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JB 0329 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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No: |
200-17-002939-031 |
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Date : |
Le 5 février 2003 |
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GÉRALD BOISVERT, J.C.S. |
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CLAUDE FORTIN, domicilié et résidant au 65, du Côteau, Lévis, Québec, G6V 6W2, |
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Requérant ; |
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c. |
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LE CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, 300, boulevard Jean-Lesage, Québec, Québec, G1K 8K6, district de Québec,
et
LE COMITÉ D'ENQUÊTE DU CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, formé de M. le juge Jacques Lachapelle, Mme la juge Louise Provost, M. le juge Michel Jasmin, Mme Hélène Renault Lortie et Mme Marlène Rateau pour entendre la plainte no 1999 CMQC 56, |
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Intimés. |
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JUGEMENT |
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[1] Je suis saisi du mérite d'une requête intitulée « de la nature d'un bref de prohibition, en annulation des résolutions 5.3.6 et 5.2.2 du Conseil de la Magistrature adoptées les premier mars 2000 et trente janvier 2002 ».
[2] La requête fut signifiée le 7 janvier 2003 tant au Conseil de la Magistrature qu'au Comité d'enquête formé par le Conseil. Ces deux organismes ont comparu par procureur et ils contestent le bien-fondé de la requête.
[3] Le requérant est juge à la Cour municipale régionale du comté de Bellechasse et assujetti à la Loi sur les tribunaux judiciaires.
[4] Il a fait l'objet d'une plainte devant le Conseil intimé lui reprochant d'exercer « ses fonction en dépit des accusations pesant contre lui » et demandant sa récusation tant dans le premier que dans le dernier paragraphe de cette lettre du 27 janvier 2000, précisant qu'il s'agit d'une « plainte formelle ».
[5] Le requérant a subi son procès sous un premier chef d'avoir conduit un véhicule le 17 novembre 1998 alors que ses facultés étaient affaiblies, le second chef, à l'égard du même événement étant que la présence d'alcool dans son sang dépassait la limite permise par la loi.
[6] Il fut déclaré coupable sur les deux chefs, mais un arrêt des procédures fut ordonné sur le premier chef, le 23 mars 1999.
[7] La Cour d'Appel le 21 août dernier a annulé l'ordonnance de nouveau procès de la Cour Supérieure et rétabli le verdict de culpabilité, lequel faisait l'objet d'une requête pour permission d'appeler à la Cour Suprême du Canada, lors de l'audition de la présente requête.
[8] Le paragraphe 15 expose les griefs du requérant :
15. L'enquête dont est l'objet votre requérant est illégalement conduite et il demande :
- (1) une
ordonnance de révision judiciaire de nature prohibitive dirigée contre le comité
d'enquête du Conseil de la magistrature qui exerce des pouvoirs d'enquête alors
qu'il est formé de 5 membres dont 3 ne sont pas membres du conseil malgré les
exigences précises de l'article
- (2) une
déclaration de nullité de la résolution no 5.3.6 adoptée le 1er mars
2000 par le Conseil de la magistrature du Québec, dont la généralité et
l'imprécision font en sorte qu'elle a été adoptée à l'encontre des principes
élaborés à l'arrêt Consortium Developments (Clearwater) Ltd c. Municipalité
de Sarnia
- (3) une déclaration de nullité de la résolution 5.2.2. adoptée le 30 janvier 2002 ayant pour objet le remplacement d'un membre du comité d'enquête contrairement à la Loi sur les tribunaux judiciaires,
- (4) une ordonnance de révision judiciaire dirigée contre le comité d'enquête en raison des propos tenus par une ancienne membre du comité d'enquête et publiés dans Le Devoir, propos entachant l'apparence d'impartialité qui devait prévaloir dans la tenue d'une enquête à l'égard d'un membre de la magistrature et
- (5) une ordonnance de révision fondée sur la violation des principes de justice naturelle pendant la durée de l'enquête, les procureurs de l'intimé s'étant notamment vu interdire d'intervenir pendant l'enquête, entravant indûment le droit à la représentation par avocat.
[9]
La requête fut
entendue au mérite le 22 janvier, mais le rapport du Comité est daté du 13
janvier et fut rendu public le 31 janvier, je n'en ai pas pris connaissance,
puisqu'il ne fait pas partie de la preuve et je ne crois pas que le contenu du
rapport fasse partie des faits notoires dont parle l'article
[10] Le Comité ayant fait rapport au Conseil, il est functus officio, il ne saurait être question d'évocation de nature prohibitive à son égard. Il était tardif de présenter une telle requête le 22 janvier mais les procureurs ne le savaient pas.
[11] Il est trop tard maintenant pour empêcher le Comité de faire quoi que ce soit.
[12] Le sort du requérant est actuellement devant le Conseil intimé. La requête comporte deux conclusions ayant trait à des décisions du Conseil, elles se lisent comme suit :
DÉCLARER nulle la résolution numéro 5.3.6 adoptée le 1er mars 2000 par le Conseil de la magistrature du Québec ;
DÉCLARER nulle la résolution 5.2.2 adoptée le 30 janvier 2002 ayant pour objet le remplacement d'un membre du comité d'enquête ;
[13] La première résolution se lit comme suit :
EXTRAIT du procès-verbal de la réunion des membres du conseil de la magistrature tenue à Montréal le 1er mars 2000 :
5.3.6 Plainte de M. Fernand Paré à l'égard de M. le juge Claude Fortin
1999 CMQC 56
(…)
Après discussion, le Conseil décide :
- que l'allégation du plaignant selon laquelle le juge a continué de siéger bien qu'une accusation pèse contre lui ne constitue pas un manquement au Code de déontologie et qu'à cet égard, la plainte est non fondée ;
- qu'une enquête doit être conduite sur l'allégation du plaignant concernant l'accusation de conduite avec facultés affaiblies portée contre le juge ;
- que, pour mener l'enquête, un comité est constitué et formé des personnes suivantes :
- M. le juge en chef adjoint Jacques Lachapelle
- Mme la juge en chef adjointe Louise Provost
- M. le juge en chef adjoint Michel Jasmin
- Mme Louisiane Gauthier
- Mme Marlène Rateau ;
- que M. le juge Jacques Lachapelle agit comme président du comité.
Le Secrétaire,
Jean-Pierre Marcotte
JEAN-PIERRE MARCOTTE
Avocat
[14] Le requérant a reçu copie de cette décision du Conseil en même temps que la lettre du 10 mars 2000 l'informant de cette décision et le convoquant « pour l'enquête et l'audition » de la plainte le 24 mars 2000.
[15]
Comme il se plaint de
la nullité de cette résolution du Conseil, il se devait de l'attaquer dans un
délai raisonnable tel qu'exigé à l'article
[16] Au surplus le passage du temps laisse présumer que le requérant avait abandonné ce moyen faute de ne pas l'avoir soulevé en temps utile.
[17] Quant à la seconde résolution portant le numéro 5.2.2 elle est comme suit :
EXTRAIT du procès-verbal de la réunion des membres du conseil de la magistrature du 30 janvier 2002 :
5.2.2 Plainte de M. Fernand Paré à l'égard de M. le juge Claude Fortin
1999 CMQC 56
(…)
Le Conseil de la magistrature désigne, en remplacement de Mme Louisiane Gauthier, Mme Hélène Renault Lortie comme membre du comité chargé d'enquêter sur la plainte de M. Fernand Paré à l'égard de M. le juge Claude Fortin.
COPIE CERTIFIÉE CONFORME
Jean-Pierre Marcotte
Secrétaire du Conseil
[18] La requête n'indique pas à quel moment le requérant ou son procureur ont appris la démission de Mme Gauthier et son remplacement par Mme Renault Lortie, mais son procureur a affirmé l'avoir appris le 25 novembre 2002 avant le début de l'enquête et l'audition sur le mérite de la plainte et la résolution fut déposée au début de la séance de l'après-midi (C-12 p. 85).
[19] Le procureur du requérant aurait-il dû s'objecter dès qu'il a constaté qu'un membre avait quitté le Comité et qu'un autre l'avait remplacé, c'est une question intéressante, j'y reviendrai plus loin.
[20] Il faut d'abord se pencher sur la nomination de Mme Renault Lortie , car il est non contesté que Mme Gauthier avait le droit de se récuser tel qu'on le constate à sa lettre du 14 décembre, j'ajoute que dans les circonstances, il était de son devoir de le faire.
[21]
Il est vrai que la Loi
des tribunaux judiciaires ne prévoit pas le remplacement d'un membre d'un
Comité d'enquête, mais il faut rappeler que l'article
« Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin. »
[22] Il faut ajouter à cela le texte de l'article 57 :
« L'autorisation de faire une chose comporte tous les pouvoirs nécessaires à cette fin. »
[23] Je ne saurais concevoir que le Conseil n'ait pas non seulement le droit, mais l'obligation de remplacer le membre du Comité qui se récuse, mais à la condition que la présentation de la preuve n'ait pas débuté.
[24] Il y a lieu de citer une vieille décision de la Cour d'Appel rapportée à 1953 R.L. 257, Barreau de Québec c. E et al. Elle y a confirmé le bien-fondé du bref de prohibition émis par la Cour Supérieure pour le motif que seulement cinq membres sur sept du Conseil du Barreau avaient entendu toute la preuve sur la plainte portée contre E.
[25] J'ai lu la décision du juge Philippon dans R. c. Conseil de la Magistrature, on y trouve à la page 22 que la Cour Suprême dans Mehr c. The Law Society of Upper Canada (1955) R.C.S. 344 a consacré le principe que « He who decides must hear ».
[26] La preuve révèle que lors de l'audition de la preuve sur le mérite de la plainte, le 25 novembre 2002, Mme Hélène Renault Lortie était présente. Il est vrai qu'elle n'a pas participé à l'audition, ni à la décision des moyens préliminaires, mais cette partie du travail du Comité ne constituait pas l'audition de la preuve contre le requérant.
[27] Je considère que Mme Renault Lortie pouvait validement faire partie du Comité qui a procédé à l'audition de la plainte portée contre le requérant et que sa nomination par le Conseil était valide.
[28] Quant au moment où ce motif aurait dû être soulevé, je crois qu'il devait l'être devant le Comité à la première occasion, soit le 25 novembre dernier. On a cité avec raison l'extrait suivant :
« Toute irrégularité dans la nomination des membres d'un organisme ou d'un tribunal rend annulable l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés pour le motif qu'il est illégalement constitué. (…) Toutefois, si un intéressé ne soulève pas, dès qu'il en a la connaissance, une irrégularité dans la nomination d'un membre d'un tribunal ou d'un organisme, il risque de perdre son droit de recours devant les tribunaux. » (Traité de droit administratif, Deuxième édition, Tome III, Les Presses de l'Université Laval, 1989, p. 218-219, onglet 31)
[29] Cet extrait ne saurait cependant trouver d'application que si le Conseil ne possédait pas le pouvoir de procéder au remplacement de Mme Gauthier.
[30] La requête est donc rejetée sans frais car il 'agit de questions d'intérêt public.
[31] PAR CES MOTIFS, LA COUR :
[32] REJETTE la requête, sans frais.
GÉRALD BOISVERT, J.C.S.
Joli-Cœur Lacasse (casier 6)
(Me Louis Masson)
Procureurs du requérant
Langlois Kronström (casier 115)
(Me Michel Jolin et Me Isabelle Dufresne)
Procureurs des intimés
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.