LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 30 janvier 1996 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE :Me Santina Di Pasquale DE MONTRÉAL RÉGION: ESTRIE AUDITION TENUE LE :22 janvier 1996 DOSSIER: 67194-05-9503 DOSSIER CSST: 053500468 À : Sherbrooke DOSSIER BR: 61455871 __________________________________________________ GAÉTAN PROVOST 5925, rue Leas Rock Forest (Québec) J1N 3B8 PARTIE APPELANTE et ROLL UP ALUMINIUM CIE (FERMÉ) PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - ESTRIE 1650, rue King Ouest, suite 300 Sherbrooke (québec) J1J 2C3 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N Le 8 mars 1995, monsieur Gaétan Provost (le travailleur) en appelle auprès de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision unanime rendue par le bureau de révision le 2 mai 1994.Par cette décision, le bureau de révision confirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) datée du 9 mars 1993 et refuse d'appliquer l'article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., chapitre A-3.001] (la loi) pour le calcul des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur.
Le 21 juin 1995, la Commission d'appel saisie d'une requête en prolongation de délai conformément à l'article 419 de la loi, accueille la requête, déclare recevable l'appel logé par le travailleur le 1er mars 1995 et avise les parties qu'elles seront éventuellement convoquées pour audience au mérite.
À l'audience sur le fond du dossier le travailleur et la Commission sont présents et représentés.
OBJET DU LITIGE Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision du 2 mai 1994 et de déclarer que dans les circonstances particulières de ce dossier les dispositions de l'article 76 devraient lui être appliquées.
LES FAITS Les parties ont admis à l'audience que les faits tels que rapportés dans la décision du bureau de révision sont essentiellement exacts et se résument comme suit : Le 11 décembre 1973, alors que le travailleur occupait un poste de charpentier-menuisier, il est victime d'un accident du travail. Le travailleur se blesse à la région lombaire et un déficit anatomo-physiologique de 8 % lui est accordé. Cependant, le travailleur a repris son emploi de charpentier-menuisier une fois que son état de santé s'est stabilisé.
Le 1er août 1984, le travailleur est victime d'une rechute, récidive ou aggravation à la suite de laquelle son taux d'incapacité partielle permanente est d'abord évaluée à 14 % par la Commission, puis par la Commission des affaires sociales à 65 %, le 27 janvier 1992. La base de salaire retenue aux fins du calcul des prestations du travailleur était de 31 500,00 $, soit le maximum annuel assurable. Le travailleur est, par ailleurs, déclaré incapable de reprendre son emploi de charpentier- menuisier et il est admis en réadaptation. À compter de mai 1986, le travailleur occupe un emploi de commis-vendeur de matériaux. La Commission lui accorde une assistance financière de stabilisation économique pour combler sa perte salariale.
Le 27 février 1987, le travailleur est victime d'une autre rechute, récidive ou aggravation. Il devient assujetti à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et son indemnité de remplacement du revenu a été calculée à partir du revenu de son emploi de commis-vendeur de matériaux de construction, soit un salaire net de 14 700,00 $ ou brut de 16 700,00 $. Le travailleur a bénéficié du programme de stabilisation économique.
Le 3 décembre 1987 le travailleur est à nouveau victime d'une rechute, récidive ou aggravation. Cette lésion est consolidée le 8 avril 1992 avec une augmentation de l'atteinte permanente de 14 %. L'indemnité de remplacement du revenu est calculée à partir du revenu de son emploi de commis-vendeur de matériaux et le travailleur a continué de bénéficier du programme de stabilisation économique. La Commission a mis fin à l'assistance financière en février 1992 en raison de la décision de la Commission des affaires sociales portant le taux d'incapacité partielle permanente à 65 % pour la rechute de 1984, sous la Loi sur les accidents du travail (L.A.T.). Sur le plan psychique, la lésion a été consolidée au 10 juin 1992 avec une atteinte permanente évaluée à 74 %. La Commission a continué à verser au travailleur une indemnité de remplacement du revenu puisque le travailleur était incapable de reprendre son travail de commis- vendeur de matériaux.
Le 17 décembre 1992, la Commission avise le travailleur que vu l'impossibilité de déterminer un emploi convenable en raison de ses limitations fonctionnelles, elle décide de lui octroyer une indemnité de remplacement du revenu jusqu'à l'âge de 65 ans et une indemnité réduite jusqu'à l'âge de 68 ans. Le travailleur reçoit donc à ce jour une indemnité de remplacement du revenu calculée à partir du revenu revalorisé qui a servi de base pour le calcul de la rechute, récidive ou aggravation du 3 décembre 1987.
MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider s'il y a lieu d'appliquer au travailleur l'article 76 de la loi et déterminer un revenu brut plus élevé que celui qui a servi de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu. Cette disposition se lit ainsi : 76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base de calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
En l'instance, la lésion professionnelle du 3 décembre 1987 a entraîné l'incapacité du travailleur d'exercer l'emploi de commis-vendeur. Le travailleur exerçait l'emploi de commis- vendeur de matériaux depuis mai 1986. Cet emploi est devenu «son emploi» au sens de l'article 76 de la loi. Par décision datée du 17 décembre 1992 la Commission détermine que le travailleur ne pourra plus reprendre son travail de commis-vendeur de matériaux et une indemnité de remplacement du revenu lui est accordée jusqu'à l'âge de 65 ans et une indemnité réduite jusqu'à l'âge de 68 ans. La lésion professionnelle du 3 décembre 1987 a donc entraîné une incapacité pour le travailleur d'exercer son emploi de commis-vendeur de matériaux pour plus de deux (2) ans. La première condition donnant ouverture à l'application de l'article 76 de la loi a donc été rencontrée.
Par ailleurs, le travailleur doit également démontrer qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Le travailleur soumet qu'il aurait pu occuper l'emploi de charpentier-menuisier n'eût été de la lésion professionnelle subie le 1er août 1984.
La Commission d'appel est d'avis que les mots «circonstances particulières» qu'on retrouve à l'article 76 de la loi ne peuvent faire référence à la survenance d'une lésion professionnelle. En effet, le législateur a prévu d'autres mécanismes, tel que le programme de la stabilisation économique pour s'assurer qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle soit indemnisé le plus justement possible dans les cas où l'indemnité à laquelle il a droit est calculée sur une base inférieure au revenu qu'il aurait pu gagner s'il n'avait pas été victime d'une lésion professionnelle. Qui plus est, en l'instance le travailleur a été indemnisé pour sa perte de capacité conformément à la loi.
De plus, si le législateur avait voulu que cette disposition s'applique à des cas comme celui du travailleur en l'instance, il l'aurait dit en remplaçant les mots «circonstances particulières» par les mots «lésion professionnelle». Par contre, il a choisi les mots «circonstances particulières» et de ce choix de mots la Commission d'appel en déduit que le législateur n'a pas voulu inclure dans la notion de «circonstances particulières», le travailleur incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle. De plus, l'article 76 précise que le travailleur doit démontrer qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque (notre soulignement) s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières. Donc, même si la Commission d'appel accepte la prétention que le travailleur en l'instance se trouve dans les circonstances particulières dont fait mention l'article 76, il n'en demeure pas moins que lorsque s'est manifestée sa lésion, soit en décembre 1987 il n'aurait pas pu occuper l'emploi de charpentier-menuisier. En effet, le travailleur était déjà incapable d'occuper ce poste en raison de ses limitations fonctionnelles. Le procureur du travailleur prétend que l'article 76 de la loi ne fait aucune référence à la capacité de travailler et par conséquent la Commission d'appel devrait conclure qu'il aurait pu occuper l'emploi plus rémunérateur de charpentier-menuisier en 1987 n'eût été de circonstances particulières, soit la rechute de 1987. La Commission d'appel ne peut accepter cette prétention. Un travailleur qui est incapable d'exercer un emploi ne peut occuper cet emploi.
La Commission d'appel est d'avis qu'un travailleur qui demande l'application de l'article 76 de la loi doit prouver que lorsque s'est manifestée sa lésion, il aurait pu occuper l'emploi plus rémunérateur. En l'instance lorsque s'est manifestée la lésion, en 1987, le travailleur n'aurait pas pu occuper cet emploi plus rémunérateur en raison de ses limitations fonctionnelles. Par conséquent, l'article 76 de la loi n'est pas applicable en l'instance.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES : REJETTE l'appel du travailleur; CONFIRME la décision du bureau de révision du 2 mai 1994; DÉCLARE que l'article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est inapplicable en l'instance.
Santina Di Pasquale commissaire Monsieur Roch Lafrance 187, Laurier suite 105 Sherbrooke (Québec) J1H 4Z4 Représentant de la partie appelante PANNETON, LESSARD (Me Martine Saint-Jacques) 1650, rue King Ouest suite 300 Sherbrooke (Québec) J1J 2C3 Représentante de la partie intervenante
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.