Corine et Garderie Le Fou rire enr. |
2012 QCCLP 6030 |
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[1] Le 10 novembre 2011, madame Angelina Corine (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 septembre 2011 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 juillet 2011.
[3] L’audience s'est tenue le 15 mai 2012 à Montréal en présence de la travailleuse et de son représentant, Me Renaud Gauthier. Garderie le Fou Rire enr. (l'employeur) est également présent et représenté par Me Caterine Marasco.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle le 8 juillet 2011 sous la forme d’une entorse dorsolombaire et d’une entorse périscapulaire.
LES FAITS
[5] La travailleuse occupe l’emploi d’aide-éducatrice pour l'employeur depuis janvier 1997.
[6] L’horaire de travail de la travailleuse est de 12 h à 17 h 30, cinq jours par semaine du lundi au vendredi. Elle doit assister les autres éducatrices. Elle s’occupe principalement des enfants de la pouponnière qui sont âgés de 6 à 18 mois. Ses tâches consistent à nourrir les enfants, qui sont souvent déjà installés dans leur chaise, aider les enfants à descendre de leur chaise pour changer les couches avant qu’ils aillent jouer et finalement préparer leur collation avant ou après leur sieste de l’après-midi.
[7] La travailleuse déclare qu’il y a plusieurs éducatrices à la garderie, mais qu’elles ont des horaires variables. Une des éducatrices termine sa journée vers 14 h et les trois autres demeurent avec la travailleuse jusqu’à la fermeture de la garderie en fin d’après-midi.
[8] Le 8 juillet 2011, la travailleuse déclare qu’elle effectuait ses tâches habituelles et que les enfants avaient déjà mangé dans leur chaise haute. La journée n'était pas particulièrement occupée, puisque deux éducatrices étaient présentes pour cinq enfants. La travailleuse relate qu’après le repas, elle a voulu soulever un enfant du sol à la table à langer pour changer sa couche. Cet enfant avait environ deux ans, donc il était un peu plus vieux que la majorité des enfants à la garderie. C’est en le soulevant qu’elle ressent une douleur au niveau du dos, du cou et de l’épaule. Elle affirme avoir ressenti cette douleur pour le reste de la journée.
[9] La travailleuse ne déclare pas l’événement à l'employeur le jour même. Elle termine plutôt sa journée de travail à 17 h 30 et, ressentant toujours de la douleur au niveau du dos et du cou, elle retourne chez elle.
[10] À son arrivée chez elle, elle prend des « Tylenol » et fait une sieste et lorsqu’elle se relève, elle est incapable de bouger son cou et elle présente même de la difficulté à manger et à boire. La travailleuse déclare que le lendemain, elle ne se sent pas mieux et qu’en fin de journée, elle se rend à l’Hôpital Jean-Talon afin de consulter un médecin
[11] La travailleuse ne se souvient pas de l’heure à laquelle elle arrive à l’hôpital. Cependant, les notes cliniques produites à l’audience montrent que la travailleuse est admise à l’urgence le 9 juillet 2011 à 23 h 41.
[12] Le rapport de consultation à l’urgence de l’Hôpital Jean-Talon indique que la consultation a eu lieu à 4 h 15 le matin du 10 juillet 2011 et que le diagnostic retenu par le médecin de l’urgence est celui d’une entorse dorsale. Le médecin demande également une radiographie afin d’éliminer la possibilité d’une pneumonie.
[13] La travailleuse relate qu'elle se souvient avoir déclaré à l’admission à l’urgence qu’elle s'était blessée au travail.
[14] Le 15 juillet 2011, la travailleuse se présente chez l'employeur pour aller chercher son chèque de paie, la garderie étant fermée pendant deux semaines pour la période des vacances. Elle rencontre madame Lucy Colaianni, copropriétaire, et elle lui dit avoir dû se rendre à l’hôpital dans les jours suivant sa dernière journée de travail et qu’elle ne savait pas ce qui allait advenir de son problème de santé.
[15] Par la suite, la travailleuse spécifie qu’elle est en vacances pour trois semaines et elle qu’elle planifiait se rendre en Floride, mais que puisque la douleur qu’elle ressent à ce moment est trop importante, elle a choisi de ne pas se déplacer.
[16] Contre-interrogée sur ses antécédents médicaux, la travailleuse déclare qu’elle a subi un accident d’automobile 15 à 16 ans avant la survenance de l’événement. Elle a subi une blessure aux côtes, mais elle n’a conservé aucune séquelle permanente.
[17] Madame Carmen Coronati, également copropriétaire, déclare à l'audience que la travailleuse est sa tante. Elle confirme que celle-ci travaille chez l'employeur depuis 1997. Elle affirme qu’elle a souvent vu la travailleuse boiter, tousser et qu’elle présente certaines difficultés alimentaires, le tout démontrant une condition physique problématique.
[18] Concernant les faits entourant le jour de l’événement, madame Coronati affirme que la travailleuse n’a pas fait mention d’une blessure survenue au travail. Elles se sont plutôt souhaité des bonnes vacances et ne se sont plus reparlé avant le 1er août 2011.
[19] Madame Colaianni déclare à l’audience que la travailleuse lui avait mentionné qu’elle avait été malade, qu’elle ne se sentait pas bien et qu’un suivi médical devait avoir lieu, mais qu’elle n'avait pas donné plus de détails.
[20] Le 18 juillet 2011, la travailleuse consulte le docteur Denis Contant à l’Hôpital Jean-Talon et ce dernier pose le diagnostic d’entorse lombaire et dorsale. Il prescrit un arrêt de travail et veut revoir la travailleuse deux semaines plus tard.
[21] Le 1er août 2011, la garderie rouvre ses portes après les deux semaines de vacances. La travailleuse présente son attestation médicale qui mentionne le diagnostic posé par le médecin et prescrit un arrêt de travail. La travailleuse déclare que lorsqu’elle a informé l'employeur qu’elle s'était blessée et qu’une réclamation à la CSST avait été faite, madame Colaianni était visiblement choquée et l’avait questionnée sur la blessure qu’elle alléguait.
[22] La travailleuse déclare être retournée chez elle et avoir consulté le docteur Charles Amar le même jour. Ce médecin pose le diagnostic d’entorse dorsolombaire, prolonge l’arrêt de travail et prescrit des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie. Le docteur Amar demande de revoir la travailleuse dans 10 jours. La travailleuse revoit le docteur Amar le 11 et le 18 août 2011. À cette dernière date, il rédige un avis motivé du médecin qui a charge dans lequel il déclare que l’endurance assise/debout de la travailleuse augmente et qu’elle peut augmenter le poids des charges. Il recommande le maintien de la physiothérapie et de l’ergothérapie et il prévoit un retour au travail dans une période d’un à deux mois.
[23] Le 30 août 2011, le docteur Amar pose les diagnostics d’entorse périscapulaire et d’entorse dorsolombaire. Il prolonge l'arrêt de travail jusqu’au 21 septembre 2011 et prescrit la poursuite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[24] Le 9 septembre 2011, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour une entorse lombaire ainsi qu’une entorse de l'épaule[1].
[25] Le 19 septembre 2011, l'employeur demande la révision de la décision de la CSST. Cette décision est infirmée par la CSST le 21 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[26] Le 20 avril 2012, le docteur Charles Amar produit une lettre dans laquelle il déclare avoir évalué la travailleuse à l’urgence le 8 juillet 2011. Il indique, entre autres, ceci :
[...]
Effectivement, Mme Corinne a bel et bien mentionné un évènement accidentel survenu au travail le 8 juillet 2011 à l’agente administrative ayant ouvert son dossier médical ce jour là (comme en font foi la date d’accident et le code inscrit en haut, à droite sur la première note médicale au dossier). Malheureusement, elle ne m’en a jamais mentionné durant l’entrevue. Elle était plutôt inquiète d’avoir une pneumonie due à une douleur dorsale gauche qui augmentait aux mouvements du tronc /et au membre supérieur gauche, ainsi qu’à la respiration. Elle a aussi mentionné qu’elle souffrait d’une toux grasse chronique mais sans température. [sic]
[27] Le docteur Amar indique que son examen physique l’orientait vers une entorse dorsale avec une douleur à la palpation périscapulaire gauche, donc dorsale gauche qui était aussi reproductible à la mobilisation du membre supérieur gauche. Le docteur Amar indique qu’il a prescrit une radiographie pulmonaire qui s'est avérée normale et qu’il a prescrit du repos avec un arrêt de travail ainsi que des anti-inflammatoires et des relaxants musculaires. Le docteur Amar fait également mention que c'est lors de la visite de relance le 18 juillet 2011 que la travailleuse a explicitement mentionné qu’il s’agissait d’un événement accidentel au travail au médecin de service qui était le docteur Denis Contant.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[28] Le procureur de la travailleuse fait valoir que les critères de l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) sont respectés en l’espèce. Selon lui, l’entorse périscapulaire et l’entorse dorsolombaire de la travailleuse constituent des blessures qui sont survenues sur les lieux du travail alors que la travailleuse effectuait son travail. La présomption de l'article 28 s’applique. De plus, il fait valoir qu’aucune preuve médicale contradictoire n’a été présentée et que la travailleuse n’avait pas d’antécédents médicaux pertinents.
[29] Concernant la tardiveté de la divulgation de l’événement de la travailleuse à l'employeur, le procureur de la travailleuse fait valoir que la travailleuse croyait bien que la douleur disparaîtrait et qu’elle ne subirait pas de conséquences de l’événement. De plus, il fait valoir que l'employeur n’a présenté aucune preuve permettant de renverser la présomption qui s’applique en l'espèce. Au surplus, il est d’avis que même si l'article 28 de la loi ne trouve pas application, les critères de l’accident du travail à l'article 2 s’appliquent et que le mouvement d’avoir soulevé un enfant à un moment spécifique équivaut à un événement imprévu et soudain.
[30] La procureure de l'employeur fait valoir que le témoignage de la travailleuse était confus, que celle-ci a démontré qu’elle avait des douleurs préexistantes et qu’il s’agit d’une situation qui se répète. De plus, la travailleuse n’a pas divulgué l’événement de façon contemporaine.
[31] La procureure de l'employeur fait également valoir que la consultation médicale initiale est floue et que la travailleuse n’en était pas à sa première visite médicale. Selon la procureure de l'employeur, la travailleuse ne s'est pas acquittée de ses responsabilités de déclarer l’événement tel que la loi le prévoit. Elle est d’avis qu’il ne s’agit pas d’une blessure puisqu’on ne peut d’établir la survenance du diagnostic et qu’on ne peut non plus établir si cette blessure est survenue sur les lieux du travail. Selon la procureure de l'employeur, la travailleuse a offert un témoignage contradictoire. Elle est d’avis que la travailleuse présente une condition médicale préexistante.
L’AVIS DES MEMBRES
[32] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter la requête de la travailleuse et de déclarer qu’elle n’a pas subi une lésion professionnelle au motif principal que la travailleuse n'a pas déclaré l’événement de façon contemporaine, ce qui entache sa crédibilité.
[33] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse et d’infirmer la décision de la CSST. Selon lui, les critères de l'article 28 de la loi sont satisfaits : l’événement est clairement survenu au travail alors qu’elle était à son travail et l’entorse périscapulaire et l’entorse dorsolombaire de la travailleuse sont effectivement des blessures au sens de la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[34] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 8 juillet 2011.
[35] Les notions de « lésion professionnelle » et d’« accident du travail » sont définies à l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[36] Afin de faciliter la preuve de l’existence d’une lésion professionnelle, le législateur a prévu une présomption de lésion professionnelle à l’article 28 de la loi, qui se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[37] La travailleuse ne prétend pas que sa lésion professionnelle constitue une maladie professionnelle et la preuve présentée ne permet pas de conclure en ce sens.
[38] Afin de bénéficier de la présomption de lésion professionnelle, la travailleuse doit démontrer de façon prépondérante les trois conditions nécessaires à l’application de l'article 28 de la loi, soit l’existence d’une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors qu’elle est à son travail.
[39] Le tribunal est lié par les diagnostics d’entorse périscapulaire et d’entorse dorsolombaire aux fins de rendre la présente décision. En l’absence de contestation, ces diagnostics sont posés par le médecin de la travailleuse et lient les parties conformément aux dispositions de l'article 224 de la loi.
[40] Le tribunal est d’avis que l’entorse périscapulaire et l’entorse dorsolombaire subies par la travailleuse constituent des blessures au sens de la loi. En effet, le 8 juillet 2011, la travailleuse ressent une vive douleur au dos, au cou et à l'épaule au moment où elle soulève un enfant de deux ans du sol pour le mettre sur une table à langer.
[41] Le premier critère prévu à l’article 28 est donc rencontré. Il reste à déterminer si la blessure est survenue sur les lieux du travail alors qu’elle était à son travail.
[42] La preuve révèle que le 8 juillet 2011, la travailleuse ressent une vive douleur en soulevant un enfant. Cependant elle ne déclare pas l’événement à son employeur à cette date. La travailleuse déclare qu’elle croyait que le tout rentrerait dans l’ordre avec du repos et que de plus, elle était en vacances pour trois semaines. Toutefois, le lendemain, elle constate une détérioration de son état et consulte à l’urgence de l’hôpital Jean-Talon.
[43] Elle déclare à la personne qui ouvre son dossier à l’hôpital qu’il s’agit d’un accident du travail. Malheureusement, elle semble avoir oublié de le mentionner au médecin qui l’a évaluée, soit le docteur Amar. Selon ce dernier, elle semblait préoccupée par la possibilité d’une pneumonie. Toutefois, le médecin déclare que son examen clinique l’orientait vers un diagnostic d’entorse dorsale.
[44] Le tribunal accorde pleine crédibilité au témoignage de la travailleuse. Son témoignage est clair, convaincant et confirmé par les documents au dossier.
[45] En effet, la preuve révèle également que le 15 juillet 2011, lorsque la travailleuse s'est présentée au travail pour aller chercher son chèque de paie, elle a mentionné à madame Colaianni qu’elle ressentait des douleurs et qu’elle avait consulté à l’hôpital.
[46] De plus, le tribunal retient que le 8 juillet 2011 fut le dernier jour travaillé de la travailleuse avant ses vacances estivales et la fermeture de la garderie jusqu’au 1er août 2011. Elle n’a donc pu présenter son attestation médicale de la CSST datée du 18 juillet 2011 que le 1er août 2011.
[47] Le tribunal est donc d’avis que les trois éléments de l’article 28 ont été démontrés et que la travailleuse bénéficie de la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 de la loi puisque les diagnostics d’entorse lombaire et d’entorse périscapulaire constituent des blessures qui sont survenues alors que la travailleuse était à son travail et effectuait son travail.
[48] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l'employeur a présenté une preuve permettant de renverser la présomption. La preuve ne doit pas seulement mettre en doute la survenance de l’événement, mais plutôt démontrer l’absence de lien de causalité entre la lésion de la travailleuse et l’événement tel que rapporté. Dans l’affaire Boies et CSSS Québec-Nord[4], le tribunal a délimité les critères à évaluer afin de renverser la présomption :
[234] Sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le tribunal retient les principes suivants :
- La présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi constitue une présomption légale.
- Cette présomption est simple et peut donc être renversée.
- Les motifs invoqués pour renverser la présomption doivent être interprétés de manière à en respecter le caractère réfragable.
[235] Les motifs permettant de renverser la présomption :
- L’absence de relation causale entre la blessure et les circonstances d’apparition de celle-ci. Par exemple, la condition personnelle peut être soulevée à cette étape; dans ce cas la preuve relative à l’apparition d’une lésion reliée à l’évolution naturelle d’une condition personnelle préexistante pourra être appréciée par le tribunal;
- La preuve prépondérante que la blessure n’est pas survenue par le fait ou à l’occasion du travail ou provient d’une cause non reliée au travail.
[236] Les motifs ne permettant pas de renverser la présomption :
- L’absence d’événement imprévu et soudain;
- L’existence d’une condition personnelle en soi ne fait pas nécessairement obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle en raison de la théorie du crâne fragile.
- Le seul fait que les gestes posés au travail étaient habituels, normaux, réguliers.
[49] La procureure de l'employeur a fait valoir que la travailleuse n'a pas fait une déclaration contemporaine à l’événement comme le requiert l'article 265 de la loi, qui se lit comme suit :
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou empêché d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
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1985, c. 6, a. 265; 1999, c. 40, a. 4.
[50] La preuve révèle que la travailleuse mentionne à l’employeur le 15 juillet 2011 qu’elle avait eu des ennuis de santé, mais qu’elle n’a pas précisé que ses ennuis étaient reliés au travail. L’analyse des faits au dossier montre que la travailleuse déclare l’événement le 1er août 2011, à la reprise des activités de l’employeur après une fermeture complète de deux semaines pour les vacances estivales.
[51] Quel est l’effet de ne pas avoir divulgué l’événement de façon contemporaine?
[52] Comme l’indique l'article 265 de la loi, la travailleuse a l’obligation d’aviser son supérieur lorsqu'elle est victime d’une lésion professionnelle. Selon l’interprétation qui est donnée dans la jurisprudence à l’égard du défaut de déclarer l’événement le plus rapidement possible, l’inexécution de cette obligation par la travailleuse n’emporte pas la déchéance du droit qui est revendiqué. Cependant, elle peut affecter la crédibilité du témoignage de la travailleuse qui porte sur la survenance de l’accident du travail[5].
[53] La preuve révèle que la travailleuse a consulté un médecin le lendemain de la survenance de l’événement puisque la douleur la faisait souffrir. La preuve démontre également que la travailleuse, lors de son admission, a déclaré qu’il s’agissait d’une blessure survenue au travail, mais que lors de la consultation avec le docteur, elle n’a pas mentionné que sa blessure était reliée au travail.
[54] Le manquement de la travailleuse de déclarer l’événement de façon contemporaine ne signifie pas que celle-ci n'a pas subi un accident du travail. Cette preuve a pour seul effet d’affecter la crédibilité du témoignage qui doit être apprécié par le tribunal. À cet effet, le tribunal est d’avis que les faits démontrés à l’audience et contenus au dossier tendent à supporter la version de la travailleuse.
[55] À l’audience, la procureure de l'employeur n’a pas présenté de preuve pour renverser la présomption de lésion professionnelle.
[56] L'employeur fait valoir que la travailleuse présentait certains antécédents médicaux sans préciser leur nature, à l’exception d’un accident d’automobile qui avait eu lieu plusieurs années précédant l’événement. Cependant, aucun diagnostic précis provenant d’un médecin n’a été présenté à l’audience à ce sujet.
[57] De plus, les allégations de l'employeur selon lesquelles aucune preuve concrète n’a été présentée afin de démontrer qu’il y avait eu un événement au travail ne suffisent pour renverser la présomption de lésion professionnelle.
[58] Par conséquent, le tribunal arrive à la conclusion que la travailleuse bénéficie de la présomption de lésion professionnelle prévue à l'article 28 de la loi qui n’a pas été renversée. La travailleuse a donc subi une lésion professionnelle et elle a donc droit aux prestations prévues par la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Angelina Corine, la travailleuse;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 octobre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 8 juillet 2011 et qu’elle a droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Marco Romani |
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Me Renaud Gauthier |
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DESROCHES, MONGEON |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Caterine Marasco |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] On ne mentionne pas s’il s’agit de l'épaule droite ou de l'épaule gauche.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] L.R.Q., c. A-3.001.
[4] 2011 QCCLP 2775 .
[5] Barrette et C.A. Edmond Laurendeau, C.A.L.P. 19823-63-9006, 16 mars 1993, P. Capriolo; Servimax Canada inc. et Quirion, C.A. L.P. 38234-60-9204, 2 juin 1994, M. Zigby.
AVIS :
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