Richer et Sécuritas Canada ltée |
2012 QCCLP 2878 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Salaberry-de-Valleyfield |
22 avril 2012 |
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Région : |
Richelieu-Salaberry |
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419916-62C-1009 421686-62C-1010 421689-62C-1010 434351-62C-1103 435533-62C-1104 |
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Dossiers CSST : |
133919340 135423754 |
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Commissaire : |
Pascale Gauthier, juge administratif |
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Membres : |
Jean-Benoît Marcotte, associations d’employeurs |
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René Deshaies, associations syndicales |
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Assesseur : |
Jean-Marie Latreille, médecin |
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419916 434351 |
421686 421689 435533 |
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Hélène Richer |
Sécuritas Canada ltée |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Sécuritas Canada ltée |
Hélène Richer |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossiers 419916, 421686 et 421689
[1] Le 21 septembre 2010, madame Hélène Richer (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 3 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative. Le 9 octobre 2010, Sécuritas Canada ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre de cette même décision. Par cette décision, la CSST :
· déclare nulle une décision qu’elle a rendue initialement le 23 juin 2010, en rétablit une autre datée du 15 juin 2010, et déclare que la relation ne peut être établie entre un diagnostic « qui reste à préciser » et l’événement du 30 décembre 2008;
· déclare que la travailleuse a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion professionnelle n’est pas consolidée et se déclare justifiée de poursuivre le paiement des soins ou des traitements ainsi que l’investigation puisqu’ils sont nécessaires;
· déclare nulle la décision qu’elle a rendue initialement le 26 juillet 2010 à la suite d’un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale parce que prématurée et déclare nulles les conséquences légales portant sur les autres sujets médicaux;
· confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 26 mai 2010 et déclare qu’en regard d’un événement du 12 novembre 2009, la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 15 avril 2010 et que son droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint à cette date;
· confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 3 août 2010 et déclare qu’en l’absence de diagnostic, aucune relation ne peut être établie entre l’angoisse et l’événement du 12 novembre 2009.
Dossiers 434351 et 435533
[2] Le 28 mars 2011, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue par la CSST le 23 mars 2011 à la suite d’une révision administrative. Le 6 avril 2011, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre de cette même décision. Par cette décision, la CSST :
· déclare irrecevables les demandes de révision administrative de l’employeur et de la travailleuse portant sur l’évaluation médicale faite par le médecin désigné et entérinée par le médecin à charge;
· déclare conforme le bilan des séquelles approuvé par le médecin qui a charge;
· confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 9 décembre 2010, déclare que la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 30 décembre 2008 a entraîné chez elle une atteinte permanente de 2,2 %, et déclare que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1576,34 $, plus intérêts;
· confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 23 décembre 2010, déclare que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 28 décembre 2010 et déclare que par conséquent, le versement de son indemnité de remplacement du revenu prend fin à cette date;
· confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 7 janvier 2011 et se déclare bien fondée de réclamer à la travailleuse la somme de 165,43 $, au motif que cette dernière est capable de travailler depuis le 28 décembre 2010 et qu’elle a reçu des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 30 décembre suivant.
[3] À l’audience, tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 13 décembre 2011, la travailleuse est présente et représentée par procureur. L’employeur est présent par l’entremise de madame Valérie Dubé et est représenté par procureur également. La CSST, qui est intervenue au dossier, a avisé le tribunal de son absence à l’audience. À l’issue de celle-ci, un délai est accordé aux parties pour que des documents supplémentaires soient déposés. L’affaire est mise en délibéré le jour de la réception du dernier document, soit le 31 janvier 2012.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 419916
[4] La travailleuse demande de déclarer que la lésion professionnelle qu’elle a subie le 12 novembre 2009 n’est pas consolidée et que le diagnostic d’angoisse y est relié.
Dossier 434351
[5] La travailleuse demande de déclarer que la docteure Jean Claire Rosenberg n’est pas son médecin qui a charge en novembre 2010. Par conséquent, la CSST ne pouvait lui demander de commenter le rapport de son médecin désigné et de compléter un rapport complémentaire à cet égard.
[6] Subsidiairement, la travailleuse demande de déclarer que ce rapport complémentaire est irrégulier, notamment parce que la docteure Rosenberg ne l’a pas réexaminée de façon contemporaine à sa production.
[7] Finalement, la travailleuse demande de déclarer que sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008 ainsi que celle du 12 novembre 2009 ne sont pas consolidées, qu’elle n’est pas capable d’exercer son emploi prélésionnel et qu’elle n’a pas à rembourser la somme de 165,43 $.
Dossiers 421686 et 421689
[8] L’employeur demande de déclarer que le diagnostic à retenir en lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse du 30 décembre 2008 est celui d’entorse et de contusion du pouce gauche, et que cette lésion est consolidée le 20 avril 2009. Subsidiairement, il demande de retenir comme date de consolidation celle de l’échographie du 16 septembre 2009.
[9] L’employeur demande également de déclarer que la travailleuse n’a plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter de la consolidation de sa lésion professionnelle.
[10] Puis, l’employeur soumet que la seconde lésion professionnelle de la travailleuse, soit celle du 12 novembre 2009, est consolidée sans séquelles à la date retenue par la CSST, soit le 15 avril 2010, mais que la travailleuse n’a plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à ce moment-là, sa première lésion professionnelle, survenue le 30 décembre 2008 étant déjà consolidée sans séquelles.
Dossier 435533
[11] Dans la mesure où la Commission des lésions professionnelles ne retient pas ses prétentions dans les dossiers 421686 et 421689, l’employeur demande de reconnaître la docteure Rosenberg comme étant le médecin qui a charge de la travailleuse en novembre 2010 et de considérer valide le rapport complémentaire qu’elle complète à ce titre.
[12] L’employeur précise avoir contesté d’autres décisions pour protéger ses droits, notamment celles portant sur le pourcentage d’atteinte permanente et sur la capacité de la travailleuse, mais n’a pas de représentations à faire sur ces sujets.
LA PREUVE
[13] Nous sommes en présence d’une travailleuse qui a déjà subi une lésion professionnelle de nature traumatique, le 16 octobre 1996, alors qu’elle exerce le métier de soudeuse pour un autre employeur (dossier CSST 112445291). De cette lésion résulte une atteinte permanente de 3,3 %, dont 1,25 % correspondant au code 101927, soit « ankylose permanente incomplète en position de fonction métacarpophalangienne du pouce gauche ».
[14] Suivant la consolidation de cette lésion professionnelle, l’évaluation médicale révèle, au niveau de l’articulation métacarpophalangienne du pouce gauche, une flexion de la phalange proximale limitée à 50° comparativement à 60° à droite. Selon le médecin évaluateur de l’époque, les séquelles mineures à la main gauche dont la travailleuse est porteuse ne l’empêchent pas d’effectuer son travail de soudeuse. Le 6 avril 1998, la CSST la déclare capable de reprendre son emploi prélésionnel.
[15] La travailleuse affirme à l’audience avoir consulté notamment une clinique de la douleur dans le cadre du suivi médical relié à cette lésion professionnelle du 16 novembre 1996. Elle affirme que cette lésion est guérie depuis 1998. Une atteinte permanente lui est reconnue uniquement en lien avec « le bout » de son pouce gauche. La travailleuse précise avoir « très bien récupéré ».
[16] Le 30 décembre 2008, alors qu’elle est à l’emploi de l’employeur, la travailleuse est victime d’une autre lésion professionnelle (dossier CSST 133919340). Elle occupe alors un poste d’agente de sécurité depuis le mois de juillet précédent. À ce titre, elle exerce ses fonctions dans plusieurs établissements et endroits différents. Le 30 décembre 2008, dans le cadre de son travail, elle se trouve dans le périmètre d’une distillerie. Alors qu’elle y effectue une ronde de surveillance à l’extérieur de l’établissement, elle perd pied et atterrit sur le dos. Elle précise qu’au moment de sa chute, elle tombe sur son pouce gauche, puis sur son poignet et sur son coude. Elle ressent une douleur au pouce, au poignet et au coude gauches.
[17] Le lendemain matin, soit le 31 décembre 2008, sa main gauche est enflée. Elle consulte donc un médecin, soit le docteur Patrick Edward Kilmartin, qui suggère une déchirure des ligaments du pouce. Les résultats d’une radiographie simple de la main gauche effectuée ce jour-là s’avèrent normaux. La travailleuse reçoit une immobilisation plâtrée. Selon les notes cliniques de l’urgence de l’hôpital, elle a atterri sur sa main, son coude et son épaule gauche. Une hyperextension du pouce gauche s’accompagnant d’une douleur est notée.
[18] Toujours en date du 31 décembre 2008, le docteur Ibrahim Halim Fayez retient le diagnostic d’hyperextension du pouce gauche, prescrit un anti-inflammatoire et suggère un arrêt de travail.
[19] Le 5 janvier 2009, la travailleuse rencontre le chirurgien plasticien David M. Cunningham qui note la présence d’une entorse du pouce gauche et autorise des travaux légers. Sur la note de consultation médicale qu’il rédige ce jour-là, le docteur Cunningham indique que la travailleuse s’est blessée au pouce gauche une semaine auparavant et que la radiographie est négative. Il ajoute qu’il y a présence d’une douleur, d’une enflure et d’une sensibilité au niveau de la métacarpophalangienne et du ligament ulnaire collatéral du pouce gauche. Il suggère la poursuite du traitement conservateur et autorise les travaux légers.
[20] Le 17 janvier 2009, le docteur Radu Popovici note également ce diagnostic d’entorse du pouce gauche et indique que le plâtre est enlevé.
[21] Le 19 janvier 2009, le docteur Cunningham réitère le diagnostic d’entorse du pouce gauche et autorise à nouveau les travaux légers. Sur la note de consultation médicale qu’il rédige ce jour-là, le docteur Cunningham rapporte que le pouce gauche demeure sensible, mais que le ligament ulnaire collatéral est intact. Une diminution de la flexion et de l’extension de l’articulation interphalangienne est en outre notée. Des traitements de physiothérapie sont prescrits.
[22] Selon une note évolutive consignée au dossier constitué par la CSST (le dossier) datée du 22 janvier 2009, la réclamation de la travailleuse en lien avec l’événement du 30 décembre 2008 est acceptée. On fait alors mention du diagnostic de déchirure du ligament du pouce gauche (dossier CSST 133919340).
[23] Le 2 février 2009, le docteur Cunningham réitère la présence de l’entorse du pouce gauche, poursuit la physiothérapie et autorise les travaux légers. Sur la note de consultation médicale qu’il rédige ce jour-là, le docteur Cunningham indique qu’il y a encore présence de douleur au niveau du pouce gauche, améliorée avec la physiothérapie, mais qu’il y a toujours une diminution des amplitudes articulaires.
[24] Le 16 février 2009, le docteur Cunningham note la présence d’une contusion du pouce gauche, indique qu’il est douloureux, et ajoute que la travailleuse est incapable d’effectuer une flexion ou une extension de l’articulation interphalagienne. Il demande un électromyogramme (EMG).
[25] Le 26 février 2009, cet EMG est effectué et est lu par la neurologue Lucy Vieira. Cette dernière note une neuropathie du nerf interosseux probable qui devrait s’améliorer.
[26] Le 17 mars 2009, le docteur Cunningham rapporte la présence d’une contusion de la main gauche et note à nouveau l’incapacité de la travailleuse d’effectuer une flexion de son pouce gauche. Il poursuit la physiothérapie et suggère un arrêt de travail.
[27] Le 6 avril 2009, à nouveau, le docteur Cunningham poursuit la physiothérapie et maintient l’arrêt de travail.
[28] Le 20 avril 2009, la travailleuse rencontre le docteur Carl Giasson Jr. à la demande de l’employeur. Ce dernier est chargé de donner son opinion sur le diagnostic, la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. À l’état actuel, le docteur Giasson Jr. indique que la travailleuse réfère à une diminution de la mobilité à l’égard du pouce gauche, de même qu’à une diminution de la sensibilité au niveau de l’éminence thénar. La travailleuse dit ne pas être en mesure d’utiliser sa main gauche de façon spontanée.
[29] À l’examen physique, le docteur Giasson Jr. rapporte qu’une mise en tension suboptimale fait apparaître des mouvements de type roue dentelée. Au niveau du poignet, la palpation des différentes structures est rapportée comme douloureuse à l’égard de la tabatière anatomique, mais il n’y a pas de phénomène inflammatoire à ce niveau. Les mouvements sont normaux, mais en contre-résistance, ils font apparaître à nouveau des mouvements en roue dentelée. Le Tinel, le Phalen et le Finkelstein sont négatifs.
[30] Au niveau du pouce, la palpation des différentes structures n’est pas rapportée comme étant douloureuse et il n’y a pas de phénomène inflammatoire à ce niveau. Aucune laxité significative n’est notée.
[31] De façon active, la travailleuse dit ne pas être en mesure de fléchir le pouce, tandis que de façon passive, les mouvements de flexion, d’extension et d’adduction s’effectuent normalement. L’opposition se complète. Il n’y a pas de limitation passive à l’égard de l’articulation interphalangienne du pouce, et aucune atrophie musculaire n’est mise en évidence. Il n’y a pas d’hypo ou d’hyperesthésie à la roulette dentelée.
[32] Considérant des examens musculo-squelletiques et radiologiques dans les limites de la normale, le docteur Giasson Jr. qualifie la lésion professionnelle subie par la travailleuse de « contusion - entorse pouce gauche », consolidée en date de son examen, sans nécessité de soins additionnels, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[33] Une note de physiothérapie datée du 29 avril 2009 indique que la travailleuse a été transférée à une clinique plus près de chez elle, et qu’elle se plaint toujours de douleur et de manque de force dans son pouce et bras gauche.
[34] Le 7 mai 2009, un second EMG est effectué et est lu par la neurologue Vieira. Cette dernière indique qu’il n’y a pas de dénervation active évidente dans le nerf cubital ou dans le nerf médian gauche.
[35] Une note de physiothérapie, datée du 21 mai 2009, indique notamment qu’avec le stimulateur musculaire, la travailleuse est capable de faire l’abduction, la flexion et l’extension du pouce gauche.
[36] Une note de physiothérapie, datée du 4 juin 2009, indique notamment que la travailleuse souffre de migraine, qu’elle a de la difficulté à dormir, et qu’elle a plus de difficulté dans les activités de la vie quotidienne et domestique.
[37] Le 5 juin 2009, le docteur Cunningham ne recommande aucun traitement autre que la physiothérapie. Le 8 juin suivant, il poursuit la physiothérapie et autorise les travaux légers.
[38] Le 11 juin 2009, la neurologue Viera indique qu’il n’y a pas d’évidence de neuropathie. Elle recommande un suivi avec le docteur Cunningham et son médecin qui a charge.
[39] Le 8 juillet 2009, la travailleuse rencontre la chirurgienne plasticienne Louise Duranceau, membre du Bureau d'évaluation médicale. Cette dernière est chargée de donner son avis sur le diagnostic, la date de consolidation et les traitements. À l’état actuel, la docteure Duranceau indique que la travailleuse accuse des douleurs sous forme de spasmes qui vont au dos de son pouce et élancent dans son avant-bras. Le pouce n’ouvre pas correctement et ne lève pas et la travailleuse sent un fourmillement dans la pulpe de son pouce.
[40] À l’examen objectif, la docteure Duranceau indique :
[…]
Il n’y a pas de douleur à la palpation de la tête cubitale. Il n’y a aucune douleur à la palpation des articulations radio-carpienne. Le test de Finkelstein à gauche est très légèrement positif.
Au niveau de la main, on note, à gauche, qu’il y a une position de flexum de l’interphalangienne du pouce gauche. Tous les arcs de mouvements ont été mesurés au niveau des doigts et on note une différence entre les mouvements actifs du pouce gauche. Ainsi, il y a une diminution dans la flexion métatacarpo-phalangienne et il y a aussi une position en flexum à 35° de l’inter-phalangienne du pouce gauche alors que passivement, l’articulation bouge de 0 à 60° de même que l’articulation métacarpo-phalangienne qui bouge normalement passivement de 0 à 40°.
À la palpation du pouce, il n’y a aucun activation du tendon fléchisseur du pouce contre résistance. La palpation de la gaine tendineuse indique une diminution dans le volume du contenu en comparaison de la palpation du pouce droit.
Nous ne pouvons faire apparaître par mouvements contre résistance au niveau du pouce et du poignet la topographie des tendons extenseurs longs du pouce ni des tendons du pollicis brevis et de l’abducteur.
Les mouvements des inter-osseux de tous les doigts de la main gauche sont plus faibles que ceux de la main droite. Le test de Froment entre le pouce et l’index est cependant absent à droite comme à gauche.
Au niveau sensitif, nous n’avons aucun signe de Tinal au niveau des nerfs médian et cubital. Il n’y a pas de signe de Tinel ou de perte sensitive globale dans tous les territoires médian cubital ou radial.
La force de préhension avec l’appareil en Jamar en deuxième position est de 60 livres à droite comparativement à 15 livres à gauche. La force de pince est de 15 livres à droite pour 5 livres à gauche.
[sic]
[41] À la discussion, la docteure Duranceau indique :
Diagnostic :
[…]
L’examen physique met en évidence une diminution des mouvements actifs du pouce gauche ainsi qu’une réduction dans le contenu de la gaine tendineuse. L’activation du tendon fléchisseur du pouce est absente et la force de préhension est significativement réduite à gauche comparativement à droite. D’autant plus que la travailleuse est gauchère.
Je crois que le diagnostic se doit d’être précisé par des évaluations complémentaires. Le mécanisme de la blessure dirigerait vers un traumatisme ligamentaire et/ou tendineux au niveau du pouce et/ou du poignet et il n’y a pas eu d’évaluation objective complète à ce niveau.
Si la patiente avait eu une perte du tendon fléchisseur profond du pouce de même que la perte des extenseurs du pouce, ou se serait attendu à avoir une différence dans la circonférence musculaire des avant-bras. Ceci n’est pas le cas.
Par ailleurs, les examens d’électromyogramme ont été non concluants et je ne crois pas qu’il y avait des indications cliniques d’une atteinte nerveuse.
Les diagnostics pourraient être précisés en faisant une étude au point de vue résonance magnétique pour revoir l’état des différents groupes musculaires des avant-bras et une étude par échographie dynamique pourrait indiquer s’il y a présence ou non des tendons dans leur position normale au niveau du pouce.
Date ou période prévisible de consolidation de la lésion :
L’examen physique effectué aujourd’hui et la nécessité de poursuivre les investigations ne permettent pas de consolider la lésion actuellement.
Nature, nécessité, suffisance ou durée des soins ou traitements administrés ou prescrits :
Je ne crois pas que la physiothérapie soit une modalité indiquée actuellement. Nous croyons qu’il est nécessaire plutôt de poursuivre l’investigation. Le plan de traitement pourra être revu suite aux résultats des examens.
[sic]
[42] Ainsi, à titre de diagnostic, la docteure Duranceau indique : « rupture tendineuse au pouce gauche à préciser », non consolidée. Elle suggère une évaluation par résonance magnétique (avant-bras et pouce) et par échographie dynamique (pouce).
[43] Le 13 juillet 2009, une imagerie par résonance magnétique (IRM) du poignet et de la main gauches est effectuée. Lu par le radiologiste Adel Assaf, cet examen révèle ceci :
MRI OF THE LEFT WIRST AND LEFT HAND AND THUMB :
[…]
A small amount of fluid is seen around several extensor tendons, mainly the extensor digitorum, the extensor carpi radialis longus et brevis tendons and also a minimal amount of fluid around the abductor pollicis and extensor pollicis brevis tendons. When we follow the tendons however on the axial T1 sequence, at least at the level of the wrist, we see no obvious tear of any of these tendons.
[…]
On the axial images, we covered the thumb but we also covered the other fingers. We can see that there is minimal fluid around the flexor tendons of the thumb but also of the 3rd and 4th fingers. On the sagittal images, we can follow the flexor and extensor tendons of the thumb. We do not see any obvious tear. There is also no area of high signal.
[…]
CONCLUSION
The findings on both these studies that is the wrist and the thumb show evidence of mild tenosynovitis of several extensor tendons. Minimal fluid also seen on some of the flexor tendons, as described above. These tenosynovitis are probably post-traumatic in nature.
Small joint effusions at all three compartiments of the wrist. Again we think that these joint effusions are probably post-traumatic rather than reflect an underlying arthropathy.
Loculated fluid around the scaphoid bone on each side of that bone and between it and the capitale bone. We think that this is probably due to small local ligamentous tears, and again post-traumatic in nature.
On the other hand, there is no tear of any of the tendons. There is no convincing evidence of ga amekeeper’s injury of the thumb even though there may have been a sprain type of injury at the ulnar collateral ligament. Clinical correlation is recommended.
[sic]
[44] À l’audience, la travailleuse affirme que sa relation avec le docteur Cunningham est très bonne et que ce dernier autorise l’assignation temporaire en juillet 2009 à sa demande.
[45] Le 16 septembre 2009, une échographie du poignet et du pouce gauches est effectuée. Lu par le radiologiste Robert Dussault, cet examen révèle ceci :
ULTRASOUND OF THE LEFT THUMB AND WRIST
1. Joint effusion : no evidence of joint effusion.
2. Musculo-tendinous structures : mild tenosynovitis of the flexor pollicis longus at the level of the proximal phalanx of the thumb, charactherized by a small amount of fluid in the tendon sheet. No evidence of a tendon tear.
The other tendons of the thumb appear normal.
[…]
OPINION :
Mild tenosynovitis of the flexor digitorum longus. No evidence of a tendon tear.
[46] La travailleuse affirme à l’audience qu’étant donné que le bureau du docteur Cunningham se trouve à une distance éloignée de chez elle, ce dernier lui suggère de consulter un médecin plus près de sa résidence si elle a besoin, par exemple, d’un renouvellement de prescription. Il lui remet son dossier médical pour qu’elle soit en mesure de le montrer à un autre médecin.
[47] Le 9 octobre 2009, le docteur Raymond Lemieux, d’une clinique médicale plus près de la résidence de la travailleuse, note la présence d’une blessure au pouce gauche.
[48] Le 13 octobre 2009, le docteur Cunningham rapporte toujours la présence d’une entorse et autorise les travaux légers à temps complet.
[49] Le 12 novembre 2009, la travailleuse est victime d’un second accident du travail. Ce jour-là, alors qu’elle effectue des tâches en assignation temporaire à titre d’agente de sécurité à la distillerie, un camionneur se présente à la porte des employés pour prendre une livraison.
[50] La travailleuse connaît ce camionneur. Elle l’a déjà rencontré dans le cadre de son travail. Elle lui ouvre la porte. Cependant, elle n’a pas reçu de télécopie faisant état de sa commande et ne peut l’autoriser à quitter les lieux avec de la marchandise. Elle lui demande de déplacer son véhicule stationné illégalement, tel que l’exigent les règles de la municipalité, et lui remet des explications écrites quant à ces règles.
[51] Le camionneur se met alors à l’injurier. Après un moment, elle cesse de l’écouter et demeure immobile. Le camionneur quitte l’établissement, puis revient, et demande à la travailleuse si elle a reçu une télécopie faisant état de sa commande. Elle lui répond que tel n’est pas le cas, et vérifie auprès de lui s’il détient le bon numéro de télécopieur.
[52] La travailleuse tient alors dans ses mains une tablette en bois munie d’une pince qui retient des documents. Le camionneur lui demande de la lui donner et elle s’exécute. Le camionneur regarde les documents. Selon son témoignage, la travailleuse constate que l’expression du camionneur change. Elle sait qu’il s’apprête à faire quelque chose. Elle recule.
[53] Le camionneur lance la tablette de bois en sa direction. Elle se protège avec son bras gauche et la tablette frappe son poignet et son pouce gauches. Elle a une plaie, une blessure ouverte. Sa supérieure prend des photographies de sa plaie. Elle n’a pas eu de points de suture.
[54] L’employeur dépose des photographies de l’endroit où s’est passé l’événement. La travailleuse affirme qu’on y voit la porte qu’avait empruntée le camionneur et la tablette en bois. L’employeur dépose également un rapport d’incident complété par la travailleuse le jour de l’événement. La version de l’événement qu’on peut y lire est compatible avec son témoignage à l’exception du fait que ce serait plutôt elle qui aurait suggéré au camionneur de vérifier le registre des commandes, et que la tablette de bois l’aurait blessée au petit doigt.
[55] Ce jour du 12 novembre 2009, la travailleuse consulte la docteure Élisabeth Malec, qui retient la présence d’une contusion ainsi que d’une tendinite du poignet gauche possible. La travailleuse reçoit une immobilisation plâtrée qu’elle garde, selon son témoignage, pendant trois semaines.
[56] Le 17 novembre 2009, en lien avec l’événement du 12 novembre 2009, le docteur Jean-Pierre Hébert note la présence d’une entorse au poignet gauche et d’une contusion à l’avant-bras gauche. Il autorise les travaux légers.
[57] Le 18 novembre 2009, en lien avec l’événement du 12 novembre 2009, le docteur Charles-Édouard Babin note la présence d’une contusion au bras gauche et suggère un arrêt de travail.
[58] Le 3 décembre 2009, la docteure Malec dirige la travailleuse vers le chirurgien Kenneth A. Aikin.
[59] Le 11 décembre 2009, en lien avec l’événement du 12 novembre 2009, le docteur Aikin indique que la lésion professionnelle de la travailleuse, soit une contusion de la main gauche et une tendinite, sera consolidée le 14 décembre 2009 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[60] La travailleuse affirme à l’audience qu’à cette époque, ses nuits sont tourmentées. Elle fait entrer dans sa maison des chiens pour qu’ils jappent si quelqu’un approche de sa maison, et elle se munit d’un bâton de baseball et d’un pot de café. Elle n’arrive pas à dormir.
[61] Également, selon la travailleuse, à cette époque, elle ne fait plus d’activités. Elle perd beaucoup de poids. Sa mémoire n’est plus la même et elle doit prendre des notes. Elle affirme avoir fait une tentative de suicide.
[62] Le 22 janvier 2010, le chirurgien orthopédiste David G. Wiltshire note une dysfonction post-traumatique au niveau du coude et de l’épaule. Il procède à une infiltration de l’épaule gauche qui n’apporte pas d’amélioration, et suggère le retour au travail. Il dirige la travailleuse vers le docteur Cunningham.
[63] Les 28 janvier et 4 février 2010, le docteur Babin note la présence d’une contusion du bras gauche peu améliorée et lente à se régler. Il dirige la travailleuse vers le département de santé mentale de sa clinique et indique : « aggravée physiquement au travail le 09.11.12 tristesse. Évaluer svp ».
[64] À ce sujet, la travailleuse affirme à l’audience qu’effectivement, le docteur Babin demande alors une évaluation en psychiatrie, mais qu’une telle évaluation n’a jamais été effectuée.
[65] Le 11 février 2010, le docteur Babin retient le diagnostic de contusion du bras gauche et suggère l’arrêt des travaux légers.
[66] Le 18 février 2010, sur un formulaire information médicale complémentaire écrite, en réponse au médecin régional de la CSST, le docteur Aikin indique que la travailleuse lui avait été référée suite à une contusion à son poignet gauche. Il ajoute avoir procédé à une revue des radiographies, qui se sont avérées normales, ainsi qu’à une évaluation de la travailleuse le 11 décembre 2009. Suivant cet examen, il croyait que la travailleuse était apte à retourner à son travail le 14 décembre 2009. Il ajoute ne pas avoir été au courant d’une autre blessure, de n’avoir fait aucun commentaire ou examen se rapportant à une telle autre blessure, et de ne pas pouvoir faire de commentaire à propos d’une déchirure du ligament du pouce gauche.
[67] Le 20 mars 2010, en lien avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 12 novembre 2009, le docteur Babin réitère la présence d’une contusion de l’avant-bras non consolidée.
[68] Le 9 avril 2010, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour l’événement du 12 novembre 2009 (dossier CSST 135423754) lui ayant causé une entorse au poignet et une contusion au bras gauches.
[69] Le 15 avril 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien orthopédiste Mario Giroux à la demande de la CSST. Ce dernier est chargé de donner son opinion sur la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, en lien avec les événements des 30 décembre 2008 et 12 novembre 2009.
[70] À la condition actuelle, le docteur Giroux indique que la travailleuse ressent des douleurs résiduelles au niveau de la région de la main et de l’avant-bras, mais principalement au niveau du pouce gauche. Elle éprouve une difficulté à ouvrir sa main et mettre son pouce en extension de façon complète, ce qui entraîne une difficulté à effectuer une préhension, par exemple pour tourner une poignée de porte, et une difficulté à saisir les objets avec précision avec sa main gauche. La travailleuse ressent également une sensation d’engourdissement au niveau du pouce et de l’index gauches, qui s’était améliorée et qui a repris suite à l’événement de novembre 2009. Elle présente des difficultés pour accomplir les activités de la vie domestique qui exigent une préhension au niveau de la main gauche.
[71] À l’examen physique, le docteur Giroux note que les mouvements des épaules, des coudes, des poignets et des doigts sont complets. Les mouvements des poignets laissent une douleur en fin de flexion palmaire et en fin de déviation cubitale localisée à la base du pouce gauche. Le test de force réalisé à l’aide d’un Jamar est de 60 à la préhension et de 15 à la préhension pouce/index à droite, tandis qu’il est de 15 à la préhension et de 5 à la préhension pouce/index, en raison d’une douleur au niveau du pouce gauche. Le docteur Giroux ajoute :
[…]
E) Mouvements doigts
On note que tous les mouvements des doigts sont complets de façon passive, incluant le pouce. Les mouvement MCP du pouce gauche sont à 0/40° et IP du pouce gauche à 0/60°. De façon active, il y a une perte d’environ 50 % des mouvements à ce niveau. On note une douleur à la mobilisation du pouce gauche.
[sic]
[72] À l’examen neurovasculaire, le docteur Giroux indique notamment :
[…]
MYOTOMES : Forces segmentaires normales, sauf au niveau du pouce où la douleur amène une limitation des capacités fonctionnelles.
[73] À la discussion, le docteur Giroux indique notamment :
[…]
Lorsque nous revoyons l’évolution de la condition de madame Richer, nous notons que du point de vue objectif l’EMG fait le 17 mai 2009 ne révèle pas d’anomalies, alors que l’EMG du 26 février 2009 révélait une neuropathie du nerf interosseux postérieur. L’investigation radiologique n’a pas révélé d’anomalies du point de vue d’une fracture osseuse et la résonance magnétique du 13 juillet 2009 révèle des signes de ténosynovite ulnaire. Il n’y a toutefois aucun signe de rupture tendineuse qui a été noté. L’IRM du 9 septembre 2009 de l’avant-bras gauche est normale et l’échographie du pouce et poignet gauches ne révèle pas de déchirure tendineuse.
En pratique, on note que madame Richer présente des douleurs à l’avant-bras, au poignet et au pouce gauches, mais qu’il n’y a pas du point de vue objectif de lésion anatomique. La limitation de mouvement n’est donc pas explicable du point de vue anatomique par une rupture tendineuse - tel que suggéré par le docteur Duranceau - ou par une anomalie neurologique.
Les limitations de mouvement et les limitations de tests de préhension sont donc secondaires à une douleur au niveau de la région du pouce gauche.
À notre avis, le deuxième événement n’a pas apporté de problématique supplémentaire puisqu’il s’est ajouté uniquement un élément douloureux avec un examen neurologique normal. Nous qualifions le traumatisme de relativement bénin selon la description fournie au dossier et par madame Richer.
[sic]
[74] Considérant notamment les deux événements subis par la travailleuse, la durée habituelle de guérison d’une contusion au niveau d’un avant-bras et d’une entorse au niveau d’un poignet ou d’un doigt, le docteur Giroux consolide sa condition en date de son examen, soit le 15 avril 2010, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[75] Le 19 mai 2010, le docteur Babin complète un rapport complémentaire sur lequel il se dit d’accord avec les conclusions du docteur Mario Giroux.
[76] Le 26 mai 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle conclut que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 15 avril 2010 dans le dossier CSST 135423754 (lésion du 12 novembre 2009), mais qu’elle a encore droit aux indemnités dans le dossier CSST 133919340 (lésion du 30 décembre 2008), cette lésion n’étant pas encore consolidée. Tant la travailleuse que l’employeur demandent la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 419916, 421686 et 421689.
[77] Toujours en date du 26 mai 2010, la psychologue Louise St-Germain rédige une note adressée « à qui de droit » sur laquelle on peut lire ceci :
Madame Richer nous a été référée par son médecin traitant, le Dr Babin, souffrant de problèmes de sommeil depuis qu’elle a été blessée au travail, à un pouce, par un usager insatisfait qui lui a lancé une tablette en bois pressé en l’injuriant.
Madame présentait des signes de grande détresse psychologique et un suivi de soutien psychologique a été entrepris le 2 mars 2010 en attendant les résultats et recommandations d’expertises en orthopédie et en psychiatrie demandées par son médecin.
Madame Richer a été rencontrée à 8 reprises et un prochain rendez-vous est prévu le 1er juin 2010.
[78] À ce sujet, la travailleuse affirme à l’audience qu’à la suggestion des membres de sa famille, elle décide de consulter un médecin en lien avec sa condition psychique. Elle se rend donc à la clinique et y rencontre la docteure Jean Claire Rosenberg. Cette dernière insiste auprès d’un CLSC pour qu’elle puisse rencontrer un psychologue. Elle rencontre donc la psychologue Louise St-Germain à compter de mars 2010 et ce, hebdomadairement. Puis, vers la fin de l’année 2010, ces rencontres ont lieu deux fois par mois. En mars 2011, elle la rencontre une fois par mois. Le jour de l’audience, elle la consulte de façon ponctuelle, au besoin.
[79] Le 2 juin 2010, la docteure Rosenberg indique ceci sur un rapport médical :
Contusion avant-bras
Angoisse - suivi santé mentale
(re referred ortho for quicker RV)
[80] À ce sujet, la travailleuse affirme à l’audience qu’effectivement, la docteure Rosenberg lui a dit qu’elle faisait de l’angoisse et qu’elle avait besoin de voir un psychologue en santé mentale. La travailleuse ajoute qu’elle a déjà fait de l’angoisse, qu’elle sait ce que c’est, et que, par rapport à ce qu’elle ressent au jour de l’audience, c’est très différent.
[81] Le 9 juin 2010, la docteure Rosenberg note la présence d’une rupture du tendon du pouce gauche et dirige la travailleuse vers le chirurgien orthopédiste Ethan Lichtblau. À ce sujet, la travailleuse affirme d’abord qu’elle ne sait pas pourquoi la docteure Rosenberg lui demande de consulter ce médecin. Puis, elle ajoute que cette consultation est reliée à la condition de son pouce gauche « qui ne se tient plus ».
[82] Le 15 juin 2010, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par la docteure Duranceau, membre du Bureau d'évaluation médicale. Étant liée par cet avis, la CSST indique qu’elle ne peut établir de lien entre le diagnostic identifié de déchirure tendineuse au pouce gauche et l’événement du 30 novembre 2008, puisque ce diagnostic reste à être précisé. La CSST indique également que les soins ou traitements sont toujours nécessaires et que la travailleuse a toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu. L’employeur demande la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 419916, 421686 et 421689.
[83] Le 23 juin 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle reconsidère celle qu’elle a rendue le 15 juin 2010 et indique qu’il y a relation entre l’événement du 30 décembre 2008 et le diagnostic de rupture tendineuse au pouce gauche. L’employeur demande la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 419916, 421686 et 421689.
[84] Le 13 juillet 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien plasticien André Léveillé, membre du Bureau d'évaluation médicale. Ce dernier est chargé de donner son opinion sur la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. À l’anamnèse, le docteur Léveillé indique que depuis juillet 2009, outre l’investigation, la travailleuse dit n’avoir eu aucune modalité thérapeutique complémentaire en regard de son pouce gauche, sauf une infiltration dans l’épaule en novembre 2009. À l’état actuel, le docteur Léveillé rapporte que la travailleuse se dit incapable de faire un mouvement d’opposition et, ou encore, de préhension avec son pouce. À l’examen objectif, il indique notamment :
[…]
Dans un contexte de contour tendineux, on observe bien le contour du tendon long extenseur du pouce. La palpation du tendon long fléchisseur du pouce est aussi bien présente. Dans un contexte de mouvements actifs, madame ne fait à toute fin pratique aucun mouvement actif et/ou si mouvement actif il y a, ce dernier est de moins de 5° M.C.P. et/ou I.P., et ce tant en extension qu’en flexion. Par ailleurs, lorsque nous faisons des mouvements d’inclinaison cubitale - radiale poignet et/ou flexion - extension poignet côté gauche, dans un but de reproduire des mouvements créés par un effet de ténodèse, dans un but de confirmer et/ou d’infirmer la présence des structures tendineuses, le mouvement M.C.P. du pouce se fera 0 - 30° et I.P. du pouce 0 - 40° confirmant la continuité des tendons long extenseur et/ou une flexion contre résistance, aucun mouvement actif n’est réalisé.
[85] En raison du diagnostic retenu de rupture tendineuse pouce gauche, face à l’absence d’une telle rupture objectivée, le docteur Léveillé consolide la lésion professionnelle de la travailleuse le 15 avril 2010, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[86] Le 26 juillet 2010, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par le docteur Léveillé. Elle conclut que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée le 15 avril 2010, sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles. Tant l’employeur que la travailleuse demandent la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 419916, 421686 et 421689.
[87] Le 3 août 2010, en lien avec la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 12 novembre 2009 (dossier CSST 135423754), la CSST rend une décision par laquelle elle conclut en l’absence de relation entre le nouveau diagnostic « d’angoisse » mentionné par la docteure Rosenberg, et cette lésion. La travailleuse demande la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 419916, 421686 et 421689.
[88] Le 23 septembre 2010, la docteure Rosenberg note la présence d’une blessure au tendon du pouce gauche.
[89] Le 8 octobre 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien orthopédiste Lichtblau, qui note la présence d’un trauma au pouce gauche et suggère d’attendre l’expertise du docteur Gaspard. La travailleuse affirme à l’audience qu’elle n’a rencontré le docteur Lichtblau qu’une seule fois, et qu’il ne l’a pas touchée.
[90] Le 18 octobre 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien orthopédiste Antoine Gaspard à la demande de la CSST. Ce dernier est chargé de donner son opinion sur le diagnostic, la date de consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. À l’examen physique, les mouvements des pouces sont rapportés ainsi:
Mouvements des pouces
L’articulation IPD du pouce gauche est de 10° d’extension et 60° de flexion pour une normale de 0° d’extension et 80° de flexion.
Passivement, ces mouvements se comparent à la normale à 0° d’extension et 80° de flexion.
Au niveau MP, la flexion à gauche est de 40° et l’extension de 0° activement.
Alors que passivement, l’extension est de 0° et la flexion est de 60°.
L’adduction est de 8 cm à droite pour 4 cm à gauche.
L’abduction est de 0° à 50° à droite pour 0°À 25° à gauche
L’opposition est de 0 cm à 8 cm à droite pour 0 cm à 4 cm à gauche.
Passivement, les mouvements se comparent de façon égale à droite et à gauche.
Il n’y a pas d’instabilité au niveau des ligaments collatéral, cubital ou radial de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce.
[sic]
[91] Puis, le docteur Gaspard ajoute :
OPINION ET CONCLUSION
Mme Richer a été impliquée à plusieurs reprises dans des accidents au niveau du poignet et du pouce gauches, dont celui qui nous concerne en date du 30 décembre 2008.
Elle garde des douleurs et des limitations de mouvements du pouce gauche surtout au niveau interphalangien distal, mais aussi un peu proximal, au niveau métacarpo-phalangien et carpo-métacarpien. Passivement, les mouvements sont comparables des deux côtés sans aucune limitation. Il y a allégation de diminution des mouvements actifs au niveau du pouce gauche.
La notion de rupture tendineuse n’est pas présente cliniquement à notre examen et n’a pas été corroborée non plus par la résonance magnétique que madame a passée, en date du 13 juillet 2009, non plus avec l’échographie qu’elle a eue en date du 16 septembre 2009. Il n’y a pas de trouble trophique au niveau de la main gauche malgré l’allégation d’enflement, de changement de couleur et de paresthésie de la main gauche que nous n’avons pas trouvé à l’examen physique.
Il n’y a pas d’instabilité au niveau des ligaments collatéral, cubital, ou radial de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce. Il n’y a pas non plus de douleur au test de stress de ces ligaments au niveau de la base du pouce. Le « grinding » test de l’articulation carpo-métacarpienne du pouce gauche n’est pas douloureux non plus. Les mouvements passifs de cette articulation se comparent au côté opposé.
La légère diminution de la sensation au niveau du membre supérieur gauche, sans aucun dermatome spécifique, n’a pas de base pathologique. D’ailleurs, le tout a été confirmé par deux électromyogrammes dont le deuxième était tout à fait normal.
La seule pathologie que nous avons trouvée et qui expliquerait sa douleur ainsi que le degré de limitation de la mobilité du pouce gauche se trouve à être la ténosynovite des fléchisseurs et des extenseurs du pouce gauche. Il n’y a aucune évidence de déchirure des ligaments au niveau du pouce gauche avec tous les examens que madame a passés. Il n’y a pas non plus de rupture de tendon du pouce gauche cliniquement.
[92] Le docteur Gaspard retient donc le diagnostic de ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, consolidée le jour de son examen, soit le 18 octobre 2010, sans nécessité de traitement additionnel, avec une atteinte permanente de 2 % correspondant au code 102 383, soit une atteinte des tissus mous du pouce gauche avec séquelles fonctionnelles, et avec les limitations fonctionnelles suivantes :
La patiente ne peut :
· Manipuler ou saisir des objets du bout des doigts
· Faire un travail de précision avec la main gauche
· Exécuter des mouvements rapides des doigts de la main gauche
· Fermer complètement la main avec force de la main gauche
· Tenir
· Serrer
· Effectuer des mouvements complets de flexion, d’extension, de latéralité ou de rotation du pouce gauche
· Manipuler des poids de plus que 5 livres.
[93] Le 15 novembre 2010, la docteure Rosenberg complète un rapport complémentaire sur lequel elle indique :
La patiente se dit incapable de travailler à cause de douleur. À part de ça, je suis d’accord avec le rapport de Dr. Gaspard.[sic]
[94] La CSST lui oppose, alors, son rapport médical du 9 juin 2010.
[95] À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle a entendu parler de ce rapport complémentaire pour la première fois lors d’une rencontre tenue à la CSST en compagnie d’une agente et d’une conseillère en réadaptation, vers la fin du mois de novembre ou le début du mois de décembre 2010. On lui a alors présenté le rapport du docteur Gaspard, on lui a dit que la docteure Rosenberg avait émis un rapport complémentaire et qu’elle pouvait donc retourner au travail.
[96] Une note évolutive, consignée au dossier et datée du 30 novembre 2010, fait effectivement état d’une rencontre, tenue à la CSST ce jour-là, entre la travailleuse, une conseillère en réadaptation et une agente. Ces notes indiquent notamment ceci :
[…]
Nous expliquons à T la définition d’un md traitant et lui demandons qui est son md traitant selon elle. T dit que c’est Dr Rosenberg.
Nous remettons à T une copie de l’expertise effectué par Dr Gaspard le 2010-10-18 et regardons avec elle les conclusions. Il est expliqué à T qu’une copie de ce rapport a été envoyé à Dr Rosenberg et que cette dernière nous a répondu qu’elle était d’accord avec les conclusions du Dr Gaspard alors nous sommes liés à ce rapport et nous l’appliquerons.
[sic]
[97] Questionnée à ce sujet, la travailleuse affirme que la docteure Rosenberg ne l’a pas rencontrée dans le cadre de la production de ce rapport complémentaire du 15 novembre 2010, qu’elle ne l’a pas examinée, et qu’elle n’a pas communiqué avec elle.
[98] La travailleuse affirme que suivant sa rencontre avec la CSST, elle communique avec le docteur Cunningham, lui fait part du rapport du docteur Gaspard ainsi que de l’existence du rapport complémentaire de la docteur Rosenberg. Le docteur Cunningham lui aurait alors suggéré de consulter à nouveau cette dernière.
[99] La travailleuse communique donc avec la clinique médicale où elle y a rencontré la docteure Rosenberg. À cette clinique, elle a notamment rencontré les docteurs Lemieux, Babin et Hébert. La travailleuse précise qu’elle n’a jamais demandé de rencontrer un médecin en particulier. Elle y rencontre celui qui est de garde. Elle y a laissé son dossier médical pour éviter d’avoir à le transporter à chaque consultation.
[100] Après avoir communiqué avec la clinique médicale, la travailleuse rencontre la docteure Rosenberg le 2 décembre 2010. Cette dernière est alors en compagnie d’une résidente qui fait la lecture du rapport du docteur Gaspard.
[101] Selon la travailleuse, la docteure Rosenberg suggère un arrêt de travail, une consultation avec le docteur Cunningham, et aurait dit qu’elle ne savait plus quoi faire avec son pouce et avec sa main, et que ceci ne faisait plus partie « de ses fonctions ». Ce jour-là, la docteure Rosenberg complète un rapport médical sur lequel elle indique : « ténosynovite de la main gauche, travaux légers ».
[102] Par la suite, selon la travailleuse, la docteure Rosenberg communique avec elle pour l’inviter à la rencontrer le 20 décembre suivant afin qu’un rapport médical permettant une consultation avec le docteur Cunningham lui soit remis.
[103] Le 20 décembre 2010, la docteure Rosenberg complète un rapport médical sur lequel elle indique que la travailleuse est en arrêt de travail jusqu’au 22 décembre en attendant un rendez-vous avec un spécialiste (Cunningham), qu’un tel rendez-vous est prévu le lendemain et que la travailleuse présente une tendinosynovite du pouce gauche. Elle la dirige vers ce chirurgien plasticien, et rédige une correspondance à son attention sur laquelle on peut lire :
- pain L thumb.
She has all her reports. CSST is holding off until she sees you.
Thanx!
[sic]
[104] Selon la travailleuse, puisqu’elle avait déjà communiqué avec le docteur Cunningham par elle-même, un rendez-vous était déjà fixé pour elle, avec ce dernier, le 20 décembre 2010. Ce jour-là, le docteur Cunningham complète un rapport médical sur lequel il indique que la travailleuse présente une douleur chronique au niveau de la main et du bras gauches. Il suggère un arrêt de travail et dirige la travailleuse vers une clinique de la douleur.
[105] Dans l’intervalle, soit le 9 décembre 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle indique que l’atteinte permanente de la travailleuse a été déterminée par son médecin à 2,00 % et, tenant compte des douleurs et pertes de jouissance de la vie, ce pourcentage lui donne droit à une indemnité de 1576,34 $. Tant la travailleuse que l’employeur demandent la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 434351 et 435533.
[106] Le 23 décembre 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle conclut que la travailleuse est capable d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 28 décembre 2010. Tant l’employeur que la travailleuse demandent la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 434351 et 435533.
[107] Le 7 janvier 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle demande à la travailleuse de lui rembourser la somme de 165,43 $ correspondant à trois jours d’indemnités. La travailleuse demande la révision administrative de cette décision. Il s’agit de l’une des décisions à l’origine des litiges dans les dossiers 434351 et 435533.
[108] Le 2 février 2011, la travailleuse consulte un médecin à une clinique de la douleur et y rencontre le docteur Hasel. Ce dernier lui aurait mentionné que sa blessure était trop grave pour lui et l’aurait dirigée vers l’Hôpital Général de Montréal.
[109] Finalement, la travailleuse affirme qu’elle était auparavant une personne enjouée. Elle est maintenant triste et solitaire. Elle n’a jamais été vue en psychiatrie. Depuis sa rencontre avec le docteur Gaspard, elle est d’avis que sa condition médicale empire. Elle est symptomatique aux doigts. Elle n’est plus capable d’écrire, ni de faire le ménage. Elle ne travaille pas actuellement, et attend toujours de rencontrer un médecin.
[110] Le docteur Carl Giasson Jr. témoigne à la demande de l’employeur. Il affirme que lorsqu’il la rencontrée, cette dernière lui aurait dit présenter, avant l’événement du 30 décembre 2008, une difficulté à bouger son pouce en raison d’une lésion professionnelle antérieure.
[111] Le docteur Giasson Jr. souligne que les notes cliniques relatives à la première consultation médicale en lien avec l’événement du 30 décembre 2008 sont muettes quant à la présence d’un œdème à la main gauche, alors que la travailleuse affirme à l’audience qu’il y avait, à ce moment-là, un tel œdème.
[112] Le docteur Giasson Jr. a retenu un diagnostic d’entorse après avoir examiné la travailleuse et a consolidé cette lésion puisqu’il a noté chez elle des mouvements passifs normaux.
[113] Il ajoute que les examens neurologiques révèlent un pouce gauche normal du point de vue actif.
[114] Concernant l’avis de la docteure Duranceau, le docteur Giasson Jr. affirme que cette dernière est confrontée à un examen passif normal, mais actif anormal. Elle constate une diminution du volume du tendon et souhaite vérifier s’il y a présence d’une rupture à ce niveau. Elle demande donc des examens complémentaires. Même si elle agit à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale, elle poursuit l’investigation. Selon le docteur Giasson Jr. le « vide » au niveau du tendon, constaté par la docteure Duranceau, expliquerait pourquoi la travailleuse n’est pas capable de bouger son pouce gauche.
[115] Le docteur Giasson Jr. poursuit son témoignage en affirmant que les examens complémentaires, y compris l’IRM et l’échographie, révèlent tout au plus une petite ténosynovite du long fléchisseur, rien d’autre. Ainsi, en présence de ces examens, nous savons que la travailleuse n’est pas porteuse d’une atteinte ligamentaire. Le tendon est présent et il n’est pas malade. À son avis, rien n’explique que la travailleuse soit empêchée, de façon volontaire, de bouger son pouce gauche, que ce soit à l’égard de la phalange distale ou de la phalange proximale. De plus, selon les résultats des EMG, ce pouce devrait fonctionner normalement.
[116] Questionné à ce sujet, le docteur Giasson Jr. affirme que le docteur Giroux note également des mouvements passifs normaux, alors que les mouvements actifs sont absents. La limitation de mouvements ne s’explique donc pas d’un point de vue anatomique par une rupture tendineuse telle que l’avait suggéré la docteure Duranceau. En ce qui concerne l’examen du docteur Léveillé, le docteur Giasson Jr. constate que ce dernier relate la présence de tendons qui cèdent, comme s’il y avait un manque de volonté. Il affirme que le docteur Léveillé ne s’explique pas, du point de vue anatomique, radiologique ou autre, ce qu’il constate cliniquement. Il décrit un examen normal, étant seulement incapable de faire bouger activement le pouce gauche de la travailleuse.
[117] En ce qui concerne le rapport du docteur Gaspard, le docteur Giasson Jr. constate que ce dernier est également incapable de faire bouger activement le pouce de la travailleuse. Il ajoute que ce dernier examine la travailleuse sur la base d’une prémisse erronée, c'est-à-dire la présence chez la travailleuse d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche.
[118] Plus tard, au cours de son témoignage, le docteur Giasson Jr., affirmera que l’IRM et l’échographie révèlent la présence d’un peu de liquide dans le court extenseur et dans le tendon fléchisseur du pouce gauche. Le diagnostic de ténosynovite ne peut pas, cependant, à son avis, expliquer l’ensemble du dossier de la travailleuse parce que hormis le docteur Gaspard, tous les autres intervenants consultés constatent l’absence de mouvements actifs du pouce gauche. Or, selon lui, une ténosynovite peut expliquer une douleur ou un mouvement incomplet, mais ne peut expliquer l’absence de mouvement, même en étant de nature traumatique.
[119] Le docteur Giasson Jr. affirme également à l’audience qu’une ténosynovite est une inflammation du tendon et de sa gaine. Dans le présent dossier, les examens qui en ont révélé la présence ont été demandés par la docteure Duranceau dans le contexte où cette dernière se questionnait sur la présence d’une déchirure ligamentaire. Elle ne se questionnait pas sur la présence d’une ténosynovite et les examens ont révélé la présence d’un tendon bien présent, qui n’est pas malade.
[120] Selon le docteur Giasson Jr., quand on regarde l’ensemble du dossier, la travailleuse a effectivement été victime d’une blessure le 30 novembre 2008, soit une entorse, consolidée lors de son examen. Il ajoute que l’on ne doit pas tirer des conclusions à partir d’examens radiologiques, mais considérer la raison pour laquelle ils sont demandés ainsi que l’examen clinique.
[121] Finalement, en ce qui concerne l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, le docteur Giasson Jr. affirme qu’elles ont été émises par le docteur Gaspard en raison d’un constat d’absence de mouvements actifs, alors que de telles séquelles doivent être déterminées en fonction des mouvements passifs.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossiers 419916, 421686 et 421689
[122] Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales partagent le même avis. Ils accueilleraient en partie les requêtes de la travailleuse et de l’employeur. Tout d’abord, ils estiment que la travailleuse n’a pas démontré, par preuve médicale prépondérante, que sa condition psychologique est reliée à l’événement du 12 novembre 2009. Puis, ils sont d’avis que sa lésion professionnelle de nature physique, subie ce jour-là, est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles le 15 avril 2010 tel que le reconnaît le docteur Giroux. En conséquence, en lien avec cette lésion professionnelle, les membres sont d’avis que la travailleuse est capable d’exercer son emploi prélésionnel et qu’elle n’a plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date.
[123] Les membres sont en outre d’avis que la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 30 décembre 2008 a entraîné chez elle une entorse et une contusion du pouce gauche. Ces diagnostics sont émis par les premiers médecins consultés et sont compatibles avec l’événement décrit par la travailleuse. Les membres sont également d’avis que le diagnostic de ténosynovite des tendons fléchisseurs et extenseurs du pouce gauche, confirmé par des examens complémentaires demandés par un membre du Bureau d'évaluation médicale, est en relation avec l’événement accidentel en ce que des signes cliniques de cette pathologie sont notés de façon contemporaine à la survenance de cet événement, ainsi que par la suite.
[124] Selon les membres issus des associations d’employeurs et syndicales, la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 30 décembre 2008 est consolidée le jour où une échographie confirme la présence d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche. En effet, aucun traitement, y compris pour cette lésion professionnelle, n’est prescrit à la suite de cet examen complémentaire.
Dossiers 434351 et 435533
[125] Le membre issu des associations d’employeurs rejetterait la requête de la travailleuse et accueillerait celle de l’employeur. Il est d’avis que la docteure Rosenberg est le médecin qui a charge de la travailleuse en novembre 2010 et que son rapport complémentaire est valide.
[126] Le membre issu des associations syndicales accueillerait en partie la requête de la travailleuse et rejetterait celle de l’employeur. Il estime d’abord qu’en novembre 2010, la docteure Rosenberg était le médecin qui a charge de la travailleuse mais qu’en raison de l’ensemble des circonstances entourant la production de son rapport complémentaire du 15 novembre 2010, ce dernier doit être invalidé.
[127] En effet, la travailleuse a appris l’existence de ce rapport au cours d’une rencontre avec la CSST, alors qu’elle n’avait plus revu la docteure Rosenberg depuis plusieurs semaines. De plus, le libellé du commentaire de la docteure Rosenberg apparaissant sur ce rapport complémentaire est ambigu et porte à interprétation. Également, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le comportement de la docteure Rosenberg, postérieur à l’émission de son rapport complémentaire, est incompatible avec le fait qu’elle serait d’accord avec les conclusions du médecin désigné par la CSST. En conséquence, il est d’avis que le rapport complémentaire émis par la docteure Rosenberg est invalide, et que les décisions rendues par la CSST concernant sa capacité de travail et son droit à l’indemnité de remplacement du revenu sont prématurées.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossiers 419916, 421686 et 421689
[128] En lien avec la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 12 novembre 2009 (dossier CSST 135423754), la Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur sa capacité à exercer son emploi prélésionnel à compter du 15 avril 2010 et sur son droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[129] En lien avec la lésion professionnelle qu’elle a subie le 30 décembre 2008 (dossier CSST 133919340), la Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a encore droit aux indemnités.
[130] La Commission des lésions professionnelles doit en outre se prononcer sur le bien-fondé de la décision rendue par la CSST le 15 juin 2010 à la suite de l’avis rendu par la docteure Duranceau, membre du Bureau d'évaluation médicale. Elle doit également se prononcer sur le bien-fondé de la décision rendue par la CSST le 23 juin 2010, par laquelle elle reconsidère celle qu’elle a rendue initialement le 15 juin 2010, ainsi que sur le bien-fondé de la décision du 26 juillet 2010 faisant suite à l’avis rendu par le docteur Léveillé, membre du Bureau d'évaluation médicale, qui a examiné la travailleuse le 13 juillet 2010.
[131] La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si le diagnostic d’angoisse est en relation avec la seconde lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse, soit celle du 12 novembre 2009.
[132] Tout d’abord, concernant cette seconde lésion professionnelle, un diagnostic d’entorse au poignet et de contusion au bras gauche est reconnu par la CSST. Puis, la travailleuse rencontre le docteur Giroux le 15 avril 2010, à la demande de la CSST, tel que le prévoit l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit comme suit :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[133] La CSST demande ensuite au docteur Babin de compléter un rapport complémentaire, conformément à l’article 205.1 de la loi qui se lit comme suit :
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[134] À cette époque, tel qu’il appert de son rapport médical du 20 mars 2010, le docteur Babin ne consolide pas la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 12 novembre 2009. Cependant, au rapport complémentaire, il se dit d’accord avec les conclusions du docteur Giroux. La CSST considère qu’en raison du rapport complémentaire du docteur Babin, les conclusions du docteur Giroux quant aux conséquences médicales de la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 12 novembre 2009 doivent être retenues, au même titre que si elles avaient été retenues par son médecin qui a charge. L’article 224 de la loi, qui se lit comme suit, prévoit que la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[135] L’article 212 de la loi, auquel l’article 224 fait référence, se lit comme suit :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[136] La travailleuse n’a pas présenté au tribunal d’éléments de preuve additionnels, testimoniale ou documentaire, ni effectué de représentations particulières concernant la validité du rapport complémentaire du docteur Babin qui, à première vue, apparaît conforme. Conformément à l’article 224 de la loi, la CSST est liée par les conclusions de son médecin désigné, le docteur Giroux, avec lesquelles le médecin qui a charge de la travailleuse s’est dit d’accord. Sa lésion professionnelle du 12 novembre 2009 est consolidée le 15 avril 2010, sans nécessité de soins additionnels, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[137] Il est à noter que cette lésion professionnelle du 12 novembre 2009 avait déjà été consolidée sans séquelles par le chirurgien Aikin à compter du 14 décembre 2009.
[138] La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur la relation entre « l’angoisse » et cet événement du 12 novembre 2009. La travailleuse n’allègue pas être victime d’une maladie professionnelle. Elle ne peut bénéficier de la présomption de l’article 28 de la loi, l’angoisse ne constituant pas un diagnostic de blessure. Elle relie son angoisse à cette journée du 12 novembre 2009, donc qu’il s’agit d’un accident du travail. Cette notion est définie ainsi à la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[139] Pour obtenir gain de cause, la travailleuse doit démontrer d’abord qu’un événement imprévu et soudain est survenu par le fait ou à l’occasion de son travail, puis qu’il y a relation entre cet événement et la lésion diagnostiquée chez elle.
[140] Ce jour du 12 novembre 2009, la travailleuse vit des moments désagréables. Selon son témoignage, une altercation verbale a lieu entre elle et un camionneur. Ce dernier tient à son endroit des propos injurieux et inappropriés, alors qu’elle tente de ne plus l’écouter et de lui faire respecter des règles. À un moment, le camionneur lance un objet dur en sa direction (une tablette de bois), qui atteint son membre supérieur gauche, d’où l’entorse au poignet et la contusion au bras reconnues par la CSST en lien avec cet événement.
[141] La docteure Malec, rencontrée ce jour du 12 novembre 2009, mentionne la présence d’une lésion au poignet et prescrit un anti-inflammatoire. Elle ne fait pas mention d’un diagnostic de nature psychologique. Cinq jours plus tard, soit le 17 novembre 2009, le docteur Hébert ne mentionne pas la présence d’un diagnostic de nature psychologique. Tel est le cas également du docteur Babin lorsqu’il rencontre la travailleuse le lendemain, tout comme les docteurs Aikin et Whilshire, rencontrés en décembre 2009 et janvier 2010.
[142] Cependant, le 28 janvier 2010, une évaluation en psychiatrie est demandée par le docteur Babin, soit plus d’un mois après la survenance de l’événement. Une telle évaluation n’a jamais été effectuée, et la travailleuse n’apporte pas d’explication au tribunal concernant cette absence de consultation, autre qu’une attente.
[143] À compter de mars 2010, la travailleuse rencontre la psychologue St-Germain, qui note la présence chez elle de problèmes de sommeil depuis l’événement du 12 novembre 2009 ainsi que la présence de signes de détresse psychologique. La psychologue n’émet pas, cependant, de diagnostic de lésion psychologique.
[144] La Commission des lésions professionnelles constate que des problèmes de sommeil antérieurs à la survenance de l’événement du 12 novembre 2009 sont notés en physiothérapie le 4 juin 2009.
[145] Selon la travailleuse, les rencontres avec la psychologue St-Germain auraient eu lieu suivant une initiative de la docteure Rosenberg. Cette dernière note la présence d’angoisse en date du 2 juin 2010. À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle a déjà souffert d’angoisse, qu’elle sait ce que c’est, et que c’est très différent de sa récente symptomatologie. Or, une telle symptomatologie psychique autre n’est pas rapportée par un médecin.
[146] La Commission des lésions professionnelles comprend qu’un événement s’est produit le 12 novembre 2009. Le tribunal note également les affirmations de la travailleuse selon lesquelles ses nuits sont tourmentées, qu’elle ne fait plus d’activités, qu’elle a perdu du poids, que sa mémoire n’est plus la même et qu’elle aurait déjà été suicidaire et qu’elle était auparavant une personne enjouée. Cependant, son dossier ne contient pas de preuve médicale permettant de relier l’angoisse rapportée par la docteure Rosenberg, à une reprise, et cet événement. À lui seul, ce rapport de la docteure Rosenberg ne permet pas d’établir une telle relation. De plus, aucune note de consultation médicale émise par cette dernière, ou d’un autre médecin, en lien avec la condition psychologique de la travailleuse, n’est déposée en preuve.
[147] La note de la psychologue St-Germain ne permet pas non plus d’établir une relation entre la condition psychologique de la travailleuse et son travail, ne constituant pas une preuve de nature médicale. La Commission des lésions professionnelles constate également que la travailleuse n’a jamais consulté un psychiatre. Aucun rapport de spécialiste n’est donc déposé en preuve.
[148] Étant donné l’ensemble des circonstances propres au présent dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse n’a pas démontré être porteuse d’une condition psychique reliée à l’événement du 12 novembre 2009. Il y a absence de preuve quant à la relation entre un diagnostic de nature psychique et cet événement, et les allégations de la travailleuse sont, dans ce contexte, insuffisantes pour établir une telle relation.
[149] En raison de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles ne peut relier une condition psychique dont la travailleuse serait porteuse, soit plus particulièrement l’angoisse, avec l’événement du 12 novembre 2009. Cette dernière n’a donc pas droit au versement d’indemnités en lien avec une telle condition.
[150] Puisque la CSST, et par conséquent, la Commission des lésions professionnelles, sont liées par les conclusions du docteur Giroux concernant la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 12 novembre 2009, cette dernière est capable de reprendre son emploi prélésionnel à compter du 15 avril 2010 et elle n’a plus droit, à compter de cette date et pour cet événement, au versement de l’indemnité de remplacement du revenu tel que le prévoit l’article 57 de la loi qui se lit comme suit :
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 57.
[151] La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur le diagnostic en lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse du 30 décembre 2008, sur la date de consolidation de cette lésion ainsi que sur les soins ou traitements requis.
[152] La Commission des lésions professionnelles est en effet saisie d’une décision rendue par la CSST le 15 juin 2010 à la suite de l’avis émis par la docteure Duranceau, portant sur les trois premiers points de l’article 212 de la loi.
[153] Il est à noter qu’après avoir examiné la travailleuse, la docteure Duranceau soupçonne notamment la présence chez elle d’une rupture tendineuse au pouce gauche et suggère des examens complémentaires. De tels examens sont effectués au cours de l’année 2009. Or, la CSST ne demande pas à la docteure Duranceau d’émettre un avis complémentaire à la réception des résultats de ces examens. Plutôt, elle rend une décision le 23 juin 2010 par laquelle elle reconsidère sa décision du 15 juin 2010 et retient le diagnostic de rupture tendineuse du pouce gauche comme étant en lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse du 30 décembre 2008.
[154] En présence d’un diagnostic qui reste à préciser, la CSST ne peut établir de relation entre un tel diagnostic et un événement accidentel. La décision qu’elle rend à cet égard le 23 juin 2010 est donc irrégulière et doit être annulée. Celle qu’elle rend le 15 juin 2010, pour ce motif, doit par ailleurs être rétablie. Il s’agit de l’une des conclusions de la décision rendue par la CSST le 3 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative et la Commission des lésions professionnelles la confirme.
[155] Après avoir rendu la décision irrégulière du 23 juin 2010, la CSST obtient une seconde opinion médicale en vertu de l’article 204 de la loi, soit celle du docteur Giroux, et demande à un autre membre du Bureau d'évaluation médicale, soit le docteur Léveillé, de se prononcer sur tous les points de l’article 212 de la loi à l’exception du diagnostic.
[156] Au moment où la travailleuse rencontre le docteur Léveillé, soit en juillet 2010, le diagnostic de rupture tendineuse du pouce gauche est retenu par la CSST, alors que les résultats des examens complémentaires demandés par la docteure Duranceau sont connus. Or, ces résultats révèlent l’absence d’une telle rupture tendineuse. Ayant à se prononcer sur les conséquences de ce diagnostic, le docteur Léveillé conclut évidemment en leur absence.
[157] Se considérant liée par l’avis du docteur Léveillé, la CSST rend une décision le 26 juillet 2010 par laquelle elle considère la lésion professionnelle de la travailleuse du 12 novembre 2009 consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Or, le diagnostic est alors à préciser suivant un avis antérieur émis par la membre du Bureau d'évaluation médicale Duranceau. La CSST ne pouvait pas donc pas entamer le processus d’évaluation médicale uniquement sur les autres sujets médicaux. En conséquence, la décision qu’elle rend le 26 juillet 2010 à la suite de l’avis du docteur Léveillé est prématurée et doit être annulée. Il s’agit de l’une des conclusions de la décision rendue par la CSST le 3 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative et la Commission des lésions professionnelles la confirme.
[158] En ce qui concerne le diagnostic en lien avec la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 30 décembre 2008, la Commission des lésions professionnelles constate que, de façon contemporaine à la survenance de celle-ci, les premiers médecins consultés retiennent une hyperextension du pouce gauche. Malgré la présence d’une radiographie négative, une immobilisation plâtrée est installée.
[159] Six jours après la survenance de l’événement accidentel, la présence d’une entorse du pouce gauche sera retenue par docteur Cunningham, soit le chirurgien plasticien qui deviendra le médecin qui a charge de la travailleuse pendant un certain temps. Ce dernier note en outre la présence d’une douleur, d’une enflure et d’une sensibilité au niveau de la métacarpophalangienne et du ligament ulnaire collatéral du pouce gauche. Le docteur Popovici rapporte également la présence d’une entorse au pouce gauche. En mars 2009, le docteur Cunningham ajoute celui de contusion du pouce gauche. Le médecin de l’employeur, soit le docteur Giasson Jr., estime que le diagnostic d’entorse « et/ou » de contusion du pouce gauche doit être retenu.
[160] Ce diagnostic d’entorse du pouce gauche, qui fait référence à une blessure ligamentaire ou tendineuse, est posé de façon contemporaine à la survenance de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 30 décembre 2008. Celui de contusion s’y ajoute. La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il s’agit de diagnostics compatibles avec cet événement, soit une chute, notamment sur le pouce gauche, lorsque la travailleuse perd pied en glissant sur la glace. Le diagnostic d’entorse et de contusion du pouce gauche est donc retenu en lien avec cette lésion professionnelle du 30 décembre 2008.
[161] Suivant cet événement, un autre diagnostic fait son apparition au cours de l’investigation médicale. Il s’agit de celui de ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche. La présence d’une entorse et d’une contusion du pouce gauche n’exclut pas qu’une telle ténosynovite puisse être survenue, également, le 30 décembre 2008.
[162] En l’espèce, la travailleuse avait déjà subi une lésion professionnelle au pouce gauche auparavant, soit le 16 novembre 1996, alors qu’elle exerçait le métier de soudeuse. Elle affirme que cette lésion fut soignée et qu’elle a bien guéri. Elle garde comme séquelle une ankylose partielle en position de fonction métacarpophalangienne gauche et une diminution de la flexion de la phalange proximale, non douloureuse. La présence de ces séquelles antérieures ne peut donc pas exclure la survenance d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, le 30 décembre 2008, qui aurait entraîné une douleur.
[163] La présence d’une symptomatologie, à l’instar de manifestations cliniques d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, doit être démontrée par une preuve médicale prépondérante.
[164] En l’espèce, six jours après la survenance de l’événement, soit le 5 janvier 2009, le docteur Cunningham note la présence d’une douleur, d’une enflure et d’une sensibilité au niveau de la métacarpophalangienne. Puis, le 19 janvier 2009, il indique que le pouce gauche de la travailleuse demeure sensible, et il constate une diminution de la flexion et de l’extension de l’articulation interphalangienne. La Commission des lésions professionnelles constate qu’à ce moment-là, c'est-à-dire de façon contemporaine à la survenance de la lésion professionnelle de la travailleuse, des manifestations cliniques compatibles avec une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche sont notées, ce qui milite en faveur de la reconnaissance d’une relation entre ce diagnostic et cette lésion professionnelle.
[165] Puis, le 2 février 2009, le docteur Cunningham note toujours la présence d’une douleur et d’une diminution des amplitudes articulaires du pouce gauche, tandis que le 16 février suivant, il indique que la travailleuse accuse une douleur au pouce gauche et qu’elle est incapable d’effectuer une flexion ou une extension de l’articulation interphalangienne. Le docteur Cunningham note toujours, près de deux mois après la survenance de l’événement du 30 décembre 2008, des manifestations cliniques compatibles avec une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, ce qui milite, encore ici, vers la reconnaissance d’une telle pathologie en lien avec cet événement.
[166] Le docteur Cunningham ne demande pas d’examen permettant de confirmer la présence d’une atteinte tendineuse. Il demande des EMG, soupçonnant une atteinte neurologique plutôt que musculo-squelettique. Cependant, il n’en demeure pas moins que de façon contemporaine à la survenance de la lésion professionnelle de la travailleuse, le docteur Cunningham rapporte des manifestations cliniques compatibles avec une lésion tendineuse ou ligamentaire. Les résultats des EMG s’avèrent d’ailleurs négatifs.
[167] Le docteur Giasson Jr., rencontré par la travailleuse à la demande de l’employeur, note certes des mouvements en roue dentelée en contre-résistance et complets de façon passive ainsi qu’un test de Filkenstein négatif, mais de façon active, la travailleuse n’est pas en mesure de fléchir le pouce gauche.
[168] Ainsi, de façon active, lorsque l’on demande à la travailleuse d’effectuer des mouvements du pouce, elle ne contracte pas les muscles, ou dit ne pas pouvoir les contracter de sorte que les tendons de ces muscles n’entrent pas en action et ne mobilisent pas les phalanges du pouce. De façon passive, par contre, lorsque les muscles et les tendons ne sont pas mis à contribution de façon active, le mouvement des phalanges peut être effectué de façon normale par l’examinateur. Ces constatations ne permettent donc pas d’exclure la présence chez la travailleuse d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche.
[169] La docteure Duranceau, pour sa part, fait des constats similaires à ceux du docteur Cunnigham. En effet, elle note que la travailleuse n’ouvre pas correctement son pouce, qui ne lève pas. Le Filkenstein est légèrement positif, il y a diminution dans la flexion métacarpophalangienne active, et la force de pince est moins importante à gauche qu’à droite. Il y a donc présence de signes compatibles avec une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche.
[170] La docteure Duranceau constate qu’elle ne peut faire apparaître la topographie des tendons du pouce par mouvements contre résistance. Puis, elle indique que son examen physique met en évidence une diminution des mouvements actifs du pouce gauche et une réduction dans le contenu de la gaine tendineuse. Elle estime que le mécanisme de blessure dirigerait vers un traumatisme ligamentaire ou tendineux au niveau du pouce ou du poignet, et elle ajoute qu’il n’y a pas eu d’évaluation objective à ce niveau. De plus, elle ajoute que s’il y avait eu perte des tendons extenseur et fléchisseur du pouce, il y aurait eu une différence dans la circonférence musculaire des avant-bras de la travailleuse, ce qui n’est pas le cas.
[171] La docteure Duranceau demande donc des examens complémentaires, soit par IRM et par échographie, notamment pour vérifier l’intégrité des tendons du pouce gauche. Elle indique certes comme diagnostic celui de rupture tendineuse à préciser, mais ceci n’exclut pas que la travailleuse puisse être porteuse d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche. La docteure Duranceau indique d’ailleurs que la blessure dirigerait vers un traumatisme notamment tendineux.
[172] La présence d’une telle ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche est par ailleurs démontrée par l’IRM du 13 juillet 2009 et par l’échographie du 16 septembre 2009. Ainsi, cette pathologie, probablement post-traumatique selon le radiologiste Assaf, était présente et constatée objectivement avant même la survenance du deuxième événement du 12 novembre 2009.
[173] En avril 2010, le chirurgien orthopédiste Giroux rapporte la présence chez la travailleuse de douleurs résiduelles principalement au niveau du pouce gauche, lui occasionnant des difficultés à ouvrir sa main et à mettre son pouce en extension de façon complète. La force de préhension est moins importante à gauche qu’à droite. À l’examen des mouvements des doigts, il note une perte d’environ 50% des mouvements du pouce gauche de façon active, et ajoute qu’il y a douleur à la mobilisation de ce pouce. De plus, alors que les forces segmentaires des autres doigts sont normales, au niveau du pouce gauche, la douleur amène une limitation des capacités fonctionnelles. La Commission des lésions professionnelles constate donc la présence d’une douleur rapportée, constituant une manifestation de la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche dont la travailleuse est porteuse.
[174] En juillet 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien plasticien Léveillé qui constate lui aussi la présence d’une manifestation clinique de la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, soit un faible ou une absence de mouvement actif du pouce gauche.
[175] Finalement, en octobre 2010, la travailleuse rencontre le chirurgien orthopédiste Gaspard. À l’examen physique, ce dernier constate qu’un mouvement actif de l’articulation interphalangienne distale du pouce gauche, soit la flexion et l’extension, est diminué par rapport à la normale. Il constate également qu’un mouvement actif de l’articulation métacarpophalangienne du pouce gauche, soit la flexion et l’extension, est diminué par rapport à la normale. La Commission des lésions professionnelles constate donc qu’il y a, là encore, manifestations de la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche dont la travailleuse est porteuse.
[176] Le docteur Gaspard indique d’ailleurs que la seule pathologie pouvant expliquer la douleur de la travailleuse et le degré de limitation de la mobilité de son pouce gauche est justement cette ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche.
[177] Dans ce contexte, compte tenu de l’ensemble des résultats des examens du pouce gauche de la travailleuse qui ont été effectués postérieurement à la survenance de sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008, en raison des signes cliniques compatibles avec le diagnostic de tendinite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche décelés de façon contemporaine à la survenance de cette lésion, ainsi qu’après la réception des résultats des examens complémentaires qui en confirment la présence, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que, selon la prépondérance de preuve, dans le présent dossier, la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche diagnostiquée chez la travailleuse est en relation avec l’événement du 30 décembre 2008.
[178] En ce qui concerne le témoignage du docteur Giasson Jr., la Commission des lésions professionnelles constate d’abord que ce dernier note l’absence d’un œdème constaté à la note clinique relative à la première consultation médicale en lien avec l’événement du 30 décembre 2008, alors que la travailleuse mentionne la présence d’un tel œdème à l’audience. Or, le docteur Cunningham note la présence d’une enflure six jours après l’événement accidentel.
[179] À l’audience, le docteur Giasson Jr. affirme avoir consolidé la lésion professionnelle de la travailleuse en date de son examen parce qu’il constate, à ce moment-là, que les mouvements passifs de son pouce gauche sont normaux. Or, lors de son examen, la travailleuse se dit ne pas être en mesure de fléchir son pouce gauche de façon active. Tel que mentionné précédemment, l’examen du docteur Giasson Jr. ne peut exclure la présence chez la travailleuse d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, malgré un constat de mouvements passifs complet, puisque de façon active, c'est-à-dire lorsque l’on demande à la travailleuse de contracter les muscles et les tendons du pouce, elle est incapable d’effectuer le mouvement demandé.
[180] Le docteur Giasson Jr. constate que les examens neurologiques révèlent l’intégrité neurophysiologique du pouce gauche. Or, ceci n’exclut pas la présence d’une pathologie de nature musculo-squelettique.
[181] Le docteur Giasson Jr. est d’avis que le « vide » constaté par la docteure Duranceau expliquerait pourquoi la travailleuse est incapable de bouger son pouce. La Commission des lésions professionnelles souligne à cet égard que certains intervenants, dont la docteure Duranceau, constatent une diminution des mouvements du pouce gauche, et non uniquement une absence. Puis, les examens complémentaires n’ont pas révélé l’absence d’une rupture tendineuse. Cette diminution de mouvement ne peut donc pas être causée par une telle rupture.
[182] L’interprétation du docteur Giasson Jr. des examens effectués par les docteurs Giroux et Léveillé n’apportent rien au débat, en ce que ces derniers constatent également une diminution ou une absence de mouvements actifs du pouce gauche.
[183] Le docteur Giasson Jr. estime que le docteur Gaspard base son opinion sur une mauvaise prémisse, soit la présence chez la travailleuse d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, alors que la preuve médicale prépondérante démontre plutôt que la travailleuse est effectivement porteuse d’une telle pathologie.
[184] Le docteur Giasson Jr. affirme d’abord, au cours de son témoignage, que les examens complémentaires, soit l’IRM et l’échographie, ne révèlent tout au plus qu’une petite ténosynovite du long fléchisseur, rien d’autre. Puis, il ajoutera que ces examens révèlent la présence d’un peu de liquide dans le court extenseur du pouce et dans le tendon fléchisseur du pouce.
[185] Le docteur Giasson Jr. affirme que la docteure Duranceau demande des examens complémentaires parce qu’elle soupçonne la présence d’une déchirure ligamentaire. Or, la docteure Duranceau se questionne également sur la présence possible d’un traumatisme ligamentaire « et/ou » tendineux, au niveau du pouce « et/ou » du poignet. La Commission des lésions professionnelles ne peut conclure qu’elle exclut la présence d’une lésion tendineuse autre qu’une déchirure.
[186] Le docteur Giasson Jr. affirme que les examens complémentaires ont révélé la présence d’un tendon bien présent, qui n’était pas malade. Or, l’IRM du 13 juillet 2009 montre des manifestations d’anomalies au niveau des tendons extenseurs et au niveau des tendons fléchisseurs, tandis que l’échographie du 16 septembre 2009 révèle la présence d’anomalies au niveau des tendons fléchisseurs du pouce gauche.
[187] Le docteur Giasson Jr. affirme que l’on doit considérer l’examen clinique pour tirer des conclusions. Or, tel que mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles note au dossier la présence de manifestations cliniques compatibles avec une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche à peine six jours après la survenance de la lésion professionnelle de la travailleuse du 30 décembre 2008, et continuellement par la suite.
[188] Ce jour du 30 décembre 2008, la travailleuse chute. Une hyperextension du pouce gauche est notée, et une radiographie démontre l’absence de fracture. Aucun autre examen n’est prescrit par un médecin jusqu’à ce que la docteure Duranceau, soupçonnant une lésion traumatique tendineuse ou ligamentaire, suggère des examens complémentaires et précise que des traitements pourraient être envisagés par la suite. Jusqu’à l’obtention des résultats de ces examens, la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur de la travailleuse n’est pas traitée. Pendant cette période, les médecins de la travailleuse, y compris le docteur Cunningham, ne soupçonnent qu’une atteinte neurologique, malgré la présence de signes cliniques de la ténosynovite. La lésion professionnelle de la travailleuse n’est donc pas traitée.
[189] La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur la nécessité des soins ou traitements et sur la date de consolidation de cette lésion professionnelle subie par la travailleuse le 30 novembre 2008, qui a entraîné chez elle une entorse et une contusion du pouce gauche, ainsi qu’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche.
[190] Le terme « consolidation est ainsi défini à la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
[…]
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[191] Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, une lésion professionnelle sera consolidée, notamment, lorsqu’elle ne peut s’améliorer et « qu’aucun traitement ne peut apporter une amélioration »[2]. La notion de consolidation est essentiellement médicale, et cet espoir d’amélioration de l’état de la travailleuse doit donc s’appuyer sur des règles médicales[3]. Ainsi, la date de consolidation d’une lésion professionnelle sera celle où il n’est plus possible de concevoir, du point de vue médical, une amélioration prévisible par l’ajout de traitements ou de soins.
[192] En l’espèce, les médecins consultés par la travailleuse n’ont jamais consolidé sa lésion professionnelle. La première date de consolidation retenue est celle du docteur Giasson Jr., médecin de l’employeur, qui ne retient qu’une entorse « et/ou » une contusion du pouce gauche. Il ne se prononce pas sur la présence d’une ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc considérer la date de son examen comme étant celle qui doit être retenue comme date de consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse.
[193] Puis, la docteure Duranceau est d’avis que la nécessité de poursuivre l’investigation ne permet pas de consolider la lésion professionnelle de la travailleuse, mais cesse la physiothérapie. Elle indique que des évaluations complémentaires permettraient de préciser le diagnostic, et que le mécanisme de la blessure dirigerait vers un traumatisme ligamentaire « et/ou » tendineux. Le plan de traitement devrait être revu suite aux résultats de ces examens.
[194] La Commission des lésions professionnelles considère donc qu’effectivement, la lésion professionnelle de la travailleuse n’est pas encore consolidée à ce moment-là. Alors que la docteure Duranceau rapporte des signes compatibles avec la ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche dont la travailleuse est porteuse, ce diagnostic n’est pas encore confirmé. À ce moment-là, la lésion professionnelle de la travailleuse n’est pas encore consolidée.
[195] Puis, ces examens, effectués en juillet et en septembre 2009, confirment la présence de cette ténosynovite.
[196] Tel que mentionné précédemment, une lésion professionnelle sera consolidée s’il n’est plus possible de concevoir, du point de vue médical, une amélioration prévisible par l’ajout de traitements ou de soins.
[197] En l’espèce, suivant les résultats des examens complémentaires demandés par la docteure Duranceau, la travailleuse ne subit aucun traitement, y compris pour sa ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche. Ceci est d’ailleurs rapporté par le docteur Léveillé en juillet 2010. Alors que la docteure Duranceau indiquait que le plan de traitement pourrait être revu suivant les résultats des examens, il n’en fut rien. Ainsi, malgré la présence de cette pathologie confirmée, les médecins de la travailleuse n’estiment pas opportun de prescrire des traitements (comme de l’ultrasonothérapie, des injections ou une médication orale). La travailleuse ne fait que consulter par la suite. De plus, le docteur Gaspard, qui retient la présence de cette ténosynovite en octobre 2010, n’est pas d’avis que des traitements sont encore nécessaires pour cette lésion mais considère que la travailleuse est porteuse d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[198] La Commission des lésions professionnelles constate donc que malgré les résultats des examens complémentaires révélant la ténosynovite des fléchisseur et extenseur du pouce, aucun médecin n’estime qu’il est possible de concevoir une amélioration de la condition du pouce gauche de la travailleuse par l’ajout de soins ou de traitements, ni pour son entorse ou contusion d’ailleurs. Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse est consolidée à la date de l’échographie confirmant la présence de cette ténosynovite, soit le 16 septembre 2009, sans nécessité de soins ou traitements additionnels.
Dossiers 434351 et 435533
[199] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était liée par les conclusions de son médecin désigné concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle qu’a subie la travailleuse le 30 décembre 2008.
[200] D’abord, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le rapport complémentaire de la docteure Rosenberg est conforme à la loi, et si l’évaluation médicale du chirurgien orthopédiste Gaspard doit être considérée comme étant celle du médecin qui a charge de la travailleuse. La Commission des lésions professionnelles doit en outre se prononcer sur le bien-fondé des décisions rendues par la CSST portant sur l’atteinte permanente, la capacité de la travailleuse à refaire son emploi prélésionnel, et sur l’opportunité de lui demander de rembourser la somme de 165,43 $ correspondant à trois jours d’indemnités.
[201] Tel que mentionné précédemment, la CSST peut exiger de la travailleuse qu’elle se soumette à l’examen du professionnel de la santé qu’elle désigne en vertu de l’article 204 de la loi. En l’espèce, il s’agit du docteur Gaspard qui procède à un tel examen le 18 octobre 2010. Ce dernier retient un diagnostic de ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche, consolidée le jour de son examen, sans nécessité de traitements additionnels, et avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[202] Conformément à l’article 205.1 de la loi, la CSST fait parvenir à la docteure Rosenberg le rapport du docteur Gaspard pour qu’elle puisse compléter un rapport complémentaire.
[203] La docteure Rosenberg était-elle, à ce moment-là, le médecin à qui la CSST devait envoyer le rapport complémentaire? Était-elle, alors, le médecin qui avait charge de la travailleuse, dont il est question à l’article 205.1 de la loi?
[204] Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le médecin qui a charge est celui qui examine la travailleuse, qui établit un plan de traitement, qui assure le suivi de son dossier de lésion professionnelle en vue de la consolidation de sa lésion professionnelle, et qu’elle choisit, par opposition à celui qui lui serait imposé[4]. L’article 192 de la loi prévoit d’ailleurs qu’elle a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
[205] Le témoignage de la travailleuse n’est cependant pas le seul élément qui doit être considéré par la Commission des lésions professionnelles appelée à déterminer l’identité du médecin qui a charge. Elle doit considérer l’ensemble des éléments factuels pertinents[5].
[206] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles constate que la travailleuse rencontre plusieurs médecins à compter de la survenance de sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008. Le docteur Cunningham a notamment assuré le suivi de sa condition médicale. Cependant, à compter d’octobre 2010, elle ne le revoit plus. Elle consulte les médecins d’une clinique médicale à proximité de chez elle et elle y rencontre le docteur Babin à la suite de sa lésion professionnelle du 12 novembre 2009. Or, ce dernier ne la dirige pas vers le docteur Cunningham mais vers un autre spécialiste, soit le docteur Aikin. Puis, la travailleuse rencontre la docteure Rosenberg le 2 juin 2010.
[207] À compter de ce jour-là, selon la preuve documentaire contenue au dossier, la travailleuse ne rencontre que la docteure Rosenberg, qui se trouve à la clinique où elle a choisi d’y laisser son dossier médical.
[208] Il s’agit peut-être d’un concours de circonstances, la travailleuse alléguant ne pas demander spécifiquement à rencontrer un médecin en particulier, et en consultant celui qui y est de garde. Cependant, elle choisit une clinique médicale précise et y laisse son dossier. La docteure Rosenberg, qu’elle consulte à compter du 2 juin 2010, ne lui est certainement pas imposée. Qui plus est, ce médecin la dirige notamment vers un chirurgien orthopédiste. Elle assure très certainement le suivi de son dossier de lésion professionnelle à ce moment-là. La CSST a donc raison de lui faire parvenir le rapport du docteur Gaspard du 18 octobre 2010. En effet, en novembre 2010, la docteure Rosenberg est bel et bien le médecin qui a charge de la travailleuse, dont il est question à l’article 205.1 de la loi.
[209] De plus, en novembre 2010, la travailleuse n’a pas revu le docteur Cunningham depuis plus d’un an.
[210] Le rôle de médecin qui a charge détenu par la docteure Rosenberg lui impose certaines responsabilités, y compris en ce qui a trait au rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 de la loi. Selon cette disposition, le médecin qui a charge qui choisit de compléter un tel rapport doit étayer ses conclusions, y joindre un rapport de consultation motivé, le cas échéant, et informer la travailleuse sans délai du contenu de ce rapport. Ceci est d’autant plus important s’il modifie son opinion et s’il se rallie à celle du médecin désigné, car l’opinion de ce dernier deviendra la sienne et liera la CSST en vertu de l’article 224 de la loi. La travailleuse ne pourra contester cette opinion, la loi ne prévoyant aucun recours à cet égard :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2 .
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[211] Qui plus est, si les conclusions de son médecin qui a charge sont entérinées par la CSST, la travailleuse ne peut pas en choisir un autre et le déclarer à charge pour que ces conclusions soient changées[6].
[212] Appelée à se prononcer sur la validité du rapport complémentaire complété par la docteure Rosenberg, la Commission des lésions professionnelles considère les principes suivants issus de sa jurisprudence.
[213] Le libellé du rapport complémentaire doit être clair et ne pas porter à interprétation[7]. S’il change d’opinion, le médecin qui a charge doit étayer ses conclusions de sorte qu’il soit possible d’en comprendre les raisons. Dans l’affaire Var inc. et Desbiens[8], le juge administratif Raymond Arsenault précise :
[…]
[85] Autant l’article 205.1 que l’article 212.1 de la loi prévoient que le rapport complémentaire est complété par le médecin qui a charge du travailleur « en vue d’étayer ses conclusions ».
[86] La jurisprudence9 enseigne que pour se conformer à ces dispositions, le médecin qui a charge du travailleur doit étayer son avis pour permettre de comprendre, du moins sommairement, les raisons qui l'amènent à changer son opinion, dans la mesure où il change effectivement d’opinion. Dans l’affaire Sifonios et Circul-Aire inc.10, la juge administrative Crochetière spécifie que l’expression « étayer ses conclusions » implique « que le médecin énonce les éléments sur lesquels il appuie ses conclusions et donne des explications ».
[87] En outre, pour en venir à la conclusion que le médecin qui a charge du travailleur a changé d’opinion pour se rallier aux conclusions du médecin de l’employeur ou de la CSST, il faut que sa nouvelle opinion soit « claire et limpide »11 ou, exprimé autrement, que son rapport complémentaire « ne présente aucune ambiguïté et ne porte pas à interprétation »12.
[88] À défaut d’être conforme à ces exigences, autant celle voulant que la nouvelle opinion soit « étayée » que celle exigeant qu’elle ne puisse prêter à confusion, le rapport complémentaire sera jugé irrégulier et n’aura aucun caractère liant13.
________________________
9 Voir notamment : Ouellet et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 190453-08-0209, 9 septembre 2003, Monique Lamarre. Clermont et Broderie Rive-Sud, C.L.P. 254081-62B- 0501, 15 décembre 2005, Alain Vaillancourt.
10 C.L.P. 284622-71-0603, 25 juillet 2007, L. Crochetière, (07LP-101), révision rejetée, 23 octobre 2007, L. Nadeau (N.B. Cette décision est souvent citée au regard de cette question).
11 Tremblay et Providence Notre-Dame de Lourdes, C.L.P. 247398-71-0411, 24 février 2006, C. Racine, révision rejetée, [2007] C.L.P. 508 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-038220-078, 7 octobre 2008, j. Marcelin.
12 Tremblay et Providence Notre-Dame de Lourdes, précitée, note 11; Guillemette et Consortium Cadoret, Savard, Tremblay, Casault, C.L.P. 276152-09-0511, 31 mars 2006, R. Arseneau; Centre Bell et Gagnon, C.L.P.352073-71-0806, 14 avril 2010, J.-F. Martel; Mazda Chatel et Arseneault, 2011 QCCLP 1880 .
13 Les Aliments O Sole Mio inc. et Abu-Eid, 297872-71-0609, 23 juillet 2007, L. Landriault ; Sifonios et Circul-Aire inc., précitée, note 10; Scierie Parent inc. et Duguay, [2007] C.L.P. 872 , révision rejetée, 271310-04-0509, 24 octobre 2008, J.-M. Dubois, (08LP-156).
[214] En l’espèce, la docteure Rosenberg indique que la travailleuse se dit incapable de travailler pour cause de douleur et qu’« à part ça », elle est d’accord avec le rapport du docteur Gaspard. Il est permis d’interpréter cette mention comme signifiant que la docteure Rosenberg n’est pas d’accord avec l’entièreté du rapport du docteur Gaspard. De plus, puisque l’incapacité de travailler peut découler d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles résultant d’une lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles constate que le rapport complémentaire de la docteure Rosenberg porte à interprétation quant à son accord avec le docteur Gaspard sur ces deux points. Ses « conclusions étayées » sont ambiguës.
[215] Puis, selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, pour être en mesure de compléter un rapport complémentaire clair qui ne porte pas à interprétation, le médecin qui a charge doit connaître la condition médicale de son patient au moment où il complète ce rapport[9]. Ceci ne signifie pas qu’il doive nécessairement l’examiner à nouveau[10]. Chaque cas est un cas d’espèce et la Commission des lésions professionnelles doit analyser l’ensemble des circonstances propres au présent dossier.
[216] Ainsi, en l’espèce, la docteure Rosenberg, qui complète un rapport complémentaire le 15 novembre 2010, n’a pas revu la travailleuse depuis le 23 septembre précédent. Elle dirige la travailleuse vers un chirurgien orthopédiste qui ne se prononce pas sur sa condition médicale. Ainsi, au moment où elle complète le rapport complémentaire, la docteure Rosenberg n’a pas récemment procédé à un examen de la travailleuse, ne l’a pas revue depuis plusieurs semaines, et la dirige vers un chirurgien orthopédiste qui ne se prononce pas sur sa condition. Elle ne peut donc connaître suffisamment la condition médicale récente de la travailleuse pour se dire d’accord avec les conclusions du médecin désigné par la CSST.
[217] Le comportement adopté par la docteure Rosenberg suivant l’émission du rapport complémentaire du 15 novembre 2010 est incompatible avec le fait qu’elle serait d’accord avec les conclusions du docteur Gaspard. Elle ne complète pas de rapport final et ne consolide pas la lésion professionnelle de la travailleuse. Elle complète plutôt de nouveaux rapports médicaux. Elle dirige la travailleuse vers le chirurgien orthopédiste Cunningham et lui indiquant que la CSST est dans l’attente de son opinion. Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le rapport complémentaire du médecin qui a charge portera interprétation si ses recommandations et prescriptions ultérieures contredisent son opinion antérieure[11].
[218] La Commission des lésions professionnelles souligne également que la docteure Rosenberg ne communique pas avec la travailleuse pour l’informer du contenu du rapport complémentaire qu’elle complète le 15 novembre 2010. La travailleuse apprend l’existence de celui-ci lors d’une rencontre avec la CSST. Elle ne pouvait s’attendre à ce que la docteure Rosenberg change d’opinion et se rallie avec celle du docteur Gaspard, d’autant plus qu’elle ne l’avait pas revue depuis le 23 septembre précédent. Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le fait pour un médecin de ne pas communiquer avec son patient n’invalide pas automatiquement son rapport complémentaire[12]. Cependant, en l’espèce, il aurait été opportun, de la part de la docteure Rosenberg, de communiquer avec la travailleuse pour l’informer du contenu du rapport complémentaire. Il s’agit d’un élément qui doit être considéré en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres au présent dossier.
[219] Dans l’affaire Guitard et Peinture G. & R. Lachance inc.[13], la juge administratif Tardif indique que le fait d’exiger de la part du médecin qui a charge un rapport complémentaire clair et qui ne porte pas à interprétation permet de s’assurer qu’il a réfléchi sérieusement avant de changer son opinion :
[…]
[23] L’exigence développée par la jurisprudence permet de s’assurer que le médecin qui a charge a modifié son opinion en toute connaissance de cause, en considérant toutes les données pertinentes et après avoir sérieusement réfléchi à la question. Son jugement professionnel doit être exercé de manière responsable.
[24] Dans le présent cas, il est tout à fait raisonnable de croire que les examens réalisés par le docteur Lavallée jusqu’à la consolidation de la lésion étaient orientés vers le traitement de la lésion. Jusqu’à ce moment, il n’était en effet d’aucune utilité pour le travailleur ou le médecin de connaître même sommairement l’ampleur de l’atteinte permanente et la description précise des limitations fonctionnelles.
[25] L’évaluation de l’atteinte permanente et la description des limitations fonctionnelles impliquent une revue détaillée de l’histoire, un examen complet et une certaine appréciation de la fonction. Ce genre d’examen n’est pas réalisé dans le cadre de la pratique médicale courante.
[26] Faute du moindre examen spécifiquement orienté vers la question, le tribunal ne voit pas comment le docteur Lavallée pouvait émettre une opinion éclairée sur le quantum de l’atteinte permanente et sur la description des limitations permanentes dont le travailleur en particulier est porteur. Il semble qu’il ait choisi de s’en remettre à l’évaluation faite par le docteur Beaupré.
[27] La Commission des lésions professionnelles considère que le docteur Lavallée n’a pas exercé de manière responsable le rôle très important qui est conféré au médecin qui a charge par la loi. Il serait injuste que le travailleur soit empêché de contester son opinion.
[28] La Commission des lésions professionnelles conclut que le rapport complémentaire du 12 mai 2010 ne lie pas la CSST. Le remède à apporter peut être celui prévu à l’article 221 de la loi :
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
__________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
[30] Dans le meilleur intérêt de la justice, il convient de référer le dossier au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il se prononce sur la question de la description de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, plutôt que d’ordonner au docteur Lavallée de produire un rapport d’évaluation médicale après avoir examiné le travailleur ou encore de permettre au travailleur de choisir un autre médecin pour le faire.
[220] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la docteure Rosenberg, en sus de compléter un rapport complémentaire dont le libellé porte à interprétation, n’a pas en mains les informations permettant de se dire, de manière éclairée, d’accord avec le rapport du médecin désigné par la CSST. Son comportement ultérieur est incompatible avec le fait d’être d’accord avec ce médecin. Elle ne consolide pas la lésion professionnelle de la travailleuse, n’émet pas de rapport final, et n’effectue pas d’examen orienté vers la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui résulteraient de cette lésion.
[221] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que le rapport complémentaire complété par la docteure Rosenberg le 15 novembre 2010 ne respecte pas les exigences de la loi et de la jurisprudence et doit être invalidé.
[222] En conséquence, la CSST ne pouvait se considérer liée par le rapport du docteur Gaspard en vertu de l’article 224 de la loi sans autre mesure. Elle ne pouvait déclarer conforme le bilan des séquelles émis par le docteur Gaspard parce qu’approuvé par la docteure Rosenberg. En déterminant à la travailleuse une atteinte permanente de 2,2 % le 9 décembre 2010, en la considérant capable, le 23 décembre 2010, d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 28 décembre 2010, et en lui réclamant, le 7 janvier 2011, l’équivalent de trois jours d’indemnité de remplacement du revenu, la CSST a rendu des décisions prématurées qui doivent être annulées.
[223] Puisqu’aucune décision valable n’a été rendue sur la capacité de la travailleuse d’exercer un emploi, cette dernière a toujours droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu en lien avec sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008, tel que le prévoit l’article 57 de la loi.
[224] La travailleuse affirme à l’audience qu’elle attend toujours pour rencontrer un médecin suivant sa consultation à une clinique de la douleur en février 2011. De plus, la docteure Rosenberg, qui était sa médecin qui a charge en novembre 2010, lui aurait dit qu’elle ne savait plus quoi faire avec son pouce et que ceci ne faisait plus « partie de ses fonctions ». En pareilles circonstances, et tel que l’a décidé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Guitard[14] précitée, la Commission des lésions professionnelles considère approprié, en l’espèce et dans l’intérêt de la justice, de diriger le dossier de la travailleuse vers le Bureau d'évaluation médicale pour qu’il se prononce sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en lien avec sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 419916, 421686 et 421689
ACCUEILLE en partie la requête de madame Hélène Richer, la travailleuse;
ACCUEILLE en partie les requêtes de Sécuritas Canada ltée, l’employeur;
INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité le 3 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic d’angoisse n’est pas relié à la lésion professionnelle qu’a subie madame Hélène Richer, la travailleuse, le 12 novembre 2009;
DÉCLARE qu’en lien avec sa lésion professionnelle du 12 novembre 2009, madame Hélène Richer, la travailleuse, est capable d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 15 avril 2010 et qu’elle n’a plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu, pour cette lésion professionnelle, à compter de cette date;
DÉCLARE que les diagnostics en lien avec la lésion professionnelle qu’a subie madame Hélène Richer, la travailleuse, le 30 décembre 2008, sont ceux d’entorse, de contusion et de ténosynovite des tendons fléchisseur et extenseur du pouce gauche;
DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par madame Hélène Richer, la travailleuse, le 30 décembre 2008, est consolidée le 16 septembre 2009, sans nécessité de traitements additionnels;
DÉCLARE qu’en lien avec sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008, la travailleuse a droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE nulles les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail les 23 juin et 26 juillet 2010;
Dossiers 434351 et 435533
ACCUEILLE en partie la requête de madame Hélène Richer, la travailleuse;
REJETTE la requête de Sécuritas Canada ltée, l’employeur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 mars 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE nul le rapport complémentaire signé le 15 novembre 2010;
DÉCLARE prématurées les décisions rendues par la CSST les 9 décembre 2010, 23 décembre 2010 et 7 janvier 2011;
ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de soumettre le dossier de madame Hélène Richer, la travailleuse, au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il se prononce sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle du 30 décembre 2008.
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Pascale Gauthier |
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Me Alexis-François Charette |
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NORTON ROSE CANADA S.E.N.C.R.L. |
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Représentant de l’employeur |
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Me Vincent Arès |
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VINCENT ARÈS |
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Représentant de la travailleuse |
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Me Kevin Horth |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] 2333-2224 Québec inc. et Thériault, C.L.P. 288408-31-0605, 26 octobre 2006, C. Lessard.
[3] Trudel et C.S. de l’Estuaire, C.L.P. 224977-09-0401, 25 août 2004, J.-F. Clément.
[4] Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., C.L.P. 91084-62-9709, 22 octobre 1999, H. Marchand, (99LP-151).
[5] Raymond et Entreprises Praly inc., 2011 QCCLP 8022 .
[6] Blanchet et Ferme RNB inc., C.L.P. 239411-03B-0407, 17 février 2005, G. Marquis.
[7] Magasin Laura PV inc. et Monzon, 2012 QCCLP 1901. Dans cette affaire, le juge administratif Jean-François Martel souligne que récemment, la Cour supérieure du Québec n’a pas considéré déraisonnable cette interprétation.
[8] 2012 QCCLP 2296.
[9] Lemire et Relais routier Petit inc., 2012 QCCLP 437 .
[10] Paquette et Aménagement Forestier L F, C.L.P. 246976-08-0410, 6 juillet 2005, J.F. Clément.
[11] El Abbar et Petra ltée, 2012 QCCLP 270 .
[12] Ambulances Repentigny inc. et Lapierre, C.L.P. 262398-63-0505, 19 avril 2007, D. Besse.
[13] 2011 QCCLP 2731 .
[14] Précitée, note 13.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.