Audet c. Dynamique des handicapés de l'Estrie inc. |
2007 QCCQ 14485 |
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COUR DU QUÉBEC |
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«Division des petites créances» |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEDFORD |
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LOCALITÉ DE |
GRANBY |
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« Chambre civile » |
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N° : |
460-32-004251-061 |
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DATE : |
28-12-2007 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
YVON ROBERGE, J.C.Q. |
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LUCILLE AUDET, domiciliée et résidant au 484, rue Cowie, Granby, (Qc), J2G 3W5 |
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Partie demanderesse |
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c.
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LA DYNAMIQUE DES HANDICAPÉS DE L'ESTRIE INC., ayant place d'affaires au 279, rue Principale, local 309, Granby, (Qc), J2G 2W1 |
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et |
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LUCE S. BÉRARD, 279, rue Principale, locale 309, Granby, (Qc), J2G 2W1 |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse réclame des défenderesses la somme de 2 664,70 $ pour perte de salaire, frais d’avocat et frais de déplacement encourus à la suite de procédures judiciaires engagées contre elle par la défenderesse La Dynamique des Handicapés de l'Estrie inc., dont Luce S. Bérard est présidente.
[2] Dans sa requête, elle allègue qu’en décembre 2003, alors qu’elle était à l’emploi de la défenderesse, elle a été victime de harcèlement psychologique.
[3] Elle a porté plainte auprès de la CSST et a été déclarée admissible.
[4] La demanderesse soumet que les contestations et les procédures engagées auprès de la CSST et de la Commission des lésions professionnelles pour que soit écartée sa demande, étaient abusives et non fondées.
[5] Les défenderesses ont produit des contestations séparées (principales et amendées), dont le contenu est sensiblement le même. Elles allèguent :
a) Un travailleur victime d’une lésion professionnelle n’a aucun recours contre son employeur ou un de ses administrateurs;
b) La défenderesse Bérard n’a agi qu’à titre de présidente de la défenderesse;
c) Que la demande est abusive et déraisonnable;
d) Que la demanderesse a contribué à allonger les délais;
e) Vu leurs déficiences physiques, ils demandent « un accommodement raisonnable…
[6] Pour compléter la preuve présentée, (pièces et témoignages), le Tribunal a demandé et obtenu tout le dossier en s’adressant à la Commission des lésions professionnelles de la région de Yamaska.
[7] Les éléments factuels sont ici décrits par ordre chronologique :
- Le 17 décembre 2003, suite à des événements qu’il n’est pas ici nécessaire d’exposer, la demanderesse dépose une plainte de harcèlement psychologique contre la défenderesse La Dynamique des Handicapés de l'Estrie inc. et sa présidente madame Bérard;
- Le 19 janvier 2004, elle rencontre son médecin qui pose un diagnostic de trouble d’adaptation secondaire à un harcèlement psychologique et prescrit un arrêt de travail de deux semaines;
- Le 6 février 2004, elle se trouve un nouvel emploi;
- Le 25 février, elle soumet une réclamation auprès de la CSST;
- Mi-avril, la défenderesse dépose au dossier deux documents de près de 50 pages contestant les faits et accusant la demanderesse de bien des maux…;
- Le 20 mai, la commission accepte la réclamation;
- Le 22 juin, l’employeur demande la révision administrative de cette décision;
- Le 16 juillet, Me Éric Cloutier avise la Commission qu’il a été mandaté pour représenter la défenderesse La Dynamique des Handicapés de l'Estrie inc.;
- Le 28 juillet, par lettre, il informe la Commission que sa cliente : « nie le diagnostic émis par le médecin de l’employée »…;
- Il ajoute : « Veuillez prendre note qu’un expert psychiatre sera mandaté sous peu afin de procéder à une contre-expertise sur la personne de madame Audet »;
- Le 27 octobre 2004, Christiane Blondin, réviseure, rend sa décision sur la demande de révision formulée le 22 juin en ces termes :
- Confirme la décision rendue le 20 mai 2004;
- Déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle par le biais d’un accident de travail (17 décembre 2003);
- Le l5 novembre, un mois plus tard, l’employeur dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de laquelle elle conteste la décision de la CSST;
- Le 16 juin 2005, l’employeur demande à ce même organisme d’ordonner à madame Audet de « se soumettre à un examen médical devant un médecin psychiatre désigné par l’employeur »;
- Cette demande formelle découle du refus manifesté par madame Audet de se présenter à une convocation fixée le 29 septembre 2004 devant un psychiatre désigné par l’employeur, malgré une demande dite « formelle »;
- Le 9 septembre 2005, se tient l’audition sur cette demande « incidente ». La demanderesse était alors représentée par un procureur;
- Le 3 octobre 2005, le commissaire, Yves Ostiguy, déboutait la demanderesse; en ces termes :
« - Rejette la requête incidente de Dynamique des handicapés de l'Estrie, l'employeur;
- Se déclare sans compétence pour ordonner à Mme Lucille Audet, la travailleuse, de se soumettre à un examen médical requis par Dynamique des handicapés de l'Estrie;
- Convoquera à nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation logée par l'employeur. »
- Le commissaire, après avoir résumé les arguments des parties, émet ce premier commentaire :
« [32] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis que la requête apparaît abusive et farfelue. Les membres retiennent entre autres, l'absence de motif clair dans la lettre de convocation du 27 août 2004 à une expertise médicale, demande formulée uniquement lorsque le présent représentant est arrivé au dossier;
[33] Les membres retiennent aussi le fait que l'employeur a été négligent en ne demandant pas à la CSST de prolonger le délai pour lui permettre de produire une expertise médicale afin de contester les conclusions du médecin qui avait charge de la travailleuse, alors que, même au moment de tenir audience, il n'y a eu aucune demande de prolongation de délai par l'employeur ou par son représentant.
[34] Par ailleurs, les membres estiment que la jurisprudence majoritaire est à l'effet que le tribunal n'a pas compétence pour ordonner que la travailleuse se soumette à une expertise médicale. » (J’ai souligné)
- Le commissaire s’exprime ensuite ainsi :
« [36] Le soussigné fait sienne l'opinion exprimée dans la grande majorité des décisions portant sur le sujet, à l'effet que la Commission des lésions professionnelles n'a pas compétence pour ordonner à la travailleuse de se soumettre à un examen médical demandé par son employeur.
[42] Les deux textes rédigés par l'employeur préalablement à la décision initiale d'acceptation de la réclamation en mai 2004, ressemblent plutôt à un long réquisitoire contre la travailleuse, qu'à une contestation des conclusions du médecin qui en avait charge.
[51] Une partie qui désire préserver ses droits, doit faire preuve de célérité pour demander une prolongation de délai ou d'être relevée des conséquences de son défaut de pouvoir exercer son droit dans le délai prévu par la loi.
[52] Le présent tribunal estime que l'employeur a été négligent à cet égard et que le motif soumis n'est d'aucun secours pour permettre de prolonger le délai ou de relever l'employeur des conséquences de son défaut de l'avoir respecté.
[53] De plus, dans les circonstances, considérant l'état de la jurisprudence majoritaire bien connue des représentants, à l'effet que le tribunal n'a pas compétence pour ordonner que la travailleuse se soumette à une expertise médicale, et considérant l'absence totale de motif sérieux pour demander une prolongation de délai afin de contester les conclusions du médecin qui avait charge de la travailleuse, demande toujours inexistante au moment des présentes, 21 mois après la consolidation de la lésion subie, la requête de l'employeur revêt un caractère abusif qui fait en sorte que même s'il disposait de la compétence requise pour émettre une telle ordonnance, le tribunal aurait pu rejeter la requête de l'employeur pour ce seul motif. » (J'ai souligné)
- Le Tribunal a consciemment reproduit et souligné les extraits les plus virulents de la décision;
- Le 24 mai 2006, suite à une audition sur le fond tenue le 9 mars, le même commissaire, dépose une seconde décision dans laquelle il réaffirme :
« [33] Le tribunal retient comme déterminante la preuve non contredite à l'effet que madame Nadine Vaillancourt a été témoin d'une des colères de la présidente de l'organisme envers la travailleuse, ce qui corrobore le témoignage de cette dernière à l'effet que son employeur avait envers elle une attitude agressante ou harcelante, qui constitue un événement assimilable à la notion d'accident de travail pouvant conduire à une lésion professionnelle. »
- Il précise :
« [34] Le tribunal ne croit pas le témoignage de madame Bérard et s'interroge sérieusement sur l'ensemble des motifs soulevés par cette dernière pour se disculper du comportement qu'elle a pu avoir avec la travailleuse, puisque l'ensemble des faits qu'elle lui reproche dans les quelques 50 pages de texte qu'elle a rédigées à l'intention de la CSST, et qu'elle a repris à l'audience, apparaissent suffisamment graves, pour que l'employeur ait eu à mettre fin à l'emploi de la travailleuse peu de temps après son embauche.
[35] En effet, si l'on en croit la version des faits rédigés par madame Bérard, la travailleuse n'accomplissait aucunement son travail, ou l'accomplissait de façon fort mitigée et elle avait des écarts de conduite en matière financière ou en matière de confidentialité, qui n'auraient pu être tolérés d'aucune façon. Même pris individuellement, ces motifs auraient suffi à congédier la travailleuse.
[36] Le tribunal considère qu'il s'agit de motifs invoqués après coup pour discréditer le témoignage de la travailleuse qui lui apparaît par ailleurs crédible, motifs qui tentent indirectement de justifier le comportement de la directrice de l'organisme.
[39] Le tribunal considère peu crédible la preuve soumise par l'employeur et retient plutôt les explications fournies par la travailleuse pour conclure que cette dernière a subi du harcèlement psychologique entraînant une lésion professionnelle donnant droit aux indemnités prévus par la loi.
[40] Incidemment, le tribunal observe que l'employeur, qui est tenu de verser à la travailleuse l'équivalent des 14 premiers jours d'arrêt de travail conformément aux dispositions de l'article 60 de loi, a semble-t-il, procédé à une retenue à la source non justifiée. »
(J'ai souligné)
[8] Les motifs invoqués par le commissaire Ostiguy pour rejeter la demande, semblent avoir encouragé la demanderesse à présenter la demande de compensation dont ce Tribunal est saisi.
[9] Droit applicable
A) Fondement juridique de la demande;
B) Le recours exercé par la demanderesse est-il prohibé par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP)?
C) Responsabilité du mandant pour actes de son mandataire (avocat);
D) Responsabilité personnelle de la directrice.
[10] A) Fondement juridique de la demande
[11] La Cour d’appel en juin dernier s’est à nouveau prononcée sur l’abus de droit d’ester en justice[1] précisant notamment la portée des principes élaborés dans l’arrêt Viel[2] et du droit qu’à une partie : victime de procédures abusives de réclamer à titre de dommages, le remboursement des honoraires extrajudiciaires versés à son avocat et autres frais inhérents.
[12] 1- L’abus du droit d’ester en justice
[13] Après avoir cité un extrait de l’opinion émise par le juge Rochon dans l’arrêt Viel, l’honorable Pierre Dalphond, au nom de la Cour résume ainsi sa pensée :
« (39) En d’autres mots, l’abus du droit d'agir en justice se manifeste à l’occasion d’un recours judiciaire et non avant. Il rappelle aux parties au litige qu’elles ne sont pas admises à agir « de manière contraire aux normes de comportement généralement acceptables par la société » (Sawdon c. Dennis-Trudeau, J.E. 2006-888 (C.A.)). La bonne foi requiert qu’elles exercent leur droit d’ester dans le respect de certaines règles afin de sauvegarder les finalités du système juridique et non les pervertir. L’action en justice est destinée à faire triompher le droit et la vérité; l’utiliser à d’autres fins est un abus (Jacques Ghestin et Gilles Goubeaux, Traité de droit civil, introduction générale, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1994, paragr. 803, p. 789).
(40) Il s’ensuit que le rejet des prétentions d’une partie, même s’il donne généralement droit aux dépens calculés selon le Tarif (art. 477 C.p.c.), ne signifie pas que la position de cette dernière était abusive. Il en faut plus : un comportement contraire aux finalités du système juridique. De même, une partie pourrait très bien avoir gain de cause alors que son comportement dans le dossier judiciaire a été abusif, par exemple en multipliant inutilement les procédures interlocutoires dans le seul but de faire encourir des frais et du stress à la partie adverse.
(41) Du passage des auteurs Baudouin et Deslauriers cité plus haut par mon collègue le juge Rochon, il ressort que l’abus du droit d’ester est associé à la mauvaise foi et à la témérité. »
(J’ai souligné)
[14] S’inspirant des auteurs et de la jurisprudence française pertinente il ajoute :
« (45) Pour conclure en l’abus, il faut donc des indices de mauvaise foi (telle l’intention de causer des désagréments à son adversaire plutôt que le désir de faire reconnaître le bien-fondé de ses prétentions[3] ou à tout le moins des indices de témérité.
(46) Que faut-il entendre par témérité? Selon moi, c’est le fait de mettre de l’avant un recours ou une procédure alors qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l’argumente, conclurait à l’inexistence d'un fondement pour cette procédure. Il s’agit d’une norme objective, qui requiert non pas des indices de l’intention de nuire mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s’il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure. Est infondée une procédure n’offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d’une légèreté blâmable de son auteur. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers, précités : « L’absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité. »
[15] 2- Ya-t-il abus de droit?
[16] Le problème juridique et factuel soulevé tant devant la CSST que devant la Commission est objectivement mineur : la demanderesse a été à peine deux mois sans travail.
[17] La preuve présentée et davantage la lecture des documents déposés auprès de la Commission et de la CSST, révèle que la défenderesse Bérard en fait une affaire personnelle. Le sens de la mesure a été amplement dépassé.
[18] La défenderesse a certes droit de contester, mais elle a ici fait preuve d’acharnement tant par le nombre de contestations que par le langage et la répétition ad nauseam des mêmes motifs qui avaient pourtant été écartés.
[19] Comment expliquer un tel acharnement pour une affaire, somme toute banale, sans répercussions pécuniaires importantes, si ce n’est que la défenderesse en a fait une « affaire personnelle ».
[20] L’ensemble des circonstances dans lesquelles ces procédures ont été contestées; l’opinion émise tant par le commissaire que par les membres sur le « caractère abusif » (infondé), selon l’expression de la Cour d’appel, de la requête pour examen médical; la demande d’annulation de la décision révisée de la CSST que la défenderesse n’avait « aucune véritable chance de succès » tant pour la présentation de sa demande d’examen médical que pour deux des trois demandes de révision de la décision au fond autorise le Tribunal à conclure que le dépôt de ces procédures jointes à la présentation des éléments de preuve, dans le contexte du dossier : « …fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité ».
[21] B) La défenderesse plaide qu’en vertu des articles 438 et 432 (LATMP), la demanderesse ne peut exercer de recours contre son employeur ou un de ses administrateurs pour dommages ou préjudice relié au travail.
[22] Le recours de la demanderesse, comme le précisait le juge Gonthier dans l’arrêt Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc.[4] est « hors cadre »:
« 135. Il est vrai, comme le souligne le juge Mailhot, qu'en conséquence il y a disparité entre les recours de la victime selon qu'elle subit un harcèlement sexuel constitutif de lésion professionnelle dans le cadre de son travail ou hors ce cadre, ce dernier donnant seul ouverture à une action en responsabilité civile pour des dommages exemplaires. Ceci est vrai cependant pour tout ce qui relève de la responsabilité civile de l'employeur envers l'employé dans le cadre de son travail. Si la victime ne peut se pourvoir par action en responsabilité civile pour sanctionner par dommages exemplaires une telle faute de l'employeur, les autres recours prévus par la Charte lui sont ouverts. Un tel recours en dommages exemplaires en est un d'exception et il appartient au législateur de le prévoir. » (J’ai souligné)
[23] La demande de compensation monétaire formulée par la demanderesse n’est pas : un recours contre son employeur pour dommages découlant d’une « lésion professionnelle » subie alors qu’elle était à l’emploi de la défenderesse : « par le fait ou à l’occasion de son travail » (art. 2 de la loi).
[24] Sa demande vise l’obtention d’une compensation monétaire pour les dommages qu’elle a subis, dont les frais d’avocat encourus, suite à l’attitude prise par son ex-employeur qui a contesté de façon abusive et non fondée la décision de la CSST et de la Commission, déclarant qu’elle a subi un accident de travail.
[25] La faute est ici qualifiée « d’abus de droit » à l’occasion de procédures et sa demande est recevable.
[26] C) Responsabilité du mandant pour actes de son mandataire (avocat)
[27] Puisque lors de la tenue de l’audience la défenderesse a plaidé qu’elle a fait confiance au professionnel qui les représentait, qu’elle ne peut être personnellement tenue responsable de la faute commise par son procureur.
[28] Le Tribunal traitera sommairement de la responsabilité du mandant pour les actes posés par son mandataire qui, en l’occurrence, est avocat.
[29] L'article 2164 du C.c.Q. énonce :
« 2164. Le mandant répond du préjudice causé par la faute du mandataire dans l'exécution de son mandat, à moins qu'il ne prouve, lorsque le mandataire n'était pas son préposé, qu'il n'aurait pas pu empêcher le dommage. »
[30] L’honorable Raymond Boyer, J.C.Q. dans l’arrêt Boyer c. Hottote[5] déclare :
« [32] À ce sujet, Baudouin écrit :
«Le Code civil, à l'article 2144 C.c. lève désormais une ambiguïté en engageant, vis-à-vis des tiers, la responsabilité du mandant pour le préjudice causé par la faute du mandataire que celui-ci ait été son préposé ou non. Lorsque le mandataire ne peut se qualifier comme préposé, la responsabilité du mandat est alors réduite, puisqu’il peut se libérer en prouvant simplement son impossibilité d’empêcher la réalisation du dommage.»[6]
[33] Il faut donc jauger en principe le degré de pouvoir de contrôle que le mandant possède sur son mandataire. Selon le professeur Claude Fabien, lorsque le mandataire a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et n’est pas le préposé du mandant, ce dernier ne répond que de sa faute personnelle tout en assumant le fardeau de l’exonération. Il signale toutefois une exception capitale qui selon lui persistera malgré le nouveau texte de l’article 2164 C.c.Q.: »[7]
[31] La défenderesse n’a pas établi que son procureur a outrepassé son mandat; qu’elle n’a pu empêcher la réalisation du dommage.
[32] Les textes déposés et les arguments soulevés par son procureur s’inscrivent tout à fait dans la ligne de pensée de la défenderesse.
[33] Ce second moyen est donc écarté.
[34] D) Responsabilité personnelle de la défenderesse Bérard
[35] Appliquant les mêmes principes énoncés plus haut quant à la responsabilité du mandant pour les actes commis par le mandataire, le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve ne lui permet d’inférer, que la défenderesse Bérard a excédé son mandat ou n’avait pas le support de l’organisme qu’elle représente. Les frais de l’avocat n’ont-ils pas été acquittés par l’organisme?
[36] Aucune preuve n’a démontré que la demanderesse ait contribué « à allonger les délais » ou que la défenderesse n’ai pas eu « droit » à tous les accommodements raisonnables demandés.
[37] DOMMAGES
[38] En plus des frais extrajudiciaires versés à son avocat, le Tribunal lui octroie une somme de 1 458,70 $ plus une somme de 760 $ pour perte de salaire (40 heures à 19 $/h) et un montant forfaitaire de 100 $ pour frais de voyages.
[39] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[40] Accueille en partie la demande;
[41] CONDAMNE la partie défenderesse La Dynamique des Handicapés de l'Estrie inc. à payer à la partie demanderesse la somme de 2 318,70 $, avec intérêts au taux de 5 % l'an, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter de l’assignation et les dépens;
[42] Rejette la demande contre la défenderesse Bérard, sans frais.
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_____________________ YVON ROBERGE, J.C.Q. |
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Date d'audience: |
13-11-2007 |
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[1] Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., 2007 QCCA 915 .
[2] Viel c. Entreprises immobilières du Terroir ltée, [2002] R.J.Q. 1262 .
[3] Comme le reconnaît le Code de procédure civile, l’utilisation de la voie judiciaire afin d’échapper pour un temps à ses obligations (par exemple : un appel dilatoire) constitue de la mauvaise foi et expose la partie aux honoraires extrajudiciaires encourus par l’autre.
[4] (C.S. Can., 1996-06-20), SOQUIJ AZ-96111079 , J.E. 96-1376 , D.T.E. 96T-773 , [1996] R.R.A. 537 (rés.), [1996] 2 R.C.S. 345 .
[5] (C.Q., 2002-10-01), SOQUIJ AZ-50219360 , B.E. 2004BE-262 .
[6] Jean-Louis BAUDOUIN, La responsabilité civile, 4eéd., Cowansville, Éd. Yvon Blais,1994, p. 360, no. 632.
[7] Claude FABIEN, Le nouveau droit du mandat dans La réforme du Code civil, Tome 2, Sainte-Foy, Les Presses de l'Université Laval, 1993, no. 50, pp. 881, 920 et 921.
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