LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
MONTRÉAL, le 25 juin 1998
RÉGION : DEVANT LE COMMISSAIRE : Me Jean-Claude Danis
ÎLE-DE-MONTRÉAL
DOSSIER : AUDIENCE FIXÉE LE : 23 mai 1997
34774-60-9112
DOSSIER CSST :
095863312 À : Montréal
DOSSIER BR :
60773613
FRANÇOIS BOUDREAU (SUCCESSION)
198, chemin Cyr, C.P. 175
New Richmond (Ontario)
G0C 2B0
PARTIE APPELANTE
STATIONNEMENT IDÉAL INC.
5, Complexe Desjardins,
C. P. 363
Montréal (Québec)
H5B 1B5
PARTIE INTÉRESSÉE
Le présent dossier a été entendu par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Toutefois, le 1er avril 1998 est entrée en vigueur la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c.27, Décret 334-98). Cette loi crée la Commission des lésions professionnelles qui remplace et continue la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. En vertu de l'article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles. Les affaires dont l'audition a déjà été entreprise avant le 1er avril 1998 sont continuées par le commissaire saisi du dossier, mais il exerce sa compétence comme commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
La présente décision est donc rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
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Le 9 décembre 1991, le travailleur, monsieur François Boudreau, dépose une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 11 octobre 1991 par le Bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal (le bureau de révision).
Cette décision unanime confirme celle rendue le 24 avril 1991 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rejetant une réclamation du travailleur.
Le travailleur est décédé le 14 décembre 1995 et la présente décision est rendue sur la base du dossier du tribunal.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que sa lésion professionnelle du 7 mars 1987 a entraîné des séquelles psychologiques.
LES FAITS
Le 7 mars 1987, alors qu'il s'apprête à effectuer un dépôt dans le cadre de son travail de préposé au stationnement, le travailleur reçoit un coup de couteau à l'estomac au cours d'une tentative de vol. Il est transporté à l'hôpital où on procède à une intervention chirurgicale. Après son congé de l'hôpital, quelques jours plus tard, le travailleur part en convalescence en Gaspésie.
Le 1er mai 1987, le travailleur présente une réclamation à la CSST relativement à l'événement du 7 mars 1987.
Le 8 mai 1987, la CSST accepte la réclamation du travailleur dans les termes suivants :
«[...]
Après étude des observations contenues dans la réclamation relative à l'événement du 1987-0307, nous donnons suite à la demande parce qu'une blessure qui arrive sur les lieux du travail, alors que la personne est à son travail, est présumée une lésion professionnelle, conformément à l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[...]»
Le 27 mai 1987, le médecin du travailleur, A. Gagnon, pose dans son rapport final indiquant la présence d'une atteinte permanente, l'absence de limitations fonctionnelles, une consolidation le 18 mai 1987 et le diagnostic suivant :
«[...]
Cicatrice abdominale - Possibilité éloignée de hernie et ou adhérences.
[...]»
Le 15 août 1989, le docteur Mate Poljicak complète un rapport d'évaluation médicale qui dit ceci :
«[...]
9. Limitations professionnelles:
Les crises de subocclusion que présentent le patient l'empêche (sic) d'exercer adéquatement son métier de serveur pendant 1 à 2 jours aux 3 mois (douleurs crampiformes, anorexie, diarrhées, baisse de l'état général).
10. Autre évaluation:
Non
11. Conclusion:
Plaie abdominale par couteau le 07/03/89. Plaie transperçante de l'estomac et du mésocôlon. Suture des plaies par laparotomie.
Séquelles: 1. cicatrice de la paroi abdominale
2. épisodes de subocclusion intestinales (sic) durant 1 à 2 jours se répétant aux 3 mois depuis octobre 1987, fort probablement des séquelles adhérentielles de la chirurgie abdominale.
IDENTIFICATION DES SÉQUELLES |
Gauche ou non latéralisé |
Droit |
Code de séquelle |
Intestin grêle |
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1. Subocclusion |
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D.A.P. CLASSE 2 |
1500 |
15% |
220 219 |
2. Laparotomie |
300 |
3% |
220 004 |
D.A.P. |
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3. CICATRICE PAROI ABDOMINALE |
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P.E. |
300 |
3% |
224 304 |
TOTAL: 21% D.A.P. et P.E. |
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DPJV: 225 214 - 5,25 |
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Le 8 février 1990, la CSST rend une décision établissant l'atteinte permanente à 24,90 %.
Le 30 juillet 1990, le travailleur est examiné par le psychologue Claude Vermette qui fait état de problèmes psychiques reliés à l'événement du 7 mars 1989. Il conclut comme suit à l'existence d'un déficit psychologique :
«[...]
DEFICIT PSYCHOLOGIQUE
Pourcentage d'invalidité psychologique actuel. 25%.
Pourcentage d'invalidité psychologique entre le 7 mars et le 18 mars 1987. 100%.
Déficit d'invalidité psychologique entre le mois d'avril et le mois d'août 1987. 75%.
Déficit d'invalidité psychologique entre septembre 1987 et juin 1989. 40%.
Nous croyons qu'il restera toujours une fragilité psychologique à la suite de cet événement et nous croyons qu'il y aura un déficit permanent que nous évaluons à 4%.
[...]»
Le 8 avril 1991, le travailleur présente une réclamation basée sur le rapport du psychologue Vermette.
Le 24 avril 1991, la CSST rejette la réclamation du travailleur dans les termes suivants :
«[...]
L'étude du rapport de votre médecin nous indique que les soins que vous recevez depuis le 30 JUILLET 1990, ne sont pas en relation avec l'événement, car l'ETUDE DU DOSSIER NE NOUS PERMET PAS D'ETABLIR UN LIEN ENTRE LE RAPPORT D'EVALUATION PSYCHOLOGIQUE DU 30 JUILLET 1990 ET L'EVENEMENT ORIGINAL.
Nous avons donc le regret de vous informer que nous ne pouvons vous accorder des indemnités de remplacement du revenu.
[...]»
Le 9 mai 1991, le travailleur demande la révision de cette décision.
Le 3 octobre 1992, devant le bureau de révision, le travailleur déclare ce qui suit :
- En février 1990, après avoir pris connaissance de la décision de la CSST du 8 février 1990, il a été informé par l'agente d'indemnisation responsable qu'il y avait possibilité de faire reconnaître un pourcentage d'atteinte au niveau psychique en procédant par le biais d'une réclamation pour aggravation. C'est la raison pour laquelle il a consulté le psychologue Vermette.
- Entre mai 1987 et août 1989, moment où il fut examiné par le docteur Poljicak, il n'a pas été suivi par un médecin. Il éprouvait toutefois régulièrement des maux de ventre aux quatre mois pour lesquels il devait se rendre à l'hôpital.
- En décembre 1989 ou janvier 1990, il a communiqué avec le docteur Gagnon qui lui a recommandé de consulter un psychologue.
Le 11 octobre 1991, le bureau de révision rejette la demande du travailleur et maintient la décision de la CSST rendue le 24 avril 1991.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission des lésions professionnelles doit décider si la lésion professionnelle subie par le travailleur le 7 mars 1987 peut inclure, en sus du diagnostic reconnu et admis par la CSST, un diagnostic relatif à un problème psychique ainsi que l'atteinte permanente en découlant.
Le bureau de révision a examiné la situation sous deux angles :
1o Reconnaître une situation qui existe depuis l'événement accidentel et non pas une nouvelle situation survenue depuis la consolidation de la lésion professionnelle.
2o Reconnaître que la réclamation du 1er mai 1987 est afférente à une rechute, récidive ou aggravation.
Dans un cas comme dans l'autre, le bureau de révision a conclu qu'il fallait rejeter la demande de révision.
Après un examen minutieux du dossier et en l'absence d'autre preuve, la Commission des lésions professionnelles estime que les motifs évoqués par le bureau de révision, ci-après reproduits, sont conformes au dossier :
«[...]
Le seul cas prévu par la loi où le travailleur peut contester les conclusions du médecin qui a procédé à son évaluation, c'est celui de l'article 206 qui vise la situation du travailleur qui a été examiné à la demande de la Commission par un médecin désigné.
Cela ne veut pas dire que, mise à part cette situation, les conclusions que comporte le rapport final du médecin traitant du travailleur ne peuvent jamais être modifiées. Certaines circonstances exceptionnelles peuvent en effet autoriser la Commission à modifier sa décision par voie de reconsidération sur la base d'un rapport médical amendé ou modifié. Tel serait le cas, selon le (sic) commissaire Leydet, lorsque le deuxième rapport se veut être une correction apportée diligemment à une erreur d'écriture commise par le médecin qui a charge ou encore lorsqu'une évolution inattendue de la pathologie après l'émission d'un premier rapport final justifie une (sic) changement d'opinion.
Dans la présente affaire, rien de tel n'a été établi par le travailleur. Sa seule affirmation consiste à dire que le Dr Poljicak n'a pas procédé à l'évaluation de son atteinte au niveau psychique mais cela n'apparaît certainement pas suffisant en soi pour remettre en cause le rapport de son médecin traitant. Plutôt que de soumettre un rapport d'un psychologue, le travailleur aurait été mieux avisé de demander au Dr Poljicak de compléter un rapport amendé ou nouveau rapport permettant à la Commission d'établir s'il s'agissait d'une circonstance justifiant une possible reconsidération de sa décision sur l'APIPP.
Faute d'avoir procédé de la sorte, la démarche du travailleur apparaît ainsi essentiellement comme une contestation de l'opinion de son médecin traitant et dans ce contexte, si cette hypothèse devait être retenue, le Bureau de révision devrait décliner juridiction puisqu'il n'a pas compétence en la matière en vertu de l'article 358, deuxième alinéa.
En ce qui concerne maintenant le traitement de la réclamation du travailleur comme aggravation de sa condition, solution qui pourrait également être envisagée pour permettre au travailleur de se voir reconnaître un nouvel APIPP, le Bureau de révision doit également conclure qu'il n'a pas établi l'existence d'une aggravation pour le motif que la preuve qu'il a soumise, à savoir l'expertise du psychologue, ne peut pas constituer une preuve valable du diagnostic et de l'existence d'une atteinte permanente.
En effet, en vertu des articles 199 et 208 de la LATMP, cette fonction est dévolue uniquement à un médecin comme l'a décidé la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles dans l'affaire Soucy et C.I.L., numéro 07536-62-8805, 05-04-90. A la limite, on pourrait concevoir que le médecin qui a charge du travailleur réfère celui-ci pour fins d'évaluation d'une atteinte au niveau psychique à un psychologue et que par la suite, il fasse siennes les conclusions de ce dernier dans son rapport, mais sans encadrement médical, le rapport d'un psychologue ne peut servir de base à la réclamation d'un travailleur.
Il conviendrait donc pour la poursuite de son dossier que le travailleur fasse évaluer sa condition par un médecin puisque sans rapport médical, sa réclamation est vouée à l'échec.
[...]»
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE l'appel du travailleur, monsieur François Boudreau; et
CONFIRME la décision rendue par le Bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal le 11 octobre 1991.
Jean-Claude Danis
Commissaire
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.