Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Lessard et Déménagement Montréal Express

2015 QCCLP 491

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

27 janvier 2015

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

556650-62-1411

 

Dossier CSST :

142577238

 

Commissaire :

Marlène Auclair, juge administrative

 

Membres :

Claude Jutras, associations d’employeurs

 

Sylvain Campeau, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Dominique Lessard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Déménagement Montréal Express

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 10 novembre 2014, monsieur Dominique Lessard (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 7 octobre 2014 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme sa décision rendue par le biais d’un avis de paiement du 31 juillet 2014 et déclare que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu doit être établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 21 585,96 $.

[3]           Une audience s’est tenue à Longueuil le 21 janvier 2015 en présence du travailleur et de son procureur, Me Soleil Tremblay. Monsieur Marc Rodrigue, directeur des opérations et actionnaire, est présent pour Déménagement Montréal Express (l’employeur). Le dossier est mis en délibéré à la fin de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur conteste le fait que la CSST le considère comme étant un employé sur appel aux fins d’établir le montant de l’indemnité de remplacement du revenu auquel il a droit en raison de sa lésion professionnelle subie le 20 juin 2014.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la juge administrative soussignée a obtenu l’avis motivé du membre issu des associations d’employeurs et du membre issu des associations syndicales ayant siégé auprès d’elle dans la présente affaire.

[6]           Ils sont d’avis que le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver qu’il a été embauché par l’employeur sur la base d’un contrat de travail de 40 heures par semaine rémunérées à un taux horaire de 15 $. Il doit donc être considéré comme étant un employé sur appel, de sorte que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu établi par la CSST correspond à son statut et ne doit pas être modifié.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]           Aux fins de statuer sur la présente requête et de motiver sa décision, la Commission des lésions professionnelles ne retient que les faits pertinents de l’ensemble de la preuve documentaire au dossier et des témoignages reçus à l’audience.

[8]           En l’instance, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer le revenu brut annuel d’emploi du travailleur qui doit être utilisé aux fins du calcul de son indemnité de remplacement du revenu.

[9]           La règle générale qui s’applique dans la détermination du revenu brut d’un travailleur est prévue à l’article 67 de la loi :

67.  Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I - 3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011) ou de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).

__________

1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4; 2001, c. 9, a. 125.

 

 

[10]        Une exception à la règle générale édictée à l’article 67 de la loi en ce qui concerne l’établissement du revenu brut d’un travailleur, dont le statut est saisonnier ou sur appel, est prévue à l’article 68 de la loi :

68.  Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé.

__________

1985, c. 6, a. 68.

 

 

[11]        La caractéristique du travail saisonnier découle de sa nature répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif ou encore de la disponibilité de la matière première[2].

[12]        Le travailleur sur appel est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est que le travailleur assure l'employeur de sa disponibilité, selon des modalités préétablies, pour accomplir une prestation de travail qui comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, irrégulières et imprévisibles[3].

[13]        Suivant l’article 65 de la loi, aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle.

[14]        Dans le présent cas, le travailleur subit une entorse dorso-lombaire lors d’un accident du travail en déménageant un réfrigérateur, le 20 juin 2014, soit lors de son premier jour de travail comme chauffeur de camion, déménageur et emballeur pour l’employeur.

[15]        Lors de la cueillette d’information[4], l’employeur informe l’agente d’indemnisation que le travailleur est un employé sur appel avec un horaire variable selon les contrats de déménagement et à un taux fixe de 15 $ de l’heure.

[16]        Le travailleur est en désaccord et prétend avoir été embauché par l’employeur suivant un contrat de travail de 40 heures par semaine à un taux fixe de 15 $ de l’heure.

[17]        La Commission des lésions professionnelles a reçu le témoignage du travailleur à l’audience.

[18]        Le travailleur témoigne avoir déjà travaillé pour l’employeur dans le passé entre 1996 et 1999 à titre de chauffeur de camion, déménageur et emballeur pour effectuer des déménagements résidentiels, commerciaux ou industriels, et ce, sur de courtes ou de longues distances.

[19]        Pendant ces années, les mois de novembre à janvier sont les mois plus tranquilles alors que les neuf autres mois sont plus occupés, plus particulièrement les mois d’été. De novembre à janvier, le travailleur explique qu’il travaille à temps partiel, soit environ 25 à 35 heures par semaine. Pendant ces trois mois, il ne travaille pas tous les jours. Il est sur appel, répond-il à une question de son procureur. L’employeur le contacte la veille pour l’informer qu’il a du travail à lui offrir le lendemain. Par contre, pendant la période très occupée, il travaille plus de 40 heures par semaine. Il travaille de 50 à 60 heures par semaine et a même déjà fait 80 heures dans la même semaine lors du déménagement de la Grande bibliothèque de Montréal.

[20]        Le travailleur a rempli le formulaire d’embauche de l’employeur le 8 avril 2014.

[21]        L’audience a été suspendue pour permettre à monsieur Rodrigue d’obtenir ce formulaire de son service des ressources humaines par télécopieur, lequel a été produit au dossier après avoir été reçu par le greffe du tribunal.

[22]        Suivant ce formulaire, le travailleur postule sur un emploi de chauffeur de camion, déménageur et emballeur, de jour, soir ou fin de semaine, pour du transport local ou sur de longues distances. 

[23]        Monsieur Jean-François Perron, chef répartiteur, lui fait passer une entrevue le 8 avril 2014 et lui aurait alors dit : « qu’il allait travailler en masse comme dans le passé ».

[24]        Monsieur Rodrigue s’objecte à l’admissibilité des propos rapportés par le travailleur puisqu’il s’agit de ouï-dire, soit une conversation que le travailleur a eue avec un tiers absent à l’audience.

[25]        La Commission des lésions professionnelles avise monsieur Rodrigue que cet élément de preuve est permis, mais que la force probante des propos rapportés par le travailleur serait évidemment appréciée.

[26]        Le travailleur aurait d’ailleurs refusé cet emploi s’il n’avait pas s’agit d’un emploi à temps plein étant donné qu’il a un enfant souffrant d’une maladie dont les frais médicaux ne sont pas tous assumés par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

[27]        Le travailleur n’est contacté par l’employeur que le 19 juin 2014 pour se faire offrir une première journée de travail le 20 juin 2014, date à laquelle il subit son accident du travail.

[28]        Monsieur Rogrigue témoigne également à l’audience.

[29]        Il explique que tous les chauffeurs, déménageurs et emballeurs de l’entreprise sont embauchés sur appel étant donné que les contrats de déménagement sont très variables, entre autres, selon les périodes de l’année. De même, la fin des mois est très occupée alors que le début des mois est beaucoup plus tranquille. Pour le démontrer, il dépose un Tableau comparatif des heures travaillées par les chauffeurs du 20 avril 2014 au 10 janvier 2015 (le tableau). Dans l’industrie en général, les chauffeurs et déménageurs ne sont jamais embauchés en vertu d’un contrat de travail et sont toujours sur appel. Il témoigne sur son expérience dans l’industrie du déménagement depuis 1979.

[30]        Quant à ce tableau, monsieur Rodrigue attire l’attention du tribunal sur le fait que les heures travaillées de ces employés sont extrêmement variées et qu’elles ne sont jamais de 40 heures par semaine sur une base régulière.

[31]        De l’analyse de l’ensemble de la preuve, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il a été embauché chez l’employeur sur la base d’un contrat de travail de 40 heures par semaine à un taux horaire de 15 $ l’heure.

[32]        Le travailleur n’a apporté aucune preuve de l’existence d’un contrat de travail écrit, mais a tenté de prouver l’existence d’un tel contrat verbal, et ce, sur la foi uniquement de son témoignage.

[33]        Le seul élément de preuve écrit concernant l’embauche du travailleur ne prouve aucunement l’existence d’un contrat de travail.

[34]        Au contraire, au formulaire d’embauche rempli par le travailleur, à la dernière page, il est indiqué que le travailleur est engagé à un taux horaire de 15 $ l’heure.

[35]        Quant à la preuve de nature verbale apportée par le travailleur, ces expériences passées pour le même employeur ne font que démontrer qu’il est bel et bien sur appel et que ses heures de travail varient énormément. Le travailleur a lui-même témoigné que pendant les mois tranquilles, l’employeur lui téléphone lorsqu’il a du travail à lui offrir pour le jour suivant.

[36]        Aussi, en plus de constituer du ouï-dire, le fait que monsieur Perron lui aurait dit « qu’il allait travailler en masse comme dans le passé » ne fait aucunement la preuve de l’existence d’un contrat de travail entre le travailleur et l’employeur.

[37]        La preuve que les chauffeurs, déménageurs et emballeurs soient embauchés sur appel a été apportée par monsieur Rodrigue qui a témoigné à l’audience.

[38]        Il a démontré que les employés occupant le même poste que celui pour lequel le travailleur a été embauché ont des horaires de travail très variables d’une semaine à l’autre et d’un mois à l’autre et qu’ils sont tous engagés sur appel, suivant le tableau déposé. Le fait que ces employés travaillent certaines semaines à temps plein, c’est-à-dire 40 heures par semaine, ne démontre pas qu’ils ont un contrat de travail. Ils peuvent très bien être sur appel même si, lors de certaines semaines de travail, ils travaillent un nombre d’heures équivalent à une semaine de travail à temps plein. Il ne faut pas confondre le nombre d’heures travaillées par semaine et le statut d’emploi. Un employé sur appel le demeure même s’il travaille parfois 40 heures ou plus par semaine. 

[39]        Tel que mentionné précédemment, le travailleur sur appel est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est que le travailleur assure l'employeur de sa disponibilité pour accomplir des prestations de travail variables, irrégulières et imprévisibles, et ce, bien que dans le présent cas, la période de l’année dans l’industrie du déménagement soit gage d’une charge de travail plus importante.

[40]        Par ailleurs, le fait que sur les formulaires d’Assignation temporaire d’un travail, l’employeur ait offert des tâches que le travailleur aurait pu exécuter de 7 h 00 à 16 h 00 à raison de 40 heures par semaine ne fait pas preuve en soi d’un contrat de travail entre ce dernier et le travailleur.

[41]        Tout ce que la Commission des lésions professionnelles peut en inférer est qu’il s’agit des tâches et des conditions d’exécution des tâches offertes par l’employeur dans le cadre d’une assignation temporaire de travail, que le travailleur n’a de toute façon pas effectuée. Il ne s’agit point des conditions d’emploi offertes au travailleur lors de son embauche par l’employeur.

[42]        Pour tous ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en arrive à la conclusion que le travailleur doit être considéré comme étant un travailleur sur appel aux fins du calcul de son indemnité de remplacement du revenu.

[43]        Le statut du travailleur étant déterminé, le revenu brut doit donc maintenant être établi suivant l’article 68 de la loi qui prévoit que le revenu brut d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la CSST qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

[44]        Le travailleur n’a offert aucune preuve de revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région et n’a pas démontré qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

[45]        Dans de telles circonstances, la CSST est justifiée de retenir le salaire minimum comme revenu brut annuel aux fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, conformément à l’article 65 de la loi qui stipule que :

65.  Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.

__________

1985, c. 6, a. 65.

 

 

[46]        À défaut d’une preuve à l’effet contraire, la Commission des lésions professionnelles constate que les calculs effectués par la CSST pour établir le montant de l’indemnité de remplacement du revenu sont conformes aux dispositions de la loi, et ce, en regard de la lésion subie par le travailleur le 20 juin 2014.

[47]        La preuve apportée par le travailleur ne permettant pas à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête, la décision rendue par la CSST le 7 octobre 2014 doit conséquemment être confirmée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Dominique Lessard, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 7 octobre 2014, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’aux fins d’établir l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, le revenu brut annuel assurable de 21 585,96 $ doit être retenu.

 

 

 

 

__________________________________

 

Marlène Auclair

 

 

 

 

 

 

Me Soleil Tremblay

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Boulanger et Pêches Nordiques inc., [1986] C.A.L.P. 278; Naud et Misener Shipping ltée, [1991] C.A.L.P. 715; Fiorino et Paysagiste A. & G. Porco, C.L.P. 122365-71-9908, 15 février 2000, Anne Vaillancourt.

[3]           Bouchard et Maçonnerie Godbout inc., [1988] C.A.L.P. 636, requête en évocation rejetée, [1989] C.A.L.P. 242 (C.S.), appel rejeté, [1999] C.L.P. 720 (C.A.).

[4]           Conformément aux notes évolutives du 18 juillet 2014 au dossier constitué pour l’audience.

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