de leur échelle de traitement et de leur traitement »[86].

[111]     Le sens et la portée de l'article 404 L.a.t.m.p. ne sont pas évidents. Lorsque le législateur y écrit que « la rémunération d'un membre ne peut être réduite, une fois fixée », de quoi parle-t-il au juste? Veut-il dire que la rémunération initiale du commissaire, c'est-à-dire celle qui est fixée au moment de sa nomination, selon l'article 2 du Règlement sur la rémunération, ne peut être réduite? Veut-il plutôt dire que la rémunération de chaque commissaire, pour chaque année donnée, ne saurait être inférieure en numéraire à celle de l'année précédente? La rémunération n'inclut-elle que le traitement de base, excluant la progression dans l'échelle salariale ou l'ajustement forfaitaire? Inclut-elle les avantages sociaux? La réponse à ces questions n'est pas claire, du moins pas au premier coup d'œil.

[112]     Notons d'abord que les articles 402 à 404 L.a.t.m.p. se trouvent dans la section IX du chapitre XII de la loi, intitulée « Rémunération et autres conditions de travail » (titre auquel fait écho le titre complet du Règlement sur la rémunération qui, on s'en souviendra, est le suivant : Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des commissaires de la Commission des lésions professionnelles). Dans le vocabulaire courant (que le législateur emploie en principe[87]), le mot « rémunération » ou, en anglais, « remuneration » est défini comme suit :

 2  Mod. Argent* reçu en récompense, pour prix d'un service.  Avantage, commission, émolument, gain, prime, rétribution. | Rémunération versée par le fermier au propriétaire (→ Exploitation, cit. 4). | La rémunération d'un travail. […][88]

(par renvoi au verbe « to remunerate ») : 1 reward; pay for services rendered. 2 serve as or provide recompense for (toil etc.) or to (a person). […][89]

[113]     On trouve aussi les définitions juridiques suivantes, qui correspondent à la définition commune :

1          Terme générique désignant toute *prestation, en argent ou même en nature, fournie en contrepartie d'un travail ou d'une activité (ouvrage, services, etc.); englobe en ce sens *traitement, *honoraires, *salaire, *gratification, *commission, courtage, gages, pourboire, avantage en nature, fret. Comp. indemnité, prime, intérêt, appointements, émolument.

2          Plus spéc. (pour un travailleur salarié), contrepartie du travail ou de la disponibilité du travailleur, fixe ou variable, calculée au temps ou au rendement, fixée en argent ou pour partie en nature; elle comporte non seulement le *salaire et ses accessoires (primes, gratifications, indemnités, *pourboires), mais l'ensemble des avantages accordés au travailleur en vue de lui permettre de satisfaire à ses besoins. V. paye, gages, saisie des rémunérations.

[…][90]

Prix versé à quelqu'un en nature ou en espèces pour un travail qu'il a exécuté ou pour un service qu'il a rendu. La rémunération est un terme d'une portée plus générale que le salaire* qui s'emploie lorsque le taux de la rémunération est convenu d'avance et que celle-ci constitue le paiement du travail fourni par un employé. Tout salaire est une rémunération, mais non le contraire. On peut classifier les types de rémunérations sous bien des aspects. Les expressions qui suivent peuvent se regrouper selon le mode de calcul : à l'acte, au rendement, primaire; selon le mode de paiement; en nature, en espèces, forfaitaire, participatoire, brute.

Rétribution*; bénéfice*; traitement*; prime*.[91]

1. Payment for services provided. […] 2. Includes a daily or other allowances for the performance of the duties of a position or office. 3. Includes salary, wages, commissions, tips, earnings for overtime, piece work, and contract work, bonuses and allowances, the cash equivalent of board and lodging, store certificates, credits and any substitute for money. 4. Includes a commission or any direct or indirect benefit, any promise of or intention to obtain a remuneration. See ORDINARY ~; .[92]

[114]     Le terme « rémunération », fort général, englobe donc toute forme de rétribution pour l'exécution d'un emploi, d'un service, d'un travail ou d'une activité ou, comme c'est ici le cas, l'exercice d'une charge. Elle inclut ordinairement les avantages tels les régimes d'assurance et contributions à ceux-ci, et les frais, allocations et dépenses de toutes sortes.

[115]     La section IX de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles utilise-t-elle le mot « rémunération » dans ce sens général? Certainement, le titre de la section IX distingue la « rémunération » des « autres conditions de travail » et l'on pourrait penser que le premier terme renvoie à la rétribution pécuniaire des commissaires, et donc à toutes les composantes de celle-ci, alors que le second renvoie aux conditions normatives (horaire, vacances, bénéfices de retraite, etc.). Les articles 402 et s. L.a.t.m.p. permettent-ils de confirmer cette impression?

[116]     L'article 402 L.a.t.m.p. est, si l'on veut, le pivot de la section, en ce qu'il détermine le régime général de la rémunération et des autres conditions de travail des commissaires, que mettront en œuvre ou préciseront les dispositions qui suivent. Plusieurs termes y sont utilisés : rémunération, traitement, conditions, autres conditions de travail. Le premier paragraphe du premier alinéa énonce ainsi que sont déterminés par règlement « le mode, les normes et barèmes de la rémunération des membres ainsi que la façon d'établir le pourcentage annuel de la progression du traitement des commissaires jusqu'au maximum de l'échelle et de l'ajustement de la rémunération des commissaires dont le traitement est égal au maximum » (« the mode of remuneration of the members and the applicable standards and scales, and the method for determining the annual percentage of salary advancement up to the maximum salary rate and of the adjustment of the remuneration of commissioners whose salary has reached the maximum rate »). Les mots rémunération (« remuneration ») et traitement (« salary ») semblent utilisés ici de manière interchangeable.

[117]     C'est ainsi qu'en français, le mot « traitement » renvoie soit à la « rémunération (d'un fonctionnaire) »[93], soit au « gain, profit attaché à un emploi (avec l'idée de régularité et d'importance sociale de l'emploi) »[94], nous apprend Le Grand Robert de la langue française, ce que confirme le Vocabulaire juridique de Cornu (« Espèce de *rémunération, élément principal de la *rémunération des fonctionnaires, celle-ci comprenant en outre différentes indemnités accessoires […] »[95]). Le Dictionnaire canadien des relations du travail va dans le même sens, encore qu'avec quelques nuances additionnelles (« Rémunération d'un employé qui est établie sur une base de plus d'une semaine, tout particulièrement sur une base annuelle. Exemple : le traitement d'un fonctionnaire, d'un professionnel salarié. […] »[96]). Le mot « salary », de son côté, renvoie au « fixed regular payment made by an employer to an employee, esp. payment made for professional or non-manual work, usu. expressed as an annual sum […] »[97] et s'apparente aux définitions du « traitement », même si, dans tous les cas, que ce soit en français ou en anglais, les commissaires de la CLP ne soient pas des employés ou des salariés au sens juridique de ce terme.

[118]     Bref, il ressort de l'ensemble de ces définitions que l'article 402, premier al., premier paragr., L.a.t.m.p., ne distingue pas véritablement la « rémunération » et le « traitement ». S'il fallait absolument voir entre eux une différence, pour obéir à la règle voulant que le législateur désigne des choses ou des concepts différents lorsqu'il emploie des mots différents, on pourrait seulement conclure que la « rémunération » est plus vaste que le « traitement » et inclut celui-ci.

[119]     Il appert tout de même du second paragraphe du premier alinéa de l'article 402 que le remboursement des dépenses faites par un commissaire dans l'exercice de ses fonctions ne fait pas partie de sa rémunération (encore que cela fasse partie de ses avantages, en ce que les dépenses qu'il effectue dans l'exercice de ses fonctions lui sont remboursées).

[120]     Le second alinéa de l'article 402 prévoit pour sa part que le gouvernement peut « déterminer d'autres conditions de travail » (et donc d'autres conditions de travail que la rémunération du premier paragraphe et le remboursement du second paragraphe du premier alinéa), « y compris leurs avantages sociaux autres que le régime de retraite ». Il paraît donc ici que le législateur distingue les avantages sociaux de la rémunération du premier alinéa, avantages sociaux qui font partie des « autres conditions de travail ».

[121]     À ce stade, l'examen de l'article 402 tendrait donc à indiquer que cette disposition distingue quatre éléments : la rémunération du paragraphe 1 du premier alinéa, qui inclut la progression dans l'échelle ou l'ajustement forfaitaire, les dépenses remboursables, les avantages sociaux (autres que le régime de retraite) et les autres conditions de travail. Qu'en est-il des autres articles de la même section?

[122]     Après avoir, à l'article 402 L.a.t.m.p., dressé la table, si je puis dire, en investissant le gouvernement du pouvoir d'adopter un règlement sur la rémunération, les avantages sociaux autres que le régime de retraite (celui-ci étant spécialement visé par l'article 405 L.a.t.m.p.) et les autres conditions de travail des commissaires, le législateur, à l'article 403, prescrit que « [l]e gouvernement fixe, conformément au règlement, la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail » (« [t]he Government shall fix, in accordance with the regulation, the remuneration, benefits and other conditions of office of the members »). On doit comprendre ici que cette disposition fait en sorte que, de facto, le gouvernement, conformément au règlement adopté en vertu de l'article 402, passe aux actes et fixe, pour chaque commissaire, « la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail ». Ce n'est pas le président de la CLP qui fixe ces conditions, ou une autre instance, mais le gouvernement, qui a donc une double mission, celle d'édicter le règlement (art. 402) et de le mettre en œuvre (art. 403). Certainement, cela signifie que c'est aussi le gouvernement qui, en application du règlement, détermine le pourcentage annuel de progression du traitement des commissaires dans l'échelle ou celui de l'ajustement forfaitaire du traitement des commissaires qui ont atteint le sommet de l'échelle. Ces deux éléments, pourtant, ne sont pas mentionnés par l'article 403 L.a.t.m.p. Ce ne peut être, si cette disposition doit avoir un sens conforme à l'article 402, que parce que ces composantes de la rétribution des commissaires sont incluses dans le terme « rémunération ». Le champ d'application de l'article 403 doit en effet être exactement celui que définit l'article 402. Il ne peut logiquement en aller autrement et il faut donc en conclure que lorsque le législateur parle, à l'article 403, de fixer « la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail » des commissaires, il couvre l'ensemble de ce dont il est question dans l'article 402. Ce dernier parlant de la progression dans l'échelle de traitement et de l'ajustement forfaitaire, il faut trouver dans l'article 403 le mot qui inclut ces deux éléments : ce ne peut être que le mot « rémunération », les avantages sociaux et les « autres conditions de travail » étant définis distinctement par l'article 402.

[123]     Autrement dit, lorsque l'article 403 impose au gouvernement de fixer, conformément au règlement, la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail des commissaires, il renvoie à des concepts qui sont ceux de l'article 402. Les avantages sociaux et les autres conditions de travail étant respectivement couverts par le second alinéa de cette disposition, la rémunération doit forcément correspondre aux éléments couverts par son premier alinéa, et plus spécialement le premier paragraphe de celui-ci, qui englobe le pourcentage annuel de la progression dans l'échelle et l'ajustement du traitement de ceux qui sont au sommet de l'échelle.

[124]     Au final, la rémunération, au sens des articles 402 et 403, comprend donc le pourcentage de progression dans l'échelle et celui de l'ajustement de la rémunération des commissaires ayant atteint le maximum de celle-ci. Le règlement prévoyant que la modification (progression ou ajustement) se fait annuellement, le gouvernement fixe donc chaque année, conformément à l'article 403, la rémunération des commissaires, en conséquence.

[125]     Je note d'ailleurs que cette façon de voir les choses se reflète dans le Règlement sur la rémunération, qui est divisé en deux grandes sections. La première, intitulée « Traitement » fait notamment état des échelles de traitement applicables et de la fixation du traitement initial des commissaires lors de leur entrée en fonction, elle prévoit que le traitement du commissaire dont le mandat est renouvelé est celui qui lui était versé avant son renouvellement et, ce qui est fort intéressant, elle précise également (à l'article 8) les normes de progression du commissaire dans l'échelle de traitement ou l'ajustement forfaitaire auquel il a droit lorsqu'il atteint le maximum de l'échelle. Le mode de rémunération des commissaires, selon les termes de cette première section du règlement, est donc le suivant : le commissaire nouvellement nommé a un droit à un certain traitement (déterminé, comme on l'a déjà vu, en fonction des critères prévus par l'article 2 du règlement); ce traitement initial est par la suite modifié par un pourcentage lié à la progression dans l'échelle de traitement et, une fois atteint le sommet de l'échelle, ajusté par la suite du même pourcentage. C'est tout cela qui constitue le « traitement » de chaque commissaire aux fins de la première section du règlement.

[126]     La seconde partie du règlement, intitulée « Autres conditions de travail » traite des régimes d'assurances, régimes de retraite, vacances annuelles, congés fériés, dépenses de fonction, frais de voyage et de séjour, congés sans solde, allocation de transition et autres mesures similaires.

[127]     Sans doute le règlement ne détermine-t-il pas l'interprétation que l'on doit donner à la loi, mais il est intéressant de constater que le gouvernement a, aux fins de son règlement, interprété l'idée de rémunération comme incluant le traitement et le pourcentage annuel de progression dans l'échelle de même que celui de l'ajustement forfaitaire, ce qui s'accorde avec le sens que l'on doit donner aux articles 402 et 403 L.a.t.m.p.

[128]     Cela nous amène finalement à l'article 404 L.a.t.m.p. qui prévoit que la rémunération « ne peut être réduite une fois fixée » (« once fixed, […] remuneration may not be reduced »). Le mot « rémunération », dans cette disposition doit avoir le sens qu'il a dans les articles 402 et 403 L.a.t.m.p. et inclut le pourcentage annuel de la progression dans l'échelle ou de l'ajustement annuel. Et si c'est bien le cas, cela signifie forcément que la rémunération d'un commissaire pour chaque année donnée, c'est-à-dire sa rémunération en numéraire, ne peut pas être inférieure à celle qui a été fixée par le gouvernement l'année précédente en vertu de l'article 403 L.a.t.m.p. (incluant, selon le cas, le montant résultant de l'application du pourcentage de progression ou de l'ajustement forfaitaire).

[129]     À mon avis, cette interprétation est conforme au texte et au sous-texte des dispositions en cause et elle respecte le principe de la cohérence législative. Une fois fixée, selon l'article 403, la rémunération d'une année x, incluant la progression ou l'ajustement prévu par l'article 402, ne peut pas, vu l'article 404, être diminuée l'année suivante (ni diminuée, il va sans dire, rétroactivement). Pour prendre un exemple tout à fait arbitraire, imaginons la situation d'un commissaire arrivé au sommet de l'échelle de traitement en 2008 et qui obtient cette année-là (comme tous ceux et celles qui sont dans la même situation) un ajustement forfaitaire de 4 % représentant x milliers de dollars, et ce, en application de la formule mathématique de l'article 8 du Règlement sur la rémunération. La rémunération totale de ce commissaire pour cette année-là aura été égale, en numéraire, au montant indiqué par l'échelle de traitement (majorée ou non) plus cet ajustement. Cette rémunération, fixée en vertu de l'article 403 L.a.t.m.p., ne peut pas être moindre en 2009, sous peine d'enfreindre l'article 404. Par conséquent, si, en 2009, la formule mathématique fait en sorte que l'ajustement est de 0 % ou de 1 % ou de 2 % (et supposant que l'échelle elle-même n'ait pas été majorée), alors, malgré cela, le commissaire a droit à un ajustement qui fasse en sorte que sa rémunération de cette année-là ne soit pas inférieure à ce qu'elle était en 2008.

[130]     Or, dans la mesure où le Décret 370-2010 aurait fait en sorte, à travers l'article 8 du Règlement sur la rémunération, que les revenus de certains commissaires[98] ont été moindres en 2010 qu'en 2009 ou moindres en 2011 qu'en 2010 ou en 2009, et ainsi de suite, il y aurait violation de l'article 404 L.a.t.m.p.

[131]     Cette interprétation de l'article 404 L.a.t.m.p., notons-le, est généreuse, car elle a pour effet 1° de protéger les commissaires contre la réduction de l'échelle de traitement elle-même, 2° de faire en sorte que l'application de la formule mathématique prescrite par l'article 8 du Règlement sur la rémunération ne peut jamais produire, pour chaque commissaire individuellement, un résultat qui fasse que sa rémunération globale en numéraire soit inférieure à celle de l'année précédente. Elle peut être identique (et donc, être « gelée » à ce niveau), mais elle ne peut pas être moindre. En fait, c'est dire que, même en temps normal, l'article 8 du règlement doit s'appliquer sous réserve de l'article 404 L.a.t.m.p. Je précise que, pour savoir si la rémunération d'un commissaire est inférieure à celle de l'année précédente, il faut regarder toutes les composantes de la rémunération, y compris, le cas échéant, la majoration de l'échelle salariale. En somme, tenant compte de tous les éléments qui constituent la rémunération, l'application de l'article 8 du règlement ne peut avoir que deux résultats, à savoir le gel de la rémunération au montant de l'année précédente ou une augmentation, la réduction étant interdite par l'article 404 L.a.t.m.p.

[132]     Cet article va-t-il cependant jusqu'à garantir une augmentation annuelle de la rémunération aux commissaires? Si le pourcentage annuel de la progression du traitement jusqu'au maximum de l'échelle salariale et de l'ajustement de la rémunération des commissaires qui ont atteint le sommet de l'échelle fait partie de la rémunération, cela implique-t-il, l'idée de progression ou d'ajustement étant associée à celle d'accroissement, que l'absence d'augmentation équivaut à une réduction?

[133]     Je ne le crois pas. Par l'article 404 L.a.t.m.p., le législateur offre aux commissaires de la CLP une protection que je qualifiais plus tôt de généreuse et qui l'est davantage que celle accordée aux juges des cours de justice (qui ne sont pas à l'abri, on l'a vu, des réductions salariales, encore qu'à certaines conditions strictes et dans le cadre d'un système reposant entre les mains d'un comité indépendant qui présente ses recommandations à l'État). Le législateur a voulu cette protection dans la perspective, certainement, d'assurer leur sécurité financière, élément de l'indépendance juridictionnelle. Il n'a pas pu, de surcroît, vouloir assurer, indépendamment du contexte économique et budgétaire, l'augmentation annuelle de leur rémunération. Pour en arriver à cette conclusion, il aurait fallu des termes beaucoup plus clairs et explicites. Que le législateur ait interdit la réduction de la rémunération d'un commissaire (peu importe la façon), soit. Qu'il ait entendu octroyer du même souffle une augmentation annuelle, non.

[134]     Si je récapitule, l'article 404 L.a.t.m.p., qui ne garantit pas l'augmentation annuelle des revenus des commissaires de la CLP et en permet donc en principe le gel, interdit toutefois au gouvernement de réduire la rémunération qu'il fixe annuellement pour chaque commissaire en vertu de l'article 403 L.a.t.m.p. et qui inclut le pourcentage de progression dans l'échelle et d'ajustement forfaitaire. Dans la mesure où le Décret 370-2010 a eu l'effet d'emporter réduction de la rémunération de certains commissaires, il leur est inapplicable. Le gouvernement devra donc faire en sorte d'accorder réparation aux commissaires dont la rémunération a ainsi été diminuée en numéraire, une telle diminution étant contraire à l'article 404, et ce, même si elle est le fruit de la formule établie par l'article 8 du Règlement sur la rémunération, règlement qui ne peut évidemment permettre ce que la loi interdit.

[135]     Un dernier commentaire : vu la preuve, la situation ne se prête pas à un examen de la question de savoir si le gel des revenus des commissaires, à supposer qu'il doive durer et perdurer, pourrait devenir l'équivalent d'une réduction de la rémunération et donc enfreindre l'article 404 L.a.t.m.p. ou l'article 23 de la Charte québécoise (surtout si les titulaires d'emplois supérieurs ou les autres employés de l'État, eux, n'étaient pas, dans le même temps, assujettis à un tel gel salarial). Elle s'y prête d'autant moins que, dans les faits, les commissaires ont bénéficié de la majoration de leur échelle de traitement, conformément au second alinéa de l'article 1 du Règlement sur la rémunération et selon les taux prévus par la Loi mettant en œuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette[99].

[136]     Tout cela étant, il faut traiter maintenant, encore que brièvement, de l'une des propositions principales des appelants, qui font valoir la nécessité de la mise sur pied d'un comité indépendant chargé d'examiner leur rémunération et de faire des recommandations à ce sujet, à l'exemple des cours de justice. Vu la conclusion à laquelle j'en viens au sujet de la suffisance des garanties de sécurité financière offertes aux commissaires de la CLP par le régime actuel, on aura compris qu'un tel mécanisme ne me paraît pas requis. La Cour, dans Barreau de Montréal, a d'ailleurs carrément rejeté la suggestion et rien dans l'argumentaire des uns et des autres ne me convainc qu'il y aurait lieu de statuer autrement.

[137]     En particulier, ce n'est pas parce que le législateur a créé un comité de ce genre pour l'examen et la fixation de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales[100] qu'il lui faudrait obligatoirement emprunter cette voie dans le cas de la CLP (ou encore du TAQ, de la CRT ou de la Régie du logement). Le législateur avait diverses raisons politiques de faire ce choix - auquel il n'était pas tenu - dans le cas des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Cela ne l'oblige pas à en faire maintenant une politique générale pour l'ensemble des organes de l'exécutif, et pas même pour les seuls tribunaux administratifs, dans ce dernier cas par l'effet d'une sorte d'argument a fortiori, c'est-à-dire : si on a mis sur pied un tel système pour les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, salariés au sens du Code civil du Québec, il devrait en aller a fortiori de même pour les décideurs des tribunaux administratifs, qui ne sont pas des salariés et jouissent d'une garantie d'indépendance garantie par la Charte, au bénéfice des justiciables.

[138]     Certes, je reconnais volontiers que l'idée d'un système de cette sorte n'est pas ontologiquement incompatible avec la situation des tribunaux administratifs et le législateur pourrait très bien décider de faire un choix semblable dans leur cas. Il demeure que cela n'est pas requis par l'article 23 de la Charte québécoise. L'indépendance ne se conçoit pas que d'une seule manière et les commissaires de la CLP ont, au chapitre de la sécurité financière, une indépendance qui n'exige pas d'être renforcée par la mise sur pied d'un régime analogue à celui dont bénéficient maintenant les procureurs aux poursuites criminelles et pénales (et dont il reste encore à voir les effets pratiques). Il faut se méfier, je pense, de cette forme de mimétisme institutionnel (qu'on a aussi invoqué, plus tôt, pour justifier de nommer les commissaires de la CLP durant bonne conduite à l'image des membres du TAQ) et laisser une certaine marge de manœuvre au législateur dans la gouvernance de l'exécutif.

[139]     Je ne suis pas convaincue davantage par l'argument que présente l'intervenante ACCRT au sujet du droit de négocier collectivement, droit constitutionnel reconnu dans l'affaire Health Services and Support - Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique[101]. Selon cette intervenante, les membres des tribunaux administratifs étant privés de la possibilité de négocier leurs conditions de travail, « seule la création d'un comité indépendant permettrait d'assurer un forum approprié pour évoquer les modalités d'exercice de la charge des membres des tribunaux administratifs, d'une manière qui respecte le principe d'indépendance judiciaire »[102].

[140]     Avec égards, je ne crois pas que la Cour suprême dans Health Services (et encore moins dans l'arrêt Ontario (Procureur général) c. Fraser[103]) ait reconnu l'existence d'un droit général à la négociation collective qui serait intrinsèquement lié à la liberté d'association exercée dans quelque contexte que ce soit. Ce qu'elle a reconnu, c'est l'existence d'un tel droit rattaché à la liberté d'association exercée en contexte d'emploi, en marge de la relation employeur-salarié. Or, ni les commissaires de la CLP, ni ceux de la CRT, ni les membres du TAQ ne sont des salariés, statut qui s'opposerait d'ailleurs à l'indépendance juridictionnelle qui est et doit être la leur et celle des tribunaux auxquels ils appartiennent.

* *

[141]     Autonomie administrative. Abordons enfin la question de l'autonomie - ou de l'indépendance - administrative de la CLP.

[142]     Je commencerai en citant le passage suivant de l'arrêt 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)[104] :

69        Il a été suggéré que le grand nombre de points de contact existant entre la Régie et le ministre de la Sécurité publique posait problème. Le ministre est en effet responsable de l'application de la Loi (art. 175). La Régie doit lui présenter annuellement un rapport (art. 21), et il peut requérir du président des renseignements sur les activités de l'organisme (art. 22). De plus, le ministre de la Sécurité publique doit approuver les règles que la Régie, en séance plénière, peut adopter pour sa régie interne (art. 24), et le gouvernement doit sanctionner les divers règlements pris par la Régie (art. 116). Le ministre procède aussi, à chaque année, à l'évaluation du président de la Régie. Par ailleurs, le ministre chapeaute les divers corps de police qui, à la demande de la Régie, peuvent mener enquête. Le ministre peut enfin initier le processus de révocation de permis, en déposant à la Régie une demande fondée sur l'art. 85.

70        Au vu de l'ensemble de la preuve, je ne crois pas que ces divers éléments suffisent à soulever une crainte raisonnable quant à l'indépendance institutionnelle de la Régie. Il n'est en effet pas inhabituel qu'un organisme administratif soit soumis à la supervision générale d'un membre de l'exécutif quant à sa gestion. Comme l'énonçait le juge Le Dain dans l'arrêt Valente, à la p. 712, les éléments essentiels de l'indépendance institutionnelle se résument au contrôle par le tribunal des décisions administratives qui portent directement et immédiatement sur l'exercice des fonctions judiciaires. Or, il n'a pas été démontré en quoi le ministre pouvait influer sur le processus décisionnel. Le contrôle quotidien des activités de la Régie et de ses divers employés, ainsi que la confection des rôles, sont du ressort du président. Le fait qu'en dernière analyse, le ministre de la Sécurité publique soit à la fois responsable de la Régie et des divers corps policiers menant enquête ne soulèverait pas à mon avis chez une personne bien informée une crainte raisonnable quant à l'indépendance des régisseurs. Ceux-ci prononcent en effet un serment les obligeant à remplir les devoirs de leur charge avec honnêteté et justice. Les liens qu'entretient le ministre avec les divers intervenants ne suffisent donc pas à susciter des inquiétudes.[105]

[Je souligne.]

[143]     Ces propos sont transposables à l'espèce.

[144]     Qu'en est-il d'abord des liens entre la CLP et le ministre du Travail. Ce dernier, en effet, est responsable de l'application générale de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (art. 590) et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (art. 336 et Décret 674-2010 du 11 août 2010[106]). La CLP, par l'intermédiaire de son président, doit régulièrement lui adresser les rapports suivants :

381.     La Commission des lésions professionnelles transmet au ministre, au plus tard le 30 juin de chaque année, un rapport de ses activités pour l'exercice financier précédent.

            Elle peut, dans ce rapport, faire des recommandations sur les lois, les règlements, les politiques, les programmes et les pratiques administratives qui relèvent de sa compétence.

            Le ministre dépose ce rapport devant l'Assemblée nationale dans les 30 jours de sa réception si elle est en session ou, si elle ne l'est pas, dans les 30 jours de la reprise de ses travaux.

            Ce rapport ne doit nommément désigner aucune personne visée dans les affaires portées devant la Commission des lésions professionnelles.

            La Commission des lésions professionnelles fournit également au ministre tout renseignement que celui-ci requiert sur ses activités.

381.     The board shall forward to the Minister, not later than 30 June each year, a report on its activities during the preceding fiscal year.

 

            It may, in its annual report, make recommendations in respect of the Acts, regulations, policies, programs and administrative procedures coming under its jurisdiction.

            The Minister shall table the annual report before the National Assembly within 30 days of receiving it if the Assembly is sitting, or within 30 days of resumption.

 

            The report shall not designate by name any person concerned by the matters brought before the board.

 

 

            The board shall provide to the Minister any additional information he requires concerning its activities.

427.     À chaque année, le président présente au ministre un plan dans lequel il expose ses objectifs de gestion pour assurer l'accessibilité à la Commission des lésions professionnelles ainsi que la qualité et la célérité de son processus décisionnel et fait état des résultats obtenus dans l'année antérieure.

427.      Each year, the president shall present a plan to the Minister in which he shall state his management objectives aimed at ensuring the accessibility of the board and the quality and promptness of its decision-making process and give an account of the results achieved in the preceding year.

428.     À chaque mois, le président transmet au ministre, outre ceux qui lui sont demandés par celui-ci, les renseignements suivants :

 1° le nombre de jours où des audiences ont été tenues et le nombre d'heures qui y ont été consacrées en moyenne;

 2° le nombre de remises accordées;

3° la nature des affaires dans lesquelles une séance de conciliation a été tenue, leur nombre, ainsi que le nombre d'entre elles où un accord est intervenu entre les parties;

 4° la nature des affaires entendues, leur nombre, ainsi que les endroits et dates où elles l'ont été;

 5° la nature des affaires prises en délibéré, leur nombre, ainsi que le temps consacré aux délibérés;

 6° le nombre de décisions rendues;

 7° le nombre de décisions rendues qui ont pour effet de confirmer ou d'infirmer un avis du membre du Bureau d'évaluation médicale;

 

 8° le temps consacré aux instances à partir du dépôt de la requête introductive jusqu'au début de l'instruction et jusqu'à ce que la décision soit rendue.

428.     Each month, the president shall forward, to the Minister, in addition to any information otherwise requested by the Minister:

 (1) the number of days on which hearings were held and the average number of hours devoted to them;

 

 (2) the number of postponements granted;

 (3) the number of cases in which a conciliation meeting took place, the nature thereof, together with the number of such cases in which an agreement was reached between the parties;

 (4) the number of cases heard, the nature thereof and the places and dates of the hearings;

 (5) the number of cases taken under advisement, the nature thereof and the time devoted to advisement;

 (6) the number of decisions made;

(7) the number of decisions made that have the effect of confirming or quashing an opinion given by a member of the Bureau d'évaluation médicale;

(8) the time devoted to proceedings, from the filing of the introductory application to the beginning of the hearing and the making of the decision.

[145]     Le président de la CLP soumet par ailleurs chaque année ses prévisions budgétaires au ministre (art. 429.10 L.a.t.m.p.), les livres et comptes de l'organisme étant vérifiés annuellement par le vérificateur général (art. 429.11 L.a.t.m.p.). Notons qu'en ce qui concerne les prévisions budgétaires, le président de la Commission est assujetti à certaines dispositions de la Loi sur l'administration publique[107], mais que, nonobstant cette loi, il les prépare de manière autonome et non pas conjointement avec le ministre des Finances ou le Conseil du trésor (quatrième alinéa de l'art. 429.10 L.a.t.m.p.).

[146]     La preuve n'a pas révélé que ces données ont été utilisées autrement qu'à des fins appropriées (et, notamment, à des fins statistiques ou budgétaires) ni que le ministre, en tant que destinataire de ces rapports, plans et prévisions, ait tenté d'influencer le processus décisionnel de la CLP et de ses commissaires. Par ailleurs, même s'il est informé de la chose, le ministre n'a aucun droit d'immixtion dans la gestion juridictionnelle de la CLP (c'est-à-dire les décisions administratives de celle-ci « qui portent directement et immédiatement sur l'exercice des fonctions judiciaires » - voir Régie des permis d'alcool, supra) et n'en exerce pas. Dans l'arrêt Valente, le juge Le Dain écrit que :

            Le contrôle judiciaire sur les questions mentionnées par le juge en chef Howland, savoir l'assignation des juges aux causes, les séances de la cour, le rôle de la cour, ainsi que les domaines connexes de l'allocation de salles d'audience et de la direction du personnel administratif qui exerce ces fonctions, a généralement été considéré comme essentiel ou comme une exigence minimale de l'indépendance institutionnelle ou « collective ».

[…]

            Si la plus grande autonomie ou indépendance administrative qu'il est recommandé d'accorder aux tribunaux, ou une partie de celle-ci, peut se révéler hautement souhaitable, elle ne saurait, à mon avis, être considérée comme essentielle pour les fins de l'al. 11d) de la Charte. Les aspects essentiels de l'indépendance institutionnelle qui peuvent raisonnablement être perçus comme suffisants pour les fins de l'al. 11d) doivent, je pense, se limiter à ceux mentionnés par le juge en chef Howland. On peut les résumer comme étant le contrôle par le tribunal des décisions administratives qui portent directement et immédiatement sur l'exercice des fonctions judiciaires. Dans la mesure où la distinction entre l'indépendance dans l'administration et l'indépendance dans les décisions se veut le reflet de cette limitation, je n'y vois aucune objection. […][108]

[147]     La CLP exerce ce contrôle administratif sur ses propres affaires (assignation des commissaires aux causes, séances, rôles, allocation des salles d'audience, direction du personnel) et rien dans l'obligation de faire rapport au ministre du Travail (art. 381, 427 ou 428 L.a.t.m.p.) ou dans l'obligation de faire des plans budgétaires et de s'assujettir à une vérification (art. 429.10 et 429.11 L.a.t.m.p.) n'altère cette autonomie. Le fait qu'elle puisse adresser des recommandations au ministre au sujet de la loi ou des programmes qu'elle administre (art. 381) n'est pas non plus attentatoire à cette autonomie.

[148]     Bref, en l'absence d'intervention ministérielle (de fait ou de droit) dans la « gestion juridictionnelle » de la CLP, je ne crois pas que tous « ces points de contact », pour reprendre l'expression du juge Gonthier, entre ce tribunal et l'exécutif nuisent de quelque façon à son indépendance. On notera que même les cours de justice québécoises (y compris la Cour supérieure) n'ont pas une autonomie budgétaire ou administrative parfaite[109] et que les contraintes qui leur sont imposées peuvent avoir un effet sur leur gestion juridictionnelle, dont elles demeurent maîtres cependant. Il n'en va pas différemment de la CLP.

[149]     Le fait que la CLP soit financée par la CSST (art. 429.12 L.a.t.m.p.) serait-il problématique, toutefois, alors que la première a pour compétence principale de se pencher sur les décisions de la seconde? Je ne le pense pas. C'est le gouvernement, en effet, qui, en vertu de l'article 429.10 L.a.t.m.p., détermine les sommes requises, sommes qui sont toutefois payées par la CSST, à même ses fonds (art. 429.12 L.a.t.m.p.), ceux-ci étant eux-mêmes constitués grâce aux cotisations des employeurs (art. 281 L.a.t.m.p. et 247 L.s.s.t.).

[150]     Enfin, dans le contexte que je viens de décrire, le fait que la CLP, qui relevait autrefois du ministre de la Justice, relève aujourd'hui du ministre du Travail, tout comme la CSST, n'est pas de nature à attenter à son autonomie administrative ou à soulever une crainte raisonnable à cet égard.

[151]     On pourrait se surprendre cependant de ce que ce soit le gouvernement qui édicte le code de déontologie applicable aux commissaires de la CLP (art. 413 L.a.t.m.p.). C'est également le cas du code de déontologie des commissaires de la CRT (art. 137.33 C.t.) et des régisseurs de la Régie du logement (art. 8 de la Loi sur la Régie du logement). Dans le cas du TAQ, c'est le Conseil de la justice administrative qui édicte le code de conduite applicable aux membres (art. 177, premier al., paragr. 2, L.j.a.). Cela dit, bien que le président de la CLP soit chargé de veiller à ce que les commissaires respectent les règles de déontologie, les manquements ne sont pas sanctionnés par lui ni par le ministre du Travail, mais plutôt de la manière prévue par l'article 400 L.a.t.m.p., c'est-à-dire par le gouvernement agissant sur recommandation du Conseil de la justice administrative.

[152]     Dans un tout autre ordre d'idées, je note en passant que les appelants semblent considérer problématique le fait que les commissaires de la CLP sont d'une certaine façon, allèguent-ils, assimilés aux titulaires d'emplois supérieurs (sous-ministres, administrateurs d'État, directeurs généraux, etc.). Outre ce dont j'ai déjà discuté dans les paragraphes qui précèdent, ils soulignent par exemple le fait qu'on les inclut dans les « portraits de famille » diffusés par le Secrétariat aux emplois supérieurs et que, de façon générale, on semble les considérer comme des employés. En réponse à cette prétention, je m'en remettrai simplement aux paragraphes 51 et 52 de l'arrêt Valente, qui rejette l'argument de même type qu'avaient présenté les juges provinciaux en cause dans cette affaire.

[153]     Tout cela étant, je conclus que, la CLP conservant la main haute sur sa gestion juridictionnelle, elle possède, sur le plan administratif, toute l'autonomie voulue par la jurisprudence.

* * *

[154]     Pour toutes ces raisons, je conclus que, considérés tant individuellement que globalement, les divers éléments liés au statut des commissaires de la CLP, à leur rémunération et à l'autonomie administrative de l'organisme auxquels ils appartiennent répondent aux exigences d'indépendance issues de l'article 23 de la Charte québécoise et offrent à cet égard des garanties d'inamovibilité, de sécurité financière et d'« autogouvernance » suffisantes, conformes à l'état du droit en la matière.

[155]     Le législateur pourrait décider, bien sûr, d'harmoniser le traitement de l'ensemble des tribunaux administratifs à vocation juridictionnelle : les disparités peuvent engendrer des tensions qui, pour ne pas affecter la sérénité décisionnelle ou l'indépendance personnelle et institutionnelle, ne sont tout de même pas souhaitables; elles peuvent engendrer aussi des difficultés de recrutement. Il y a 26 ans déjà, les auteurs du rapport connu sous le nom de « rapport Ouellette » recommandaient par exemple une rémunération unique pour les membres des tribunaux administratifs[110]. Sur le plan humain, on peut ainsi comprendre que les commissaires de la CLP ou de la CRT aspirent au statut de leurs collègues du TAQ, qui ont obtenu un degré d'inamovibilité supérieur au leur, alors que cela n'était pas juridiquement requis, l'article 23 de la Charte québécoise ne le dictant d'ailleurs pas, et que cela ne paraît pas justifié par les différences entre les missions des uns et des autres. Cela, cependant, relève de la prérogative du législateur[111] et se trouve hors du champ d'intervention de la Cour.

III.        Conclusion

[156]     Je recommande en conséquence que l'appel principal soit rejeté, l'appel incident accueilli, le jugement de première instance infirmé et la requête pour jugement déclaratoire des appelants rejetée, le tout sous la réserve suivante : il conviendra de préciser que, dans la mesure où il a eu pour effet d'entraîner la réduction, en numéraire, de la rémunération de certains commissaires de la CLP, le Décret 370-2010 est contraire à l'article 404 L.a.t.m.p. et inapplicable dans la même mesure. Il conviendra également d'ordonner à l'intimé de procéder aux rajustements nécessaires, en conséquence.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 



[1]     L.R.Q., c. C-12 (« Charte québécoise »).

[2]     Se joignent à l'Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles les membres de son conseil exécutif.

[3]     Requête introductive d'instance amendée, 14 juin 2010, paragr. 136.

[4]     L.R.Q., c. A-3.001 (« L.a.t.m.p. »).

[5]     Jugement de première instance, paragr. 227 et 228.

[6]     [1996] C.A.L.P. 1795 (C.A., requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1997-09-11), 25808).

[7]     [2001] R.J.Q. 2058 (C.A., requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2002-10-17), 28910; demande de réexamen rejetée (C.S. Can., 2002-12-12), 28910).

[8]     Voir : Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives, L.Q. 2005, c. 17, art. 2 et 5 (entrés en vigueur le 1er janvier 2006).

[9]     Jugement de première instance, paragr. 181.

[10]    R.R.Q., c. A-3.001, r. 2.1.1. L'article 24 de ce règlement prévoit l'allocation de transition versable au commissaire dont le mandat n'est pas renouvelé ou qui ne sollicite pas un renouvellement de mandat. La question n'est pas en litige dans le présent appel.

[11]    L.R.Q., c. J-3 (« L.j.a. »).

[12]    Mémoire des appelants-intimés incidents, paragr. 40.

[13]    Ibid., paragr. 42.

[14]    Mémoire des appelants (appel principal), paragr. 86.

[15]    [1997] 3 R.C.S. 3.

[16]    [2010] R.J.Q. 23 (C.A.), paragr. 32 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2010-05-20), 33566). La Cour suprême a déjà explicitement fait le même constat : Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, paragr. 24. Voir également l'article 9 L.j.a.

[17]    Même s'il est possible que des personnes qui sont par ailleurs juges siègent dans des tribunaux administratifs - pensons ici au Tribunal des professions ou au Tribunal des droits de la personne.

[18]    Voir notamment, à ce propos : Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673; Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), précité, note 16, paragr. 23, 24, 29, 30 et 32; Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, paragr. 18 et 19.

[19]    Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), précité, note 16, paragr. 22 :

22         Toutefois, comme pour tous les principes de justice naturelle, le degré d’indépendance requis des membres du tribunal administratif peut être écarté par les termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire. Voir de façon générale : Innisfil (Municipalité du canton d’) c. Municipalité du canton de Vespra, [1981] 2 R.C.S. 145; Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301; Ringrose c. College of Physicians and Surgeons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814; Kane c. Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105. En dernier ressort, c’est le Parlement ou la législature qui détermine la nature des relations entre le tribunal administratif et l’exécutif. Il n’est pas loisible à un tribunal judiciaire d’appliquer une règle de common law alors qu’il est en présence d’une directive législative claire. Les tribunaux judiciaires siégeant en révision de décisions administratives doivent se reporter à l’intention du législateur pour apprécier le degré d’indépendance requis du tribunal administratif en cause.

[20]    L'arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, rappelle ce principe et fait une revue de la jurisprudence pertinente.

[21]    [2003] 2 R.C.S. 624, p. 646 et 647.

[22]    Dans le même sens, voir aussi : Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, paragr. 82 à 84 (j. en chef Lamer).

[23]    Voir notamment : Valente c. La Reine, précité, note 18, en particulier aux p. 693 in fine et 694; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard, précité, note 15, paragr. 129, 161, 162 et 171; Ell c. Alberta, précité, note 18, paragr. 30 à 32.

[24]    À ce propos, voir en particulier les arrêts Valente et Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard.

[25]    Voir par exemple : Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, précité, note 20; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, précité, note 22, paragr. 79 et 80 (j. en chef Lamer); SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, p. 332.

[26]    Précité, note 20.

[27]    L'article 359 L.a.t.m.p. permet à toute personne qui se croit lésée par une décision révisée de la CSST de la contester devant la CLP; l'article 359.1 permet de contester devant cette dernière toute décision de la CSST rendue en vertu de l'article 32 L.a.t.m.p. (sanctions illégales imposées en raison de l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou de l'exercice d'un droit prévu par la loi) ou d'une demande d'intervention; l'article 450 vise la contestation de la décision qui départage les responsabilités de la CSST et de la Société de l'assurance automobile lorsqu'un même événement tombe sous le coup des régimes gérés par ces deux entités; l'article 451 s'applique dans le cas d'un départage rendu nécessaire par un nouvel événement affectant une personne recevant une indemnité de remplacement du revenu en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et une rente pour incapacité totale en vertu d'une autre loi administrée par la CSST.

[28]    L'article 37.3 vise la décision révisée rendue par la CSST en rapport avec la demande adressée par un travailleur au comité de santé et de sécurité; l'article 193 permet de contester devant la CLP la décision de la CSST statuant sur l'ordre ou la décision d'un inspecteur.

[29]    Art. 429.49, troisième al., 429.58 et 429.59 L.a.t.m.p. La loi met cependant sur pied un régime de révision interne, prévu par les articles 429.56 et 429.57.

[30]    L.R.Q., c. S-2.1 (« L.s.s.t. »).

[31]    Voir les art. 11 et 12 L.j.a. ainsi que 429.13 à 429.43 L.a.t.m.p.

[32]    Art. 377 et 378 L.a.t.m.p.

[33]    [2005] 1 R.C.S. 257, p. 280-281.

[34]    Voir supra, paragr. [24] et l'arrêt St-Pie (Municipalité de) c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, précité, note 16.

[35]    Par analogie, voir : Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, précité, note 20, paragr. 19

[36]    Précité, note 18.

[37]    [1996] 3 R.C.S. 919.

[38]    Précité, note 7.

[39]    Voir notamment : Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau-Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405, paragr. 38.

[40]    À ce propos, voir par exemple : Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, précité, note 22, paragr. 99 (j. en chef Lamer).

[41]    Précité, note 18.

[42]    Précité, note 37.

[43]    Précité, note 20.

[44]    Précité, note 6.

[45]    Précité, note 7.

[46]    Valente c. La Reine, précité, note 18, p. 698.

[47]    L.R.Q., c. T-16, art. 247 et s.

[48]    L.R.C. (1985), ch. J-1, notamment aux art. 59, 60, 65 et s.

[49]    Voir les articles 279, paragr. b), ainsi que 260, deuxième al., 95 ou 167 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.

[50]    Précité, note 7.

[51]    À l'époque, le Conseil de la justice administrative n'était formé que du président du TAQ, de l'un de ses vice-présidents et de deux autres membres de même que de sept personnes n'étant pas membres du Tribunal, dont deux seulement avocats ou notaires. L'article 167 L.j.a. fut modifié en 2002 pour établir le Conseil que l'on connaît aujourd'hui.

[52]    Sauf à prétendre que les membres des tribunaux administratifs ne devraient jamais être nommés que pour un seul mandat non renouvelable, ce qui garantirait aussi leur indépendance… Ce n'est pas ce que prétendent les appelants et l'on comprend pourquoi.

[53]    Précité, note 7.

[54]    À l'époque, ces articles énonçaient que (version française seulement) :

48.  Le mandat d'un membre est renouvelé pour cinq ans :

      1o         à moins qu'un avis contraire ne soit notifié au membre au moins trois mois avant l'expiration de son mandat par l'agent habilité à cette fin par le gouvernement;

      2o         à moins que le membre ne demande qu'il en soit autrement et notifie sa décision au ministre au plus tard trois mois avant l'expiration du mandat.

      Une dérogation à la durée du mandat ne peut valoir que pour une durée fixe de moins de cinq ans déterminée par l'acte de renouvellement et, hormis le cas où le membre en fait la demande pour des motifs sérieux, que lorsque des circonstances particulières indiquées dans l'acte de renouvellement l'exigent.

49.  Le renouvellement d'un mandat est examiné suivant la procédure établie par règlement du gouvernement. Un tel règlement peut, notamment :

      1o   autoriser la formation de comités;

      2o   fixer la composition des comités et le mode de nomination de leurs membres;

      3o   déterminer les critères dont le comité tient compte;

      4o   déterminer les renseignements que le comité peut requérir du membre et les consultations qu'il peut effectuer.

[55]    L.Q. 2002, c. 22.

[56]    Ibid., art. 4 (TAQ), 29 (CLP), 32 (CRT) et 36 (Régie du logement).

[57]    R.R.Q., c. A-3.001, r. 13.

[58]    D. 1194-2002, 2002 G.O. 2, 7181.

[59]    Tel qu'en vigueur au 1er février 2011 et dont la version française est reproduite dans le mémoire des appelants.

[60]    Voir supra, note 55 et 56. Pour la CRT, voir aussi : art. 137.20, premier al., paragr. 2, C.t. et art. 24.1 et s. du Règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des personnes aptes à être nommées commissaires à la Commission des relations du travail et sur celle de renouvellement du mandat de ces commissaires, R.R.Q., c. C-27, r. 5. Selon l'article 24.2 du règlement, le comité de renouvellement « est formé d'un représentant du milieu juridique, d'une personne retraitée ayant exercé une fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'ordre administratif et de 2 personnes du milieu des relations du travail qui ne font pas partie de l'administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01) ni ne la représentent ».

[61]    Pour la Régie du logement, voir : art. 7.7, premier al., paragr. 2, et art. 25 et s. du Règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des personnes aptes à être nommées régisseurs à la Régie du logement et sur celle de renouvellement du mandat de ces régisseurs, R.R.Q., c. R-8.1, r. 4. Selon l'article 26 de ce règlement, le comité de renouvellement « est formé d'un représentant du milieu juridique, d'une personne retraitée ayant exercé une fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'ordre administratif et d'un représentant du milieu universitaire membre d'un ordre professionnel qui ne font pas partie de l'Administration gouvernementale au sens de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01) ni ne la représentent ».

[62]    Précité, note 6.

[63]    Tel qu'en vigueur au 1er février 2011 et dont la version française est reproduite dans le mémoire des appelants.

[64]    Voir infra, paragr. [88].

[65]    Voir supra, paragr. [51] et note infrapaginale 52.

[66]    Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal, précité, note 7, paragr. 206 in fine. Une observation du même genre a été faite par la Cour dans l'arrêt Montambeault c. Brazeau, précité, note 6, p. 1811 (Mme la j. Rousseau-Houle) : « La politique gouvernementale d'évaluation du rendement des membres des organismes administratifs pourrait toutefois contribuer à améliorer la situation si le rapport d'évaluation devenait un élément que le ministre de la Justice doit prendre en considération lors des renouvellements de mandats ».

[67]    La même exigence existe en ce qui concerne le renouvellement des commissaires de la CRT et des régisseurs de la Régie du logement.

[68]    Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives, précitée, note 8, art. 2 (entré en vigueur le 1er janvier 2006).

[69]    Précité, note 37, notamment aux paragr. 62 et 67.

[70]    Précité, note 6.

[71]    Précité, note 7.

[72]    Il avait d'ailleurs envisagé de le faire aussi pour les commissaires de la CLP, qui auraient été regroupés avec les membres du TAQ au sein d'un «Tribunal des recours administratifs », dont tous les membres auraient été nommés durant bonne conduite : voir la Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives, projet de loi n° 35, présenté par le ministre de la Justice, Marc Bellemarre, le 13 novembre 2003, adopté en principe le 27 novembre 2003 et finalement abandonné en 2005, le législateur choisissant alors de limiter sa réforme au TAQ. L'on n'est jamais passé aux étapes suivantes.

[73]    Ce que rappelle sans équivoque l'arrêt Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), précité, note 16, notamment au paragr. 22.

[74]    Sauf, bien sûr, lorsque l'État agit comme employeur et subit les conséquences financières prévues par la loi.

[75]    Tel qu'en vigueur au 1er février 2011 et dont la version française est reproduite dans le mémoire des appelants.

[76]    Précité, note 7.

[77]    Précité, note 6, p. 1812 (motifs de la j. Rousseau-Houle, auxquels souscrit généralement le juge Biron (ad hoc) et, sur ce point particulier, le juge Beauregard (p. 1803).

[78]    Il n'est pas impossible, par exemple, que cette pratique fasse en sorte de reproduire, pour un temps, certains stéréotypes salariaux encore courants, malheureusement, au détriment des femmes en particulier.

[79]    Le calcul de ceux-ci étant précisé par l'annexe II du règlement.

[80]    Ce qu'admet l'intimé au paragr. 183 de son mémoire, dans les termes suivants :

[183]     Malgré que l'absence d'ajustement forfaitaire de la rémunération des commissaires ayant atteint le maximum de l'échelle de traitement ait eu pour effet que leurs revenus totaux pour les années 2010 et 2011 aient pu être moindres par rapport à ceux de l'année 2009 […].

      Voir aussi le jugement de première instance, notamment au paragr. [213] in fine.

[81]    Au même effet, voir : Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif du Québec, R.R.Q., c. J-3, r. 3.1, art. 9; Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des commissaires de la Commission des relations du travail, art. 8; Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des régisseurs de la Régie du logement, art. 9.

[82]    La progression ou l'ajustement d'une année donnée étant fondé sur le pourcentage de l'année précédente.

[83]    Voir l'article 1, second al., du Règlement sur la rémunération ainsi que la Loi mettant en œuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette, L.Q. 2010, c. 20.

[84]    [1986] 2 R.C.S. 56, p. 77.

[85]    Précité, note 15.

[86]    Mémoire de l'intimé, paragr. 181.

[87]    Pierre-André Côté, avec la collab. de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Les Éditions Thémis inc., 2009, p. 299 et s. (paragr. 995 et s.).

[88]    Le Grand Robert de la langue française, éd. électronique, Paris, Dictionnaires Le Robert-VUEF, 2001, « rémunération ».

[89]    Canadian Oxford Dictionary, 2nd ed., by Katherine Barber, Oxford University Press, Don Mills., Ont., 2004, p. 1308.

[90]    Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 9e éd., Paris, Quadrige/PUF, 2011, p. 883.

[91]    Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, 2e éd., Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1986, p. 407.

[92]    Daphne A. Dukelow, The Dictionary of Canadian Law, 4th ed., Toronto, Carswell, 2011, p. 1106.

[93]    Le Trésor de la langue française informatisé confirme l'association entre l'idée de « traitement » et celle de « fonctionnaire » ou de personne attachée au service public : « […] Rémunération principale des fonctionnaires publics, civils et militaires […] Traitement fixe; gros traitement; traitement hors échelle; percevoir, toucher son traitement; x francs de traitement; augmentation de traitement; indice de traitement. » (http://atilf.atilf.fr/).

[94]    Le Grand Robert de la langue française, précité, note 88.

[95]    Gérard Cornu, op. cit., note 90, p. 1024.

[96]    Gérard Dion, op. cit., note 91, p. 483.

[97]    Canadian Oxford Dictionary, précité, note 89, p. 1367.

[98]    Selon ce qu'on comprend, les commissaires en question seraient, pour l'essentiel, ceux qui avaient déjà atteint le sommet de l'échelle.

[99]    Précitée, note 83.

[100]   Loi abrogeant la Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics et modifiant la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, L.Q. 2011, c. 31, art. 9, et Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective, L.R.Q., c. P-27.1, art. 19.1 à 19.16.

[101]   [2007] 2 R.C.S. 391.

[102]   Mémoire de l'intervenante ACCRT, paragr. 46.

[103]   [2011] 2 R.C.S. 3.

[104]   Précité, note 37.

[105]   Régie des permis d'alcool, précité, note 37, p. 964 et 965.

[106]   (2010) 142 G.O. 2, 3670.

[107]   L.R.Q., c. A-6.01.

[108]   Valente c. La Reine, précité, note 18, p. 709, 711 et 712. Le reste de la citation de la p. 712 traite du fait que certains des avantages applicables aux fonctionnaires sont aussi applicables aux juges des cours provinciales. Selon le juge Le Dain, le contrôle administratif du procureur général et de l'exécutif sur ces avantages n'empêchait pas les juges d'avoir l'indépendance requise par l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[109]   Voir notamment l'article 11.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.Q., c. M-19, qui renvoie aux chapitre III (gestion des ressources humaines) et IV (gestion budgétaire) et aux articles 73, 74, 75 et 78 de la Loi sur l'administration publique, le tout avec quelques restrictions.

[110]   Groupe de travail sur les tribunaux administratifs. Les tribunaux administratifs. L'heure est aux décisions - Rapport du Groupe de travail sur les tribunaux administratifs, Québec, Publications du Québec, 1987, p. 209 et 212.

[111]   Le législateur britannique, par exemple, a choisi la voie d'une telle réforme, qui procède, entre autres, à une intégration structurelle et hiérarchisée des cours de justice et des tribunaux administratifs. Voir Tribunal, Courts and Enforcement Act 2007 (R.U.), c. 15. On notera que la loi, tout en garantissant l'« independance of tribunal judiciary » (art. 3, modifiant l'art. 3 (« guaranteed judicial independence ») du Constitutional Reform Act 2005 (R.U.), c. 4), n'élimine pas les mandats à durée déterminée (cinq ans) demeurant l'apanage des « fee-paid judges » qui oeuvrent au sein des tribunaux administratifs (parallèlement aux « salaried-judges ») et qui, dans la plupart des cas, entendent la majorité des affaires portées devant ces derniers, globalement parlant (voir : Ministry of Justice, Tribunals Satistics Quarterly - 1 January to 31 March 2013, 20 June 2013, p. 20). Côté sécurité financière, l'inclusion des tribunaux administratifs (du moins pour ce qui est des « salaried-judges ») dans le système applicable aux cours des justice ne paraît pas avoir réglé le problème du gel des salaires des uns et des autres au cours des dernières années (voir : Thirty-Fifth Annual Report on Senior Salaries 2013, report no. 81 (Bill Cockburn, chair), Review Body on Senior Salaries, March 2013, chapitre 5 (« The judiciary »).

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