Décision

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COUR SUPÉRIEURE

 

 

JS1012

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-05-065662-015

 

 

 

DATE :

 5 mai 2003

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MARIE ST-PIERRE J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

Érik Graf

et

Renate Heidersdorf

 

Requérants

c.

 

Rochelle Duhaime

et

Louise Gagné

et

Bianca Barelli-Vallée

et

Fred Jennings

 

Intimés

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Respect, dévouement, générosité, passion, rêve, euphorie, frustrations, tourments, chagrin, isolement, horreur, haine, déchirements et solitude:  brève description de ce qu'ont vécu les parties, administrateurs, membres ou bénévoles de MIAOUF, au présent dossier.

Le litige et les questions qu'il soulève

[2]                En raison de propos diffamatoires et d'atteinte illicite et intentionnelle à leurs droits fondamentaux allégués, les requérants réclament la somme totale de 350 000 $ aux intimés:  125 000 $ chacun, à titre de dommages moraux et exemplaires, et 100 000 $ d'honoraires extra-judiciaires encourus. 

[3]                Les intimés contestent la réclamation et soumettent que leur questionnement de l'administration des requérants était légitime.  Ils font appel à la liberté d'expression et plaident, principalement, provocation.  Se portant demandeurs reconventionnels, ils réclament le remboursement des honoraires extra-judiciaires payés pour se défendre.

[4]                Les propos reprochés sont-ils diffamatoires? Y-a-t-il eu atteinte illicite et intentionnelle aux droits fondamentaux des requérants? Les défenses de questionnement légitime ou de provocation sont-elles recevables?  Le cas échéant, de quels dommages causés et subis les intimés ou les requérants sont-ils redevables?

[5]                Deux sources principales de débat et deux sources connexes:

Sources principales

·        Une lettre, version française et version anglaise, acheminée par la poste aux membres et bénévoles de MIAOUF et communiquée à bien d'autres personnes par divers moyens, dont le site Internet de MIAOUF;

·        la page d'accueil et trois messages au «guest book» du site Internet de MIAOUF.

Sources connexes

·        Certaines déclarations reproduites dans un article de The Hudson Gazette;

·        Une communication écrite aux membres de MIAOUF en vue de l'assemblée annuelle du 8 décembre 2001.

Le Contexte

[6]                Toutes les parties sont administrateurs, bénévoles, membres ou sympathisants  de la société sans but lucratif MIAOUF, un refuge pour chiens et chats abandonnés à la recherche d'un nouveau maître, fondée en 1988 par Louise Gagnon.

[7]                1997 à 2000 sont des années difficiles pour MIAOUF:  les luttes fratricides entre administrateurs et les difficultés financières sont au rendez-vous.1

[8]                Lueur d'espoir à l'horizon:2  le 30 septembre 2000, les membres de MIAOUF élisent le «dream team» au conseil d'administration.  L'équipe se compose de 10 personnes motivées et déterminées à réussir:  les requérants, Éric Graf (Graf) et son épouse Renate Heidersdorf (Heidersdorf), l'intimée Rochelle Duhaime (Duhaime), Michel Dubé (Dubé), Martha MacEachen (MacEachen), Jean-Marc Lalonde (Lalonde), Gregory Heaney (Heaney), Peter Briand (Briand), Allison Taylor (Taylor) et  Alexandre Guertin (Guertin). Graf est président, Dubé est vice-président, MacEachen est secrétaire et Lalonde est trésorier.  Les autres personnes sont simplement membres du conseil. 

[9]                La lune de miel est brève.  La situation financière de MIAOUF frise la catastrophe.3  Les urgences d'intervenir se multiplient et les conflits refont surface. Plusieurs membres du «dream team» démissionnent au fil des mois.  En toile de fond s'articulent et se manifestent de profondes divergences d'opinions quant à ce qu'est, doit être ou devrait être la mission de MIAOUF:  refuge «kill» ou «no kill».

[10]            Dès le 6 octobre 2000, un comité d'éthique est chargé d'analyser la situation des animaux de MIAOUF, d'évaluer les cas d'euthanasie et de non adoptabilité et de faire, le cas échéant, toute recommandation appropriée au conseil d'administration.  Ce comité est formé de quatre personnes:  les vétérinaires Janet Lalonde (J. Lalonde) et Amanda Glew (Glew),la spécialiste du comportement animal Taylor et la directrice générale de MIAOUF Bonnie Bishop (Bishop).

[11]            Le premier rapport du comité d'éthique est communiqué au conseil d'administration le 17 décembre 2000.  L'état de santé des chats de MIAOUF a été évalué: les chats sont généralement atteints, ou susceptibles d'être atteints, de maladies incurables et contagieuses.  Le recours à l'euthanasie est écarté eu égard à la mission «no kill» de MIAOUF et malgré ses ressources financières très limitées.  Le rapport, bien qu'écrit, n'est pas signé par les membres du comité.  La situation des chats est décrite comme suit:4

«When the new Board took office (September 30, 2000), Miaouf housed cats in several rooms in the Shelter, as well as several groups of health-compromised cats in the house.  The Shelter cats include a group housed in the room adjoining the office, several individually caged in the office and the hallway for isolation purposes, and a group housed in one of the centre rooms in the shelter.  The cats in the house are divided into 4 groups:  one with feline leukemia, one with chronic rhinitis, and two supposedly healthy (though realistically suspect) groups.

As of this writing, the house contains:

9 Leukemia-positive cats;
12 Rhino-positive cats;
4 + 9 supposedly healthy, though we believe "Suspect" is a better term;

and the Shelter contains:

2 Healthy cats, housed in isolation;
4 Suspect cats, housed in the Office (3 in cages, 1 loose)
9 Suspect cats, housed in the room behind the Office.

(…)

The two diseases in question, Leukemia and Rhino, are highly contagious, and infected animals cannot, in good conscience, be adopted out, except under exceptional circumstances.» 

[12]            Au cours de la réunion du conseil d'administration du 17 décembre 2000, Graf et Heidersdorf manifestent leur désaccord à ce que MIAOUF garde en vie des chats malades qui ne pourront jamais être adoptés.  Briand rappelle à tous que le conseil s'est engagé à suivre les recommandations du comité d'éthique et qu'il doit en être ainsi.5   

[13]            Graf et Heidersdorf expriment leur intention de démissionner.  Signa Voyer (Voyer), alors bénévole de MIAOUF, fait campagne auprès de membres et de bénévoles pour convaincre Graf et Heidersdorf de rester.  Graf et Heidersdorf sont dévoués, ils travaillent très fort et personne n'est prêt à prendre leur place.  Un document d'appui est signé par plusieurs membres et bénévoles lors d'une réunion chez Voyer.6  La campagne réussit.

[14]            Graf rédige la première édition de «The volunteer's newsletter», qu'il poste aux bénévoles de MIAOUF, environ 15 personnes à ce moment là.  Il écrit notamment:7

«15.  We want all the volunteers to know in what kind of mess was MIAOUF     when the new Board took over on October 1.

The former Board has neglected all his duties in the six last months.  They presented to the members their financial report till August 31, 2000 with a surplus of $ 11 227,51 in bank.  The truth is that MIAOUF was in debt.  They had not paid the Municipal taxes for 1998 and 1999, the School taxes for 1997, 1998, 1999 and 2000.  We found dozens of unpaid bills.  It has cost MIAOUF hundreds of dollars in interest.  Several envelopes containing bills have not been opened since weeks.  At the beginning of October, we were left with the fabulous amount of $ 3,51 in bank!  And 150 animals to feed every day.  Think about it!

16. That's why, the bottom line is again, always and only MONEY! 
 
You have to be aware that it cost between $ 10 000. and $ 12 000. PER   MONTH to run the shelter. (…)»   (Nos soulignements)

[15]            Membre du «dream team» mais aussi membre du conseil d'administration précédent, dont elle est présidente jusqu'au 30 septembre 2000, Duhaime réagit:  elle consulte un avocat à qui elle donne mandat de faire parvenir une mise en demeure à Graf.

[16]            Le 12 février 2001, le dossier «Rochelle Duhaime» est à l'ordre du jour de la réunion du conseil d'administration.  Cinq bénévoles, dont le statut est celui d'invitées, assistent à la réunion:  parmi elles, les intimées Bianca Barelli Vallée (Vallée) et Louise Gagné (Gagné).  À l'exception de MacEachen, tous les membres du conseil sont présents dont Graf et Duhaime.  Les échanges se déroulent ainsi:8

«The case of "Rochelle Duhaime" was then discussed.

Erik presented the "mis en demeure" that Rochelle sent to him by bailiff.  He explained that it was from her lawyer and demanded that he apologize to her for remarks he made in the newsletter.  Rochelle stated that she took this step because she was offended by what Erik wrote in the newsletter.  Erik explained that the newsletter that he sent out was meant to inform members of the sorry situation Miaouf was in when the new Board took over in September and he had no intention of damaging the reputation of anyone in particular.  He asked Rochelle what she was trying to prove by insisting he apologize for his comments about the former board's mismanagement.  Rochelle stated that she was deeply insulted by Erik's initial allegations and that the Board had not seen Erik's note to her (not to bemistaken (sic) for the newsletter).  Erik presented a list of the problems caused by the former board and Rochelle refused to discuss them.  She insisted it was a personal matter (the letter sent by her lawyer to Erik) between Erik and herself and not for discussion by the Board.  Erik said he checked with his lawyer and said his legal fees would have to be paid by Miaouf.  Jean-Marc added that the bailiff arrived at Miaouf to close its doors because of unpaid bills.  Pete reiterated that Erik said the previous board was negligent in its duties and he stressed that Erik did not single out Rochelle.

Allison asked Erik if it was his intention to offend Rochelle and Erik said no.  She said we have to move forward and help the animals.  Erik repeated that he did not intend to offend Rochelle personally and therefore did not have to apologize for something he did not do.  Pete then pointed out that if we have to spend Miaouf money for this, the animals will be the losers.  At this point, Bianca, a volunteer urged Rochelle to accept the fact that Erik did not target her in particular and to move on in the interest of the shelter.  Bianca praised Rochelle for her hard work at the shelter when she was on the former board and Rochelle spoke of how hard she had toiled because the volunteers had quit.  Signa reminded her of why they had left:  Rochelle had told them that if they did not like her rules, they could quit, so they did!  Christine confirmed this.  Jean-Marc stated that Erik had already said that the letter was not personal and then asked  Rochelle if she were ready to stop the procedure against Erik if we could stop the "bitching" and agree to correspond properly whether by phone or email etc.  Both Erik and Rochelle agreed to this.  Unanimously, the Board agreed to stop the name calling and move forward with dignity and respect.  Furthermore, Rochelle agreed to drop the procedure against Erik on condition that the Board will move forward with mutual respect and cooperation.  This was agreed on unanimously.  Renate further encouraged Board members to use email with discretion, preferring to use the phone as a means of communication.»  (Nos soulignements)

[17]            Le 9 mars 2001, la directrice générale de MIAOUF est informée des faits suivants:9

·        un diagnostic positif de quatre sérovars de leptospires chez un chat adopté de MIAOUF alors que cela est très rare chez les chats;

·        un diagnostic positif de leptospirose chez le chien d'une bénévole de MIAOUF alors que cette bénévole est elle-même très malade et qu'un suivi est en cours;

·        la possibilité de transmission de la leptospirose de l'animal à l'humain. 

[18]            Le 11 mars 2001, Duhaime démissionne du conseil d'administration de MIAOUF. Elle écrit au conseil d'administration:10

«Please accept this letter of resignation from MIAOUF's Board of Directors effective March 13th, 2001.

I am unable to complete my term as Director as I am unable to reconcile the President's leadership or the Board's direction with the mission of the shelter.

I will continue to support the shelter in ways that are meaningful to me.

Please respond in writing on the 3 issues I raised as outstanding in the February 12th minutes.

Sincerely,

Rochelle Duhaime»                    

[19]            Le 19 mars 2001, le conseil d'administration se réunit:  Taylor est absente.  La démission de Duhaime est notée.  Après avoir revu la situation financière de MIAOUF, le conseil convient de donner à Bishop le préavis de 3 mois prévu à son contrat de travail pour qu'il se termine le 20 juin 2001.  Il est précisé que cette décision pourra être révisée ou modifiée si la situation financière de MIAOUF s'améliore.  La résolution est adoptée à la majorité; elle n'est pas unanime.

 

 

[20]            Le 20 mars 2001, Taylor démissionne du conseil.  Elle écrit notamment:11

«Effective immediately, I resign my elected position as a Member at Large on the Board of Miaouf.

(...) However, as a professional in the animal field, with some modest reputation for professionalism and credibility, I must be aware of the potential personal effects that continued association with this runaway Executive might have. My own information on Board member liability suggests that unless Miaouf has specific Director's Liability Insurance, Board members ARE potentially financially liable… and I am certainly not prepared to take that risk in light of this Board's lack of due process, and the lack of an elected Treasurer.»

[21]            Le 27 mars 2001, Taylor, J. Lalonde et Glew, membres du comité d'éthique de MIAOUF, communiquent un rapport écrit unanime et leurs recommandations à Graf, président de MIAOUF, à la suite d'une visite au refuge du 25 mars et à l'étude de la situation.  Elles écrivent notamment:12

«This letter serves to endorse comments made at our meeting on March 25, 2001 as well as provide recommandations to you and the remaining board concerning the health and welfare of the animals housed at Miaouf.

Recent diagnoses of Leptospira infection in the area have led to the suspicion that the bacterium may be present at Miaouf.  This bacterium will infect humans as well as dogs and cats. Infection can result in life threatening consequences to those infected.(…)

Urine and blood tests on a random sampling of 13 dogs and cats from the shelter were performed today.  The samples were couriered to the Animal Health Lab at the U. of Guelph.  These tests will help establish if active shedding and or exposure to Leptospira has occurred at the shelter. (…)

The recent and serious changes occurring within the Miaouf organization force the board to reconsider euthanasia for these cats.  Euthanasia has been discussed many times in the past with previous board members. Properly trained personnel are able to detect the early signs of imminent disease that can very quickly compromise these animals leading to unnecessary suffering. Despite recommendations made earlier in the Miaouf Ethics Committee Cat Report, untrained staff should not be managing the care of animals that have been infected with lethal viruses.  Regrettably, the current circumstances renew the need to seriously consider euthanasia for those cats known to be infected with FeLV, FIP or FIV.

Dogs known to be aggressive or who are extremely submissive and exhibiting signs of fear biting should be euthanized.  Miaouf accepts abandoned animals, caring for them until good homes are found.  The adoption center must take responsibility for those animals released for adoption. Aggressive and overly submissive dogs should not be made available for adoption.  Today's society has zero tolerance for biting dogs.  The harm done to an unsuspecting child or existing companion animal is irreparable.

In closing, we echo our concern regarding the general status of Miaouf. Financially, the organization is once again in very poor shape.  (…)  Many dogs have been housed in the shelter for 8 or more years.  No one wants to adopt them leaving no choice but to spend a lifetime in a cage.  We believe that it is unethical to have these dogs remain confined to a cage for the rest of their lives.  We would encourage the remaining members of the board to also consider the welfare of these long-term dwellers.

Sincerely,

Janet Lalonde D.V.M.                                        Allison Taylor PhD

Amanda Glew D.V.M.»  (Nos caractères gras et soulignements)

[22]            Le 1er avril 2001, une réunion des bénévoles de MIAOUF a lieu au studio d'art de Heidersdorf.  25 à 30 personnes assistent à la rencontre.  Dès le début, cris et insultes sont de la partie.  La réunion ne produit pas les effets bénéfiques escomptés.  Gagné agit comme porte-parole de bénévoles qui assistent à la rencontre dans le but d'obtenir des réponses à certaines de leurs questions.  L'atmosphère est tendue.

[23]             Le 4 avril 2001, les résultats des tests effectués à l'université de Guelph quant à la présence de leptospirose chez les animaux de MIAOUF sont transmis à J. Lalonde.  Des tests sont positifs.  Deux des treize animaux de MIAOUF testés, chien et chat, sont infectés.  Il est notamment écrit:13

«It is very unusual to find leptospirosis in cats.  We normally do not test cats for leptospirosis.
Last autumn we had a lot of leptospirosis cases in dogs, showing high titres of serovar autumnalis.» 

[24]            De façon concomitante, convaincues que Graf et Heidersdorf favorisent une vision «kill» de la mission de MIAOUF, Duhaime, Vallée et Gagné décident de faire ce qu'il faut pour les écarter du pouvoir:  après discussions et réflexions, elles composent et conviennent de la lettre R-19 destinée aux membres et bénévoles de MIAOUF, version française et version anglaise, qu'elles postent à tous entre le 10 et le 12 avril 2001.

[25]            Le 9 avril 2001, en matinée, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (canadienne) (la SPCA) reçoit une plainte à propos de MIAOUF.  Ce n'est pas la première fois que cela se produit:  au moins 30 plaintes ont été reçues à la SPCA à propos de MIAOUF au fil des ans.  Un inspecteur se déplace au refuge et complète, le jour même, un rapport qu'il remet au Directeur général de la SPCA,  Pierre Barnoti (Barnoti).14  Le Ministère de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation (le MAPAQ) est déjà informé de la situation en cours au refuge MIAOUF et les responsables du ministère sont très inquiets.

[26]            Le 9 avril 2001, en soirée, Barnoti rencontre le conseil d'administration de MIAOUF et plusieurs membres et bénévoles de MIAOUF.  Il leur communique les résultats de l'inspection et leur fait, dira-t-il, un peu de morale.  Il tente de les convaincre que l'amour des animaux ne doit pas être égoïste et que de vouloir sauver des animaux à tout prix constitue de l'acharnement.  Il essaie de leur faire voir que les conditions de vie des animaux de MIAOUF sont abjectes et pathétiques notamment en raison de la présence d'une importante population de rats.  Certains partagent, comprennent ou respectent son point de vue, d'autres pas.

[27]            La réunion du conseil d'administration de MIAOUF se poursuit suite à cette présentation de Barnoti.  Le conseil adopte unanimement trois résolutions:  (1) quarantaine imposée au refuge, (2) euthanasie des chats à compter du 11 avril (selon le rapport R-9) et (3) démarches auprès de la SPCA pour hébergement temporairement de tous les chiens de MIAOUF qui seront évalués et, s'ils ne sont pas susceptibles d'être adoptés,  euthanasiés de façon à ce que les chiens adoptables puissent revenir au refuge une fois la situation sous contrôle.15  Une copie du procès-verbal de cette réunion du conseil d'administration est reproduite à l'annexe 1 du présent jugement.

[28]            Le 10 avril 2001, Barnoti fait parvenir à Graf une offre écrite de collaboration de la SPCA suite à leurs échanges de la veille.  L'offre se lit ainsi:16

«Monsieur le président,

La situation que vit Miaouf en ce moment nous affecte grandement et nous voudrions vous assurer de notre pleine collaboration durant ces moments difficiles.

La SPCA serait heureuse de vous offrir la prise en charge des animaux sains et aptes à l'adoption afin de vous permettre le nettoyage et la désinfection totale des lieux.

Cependant, notre souci, de ne pas contaminer les animaux que nous abritons et le public que nous servons, nous commande ce qui suit:

1.                   Les animaux transférés à la SPCA devront avoir reçu le consentement du Ministère de l'Agriculture, Pêcheries et Alimentation et plus spécifiquement du Dr. Pierre Chartier, directeur régional, quant à leur transport vers la SPCA et à la possibilité de contact avec d'autres animaux.

2.                   Ces animaux devront être accompagnés de résultats d'analyses assurant qu'ils ne sont pas porteurs de maladies ou ils devront avoir fini les traitements prescrits par le M.A.P.A.Q. qui assureront qu'ils sont sains et qu'ils ne peuvent d'aucune façon être en période d'incubation de maladie.

Si les animaux transférés rencontrent ces conditions, nous sommes en mesure de vous assurer qu'aucun d'entre eux ne sera euthanasié et que ceux qui ne trouveront pas preneurs vous seront remis.

En espérant pouvoir coopérer avec votre organisme au sauvetage du plus grand nombre d'animaux possible, je demeure à votre service.

Bien à vous,

Pierre Barnoti
Directeur général
PB/tt»

[29]            Le MAPAQ refuse le consentement requis pour que l'offre de Barnoti puisse se concrétiser.

[30]            Le 11 avril 2001, vers l'heure du lunch, le MAPAQ fait signifier par huissier à MIAOUF, à la résidence de son président Graf, un avis d'intention d'ordonnance d'élimination de chiens et de chats aux termes de la Loi sur la protection sanitaire des animaux.17   Le texte de cet avis est reproduit à l'annexe 2 du présent jugement.

[31]            Le 11 avril 2001, en soirée, les cinq membres restants du conseil d'administration de MIAOUF se réunissent:  Graf, Heidersdorf, Briand, Voyer et Kimmel.

[32]            De nombreux échanges se poursuivent entre eux, collectivement ou autrement. Le 12 avril 2001 en matinée, individuellement, ils parlent à Pierre Chartier, Directeur régional du MAPAQ et signataire de l'avis d'intention.

[33]            Le 12 avril 2001, à l'heure du lunch, les cinq membres du conseil d'administration de MIAOUF votent.  Le texte de la résolution adoptée à la majorité des voix, trois voix «oui» et deux voix «non», est le suivant:18

«Considering the urgency and the gravity of the situation at the shelter, considering the recommandations of the ethics committee, considering the recommandations of Mr. Barnoti from the S.P.C.A., considering the official warnings from the government received by bailiff on april 11, considering that MIAOUF adoption pour animaux inc. has to comply with article 11.1 of the Loi sur la protection sanitaire des animaux, the board has decided to ask the ministère de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation to take all the appropriate and necessary measures to have all the animals in the shelter be euthanized as fast as possible.»

[34]            Le 12 avril 2001, en fin de journée, sur instructions et en vertu d'un mandat reçu du MAPAQ, tous les animaux de MIAOUF sont euthanasiés par le Dr. Jean-François Lanthier aidé de son confrère le Dr. Marc Quenneville.  Graf et Bishop sont présents au refuge comme représentants de MIAOUF.

[35]            Dans son rapport au MAPAQ, Jean-François Lanthier écrit notamment:19

«(…) je me suis rendu au refuge MIAOUF de Ste-Justine-de-Newton vers 17h, afin de procéder à l'euthanasie de chiens et de chats hébergés en ces lieux.

Voici, en bref, les procédures employées:

1.      Évaluation minutieuse des lieux:  odeurs nauséabondes intenses, insalubrité des lieux, sacs de nourriture, dont plusieurs ouverts, entassés dans les corridors et présence abondante de rats (infestation massive).

2.      Discussion du plan d'action avec Dr. Marc Quenneville:  tranquillisation des animaux suivie de l'euthanasie aux barbituriques.

3.      Vérification individuelle des animaux: constat de décès avant l'embarquement dans le camion de l'incinérateur.

4.      Aide au transport des animaux vers l'extérieur du bâtiment.

5.      Total des euthanasiés:  101 chiens et 51 chats.

En conclusion, à la lumière de mes observations, je dois ajouter qu'il était impératif d'agir ainsi en raison de la qualité de vie de ces animaux et pour préserver la santé publique (l'adoption d'un de ces animaux était un risque de transmission de maladie grave pour l'humain tel que leptospirose, salmonellose, giardiose…).

Il est très important d'imposer une extermination des rats et une désinfection des lieux

Sincèrement

Dr. Jean-François Lanthier d.m.v.»

[36]            Jennings, membre de MIAOUF, en contrôle le site Internet.  Il en est le créateur et le gestionnaire, comme spécialiste en la matière:  il a gracieusement offert à MIAOUF cette contribution depuis plusieurs années.

[37]            Jennings apprend l'euthanasie de tous les animaux de MIAOUF:  il réagit.

[38]            Dans la nuit du 12 au 13 avril 2001, Jennings modifie complètement la page d'accueil du site Internet de MIAOUF et son contenu.  Il ouvre aussi un «guest book» sur le site, en quelque sorte un babillard permettant à toute personne d'afficher un ou plusieurs messages et de lire tous les messages affichés.

[39]            Quant à la page d'accueil, il compose un texte et choisit la musique qu'il y joint (Amazing Grace). Ayant reçu instructions d'y insérer un message invitant les internautes membres de MIAOUF à lire, de façon urgente, le texte français ou anglais de la lettre de Duhaime, Vallée et Gagné, il ajoute à sa nouvelle page d'accueil du site les deux versions plein texte de cette lettre et des boutons-liens à celles-ci.

[40]            Le site Internet de MIAOUF, ainsi modifié, ne sera fermé que le 22 avril 2001, à la demande de membres de MIAOUF présents à l'assemblée générale, et en raison de l'adoption d'une résolution qu'ils y présentent.

Les écrits des intimés

[41]            Duhaime, Vallée et Gagné sont les co-auteurs de la lettre postée aux membres et bénévoles de MIAOUF, entre le 10 et le 12 avril 2001, et remise à certaines autres personnes:  pièce R-19.

[42]            La version française de cette lettre est reproduite à l'annexe 3 du présent jugement, alors que la version anglaise se retrouve à l'annexe 4.

[43]            Jennings est l'auteur du texte de la page d'accueil du site Internet de MIAOUF pour la période du 13 au 22 avril 2001 (pièce R-18) qui est reproduit à l'annexe 5 du présent jugement.

[44]            Jennings est aussi l'auteur des trois messages affichés au «guest book» du site Internet de MIAOUF le 13 avril 2001 (pièce R-45) et reproduits à l'annexe 6 du présent jugement.

[45]            Duhaime a fait certaines déclarations à The Hudson Gazette (pièce R-51).

[46]            Duhaime, Vallée, et Jennings sont les auteurs des documents postés aux membres de MIAOUF en vue de la réunion annuelle du 8 décembre 2001 et dans lesquels se retrouve la phrase suivante dans la version française:  «étudier les événements et rapporter aux membres les circonstances autour de la tuerie du 12 avril;» (pièce R-79).

Les questions en litige

[47]            Le Tribunal doit répondre, le cas échéant, aux quatre questions suivantes:

Question no.1:         Les écrits des intimés sont-ils diffamatoires?

Question no.2:          Les intimés ont-ils commis une faute?

Question no.3:         L'atteinte illicite aux droits fondamentaux des requérants est-elle intentionnelle?

Question no.4:          De quels dommages causés et subis les intimés ou les requérants, selon le cas, sont-ils redevables?

[48]            Avant de répondre aux questions en litige à la lumière de la preuve administrée au dossier, certaines remarques préliminaires s'imposent quant à la crédibilité des témoins entendus.

La crédibilité des parties ou de leurs témoignages

[49]            Toutes les parties ont raconté les événements qu'elles ont vécus ou subis, ainsi que les conclusions qu'elles en ont tirées, avec honnêteté, souci de vérité et sobriété. Le Tribunal n'en doute pas.

[50]            Ce n'est donc pas de la crédibilité des personnes dont il est question au présent dossier mais plutôt de la crédibilité de leurs propos au regard de la réalité.

[51]            Les conclusions retenues par le Tribunal sont le résultat de ce qui s'est réellement passé à son avis et de la véritable nature des faits et gestes de chacun, au fil des mois pertinents à la solution des questions en litige, toutes émotions mises de côté et à la lumière de l'ensemble des informations communiquées.

La crédibilité des autres témoins

[52]            Les autres témoins entendus en demande sont:  Briand, Jean Claude Brousseau,  Barlotti, Louis A. Legault, Jean François Lanthier (Lanthier), Thérèse Ivankowski et Marie Josée Fox (Fox).

[53]            Quant à ceux qui ont été entendus en défense, il s'agit de:  Richard Kimmel (Kimmel), Diane Patterson (Patterson), Joceline Poupart (Poupart), Taylor, Dubé, Bishop, Lalonde, Isabelle et Oleg Romar, Voyer, Yvan Dumais et  Elisabeth Bolin.

[54]            Jean Claude Brousseau, Barlotti, Jean François Lanthier et Fox communiquent des faits précis et dont la crédibilité n'est pas susceptible d'être contestée.

[55]            Briand livre un témoignage précis, pondéré et crédible que le Tribunal retient intégralement tant en raison de son contenu que de la façon suivant laquelle il a été communiqué.  Briand fait la part des choses et ne teinte pas ses propos d'aspirations, de perceptions, de frustrations ou d'une vision arrêtée de ce qu'est la mission de MIAOUF.

[56]            Louis A. Legault, un ami de Graf et de Heidersdorf, communique ce qu'il a observé, constaté et ressenti auprès de ses deux amis au fil des ans et, plus spécifiquement, à la suite de la publication des écrits en litige et de l'euthanasie des animaux de MIAOUF.  Le Tribunal retient intégralement ce témoignage émouvant et empreint de réserve bien que sachant, comme l'a lui-même souligné le témoin, qu'il est rendu sous «le biais de l'amitié».

[57]            Quant à Thérèse Ivankowski, malgré toute la bonne foi dont fait preuve ce témoin, son témoignage comporte des inexactitudes quant au temps et au contenu de certains événements et il faut donc l'écarter.

[58]            Kimmel, Voyer, Taylor, Dubé, Lalonde et Bishop ont été mêlés de près aux activités de MIAOUF à titre de membres du conseil d'administration, avec ou sans droit de vote.  Bien qu'ils témoignent tous avec bonne foi, le constat suivant s'impose:  les faits qu'ils rapportent sont teintés par leurs aspirations, leurs perceptions, leurs frustrations et leur vision de ce qu'est ou devrait être la mission de MIAOUF.  Une certaine prudence est de mise.

[59]            Le Tribunal ne met pas en doute les faits objectifs que rapportent Patterson, les Romar, Yvan Dumais (conjoint de Duhaime) et Elisabeth Bolin lorsqu'ils sont corroborés par un écrit ou un autre témoin.  Quant aux autres déclarations que font ces témoins, lesquelles participent généralement de perceptions ou de ouï-dire, elles ne reflètent pas toujours la réalité.  Dans le cas de Patterson tout particulièrement, il est manifeste qu'elle s'est fait une image des plus négatives de Graf et de Heidersdorf suite à l'euthanasie des animaux et aux écrits des intimés:  lors de son interrogatoire, elle déclare être dégoûtée de se trouver dans la même pièce qu'eux.

[60]            Finalement, Poupart reconnaît sa mémoire sélective des événements et rechercher autant que possible à les oublier.  La méfiance s'impose quant à toutes les déclarations préjudiciables de Poupart à l'égard des personnes qu'elles concernent.

Analyse 

Question no.1:           Les écrits des intimés sont-ils diffamatoires?

 

[61]            Une seule réponse possible à cette première question:  OUI.

[62]            Est généralement diffamatoire l'écrit qui identifie une personne, directement ou indirectement mais spécifiquement, et dont le contenu est susceptible d'affecter négativement la réputation, l'estime ou le respect dont jouit cette personne auprès d'autrui ou de susciter à son égard des sentiments défavorables ou désagréables.

[63]             À ce propos, les juges L'Heureux-Dubé et Lebel écrivent à l'arrêt Prud'homme prononcé par la Cour suprême du Canada le 20 décembre 2002, aux paragraphes 33 et 34:20

«Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l'existence d'un préjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les propos litigieux sont diffamatoires.  Le concept de diffamation a fait l'objet de plusieurs définitions au fil des années.  De façon générale, on reconnaît que la diffamation «consiste dans la communication de propos ou d'écrits qui font perdre l'estime ou la considération de quelqu'un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables» (Radio Sept-îles, précité, p.1818).

La nature diffamatoire des propos s'analyse selon une norme objective…  Il faut, en d'autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d'un tiers.  À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l'idée qu'elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s'en dégagent

[64]            Ils poursuivent en indiquant que, dans l'affaire Beaudouin c. La Presse Ltée,21 le juge Jean-Pierre Sénécal de notre Cour a bien résumé la démarche à suivre pour déterminer si des propos revêtent un caractère diffamatoire:22

«La forme d'expression du libelle importe peu; c'est le résultat obtenu dans l'esprit du lecteur qui crée le délit.»  L'allégation ou l'imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte «par voie de simple allusion, d'insinuation ou d'ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique».  Il arrive souvent que l'allégation ou l'imputation «soit transmise au lecteur par le biais d'une simple insinuation, d'une phrase interrogative, du rappel d'une rumeur, de la mention de renseignements qui ont été filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux.

Les mots doivent d'autre part s'interpréter dans leur contexte.  Ainsi, «il n'est pas possible d'isoler un passage dans un texte pour s'en plaindre, si l'ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait».  À l'inverse, «il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l'ensemble d'un texte divulgue un message opposé à la réalité».  On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc.  «Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s'interpréter les uns par rapport aux autres.»          (Nos caractères gras)

[65]            Le test applicable est objectif:  compréhension et perception du lecteur raisonnable.  L'interprétation voulue de l'auteur et ses intentions, bien que pertinentes à l'évaluation du caractère intentionnel ou non de l'atteinte, le cas échéant, ne sont aucunement pertinentes à la qualification du contenu de ses écrits.23 

[66]            Graf et Heidersdorf ont l'intérêt juridique suffisant pour se plaindre de ces propos qui les concernent, nommément ou non mais personnellement et spécifiquement, et dont le contenu est susceptible d'affecter négativement leur réputation, l'estime ou le respect dont ils jouissent auprès d'autrui ou de susciter à leur égard des sentiments défavorables ou désagréables.24   

 

 

 

La lettre R-19

[67]            La lettre R-19, version française ou version anglaise, affecte négativement la réputation de Graf et de Heidersdorf et est manifestement susceptible de réduire l'estime et le respect du lecteur à leur égard. 

[68]            Les auteurs provoquent le lecteur à l'aide d'une série d'affirmations, d'interrogations, de sous-entendus, de combinaisons de faits et de demi-vérités afin de le convaincre de l'urgence de discuter et d'arrêter l'énoncé de mission de MIAOUF (kill ou no kill) et de participer à l'assemblée proposée.

[69]            Ainsi, à titre d'exemples, les auteurs parlent de narration d'histoires, de non-conformité aux statuts, de refus du président de convoquer une réunion des membres de MIAOUF, de belles paroles prononcées, d'absence de toute autorisation de dépenses, d'administration non conforme des dons, de conflits d'intérêts, d'appropriation de fonds, de refus du président d'autoriser les soins requis par les animaux alors qu'il s'offre, ainsi qu'à son épouse, le luxe d'une publicité purement personnelle aux frais de MIAOUF et de non respect de l'éthique.

[70]            Les auteurs cherchent à discréditer les principaux défenseurs d'un énoncé de mission qu'elles ne partagent pas et, partant, à améliorer leurs chances de les écarter du pouvoir:  les interrogatoires au préalable de Vallée et de Duhaime déposés au dossier et leurs témoignages au procès le confirment.

[71]            Au préalable, Vallée affirme quant à l'objectif poursuivi par l'envoi de la lettre: «C'était, oui, qu'ils se retirent de la présidence»25; « Oui, expell, envoyer»26; «seulement les tasser un tout petit peu, oui»27.  Quant à Duhaime, elle déclare « The letter had a very specific objective».28            

[72]            Au procès, Vallée ajoute qu'elles voulaient absolument arrêter Graf dans la direction qu'il prenait, qu'il leur fallait en mettre assez pour que les membres réagissent et que les choses changent, qu'elles voulaient la démission de Graf sans la lui demander, qu'elle n'a pas aimé que Poupart distribue des copies de la lettre R-19 aux commerçants voisins des Graf-Heidersdorf et qu'elle l'a clairement fait savoir à Poupart lors d'une rencontre le 16 avril 2001.

[73]            Quant à Duhaime, elle reconnaît qu'il leur fallait trouver un mécanisme pour assurer un changement de conseil d'administration afin de protéger MIAOUF d'une modification de sa mission de refuge «no kill».  Elle déclare qu'elle aurait dit à Poupart de prendre une douche froide si Poupart lui avait demandé son avis avant de procéder à la distribution de copies de la lettre R-19 chez les commerçants voisins des Graf-Heidersdorf.

[74]            Le dossier ne comporte aucune déclaration de Gagné qui n'était pas représentée par procureur et à l'égard de laquelle le dossier a procédé ex parte.  La preuve révèle que Gagné aurait fraudé MIAOUF en juin 2001, s'appropriant frauduleusement une somme de 35,000$ en falsifiant la signature de Vallée sur des chèques tirés sur le compte de MIAOUF, ce qui aurait donné lieu à des procédures criminelles où sa culpabilité aurait été établie et à une sentence d'emprisonnement imposée.

[75]            Le contenu des deux messages suivants, affichés au «guest book» du site Internet de MIAOUF, fournit un aperçu significatif de ce qu'a été la compréhension du lecteur de la lettre R-19 :29

«The bottom line on this issue is this, the Board that was supposed to be in charge of a "no kill animal shelter" then kills the animals, and they failed to do their job that they were voted in to do miserably.  Stating as Dawg-Lover likes to do, that the conditions at the shelter were abominable, and in not using the funds of the shelter at their disposable, for fixing up the shelter and trying to alleviate most of the major problems to ensure the shelter came up too standards, but no, they refused to use the funds for the animals living quarters but use $40,000.00 to fix up the house for the "PRESIDENT'S CLEANING LADY AND FAMILY", so they could live there.  They sent 175 animals to their deaths… (William Willets- 14 avril)»

«Shame on you Eric & Renate for the senseless slaughter of God's creatures. Those poor defenceless (sic) animals looked up to you for compassion.  All it took was a simple inoculation.  If you weren’t spending OUR money on yourselves none of this would have taken place… There is just no excuse for your stupidity. If it's the last thing I do I will make sure you never re-open again.  I only hope & pray you both meet with the same ending & may God take pity on your miserable souls!!! (Rosemary Gould- 15 avril)»

[76]            Briand, dont le témoignage est, comme l'a déjà mentionné le Tribunal, précis, pondéré et crédible, réagit ainsi à la lettre R-19:  «a rag», «the intent was to smear».

[77]            Fox, un témoin tout à fait indépendant et dont la crédibilité ne fait aucun doute, exploite un commerce d'ordinateurs et de location de vidéos à quelques portes du studio de Heidersdorf et de la résidence des Graf-Heidersdorf.  Elle ignore tout de MIAOUF.  Le 13 avril, alors qu'elle s'affaire à répondre aux clients qui se trouvent dans son commerce, Poupart, une bénévole de MIAOUF, se présente.  Elle lui remet une copie de la lettre R-19 dans une enveloppe sur laquelle elle a écrit en rouge «Important Pls open right away».

[78]            Fox ouvre l'enveloppe et lit la lettre:  elle y constate une attaque à la réputation de ses voisins Graf et Heidersdorf.  L'impression produite c'est qu'ils n'auraient pas fait ce qu'ils devaient faire et qu'ils seraient malhonnêtes.  Ces implications de malhonnêteté la choquent profondément.  Elle ne peut concevoir que de telles accusations soient portées à l'endroit de ses voisins.

La nouvelle page d'accueil du site Internet de MIAOUF et sa musique

[79]            Les termes utilisés invitent le lecteur à des sentiments et réactions négatives et haineuses, si non violentes, à l'égard des membres du conseil d'administration de MIAOUF qui ont voté en faveur de l'euthanasie des animaux.

[80]            Deux épithètes «tyrans et dictateurs» qualifient ce qu'ils sont et leur façon d'agir.

[81]            Le souhait formulé est qu'ils pourrissent en enfer pour l'éternité.

[82]            L'euthanasie des animaux constitue, écrit-on, l'insulte ultime d'une dictature qui a fait fi des conseils professionnels reçus et euthanasié 175 animaux sans aucune raison logique.

[83]            La musique Amazing Grace accompagne ces paroles.

[84]            La série de messages affichés au «guest book» au cours de la période du 13 au 22 avril 2001 est éloquente:  plusieurs messages haineux s'y retrouvent.  Graf et Heidersdorf sont comparés à Hitler, eux qui sont tous les deux d'origine allemande.

[85]            À titre d'exemples, les extraits suivants de messages:30 

·         The opening message says it all

·         I hope these board members are ran out of town or WORST

·         Those poor creatures were exterminated by power freaks.  They went to any measure to kill the animals

·         I hope the "jerk" behind the order to kill these defenceless animals ROTS IN HELL!  For what has been done

·         I see the individuals that MURDERED these poor defenceless animals as HITLERS!

·         I believe you do true animal lovers and activists a real disservice when you use such inflammatory language… The guestbook signer on the first page who invoked the name of Hitler really needs psychological help-or, mayhap, a history lesson

·         The shameless bickering in this guest book must stop.  It is a terrible thing that the animals died.  It is far more horrible thing that, instead of picking up the pieces and re-opening the shelter to new animals, good and caring people are hurling insults and accusations at each other

 

 

 

[86]            Lors de son interrogatoire au préalable du 19 avril 2002, Jennings affirme qu'il a fermé le «guest book» dans le contexte suivant:  «Q- Did you close it because there was in your mind and in your opinion too many e-mails that went beyond limits?  A- That was one of the reasons, and another one too many anonymous e-mail».31  

[87]            Au procès, Jennings admet regretter son choix de mots.

[88]            Quant à Vallée, elle y déclare que la demande de fermer le site Internet a été présentée par les membres de MIAOUF, à la réunion du 22 avril 2001, puisque ce qui s'y passait n'était pas sain.  Elle ajoute qu'elle n'aurait pas utilisé les termes contenus à la page d'accueil (pièce R-18).

Trois messages de Jennings au «guest book» le 13 avril 2001 (pièce R-45)

[89]            Jennings a affiché des messages au «guest book» du site Internet de MIAOUF: trois d'entre eux, du 13 avril 2001,  identifient spécifiquement des personnes et affectent négativement leur réputation, l'estime ou le respect dont elles jouissent auprès d'autrui ou suscitent à leur égard des sentiments défavorables ou désagréables.

[90]            Au premier message du 13 avril, Jennings affirme qu'un dictateur a tué tous les animaux de MIAOUF et que ce dictateur s'est empressé de mettre à exécution sa décision alors qu'une solution était trouvée.

[91]            Au second message du 13 avril, après avoir affirmé que seul le président était responsable de l'euthanasie, Jennings reprend les interrogations contenues à la lettre R-19:  les commentaires relatifs à cette lettre s'appliquent à ce message.

[92]            Au troisième message du 13 avril, Jennings décrit ainsi Graf et Heidersdorf «More horn blowing about themselves than the welfare of the animals».

Les déclarations à The Hudson Gazette (pièce R-51)

[93]            Le titre de l'article «we want to find out where the money donated was being spent» est une phrase prononcée par Duhaime.  Prise isolément, cette phrase n'est pas nécessairement diffamatoire:  dans le contexte prévalant à cette date, il en est autrement.  Ce titre laisse planer le doute quant à l'honnêteté des administrateurs en place au moment de l'euthanasie.

[94]            Dans le texte de l'article, cette phrase est répétée et elle est suivie d'une autre affirmation de Duhaime « Former President Erik Graf can't spend shelter money any more».  Ces propos sont manifestement diffamatoires:  un lecteur raisonnable retient de ces deux phrases qu'une enquête est en cours et qu'il y a possiblement détournements de fonds.

 

Les documents aux membres pour l'assemblée du 8 décembre (pièce R-79)

[95]            L'usage du mot «tuerie» porte le lecteur à juger les responsables de l'événement négativement.  En effet, le mot tuerie est défini comme signifiant l'action de tuer en masse et sauvagement à l'instar d'une boucherie, d'un carnage, d'une hécatombe et d'un massacre.32  

Question no.2:         Les intimés ont-ils commis une faute?

[96]            La réponse à cette question est aussi positive:  les intimés ont commis une faute.

[97]            Il n'y a pas automatisme entre propos diffamatoires et responsabilité civile.

[98]            Pour que la responsabilité civile soit engagée, il doit y avoir faute.

[99]            La faute peut résulter de deux types de conduite:  une conduite malveillante ou une conduite négligente.33

«La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s'attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l'humilier, à l'exposer à la haine ou au mépris du public ou d'un groupe.  La seconde résulte d'un comportement où la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie.  Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu'il existe de différence entre elles sur le plan du droit.»

[100]       La mauvaise foi ou l'intention de nuire, bien qu'elles engagent la responsabilité, ne sont  pas des ingrédients requis pour que la responsabilité soit engagée:34

«En d'autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d'abandonner résolument l'idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d'un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.» (Nos caractères gras et soulignements)

[101]       Ainsi, la responsabilité de l'auteur de propos diffamatoires peut être engagée:

·        lorsqu'il sait qu'ils sont faux et qu'il les propage par méchanceté ou avec l'intention de nuire à autrui; 

·        lorsqu'il les diffuse, alors qu'ils sont faux, sans avoir vérifié leur exactitude et alors qu'il a, ou devrait avoir, des raisons de douter de leur véracité; ou

·        lorsqu'ils sont véridiques, mais qu'il médit sans justes motifs.

 

 

 

 

[102]       Comme l'écrivent les juges L'Heureux-Dubé et Lebel dans l'arrêt Prud'homme,35 «en droit civil québécois, la communication d'une information fausse n'est pas nécessairement fautive.  À l'inverse, la transmission d'une information véridique peut parfois constituer une faute.(…)  Dans tous les cas, l'appréciation de la faute demeure une question contextuelle de faits et de circonstances».36

[103]       Décider un litige en matière de diffamation commande de pondérer deux valeurs fondamentales de notre société:  la liberté d'expression et la protection de la dignité et de la réputation de la personne.

[104]       Dans l'arrêt Hill, le juge Cory rappelle l'importance de la liberté d'expression pour une société libre et démocratique:37

«On a beaucoup écrit sur l'importance primordiale de la liberté de parole.  Sans cette liberté d'exprimer des idées et de critiquer tant le fonctionnement des institutions que le comportement des particuliers attachés aux offices gouvernementaux, les formes démocratiques de gouvernement se détérioreraient et disparaîtraient. (…)

Il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques.  La notion d'expression libre et sans entraves est omniprésente dans les sociétés et les institutions vraiment démocratiques.  On ne peut trop insister sur l'importance primordiale de cette notion.»

[105]       Il ajoute que la protection de la réputation de la personne est tout aussi importante:38

«(…) la plupart des gens tiennent plus que tout à leur bonne réputation, qui se rattache étroitement à la valeur et à la dignité innées de la personne.  Elle est un attribut qui doit, au même titre que la liberté d'expression, être protégé par les lois de la société. (…)

Bien que le droit de la diffamation ne serve plus de rempart contre le duel et les conflits sanguinaires, la protection de la réputation demeure d'importance vitale. (…) la réputation est le [TRADUCTION] "pilier fondamental grâce auquel les gens peuvent interagir avec autrui en milieu social".  Du même coup, il sert l'objectif aussi fondamentalement important, voire même plus, de protéger l'image de soi d'un individu et son sens de sa valeur propre.  Ce sentiment a été exprimé avec éloquence par le juge Stewart (…):

                         [TRADUCTION] Le droit d'un homme à la protection de sa réputation contre toute intrusion injustifiée et tout préjudice illégal ne reflète rien de plus que notre concept fondamental de dignité et de valeur essentielles à tout être humain-un concept à la base de tout système acceptable de liberté ordonnée.»

[106]       Pour répondre à la deuxième question, les intimés ont-ils commis une faute, le Tribunal doit donc se poser les sous-questions suivantes:

Sous-question no 1:     Les propos sont-ils faux ou véridiques?

Sous-question no 2: Si les propos sont faux, la preuve révèle-t-elle méchanceté, intention de nuire ou négligence?  Si les propos sont vrais, la preuve démontre-t-elle médisance sans justes motifs?

Sous-question no 1: Les propos sont-ils faux ou véridiques?

 

[107]       En substance, la lettre R-19 comporte les 20 catégories suivantes à évaluer:

Þ    la non-conformité du conseil aux statuts de MIAOUF;

Þ    le refus de Graf de convoquer une assemblée;

Þ    l'affirmation selon laquelle Graf aurait déclaré qu'il changerait la mission du refuge en «kill»;

Þ    l'état du toit, l'absence de clôture, le manque chronique de fourniture pour les animaux, la destination de la maison à des fins autres que bureau/réception ou refuge pour les chats et le congédiement d'employés malgré les belles paroles de Graf;

Þ    l'absence d'approbation préalable des dépenses par le conseil d'administration;

Þ    la surcharge de 10 000$ pour le toit;

Þ    le 2 000$ pour le chocolat qui pourrit dans le garage de Graf;

Þ    le 3 000$ pour les dépliants jamais expédiés alors que les animaux ont froid;

Þ    les ententes avec la famille Todd (la femme de ménage);

Þ    le 40 000$ de dépenses pour la rénovation de la maison;

Þ    les frais légaux;

Þ    le statut de MIAOUF auprès des divers ministères et organismes (Revenu Québec, Revenu Canada, CSST, Ministère des institutions financières);

Þ    le dossier assurance de MIAOUF;

Þ    la camionnette de MIAOUF et le 5 000$ qui aurait été dépensé pour la réparer aussitôt reçue;

Þ    l'interdiction du président de faire soigner les animaux;

Þ    l'autorisation de dépenser quelques milliers de dollars pour une activité au country club et le forum de publicité personnelle;

Þ    le défaut de suivre les conseils du comité d'éthique et le refus du don promis par Duhaime;

Þ    le mandat donné par Graf, sans consulter le conseil, pour les travaux de chatterie, la dépense effectuée, l'obligation de refaire ces travaux et l'évaluation de Taylor;

Þ    la mission de MIAOUF et le désaccord des membres du conseil avec cette mission;

Þ    le fait que les priorités ne soient pas à la bonne place et qu'il faille intervenir pour corriger le tir.

[108]       Quant à la page d'accueil du site Internet, au-delà du nombre d'animaux mentionné, il faut traiter de l'usage des épithètes tyrannie et dictature, de l'affirmation d'élimination sans pitié et sans remords et de l'affirmation à l'effet que la décision a été prise sans aucune raison valable et sans conseils professionnels.

[109]       En ce qui a trait aux trois courriels de Jennings affichés au «guest book», les éléments pertinents sont ceux de la lettre R-19 ou de la page d'accueil auxquels s'ajoutent l'affirmation de l'empressement à euthanasier malgré une solution trouvée et celle relative à l'attitude «More horn blowing about themselves than the welfare of the animals» de Graf et de Heidersdorf.

[110]       Les deux phrases de Duhaime à The Hudson Gazette réfèrent à une gestion inadéquate des fonds amassés par MIAOUF ou, en d'autres termes, à des dépenses non autorisées par le conseil d'administration (pièce R-51).

[111]       Enfin, l'usage du mot «tuerie» constitue le reproche mentionné à l'égard des documents aux membres (pièce R-79).

 

 

 

 

La non-conformité du conseil aux statuts de MIAOUF

[112]       Cette affirmation est fausse.

[113]       En tout temps pertinent, les quatre postes du conseil d'administration (président, vice-président, secrétaire et trésorier) ont été occupés par des personnes régulièrement élues.  Lorsqu'un poste est devenu vacant, il a été comblé par un nouvel occupant élu par les membres du conseil d'administration conformément aux règlements généraux. Jamais deux de ces postes ne sont devenus vacants en même temps.  En tout temps pertinent, au moins trois des quatre personnes étaient présentes lors des votes au cours des assemblées du conseil d'administration.

[114]       Le 30 septembre 2000, 10 membres sont élus au conseil d'administration:  Graf, Dubé, MacEachen, Lalonde, Heidersdorf, Duhaime, Heaney, Briand, Taylor et Guertin. Les quatre postes décrits aux règlement généraux sont ainsi comblés:  Graf est président, Dubé est vice-président, MacEachen est secrétaire et Lalonde est trésorier.

[115]       Les règlements généraux de MIAOUF prévoient:39         

«La corporation est administrée par un conseil d'administration composé de quatre membres, soit le président, le vice-président, le secrétaire et le trésorier. (article 15 A)

(…)

Aux assemblées, toutes les questions sont décidées à la majorité simple des voix;

Pour qu'il y ait quorum, trois administrateurs au moins doivent être présents;

En cas d'égalité des voix, le président du conseil d'administration a un vote prépondérant (article 21).

(…)

Si un poste devient vacant au conseil d'administration, les membres restant du conseil d'administration peuvent, par résolution, remplacer l'administrateur dont le poste est devenu vacant par un autre administrateur nommé par le conseil d'administration et qui sera en fonction pour la partie non-expirée du mandat de son prédécesseur.

Au cas où deux postes ou plus du conseil d'administration deviendraient vacants en même temps, une assemblée générale spéciale des membres sera convoquée sur le champ par les administrateurs restant pour pourvoir à la nomination des postes vacants. (article 23).» (Nos caractères gras et soulignements)

[116]       Le 13 novembre 2000, Dubé remet sa démission.40  Il est remplacé au poste de vice-président par Briand, déjà membre du conseil.  Duhaime, présente, est d'accord avec cette décision.

[117]       Le 8 janvier 2001, MacEachen indique qu'elle ne souhaite plus être la secrétaire du conseil mais qu'elle va continuer à y siéger.  La candidature de Voyer est proposée: Voyer est élue membre du conseil d'administration et secrétaire de celui-ci.  Tous les membres présents du conseil d'administration sont d'accord pour qu'il en soit ainsi à l'exception de Duhaime qui, présente, s'abstient de voter.41     

[118]       Le 5 mars 2001, Jean-Marc Lalonde annonce son intention de démissionner du conseil et de quitter son poste de trésorier.42  Le 19 mars 2001, Kimmel est présenté au conseil comme futur trésorier en remplacement de Lalonde.43  Duhaime a déjà démissionné à cette date.44

Le refus de Graf de convoquer une assemblée

[119]       Cette affirmation est inexacte.  Graf n'a jamais refusé de convoquer une assemblée.

L'affirmation selon laquelle Graf aurait déclaré qu'il changerait la mission du refuge en «kill»

[120]       Cette affirmation est inexacte en ce que Graf n'a jamais prononcé de telles paroles.  Certaines personnes ont retenu que telles étaient ses intentions:  rien de surprenant puisque les perceptions varient au fil des définitions des termes «kill» et «no kill» et des priorités de chacun.

[121]       Lorsqu'il accepte de se joindre à MIAOUF en septembre 2000, Graf comprend que la mission de MIAOUF est de recueillir des chats et chiens abandonnés et de leur offrir un refuge jusqu'à ce qu'un nouveau maître soit identifié, jusqu'à ce qu'ils soient adoptés.  Tous les efforts requis doivent être faits à cette fin.  L'animal reste chez MIAOUF tant et aussi longtemps qu'il n'est pas adopté:  pas question d'euthanasier un animal trouvé sous prétexte qu'il n'est pas beau ou que, faute de place ou de ressources, MIAOUF ne peut pas l'héberger.  La question des animaux malades ou agressifs, et par conséquent non adoptables, ne se pose pas à ce moment-là.

[122]       Graf a pris connaissance des statuts de MIAOUF qui indiquent le nom complet de la société, MIAOUF Adoption pour animaux Inc., de même que les objets de celle-ci:45      

«1)       Favoriser l'adoption des bêtes qui ont déjà des maîtres et qui désirent s'en départir, de même que l'adoption des bêtes perdues et abandonnées, par:

A)      La parution d'articles et photos des bêtes dans les journaux locaux;

B)     Des émissions de radio (ou l'on fera de l'adoption sur ligne ouverte);

C)     L'organisation de journées d'adoption ou (sic) il est possible aux uns d'y amener des bêtes pour les faire adopter et aux autres de venir les adopter;

D)     Et par tout autre moyen simple et efficace.

2)            Recevoir et abriter, temporairement, les animaux perdus, blessés ou ceux dont les maîtres se départissent, sans nous laisser le temps de leur trouver un nouveau maître:

A)     En les hébergeant dans un local aménagé pour cela;

B)     Ou en leur trouvant un "foyer d'accueil".

3)            Aider en situation d'urgence les animaux prix dans des endroits fâcheux, blessés, abandonnés, en mauvais état, et intervenir lorsqu'il y a violence ou injustice à leur égard, par des moyens légaux.

4)            Permettre aux personnes handicapées, aux personnes âgées et aux adolescents de venir aimer ou prendre soin des bêtes dans le local aménagé pour ces dernières.

5)            Faire connaître les animaux de notre environnement et trouver les moyens pour les protéger.

6)            Aider à la mise en vigueur des Lois du Canada et du Québec concernant la cruauté envers les animaux.

7)            Ramasser de l'argent et autres biens par voie de souscription publique ou autrement, dans le but de promouvoir les objectifs de la corporation.

8)            Donner des conseils sur les problèmes concernant les animaux; éditer des lettres, pamphlets et circulaires.

9)            Retrouver les propriétaires d'animaux perdus, en déclarant ces derniers, lorsqu'ils nous sont amenés, aux fourrières responsables, en conservant les coordonnées de ces bêtes et en les annonçant dans les journaux locaux.»  (Nos caractères gras et soulignements)

[123]       Pour Graf, deux éléments très importants définissent la mission de MIAOUF: adoption et hébergement temporaire.  L'objectif à poursuivre est donc toujours la recherche d'un foyer adoptif pour l'animal hébergé.

[124]       Dès le 6 octobre 2000, Graf réalise que la situation financière de MIAOUF est précaire.  Plusieurs chats hébergés dans le refuge, ou la maison adjacente qui appartient aussi à MIAOUF, sont atteints de maladies incurables et contagieuses.  Ces animaux ne peuvent pas être présentés pour adoption.

[125]       Dans ce contexte économique difficile et compte tenu de la non adoptabilité de ces animaux, se pose un dilemme:  les garder et leur consacrer une partie des ressources financières limitées de MIAOUF ou recourir à l'euthanasie.

[126]       Afin d'assurer le maximum de ressources disponibles aux animaux qui peuvent être adoptés, Graf et Heidersdorf favorisent le recours à l'euthanasie.  Tous les membres du conseil d'administration de MIAOUF ne partagent pas leur point de vue.  Pour plusieurs, MIAOUF est un refuge «no kill» c'est-à-dire un refuge qui doit garder les animaux jusqu'à ce qu'ils meurent naturellement:  pour eux, cette caractéristique de MIAOUF est la principale raison pour laquelle de nombreux donateurs et bénévoles supportent MIAOUF.

[127]       Confronté à cette divergence de points de vue, le conseil d'administration convient le 6 octobre 2000 de confier l'examen de la question à un comité d'éthique et s'engage à l'avance à respecter les recommandations que fera ce comité.

[128]       Le 17 décembre 2000, le comité recommande qu'il n'y ait pas d'euthanasie.  Graf et Heidersdorf manifestent leur désaccord mais Briand leur rappelle l'engagement de suivre les recommandations du comité d'éthique.  Le recours à l'euthanasie est donc écarté.

[129]       Le dossier semble clos.  La chatterie est construite à l'intérieur du refuge et tous les chats y sont  installés.

[130]       Au printemps 2001, le débat refait surface alors que se déclare la présence probable de leptospirose au refuge.  À ce moment-là, plusieurs administrateurs du «dream team» ont démissionné, de moins en moins de bénévoles prêtent main-forte au personnel en place au refuge et les ressources financières sont de plus en plus limitées.

[131]       Le 1er avril 2001, lors d'une rencontre de membres du conseil avec un groupe de bénévoles de MIAOUF, Graf fait état de la situation des plus difficiles dans laquelle est plongée MIAOUF et du besoin d'agir.  Les bénévoles présents qui favorisent une vision «no kill» concluent que Graf vient de leur dire qu'il change unilatéralement, et sans consultation, la mission de MIAOUF.

[132]       Graf et Heidersdorf favorisent une mission «no kill, avec exceptions» pour MIAOUF et leurs démarches s'inscrivent à l'intérieur d'un processus démocratique:  Graf et Voyer travaillent le texte d'un sondage à effectuer auprès des membres et bénévoles de MIAOUF pour définir précisément la mission de MIAOUF et clarifier le sens à donner aux mots «kill» et «no kill».  Le 4 avril 2001, Graf communique à Voyer un projet de sondage auprès des membres et bénévoles pour examen et commentaires:  le texte de ce courriel est reproduit à l'annexe 7 du présent jugement.46 

 

 

[133]       À la suite d'une demande que lui a fait Graf, l'un de ses clients, le Dr. Hamel (Hamel) se rend au refuge examiner les animaux.  Il doit faire des recommandations au conseil de MIAOUF quant à l'opportunité de procéder à l'euthanasie de certains animaux suite au rapport unanime des membres du comité d'éthique de MIAOUF remis à Graf  le 27 mars 2001.47  Vallée assiste à la visite.  Elle s'inquiète.

[134]       L'inquiétude des tenants du «no kill» est à son paroxysme à la suite de la plainte auprès de la SPCA et des propos de son directeur général Barnoti, en soirée le 9 avril 2001, alors qu'il rencontre le conseil d'administration de MIAOUF et certains membres et bénévoles.48       

[135]       De l'ensemble de ces faits, Vallée, Gagné et Duhaime concluent que Graf  change la mission de MIAOUF en «kill», mais Graf n'a jamais déclaré qu'il le faisait.

[136]       La question n'est pas nouvelle.  Elle a déjà fait l'objet de discussions et de décisions des précédents conseils d'administration, dont le conseil de Duhaime, mais le débat n'est toujours pas réglé.  Les mots sont une chose, la compréhension des membres et des bénévoles en est une autre.

[137]       En effet, le 24 mars 2000, le conseil d'administration formé de Duhaime, Gagnon, Nicole Joncas (Joncas) et Jacqueline Bouchard (Bouchard) vote la résolution d'euthanasie suivante:49

«Les deux recommandations de la directrice générale, nommément celle de faire euthanasier les chats porteurs des deux maladies et portant des signes visibles et d'informer les adopteurs potentiels, sont acceptées unanimement par le conseil.»    

[138]       Le 7 juillet 2000, Bishop écrit à son rapport de directrice générale:50

«No Kill Policy

-I feel it is very important to clearly define the Boards interpretation of the no-kill policy.

-The lack of consensus on this issue is of great concern to our members, volunteers, staff and myself.  I would like suggest we adopt the following policy:

-that Miaouf does not euthanize adoptable animals.
e.g. no sign of disease, does not pose a public health or safety risk e.g. aggression, animal is not sick, suffering.»                      

 

 

 

[139]       Le 7 juillet 2000, le conseil d'administration adopte la politique suivante:51

«La directrice générale demande une politique claire et précise sur la mission de non euthanasie de Miaouf. Le Conseil réitère la philosophie de Miaouf. Aucun animal sain ne doit être euthanasié. La mission de Miaouf est la préservation de la vie animale. Si un animal est souffrant, il doit être traité; un animal a le droit de vivre sa vie naturelle et a le droit d'être protégé. Si un animal souffrant a reçu tous les soins possibles à son rétablissement, que sa condition est telle qu'il endure des souffrances et qu'il ne se rétablira pas, seulement dans ce cas l'euthanasie est considérée. Cette décision doit être prise à la suite de la concertation des membres du comité d'éthique et la décision finale est prise par le Conseil. L'euthanasie n'est pas permise en aucun autre cas.»

[140]       Dans une lettre du 15 août 2000 qu'elle adresse à Graf et Heidersdorf pour les remercier de leur offre d'aider MIAOUF, Duhaime écrit:52

«Our stated objective is to reduce the overpopulation of the shelter animal population through adoption, as MIAOUF is one of only two no-kill animal shelters in the province (the other one is the Montérégie SPCA). I like to be clear that our definition of "no-kill" is that we will resort to euthanasia only when the animal's quality of life determines it necessary. The ethics committee determines the recommandation to the Board, chaired by Bonnie. For your information, among animal lovers this is also a very sensitive issue with widely divergent views.»   (Nos caractères gras et soulignements)

L'état du toit, l'absence de clôture, le manque chronique de fourniture pour les animaux, la destination de la maison à des fins autres que bureau/réception ou refuge pour les chats et le congédiement d'employés malgré les belles paroles de Graf

[141]       Certains ingrédients de ce méli-mélo sont vrais, d'autres non: le résultat est inexact.  Graf ne fait pas que prononcer de belles paroles, il agit.  La preuve révèle qu'il a consacré plus de 40 heures par semaine à MIAOUF pendant sa présidence.

[142]       Le toit a été réparé à l'automne 2000 mais certaines déficiences demeurent (les drains) et l'entrepreneur en est responsable aux termes de la garantie donnée.  À ce sujet, Bishop déclare au cours de son témoignage « it had been greatly repaired».

[143]       Notons qu'au cours des années précédentes, MIAOUF avait amassé 30 000$ par collecte spéciale pour effectuer ces travaux.53  À l'arrivée du «dream team», le 30 septembre 2000, le fond spécial était à sec sans que le toit n'ait été réparé puisque cette somme avait été utilisée à d'autres fins.54

[144]       Le terrain est clôturé depuis le début de l'année 2000.  Les mots «absence de clôture» portent à confusion puisque les membres ont reçu une lettre du 31 janvier 2001 signée par Graf qui y affirme que le terrain a été clôturé.55  De fait, et bien que le terrain soit effectivement clôturé, les mots «absence de clôture» ont été  insérés pour assouvir des frustrations vécues:  selon Gagné et Duhaime, Graf a pris le crédit pour la clôture alors que c'est l'administration Duhaime qui l'a fait installer.  Cette façon de voir ne résiste pas à l'analyse.  Graf fait le portrait de toutes les réalisations de l'année 2000 dont celles, évidemment, qui précèdent son arrivée chez MIAOUF.  Plutôt que d'en prendre ombrage, Gagné et Duhaime auraient dû y voir une remarque positive à l'égard de la précédente administration.

[145]       Les animaux de MIAOUF n'ont jamais manqué de nourriture.  Bishop le confirme lors de son témoignage.  Il a fallu travailler sans relâche à recueillir des dons et à entretenir les relations d'aide entre MIAOUF et divers fournisseurs de nourriture pour animaux, mais ceux-ci n'ont manqué de rien.

[146]       La maison doit être occupée par la famille Todd, selon la décision prise au conseil d'administration et l'entente signée avec eux par la suite.

[147]       La maison ne peut pas servir de refuge pour les chats:  les règlements municipaux l'interdisent (maximum de 3 animaux autorisé) et l'assureur refuse d'émettre une protection d'assurance si les animaux ne sont pas déplacés vers le refuge.

[148]       MIAOUF met fin à des contrats d'emplois avec certains employés, conformément à la loi et aux termes des contrats conclus, dans le contexte financier dans lequel elle se trouve.  Le salaire annuel brut de Bishop est de 40 000$ et MIAOUF n'a pas les moyens de le payer.

L'absence d'approbation préalable des dépenses par le conseil d'administration

[149]       Cette affirmation est inexacte.

[150]       Briand affirme que les dépenses supérieures à 500$ ont généralement été présentées et approuvées par le conseil avant d'être encourues, sauf urgence exceptionnelle, et qu'elles ont toutes été ratifiées.

[151]       Il se souvient d'une situation d'exception, à la fin décembre 2000.  À cette date, il se rend au refuge avec Lalonde.  Constatant que les animaux ont froid, Briand et Lalonde décident d'acheter 5 ou 6 chaufferettes et de les installer immédiatement, vu l'urgence:  le coût s'élève à environ 1 000$.

[152]       Lalonde, le trésorier, confirme le tout.

La surcharge de 10 000$ pour le toit

[153]       Cette affirmation est fausse.   Il n'y a pas eu de surcharge de 10 000$ pour le toit.  Le contrat de réfection de la toiture a été accordé à un entrepreneur parmi trois soumissionnaires après examen des soumissions par le conseil d'administration. MIAOUF a payé ce qui était prévu à la soumission plus un léger extra pour main d'œuvre vu l'absence des bénévoles qu'elle s'était engagée à rendre disponibles.  Il était convenu qu'en l'absence de bénévoles MIAOUF aurait à payer cet extra.56 

Le 2 000$ pour le chocolat qui pourrit dans le garage de Graf

[154]       Cette affirmation est fausse.  Le chocolat ne pourrit pas dans le garage de Graf et MIAOUF a retiré un profit de la vente.

[155]       Une bénévole offre au conseil de MIAOUF de prendre charge d'une campagne de levée de fonds par vente de chocolat:  le conseil accepte.57  2,000 boîtes de chocolats sont acquises au coût de 3 000$58 et revendues au prix total de 5 400$: MIAOUF empoche donc un profit de 2 400$ à la suite de cette opération.

[156]       En octobre 2000, le chocolat est livré chez Graf et entreposé temporairement dans son garage d'où il est distribué pour fins de vente.  En avril 2001, il n'y a plus de chocolat dans ce garage depuis un bon moment.

Le 3 000$ pour les dépliants jamais expédiés alors que les animaux ont froid

[157]       Cette affirmation est fausse.  Les dépliants ont été expédiés et des mesures ont été prises pour améliorer la température au refuge pour les animaux.

[158]       Les dépliants produits au cours de la période de septembre 2000 à avril 2001 ont été expédiés.59  Plusieurs corvées de mise à la poste ont été réalisées chez Graf et Heidersdorf.  Ces envois ont permis de recueillir plusieurs milliers de dollars pour MIAOUF.

[159]       Le contenu des dépliants a été approuvé par les membres du conseil d'administration.  Bien que le budget requis pour impression ait été voté60 pour être utilisé au besoin, MIAOUF n'a pas été tenue d'assumer les coûts d'impression puisque ce coût a été largement financé par Hagen.61

Les ententes avec la famille Todd ( la femme de ménage de Graf et de Heidersdorf)

[160]       Le texte de la lettre laisse incorrectement croire au lecteur que Graf et Heidersdorf sont en conflit d'intérêt et qu'il y a manque de transparence.

[161]       En plus d'être propriétaire du refuge, soit d'une bâtisse commerciale auparavant utilisée à des fins de recherche médicale, MIAOUF est aussi propriétaire d'une résidence adjacente.

[162]       De mai à novembre 2000, la résidence n'est pas utile à MIAOUF puisque Louise Gagnon l'occupe toujours avec ses 30 chiens, 2 singes et 25 chats, bien qu'elle ne soit plus directrice générale de MIAOUF.

[163]       À l'automne 2000, MIAOUF réussit finalement à expulser Louise Gagnon, mais 25 chats y vivent toujours, ce qui cause deux problèmes:  une violation des règlements municipaux en vigueur et l'impossibilité d'obtenir une police d'assurance pour l'immeuble.

[164]       Le conseil d'administration de MIAOUF cherche des solutions.  La chatterie est construite, les chats sont déplacés au refuge et un assureur accepte d'émettre une police d'assurance pour la résidence.

[165]       La résidence est inhabitable.  Des excréments de chiens, de singes et de chats tapissent les planchers, les murs et les plafonds.  Elle est aussi infestée de rats.

[166]       Comme le déclare Graf, c'est une «soue à cochons» mais il y a du potentiel!:  une fois nettoyée et débarrassée de la vermine qui s'y trouve, elle pourra être occupée par des locataires assurant une présence constante au refuge en plus de servir de bureau à MIAOUF et de lieu de rencontre pour les adoptions.

[167]       Graf et Heidersdorf connaissent Monsieur et Madame Todd qui sont intéressés à conclure un contrat de location et d'échange de services.  Ils sont eux-mêmes clients d'Angelina Todd dont le travail consiste à faire l'entretien hebdomadaire de résidences de divers clients.

[168]       Les Todd aiment les animaux.  Angelina Todd a travaillé quelque temps chez un vétérinaire alors que son mari est habile en construction, rénovation et réparation.

[169]       Le projet se précise:  occupation de la résidence avec loyer sous forme de responsabilité d'entretien, de présence au refuge et de divers autres services à rendre chaque mois.

[170]       À la réunion du 12 février 2001, Graf soumet au conseil une proposition et un projet de contrat pour examen, commentaires et décision.62  Vallée applaudit à l'idée: enfin, il y aura présence constante au refuge.

[171]       Après avoir reçu les commentaires de tous ceux qui souhaitent en faire, comme en témoignent notamment Graf, Briand et Voyer, la décision est prise d'aller de l'avant. Graf finalise le contrat avec les Todd selon les instructions et le vote du conseil.63

Le 40 000$ de dépenses pour la rénovation de la maison

[172]       Cette affirmation est fausse:  jamais MIAOUF n'a dépensé 40 000$ pour rénover la maison.  Il n'y a aucune preuve au dossier que MIAOUF ait assumé des coûts de rénovation de la maison.

[173]       Selon Briand, les coûts relatifs à la maison n'ont pas dépassé la somme de 7 000$ et ils n'ont pas été acquittés par MIAOUF.  Graf affirme que les coûts s'élèvent à 6 800$ et que c'est lui qui les a assumés.  Vallée reconnaît que Graf a précisé lors de la réunion du 1er avril 2001, à laquelle elle a assisté, que ces coûts de rénovation seraient assumés par Heidersdorf et lui à titre de don à MIAOUF.

[174]       Les travaux de «décrottage» de cette maison ont été effectués bénévolement par Graf, Heidersdorf, Briand, sa conjointe et Angelina Todd qui y ont passé plusieurs fins de semaine en 2001 afin de la rendre habitable.

Les frais légaux antérieurs à l'élection à la présidence ou les frais légaux

[175]    La véracité de cette affirmation n'a pas été établie.  La teneur de l'affirmation varie du texte français au texte anglais.  Le fardeau d'établir la véracité des propos reposait sur les intimés:  ils ne s'en sont pas déchargé.64

Le statut de MIAOUF auprès des divers ministères et organismes (Revenu Québec, Revenu Canada, CSST, Ministère des institutions financières)

[176]       Ce passage de la lettre laisse sous entendre que Graf ne s'occupe pas adéquatement de ces questions et que MIAOUF est en défaut.  Bien qu'il soit vrai que MIAOUF ait été en défaut à une certaine époque, Graf n'y est pour rien.

[177]       De fait, dès qu'il l'apprend, Graf fait le nécessaire pour tenter de régulariser la situation au plus vite.

Le dossier assurance de MIAOUF

[178]    Le texte de la lettre laisse sous-entendre qu'il y a négligence en matière d'assurance.  La preuve révèle tout le contraire.

[179]    Le refuge cesse d'être assuré le 18 juillet 2000:65  à cette date, Duhaime est présidente de MIAOUF et Graf n'y est pas encore membre.  Pourtant, MIAOUF est toujours débiteur hypothécaire d'une somme de 85 000$.

[180]    Dès la première réunion du «dream team», le 6 octobre 2000, un mandat est confié à Dubé de faire le nécessaire pour corriger la situation au plus tôt.  À la suite des démarches de Dubé, une première police d'assurance est émise en faveur de MIAOUF:  cette police est annulée subséquemment à une inspection des lieux.66

[181]    Graf reprend le dossier, il obtient une autre police d'assurance en vigueur à compter du 21 février 200167 et il en informe les membres du conseil à la réunion du conseil d'administration du 19 mars 2001.68  Duhaime ne participe pas à cette réunion puisqu'elle a démissionné entre-temps.

 

 

 

 

La camionnette de MIAOUF et le 5 000$ qui aurait été dépensé pour la réparer aussitôt reçue

[182]    Cette affirmation est inexacte.  Les réparations n'ont jamais représenté une telle dépense.

[183]    La camionnette est un don des Romar à MIAOUF en octobre 2000.  Cette camionnette n'est pas neuve:  elle a déjà plus de 100,000 km.  Le conseil d'administration convient à sa réunion du 23 octobre 2000, à laquelle assiste Duhaime, que Lalonde fera le nécessaire pour qu'elle soit en bon état de fonctionnement.69

[184]    MIAOUF fait faire certaines réparations au fil des mois, dont une réparation de la transmission:70  c'est Lalonde le trésorier qui s'occupe de tout.  Selon Lalonde, l'ensemble des coûts encourus s'élève tout au plus à 3 000$.

L'interdiction du président de faire soigner les animaux

[185]    Cette affirmation est fausse.  Graf n'a jamais interdit à quiconque de faire soigner les animaux.

[186]    À certains moments, le conseil a dû restreindre les dépenses du refuge compte tenu de la situation précaire de MIAOUF mais il n'a jamais mis en péril la santé des animaux.

[187]    Compte tenu d'expériences passées de comptes impayés pendant plus de six mois, la vétérinaire J. Lalonde refusait de soigner les animaux à moins d'être payée immédiatement:  Graf a donné son numéro de carte de crédit personnel afin que Bishop puisse faire soigner les animaux.71

[188]    Le trésorier Lalonde a exigé que Bishop lui demande d'émettre un bon de commande avant de se rendre chez le vétérinaire, afin qu'il puisse contrôler les paiements à faire à la vétérinaire.

L'autorisation de dépenser quelques milliers de dollars pour une activité au country club et le forum de publicité personnelle

[189]    Cette affirmation est fausse.  L'événement a été un succès; MIAOUF en a retiré un profit de 4,000 à 5,000$  et une visibilité accrue non négligeable.

[190]    L'événement est organisé par la bénévole Patterson.  Graf et Heidersdorf lui offrent un appui inconditionnel.

[191]    Au procès, Oleg Romar confirme le grand succès de cette soirée «souper/spectacle» à laquelle il a participé en compagnie de son épouse Isabelle.

[192]    À l'exception de perceptions qui résultent généralement de sentiments d'envie ou de jalousie ou de frustrations diverses, la preuve n'établit aucunement que cette soirée ait servi de «forum de publicité personnelle» à Graf ou à Heidersdorf.

Le défaut de suivre les conseils du comité d'éthique qui aurait provoqué  le refus de Duhaime de verser le don promis de 2 000$

[193]    Cette affirmation est fausse.

[194]    Bien qu'au départ Duhaime ait posé certaines conditions à sa donation de 2 000$ pour la chatterie,72 elle y a renoncé en cours de route.  Voyer en témoigne clairement en référant notamment au courriel de Taylor à ce propos et au suivi qu'elle-même en a fait par la suite:73  ces deux courriels sont reproduits à l'annexe 8 du présent jugement.

Le mandat donné par Graf, sans consulter le conseil, pour les travaux de chatterie, la dépense effectuée, l'obligation de refaire ces travaux et l'évaluation de Taylor

[195]    Cette combinaison de propos ne représente pas la réalité.

[196]    Les travaux de la chatterie ont été réalisés à la suite d'une décision du conseil d'administration et selon les termes de celle-ci.

[197]    De façon générale, les membres de MIAOUF se sont déclarés très satisfaits de ces travaux effectués par Todd avec l'aide et les conseils de Bishop et de Taylor.

[198]    Malgré ses compétences professionnelles en matière de comportement animal, Taylor ne possède aucune compétence particulière en matière d'évaluation de coûts de travaux de construction:  le chiffre de 2 000$ qu'elle a avancé ne repose sur aucune donnée vérifiée; elle n'a ni consulté un intervenant du milieu de la construction ni obtenu quelque soumission que ce soit pour ces travaux.

La mission de MIAOUF et le désaccord des membres du conseil avec cette mission

[199]    Comme le Tribunal l'a déjà souligné, cette question est au cœur de nombreux débats.  La compréhension de ce qu'est ou devrait être la mission de MIAOUF varie d'un membre à l'autre:  difficile de soutenir, dans de telles circonstances, que les membres du conseil sont en désaccord avec «la» mission de MIAOUF.

Le fait que les priorités ne soient pas à la bonne place et qu'il faille intervenir pour corriger le tir

[200]    Si cette affirmation n'était pas juxtaposée aux autres affirmations ou sous-entendus de la lettre, elle pourrait être classée dans la catégorie «opinion» plutôt que dans  la catégorie «faits».  Mais, dans les circonstances, il faut la considérer comme un fait mis de l'avant qui ne rend pas justice aux personnes concernées.

 

 

Le nombre d'animaux mentionné (175)

[201]    Le chiffre 175 est inexact.  Le chiffre précis est inscrit au rapport du Dr. Jean-François Lanthier qui a assumé la responsabilité d'euthanasier les animaux:  il s'agit de 152 animaux, 101 chiens et 51 chats.

Les épithètes tyrannie et dictature

[202]    Bien que les communications n'aient pas toujours été faciles ou fluides entre les membres du conseil d'administration de MIAOUF et qu'ils soient prêts à reconnaître qu'ils ont aussi leur part de responsabilité à cet égard, comme tous les autres membres, Graf et Heidersdorf ne sont ni des tyrans ni des dictateurs.

[203]    Graf et Heidersdorf ne méritent pas que ces deux épithètes soient juxtaposées à leurs noms.

[204]    Le Tribunal souligne qu'il en est de même quant à Briand, le troisième membre du conseil d'administration qui a voté en faveur de la résolution d'autorisation d'euthanasie des animaux.

[205]    Des termes plus appropriés, susceptibles de décrire le style de gestion de Graf, auraient été «strenght and leadership» comme en a témoigné Kimmel.

[206]    Le dictionnaire Larousse, édition 2003, contient les définitions usuelles suivantes des mots tyrannie, tyran, dictateur et dictature :

Tyrannie:          1. Gouvernement autoritaire qui ne respecte pas les libertés individuelles et sur lequel le peuple n'a aucun contrôle.  

Tyran:               1. Souverain despotique, injuste, cruel.  2. Fig. Personne qui abuse de son autorité.  Tyran domestique.

Dictateur:          2. Mod. Personne qui, parvenue au pouvoir, gouverne arbitrairement et sans contrôle démocratique; autocrate.  3. Personne très autoritaire

Dictature:          4.    Fig. Pouvoir absolu exercé par qqn, par un groupe:  tyrannie.

[207]    Les mots suivants se retrouvent parmi les synonymes des mots tyrannie, tyran, dictateur ou dictature:74 

TyrannieRégime politique- absolutisme, autocratie, césarisme, despotisme, dictature, fascisme, totalitarisme, tsarisme.  Pouvoir autoritaire- arbitraire, autoritarisme, caporalisme, despotisme, dictature, directivisme, directivité, omnipotence, oppression. 0SOUT. satrapie.  Emprise- abaissement, allégeance, appartenance, asservissement, assujettissement, attachement, captivité, contrainte, dépendance, domestication, domesticité, domination, emprise, esclavage, gêne, hilotisme (…)

Tyran et DictateurDictateur ou Chef d'État- autocrate, césar, despote, dictateur, oppresseur, potentat, souverain absolu. SOUT. dominateur, tyranneau (peu puissant).  Persécuteur- abuseur, autocrate, brimeur, despote, oppresseur, persécuteur, sadique. FAM. Terreur. SOUT. dominateur, satrape, terrible, tourmenteur, vexateur. VX asservisseur (…)

DictatureRégime politique- absolutisme, autocratie, césarisme, despotisme, dictature, fascisme, totalitarisme, tsarisme, tyrannie. fascisme (Mussolini), franquisme ( Franco), hitlérisme, stalinisme.(…)

[208]    La preuve au dossier révèle clairement que Graf, Heidersdorf et Briand font preuve de respect pour les valeurs démocratiques et de transparence dans l'expression de leurs idées et la gestion des responsabilités qui leur sont confiées.

[209]    Graf et Heidersdorf siègent au conseil d'administration de MIAOUF du 30 septembre 2000 au 22 avril 2001.  En sept mois, Graf préside 11 réunions du conseil d'administration de plusieurs heures chacune.  Plusieurs journées ou fins de semaine de corvée collective sont organisées.  Pour informer les bénévoles et maintenir l'intérêt et l'enthousiasme au sein du groupe, Graf rédige et envoie la première «news letter» destinée aux bénévoles75 et encourage la tenue de rencontres avec eux. 

[210]    À l'exception des réunions des 1er et 9 avril 2001, des procès-verbaux de toutes les réunions sont préparés et communiqués à tous les membres du conseil d'administration au fil des mois.

[211]    Graf rédige 10 règles de fonctionnement et de conduite à appliquer au conseil d'administration qu'il soumet pour approbation à la première réunion du conseil «dream team» le 6 octobre 2000:76

«1.  Meetings:  the meetings are hold at 28 Fieldfare, Beaconsfield

2.      Dates:  there will be a regular meeting every second Monday of the month.  Here are the dates for the coming year:  November 13, December 11, January 8, February 12, March 12, April 9, May 14, Juin (sic) 11.

3.      Time:  the meetings start at 7:30 p.m.  Please, be on time.

4.      If you can't come to the meeting for any reason, please let us know by calling the president at (514) 816-1944

5.      Quorum:  since we are 10 members on the board, the quorum will be 6 members who could be physically present or participating in the meeting by phone.

6.      Each member of the board must feel free to speak, ask questions, make comments and suggestions.

7.      Every question will be discussed.  We try to reach a consensus.  If not, the members vote and it will be the decision of the majority.

8.      For each meeting of the board, there will be a report.  This report will be presented to the members at the following meeting and filed in the archives of Miaouf.

9.      All documents, files, reports, resolutions, letters, contracts, etc. will be in French and in English.

10.  The Executive-Director participates in all meetings of the board but does not hold vote.»

[212]    Ces 10 règles sont acceptées et adoptées à l'unanimité par les membres du conseil tous présents à cette réunion du 6 octobre 2002.77 

[213]    À la réunion du conseil d'administration du 8 janvier 2001, tous les membres du conseil présents (au nombre de 6 dont Duhaime) donnent leur accord à la proposition suivante:  «For more accuracy, all decisions will be motioned, seconded and voted on. This was not done all the time at previous meetings but all the decisions that were made still stand.».78 

[214]    Sous la présidence de Graf, et sauf à la réunion du 9 avril 2001 qui a suivi la rencontre avec Barnoti de la SPCA, les membres et bénévoles de MIAOUF sont toujours bienvenus à assister aux réunions du conseil d'administration.  Leur présence est notée sous la rubrique «invités» aux procès-verbaux.79

[215]    Enfin, les quelques exemples suivants, pour ne citer que ceux-là, illustrent un souci de démocratie incompatible avec de la tyrannie et de la dictature.

·        6 octobre 2000:  répartition des responsabilités entre les divers membres du conseil d'administration;80 

·        23 octobre 2000:  le procès-verbal de la réunion du 6 octobre est lu, une copie du contrat de Bishop est distribué avant signature, les divers membres du conseil font rapport de leurs démarches et du suivi à venir;81

·        17 décembre 2000:  des remarques sont présentées quant au procès-verbal de la réunion du 13 novembre, les modifications à apporter sont proposées et tous les acceptent.  Graf propose la tenue d'une rencontre avec les bénévoles de MIAOUF le 14 janvier 2001.  Duhaime propose et Taylor seconde que Martha MacEachen en soit responsable.  Le tout est adopté à l'unanimité.  Il est convenu qu'une fois la semaine Taylor fera parvenir à tous les membres du conseil un courriel d'informations quant à ce qui se passe au refuge après avoir parlé à Bishop, la directrice générale;82

·        14 janvier 2001:  suggestion de Graf de reporter l'adoption du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration tenue le 8 janvier 2001 à une prochaine réunion vu l'absence de Duhaime et de Taylor;83

·        19 mars 2001:  explications de Graf quant au déplacement de la réunion du conseil du 12 au 19 mars 2001 afin de permettre à Bishop d'être présente pour faire valoir son point de vue quant au contenu du contrat d'adoption;84

·        11 avril 2001:  Kimmel propose de réfléchir à diverses options suite à la réception de l'avis du MAPAQ, ce que Graf accepte selon le témoignage de Kimmel.

L'élimination des animaux sans pitié et sans remords et l'usage du mot «tuerie»

[216]    Cette affirmation est fausse.

[217]    Graf et Heidersdrof se sont impliqués chez MIAOUF par amour pour les animaux.  Ils ont travaillé sans relâche pendant des mois pour améliorer le sort de ceux-ci.  Le 12 avril 2001, ils ont du prendre une décision dans des circonstances difficiles.  Ils ont choisi ce qui leur a semblé responsable et rationnel malgré toute la peine ressentie.

[218]    L'euthanasie des 152 animaux de MIAOUF ne constitue pas une «tuerie» comme le révèle le rapport du Dr. Jean-François Lanthier précité.85

La décision prise sans aucune raison valable et sans conseils professionnels

[219]    Sans écarter que quelqu'un puisse soutenir qu'il aurait agi autrement s'il avait été administrateur de MIAOUF les 11 et 12 avril 2001, ou que ceux qui y étaient auraient pu ou dû le faire, aucune personne raisonnablement informée ne peut qualifier la décision du 12 avril 2001 de décision prise sans aucune raison valable et sans conseils professionnels.

[220]    Le 11 avril 2001, en fin de matinée, Graf reçoit l'avis d'intention d'élimination des chats et des chiens de MIAOUF que lui fait signifier le MAPAQ, par huissier.  Il en parle à sa conjointe Heidersdorf et à Briand qu'il réussit à rejoindre au téléphone.  Il convoque une réunion des 5 membres restant du conseil d'administration en soirée puisque Kimmel est à l'extérieur de la ville et qu'il ne sera de retour qu'à ce moment-là.

[221]    Le texte de l'avis du MAPAQ indique l'intention du Dr. Chartier de recommander au ministre d'émettre une ordonnance d'élimination des animaux de MIAOUF à moins que MIAOUF ne s'engage à satisfaire aux 9 conditions décrites à l'avis ou qu'elle n'élimine elle-même ses animaux dans les meilleurs délais après 15 heures le 11 avril 2001.  Ce texte précise qu'à défaut d'un tel engagement de MIAOUF, l'ordonnance d'élimination sera recommandée.  Le MAPAQ précise que les motifs à l'appui de l'avis d'intention relèvent de préoccupations de santé, pour les animaux et les humains qui les côtoient, fondées sur une étude épidémiologique concluant à la présence au refuge de MIAOUF d'un agent biologique (leptospirose).

[222]    Les 9 conditions posées se résument à ceci:

·        Immédiatement et avant le 22 avril 2001:  Trouver des locaux (où il n'y a aucun autre animal) pour héberger, dans des cages individuelles, tous les animaux de MIAOUF et les localiser à ces endroits; instruire tous les bénévoles et toutes les autres personnes côtoyant les animaux MIAOUF d'informations spécifiques quant à la leptospirose, notamment du risque encouru par les contacts avec eux, et s'assurer qu'ils mettent en application les recommandations de l'avertissement vétérinaire numéro 22;

·        Entre le 11 et le 22 avril 2001 (dès la localisation des animaux) : administrer un traitement antibiotique prescrit à tous les animaux, les mettre en quarantaine et interdire l'accès au public à tous les locaux où ils sont hébergés;

·        Dès le 22 avril 2001 (après localisation des animaux):  nettoyer et désinfecter adéquatement le refuge MIAOUF et engager une firme professionnelle pour y exterminer la vermine, effectuer le suivi de tous les animaux par prises de sang périodiques et procéder à la mise en place de systèmes de ventilation, d'éclairage et d'aqueduc adéquats.

[223]    Graf  et Heidersdorf prennent conseils auprès de vétérinaires.  Ils ont en main le rapport de Taylor, J. Lalonde et Glew du 27 mars 2001.86  À leur avis, la situation financière de MIAOUF ne permet pas l'engagement à respecter intégralement, et dans les délais mentionnés, les conditions posées.  Le risque pour la santé humaine est sérieux.  Ils ne sont pas en mesure de garantir que l'information requise sera communiquée et comprise par les membres et bénévoles de MIAOUF et que la quarantaine sera respectée en l'absence de surveillance constante.  Leur responsabilité civile risque d'être engagée comme administrateurs de MIAOUF et ils ne bénéficient d'aucune protection d'assurance à cette fin.

[224]    Dans ces circonstances, plutôt que de fuir leurs responsabilités et de remettre leurs démissions, ils choisissent l'option qui leur semble responsable et raisonnable:  ils votent «oui» à la résolution proposée le 12 avril 2001 aux cinq membres du conseil d'administration restant.

L'attitude de Graf et Heidersdorf ainsi décrite «More horn blowing about themselves than the welfare of the animals»

[225]    Cette affirmation est fausse.

[226]    La preuve révèle que Graf et Heidersdorf se sont dévoués corps et âmes pour le mieux-être des animaux de MIAOUF comme l'ont aussi fait de nombreux membres du conseil et les bénévoles.

[227]    Plus de 40 heures/semaine à travailler bénévolement pour MIAOUF comme l'a fait Graf, alors qu'il aurait pu faire bien d'autres choses, démontre manifestement l'intérêt qu'il porte au bien-être des animaux concernés.  Associer son nom et sa réputation à une cause comme MIAOUF, ce qu'a fait Heidersdorf, membre d'une famille d'artistes reconnus et exploitante d'une école d'art renommée, en fait autant.  Passer des fins de semaine à décrotter une résidence tapissée d'excréments pour faire en sorte que puissent y résider des personnes assurant une permanence au refuge ne saurait laisser planer le doute quant à la sincérité et à l'ampleur de l'engagement. 

L'empressement à euthanasier alors qu'une solution a été trouvée

[228]    Cette affirmation est inexacte:  la preuve ne révèle pas un empressement en présence d'une solution trouvée.

[229]    L'euthanasie a eu lieu le 12 avril 2001 au terme du processus déjà décrit au présent jugement.

[230]    Malgré certaines démarches en cours pour tenter de trouver une solution, aucune solution n'est en place le 12 avril 2001.  Rien n'indique qu'une solution se serait concrétisée.

[231]    Ce que la preuve révèle c'est ce qui suit:  Kimmel a tenté d'obtenir un délai auprès de Chartier du MAPAQ (sans succès),87 Voyer a effectué des communications pour que MIAOUF se porte acquéreur d'un autre site où établir le refuge (démarches préliminaires seulement)88 et MIAOUF pouvait s'attendre à recevoir une donation par testament.  Or, jamais Graf et Heidersdorf n'ont été informés de ces démarches en cours les 11 et 12 avril 2001 et de leurs possibles résultats:  Kimmel et Voyer l'ont admis au procès.

Sous-question no 2:  Si les propos sont faux, la preuve révèle-t-elle méchanceté, intention de nuire ou négligence? 

 

[232]    Comme le révèle l'analyse qui précède, les propos reprochés sont généralement faux.  Même si les gestes ne sont pas posés par méchanceté, l'intention d'affecter négativement l'opinion que se font les lecteurs de Graf et d'Heidersdorf est manifeste  de même que la négligence.

[233]    La lettre R-19 résulte de discussions et de réflexions.  Son contenu a été peaufiné avant qu'elle ne soit expédiée.  L'objectif de susciter la réflexion et l'action des membres n'est pas en soi fautif ou illégal:  le moyen retenu pour l'atteindre l'est cependant.

[234]    Jusqu'à ce qu'elle remette sa démission le 11 mars 2001, Duhaime est membre du conseil d'administration de MIAOUF.  Elle a accès à l'information.

[235]    Vallée n'est pas membre du conseil d'administration mais elle assiste à certaines réunions du conseil à titre d'invitée.  Comme bénévole, Vallée se rend au refuge à toutes les fins de semaine prendre soin des animaux, samedi et dimanche.  Elle y accomplit un travail remarquable.

[236]    Gagné n'est pas membre du conseil mais, comme Vallée, elle assiste à plusieurs de ses réunions.

[237]    Duhaime sait ou doit savoir que plusieurs faits proposés à la lettre R-19 sont faux ou inexacts ou qu'ils constituent des demi-vérités.  Vallée et Gagné en savent moins mais elles conservent, comme Duhaime, le devoir de vérifier les faits avant de publier un écrit de cette nature.

[238]    Le but qui leur tient à cœur, protéger la mission «no kill» de MIAOUF selon leur définition, ne peut être poursuivi n'importe comment ni à n'importe quel prix.

[239]    Malgré l'usage de la forme interrogative, elles ne peuvent ignorer quel sera l'effet de l'écrit sur le lecteur.  Elles souhaitent que les membres de MIAOUF montrent la porte à  Graf et à Heidersdorf et la lettre R-19 est rédigée en conséquence.

[240]    La preuve révèle l'absence de vérifications sérieuses des affirmations ou des interrogations inscrites à la lettre R-19.  Questionnées à ce propos lors de leur interrogatoire au préalable et au procès, Duhaime et Vallée doivent le reconnaître.

[241]    Quant à Jennings, excepté ce que lui en disent certains membres dont Duhaime, Vallée et Gagné, il ne connaît que l'information communiquée aux membres de MIAOUF.  Les obligations de prudence et de diligence, dont l'obligation de vérifier l'exactitude des faits mentionnés, s'imposent à lui comme aux autres.  Les écrits de Jennings ne sont précédés d'aucune vérification.

[242]    Son texte de la page d'accueil du site de MIAOUF (pièce R-18)  et ses courriels sur le «guest book» du 13 avril, bien qu'écrits sous le coup de l'émotion et de la colère à cette date, y demeurent  jusqu'à ce que les membres de MIAOUF réunis en assemblée en demandent le retrait.

[243]    Dans une société démocratique comme la nôtre, il est permis et sain qu'une personne puisse analyser, critiquer et commenter le travail que font des membres de conseil d'administration de sociétés sans but lucratif comme MIAOUF.  Une personne ne peut toutefois injustement franchir les limites inhérentes à l'exercice de la liberté d'expression, dont le respect de la réputation et de la dignité d'autrui, sans engager sa responsabilité civile.

[244]    La liberté d'expression permet à une personne d'émettre une opinion sur d'autres et de plaider, le cas échéant, absence de faute:  encore faut-il que l'opinion soit de bonne foi soutenable et qu'elle soit fondée sur les faits.  Protéger l'opinion exprimée ne peut pas vouloir dire protéger un ramassis de faussetés, d'inexactitudes et de demi-vérités diffamatoires.89

[245]    Dans certaines circonstances, la provocation peut constituer un moyen de défense à l'encontre d'une allégation de diffamation.  Pour qu'il en soit ainsi, la preuve doit établir une perte de contrôle ou de maîtrise de soi, en quelque sorte une réaction immédiate de colère, à la suite de propos ou d'injures dont la personne vient tout juste d'être victime.90

[246]    Au présent dossier, Duhaime, Vallée et Gagné ne peuvent plaider ni le caractère non fautif de leurs gestes, ni la provocation:  la preuve démontre de façon non contredite que leur lettre est le résultat d'un travail réfléchi, décanté et planifié91 et que les faits qui s'y trouvent sont faux, inexacts ou équivalents à des demi-vérités.

[247]    Quant à Jennings, il ne saurait être question d'absence de faute.  Si la colère peut expliquer sa première réaction dans la nuit du 12 au 13 avril 2001, elle ne peut justifier son inaction à retirer le tout sans délais.

[248]    Les mots sont des outils puissants de communication:  ils détruisent une réputation en peu de temps alors que, parfois, il a fallu des années pour la construire. L'Internet est un puissant outil de diffusion:  la communication n'a presque plus de frontière.  La liberté d'expression est une valeur fondamentale de première importance mais le respect de la dignité et de la réputation de la personne l'est tout autant.  Ceux qui parlent ou écrivent et ceux qui diffusent sur Internet doivent le réaliser.

[249]    Dans les circonstances du présent dossier, le Tribunal conclut que Duhaime, Vallée, Gagné et Jennings ont commis une faute qui engage leur responsabilité à l'égard de Graf et de Heidersdorf.

Question no.3:          L'atteinte illicite aux droits fondamentaux des requérants est-elle intentionnelle?

[250]    Le Tribunal est d'avis qu'il faut répondre oui à cette question.

[251]    Pour qu'une atteinte illicite soit intentionnelle, la preuve doit révéler que l'auteur de l'atteinte «a un état d'esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables que cette conduite engendrera».92

[252]    Dans son ouvrage «La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes», 2ième édition, Me Claude Dallaire fournit de nombreux exemples de décisions où les tribunaux ont retenu le caractère intentionnel de l'atteinte illicite.93 Plusieurs de ces exemples s'apparentent au présent dossier.

[253]    La preuve révèle l'intention manifeste de Duhaime, Vallée, Gagné et Jennings de nuire à l'image, à la dignité ou à la réputation de Graf et de Heidersdorf:  l'atteinte ne peut qu'être qualifiée d'intentionnelle.94

Question no.4:          De quels dommages causés et subis les auteurs ou intimés sont-ils redevables?

 

[254]    En plus de réclamer le remboursement des honoraires extra-judiciaires de 100 000$, Graf et Heidersdorf réclament chacun les dommages suivants:

Graf:


a)  atteinte à l'honneur et à la réputation:                                  50 000 $
b)  dommages moraux, troubles, stress et inconvénients       50 000 $
c)  dommages exemplaires:                                                     25 000 $
                                                                                                               ________

TOTAL:                                                                                    125 000 $

 

Heidersdorf:


a)  atteinte à l'honneur et à la réputation:                                  50 000 $
b)  dommages moraux, troubles, stress et inconvénients       50 000 $
c)  dommages exemplaires:                                                     25 000 $
                                                                                                               ________

TOTAL:                                                                                    125 000 $

 

[255]    Ont-ils droit à des dommages moraux, à des dommages exemplaires et au remboursement, en tout ou en partie, des honoraires extra-judiciaires qu'ils ont payés pour faire valoir leurs droits?  Si oui, lesquels?  Y-a-t-il solidarité entre les intimés?  Voilà les questions auxquelles le Tribunal doit maintenant répondre.

 

 

[256]    L'exercice impose l'examen de la nature et des circonstances de la publication des écrits, du caractère et de la situation des victimes et des effets de ces écrits sur leur vie et, finalement, des actes et des motivations des auteurs.95  Chaque cas est un cas d'espèce.

[257]    La lettre R-19 a été écrite avant les événements du 12 avril 2001 (euthanasie de tous les animaux de MIAOUF) alors que les autres écrits ont été composés et publiés subséquemment.

[258]    Bien que Jennings ne soit pas l'un des auteurs de la lettre R-19, il est celui qui l'a insérée au site Internet et il en a repris le contenu à son propre compte dans l'un des courriels placés au «guest book» dès le 13 avril 2001.96           

[259]    Bien que Duhaime, Vallée et Gagné n'aient pas participé à la rédaction de la nouvelle page Internet du site de MIAOUF,97 elles n'ont rien fait pour modifier la situation:  il a fallu une proposition des membres présents à l'assemblée générale qu'elles avaient convoquée le 22 avril 2001 pour que le site soit fermé.  Bien plus, Duhaime et Vallée très clairement, de même que Gagné selon toute vraisemblance, ont acquiescé à la présence de leur lettre à titre de partie intégrante de cette nouvelle page d'accueil. 

[260]    Dans ces circonstances les écrits constituent un tout et le Tribunal est d'avis que les intimés sont solidairement responsables des dommages subis aux termes de l'article 1526 C.c.Q. ou que l'obligation d'indemniser est une obligation «in solidum».98

[261]    La preuve révèle que les événements ont perturbé la vie et la sérénité des requérants qui, auparavant, menaient une vie calme, paisible et heureuse.

[262]    Les perturbations ont été physiques, psychologiques et économiques. 

Atteinte à l'honneur et à la réputation, dommages moraux, troubles, stress et inconvénients

[263]    Huit critères guident le Tribunal dans l'évaluation de la réclamation et du quantum à accorder:  (1) la gravité intrinsèque de l'acte, (2) sa portée particulière sur celui ou celle qui en a été la victime, (3) l'importance de la diffusion, (4) l'identité des personnes qui en ont pris connaissance et les effets que l'écrit a provoqués chez ces personnes, (5) le degré de déchéance plus ou moins considérable à laquelle la diffamation a réduit la victime par comparaison à son statut antérieur, (6) la durée raisonnablement prévisible du dommage causé et de la déchéance subie, (7) la contribution possible de la victime par sa conduite ou ses attitudes et, finalement, (8) les circonstances extérieures qui, de toute façon et indépendamment de l'acte fautif, constituent des causes probables du préjudice allégué ou de partie de ce préjudice.99     

(1) la gravité intrinsèque de l'acte

[264]    Les fautes reprochées sont graves.  Les intimés se sont attaqués à des actifs des plus précieux:  la dignité et la réputation.100       

(2) sa portée particulière sur celui ou celle qui en a été la victime

[265]    Compte tenu de leurs personnalités, de leurs valeurs, de leur sens du devoir et des responsabilités, Graf et Heidersdorf ont été profondément affectés.

[266]    Graf et Heidersdorf ont témoigné des dommages subis:  le Tribunal est convaincu qu'ils ont effectivement subi, et qu'ils vivent encore, les conséquences et les séquelles qu'ils ont décrites.  Leur vie s'est transformée de journée ensoleillée et chaude qu'elle était en journée triste, froide et pluvieuse.

[267]    Louis A. Legault a témoigné des changements qu'il a été en mesure d'observer chez Graf et Heidersdorf:  ils sont passés de la joie de vivre à la tristesse, de l'engagement à l'inertie et d'une vie sociale trépidante à la réclusion.  En cinq mots:  du paradis à l'enfer.

(3) l'importance de la diffusion

[268]    Selon la preuve prépondérante au dossier, la lettre R-19 a été distribuée par la poste à au moins 400 membres et  bénévoles de MIAOUF entre le 10 et le 17 avril 2001 et rendue accessible au grand public, sur le site Internet de MIAOUF, vers le 13 avril.

[269]    À ces diffusions s'ajoutent les copies additionnelles remises par certains membres et bénévoles de MIAOUF, comme Poupart, à des commerçants près de chez Graf-Heidersdorf et à divers autres intervenants comme le vétérinaire Hamel.

[270]    La diffusion de la lettre a été plus importante que la diffusion anticipée lors de sa rédaction à la suite des événements du 12 avril et de l'intervention des médias.101  Les intimés savaient ou devaient savoir qu'il en était ainsi et agir en conséquence.  En laissant le texte de la lettre R-19 sur le site Internet de MIAOUF jusqu'au 22 avril 2001, les intimés en ont volontairement augmenté la diffusion.

[271]    Le site Internet était accessible à des milliers de personnes de partout au monde.  L'intervention des médias a sans doute suscité l'intérêt ou la curiosité de plusieurs d'entre elles.

[272]    Le journal The Hudson Gazette a été distribué à plusieurs foyers de cette localité.

[273]    Les documents en vue de l'assemblée générale de MIAOUF de décembre 2001 ont été envoyés aux membres restant de MIAOUF à ce moment là.

 

(4) l'identité des personnes qui en ont pris connaissance et les effets que l'écrit a provoqué chez ces personnes

[274]    Plus de 450 personnes ont pris connaissance de la lettre R-19.  Quant aux autres écrits, la preuve ne permet pas de dire précisément ce qu'il en est.

[275]    Parmi ces personnes se retrouvent toutes celles que Graf et Heidersdorf ont côtoyées au fil des mois dans le cadre des activités de MIAOUF et des commerçants de leur entourage immédiat.  Les écrits ont suscité de multiples réactions.  En décembre 2001, pour la première fois, Heidersdorf et Graf n'ont pas été invités à la réception des fêtes de leur communauté.

(5) le degré de déchéance plus ou moins considérable à laquelle la diffamation a réduit la victime par comparaison à son statut antérieur

[276]    Graf et Heidersdorf ont été très affectés par les événements et, notamment, par les écrits des intimés.

(6) la durée raisonnablement prévisible du dommage causé et de la déchéance subie

[277]    La preuve révèle que le dommage est toujours présent chez Graf et Heidersdorf lors de l'audition de la cause en 2003.  De plus, le procès leur a fait revivre, comme à tous les autres témoins d'ailleurs, ces heures de colère, de chagrin, de tristesse, de deuil et de misère.

 (7) la contribution possible de la victime par sa conduite ou ses attitudes

[278]    Ni Graf ni Heidersdorf ne méritent les épithètes juxtaposées à leurs noms, les reproches d'inaction formulés ou les sous-entendus de malhonnêteté exprimés.

[279]    Cela ne veut pas dire toutefois qu'ils n'ont pas contribué au contexte, à la création de frustrations ou au renforcement des perceptions, qui les précèdent.  Les communications ont été difficiles et les propos choisis pour exprimer une idée n'ont pas toujours été des plus heureux. 

[280]    Au-delà de ce dont le Tribunal a déjà fait mention, notamment quant à la mission de MIAOUF, voici quelques-uns des exemples que révèlent la preuve.

[281]    Fin novembre 2000, Dubé démissionne.  Graf reçoit une courte lettre à cet effet, sans explications.102  Graf ne comprend pas:  Dubé est celui qui l'a convaincu de se joindre à MIAOUF quelques mois auparavant.  Graf ne peut accepter cette façon de faire de Dubé.  Ainsi, lors de l'assemblée du conseil d'administration du 17 décembre 2000, Graf déclare que Dubé aurait dû avoir la décence de dire aux membres du conseil pourquoi il démissionnait.103  Plusieurs membres trouvent ces propos incorrects puisqu'ils sont convaincus que Graf sait pourquoi Dubé a démissionné et qu'il ne veut pas l'admettre.

[282]    Au procès, Dubé affirme qu'il ne voulait plus travailler au sein du conseil dont le fonctionnement n'était pas celui d'un conseil d'administration de gens d'affaires et où les luttes politiques étaient monnaie courante.  Jusqu'à ce que lui soit montrée sa lettre de démission, il soutient que sa lettre le disait clairement.  Confronté, il est forcé de reconnaître qu'elle ne comporte aucune explication.

[283]    Dans sa lettre aux bénévoles du 18 décembre 2000, Graf écrit ceci quant à l'administration de Duhaime:104 

«The former Board has neglected all his duties in the six last months.  They presented to the members their financial report till August 31, 2000 with a surplus of $ 11 227,51 in bank.  The truth is that MIAOUF was in debt.  They had not paid the Municipal taxes for 1998 and 1999, the School taxes for 1997,1998, 1999 and 2000.  We found dozens of unpaid bills.  It has cost MIAOUF hundreds of dollars in interest.  Several envelopes containing bills have not been opened since weeks.  At the beginning of October, we were left with the fabulous amount of $ 3,51 in bank!  And 150 animals to feed every day.  Think about it!»  (Nos soulignements)

[284]    Sil est vrai que le conseil antérieur a fait défaut à des obligations, il est faux de prétendre qu'il a manqué à tous ses devoirs.  Une telle affirmation provoque de la colère et des frustrations:  comme le conseil présidé par Graf, le conseil d'administration présidé par Duhaime a beaucoup fait pour MIAOUF malgré quelques manquements importants.

[285]    À la réunion du conseil d'administration du 8 janvier 2001, un même sujet donne lieu à deux traitements différents au cours de la réunion:  l'invitation de nouveaux membres au conseil d'administration.  Duhaime propose certaines candidatures:  elles sont rejetées.  Un peu plus tard, Graf demande à MacEachen si elle désire demeurer secrétaire et, comme elle dit que non, la candidature de Voyer est proposée et acceptée par tous les membres sauf par Duhaime qui s'abstient de voter.105  Ce double standard n'est pas sans créer des tensions et des frustrations.

[286]    Les 11 et 12 janvier 2001, Graf et Taylor échangent des courriels avec copie à d'autres membres.106  Ces courriels sont reproduits à l'annexe 9 du présent jugement. Ce genre de communication n'est pas de nature à resserrer la confiance et les liens entre les membres d'une organisation.  Taylor observe au cours de son témoignage que Graf et Heidersdorf étaient très motivés, pleins d'idées et qu'ils avaient du temps à consacrer à MIAOUF.  Au fil des mois, le style de Graf est devenu plus agressif, personnel et hostile:  Graf était peu enclin à féliciter et à encourager lors de succès mais rapide à blâmer en cas d'insuccès.  Tout en reconnaissant l'enthousiasme de Graf et le fait qu'il pouvait, avec Heidersdorf, changer les choses pour le mieux, Bishop est du même avis.  Elle ajoute que Graf était parfois agressif, agité et hostile.

[287]    Le 16 janvier 2001, Graf répond à une lettre de Duhaime du 14 janvier:  cette lettre fournit un portrait éloquent des relations entre eux à cette date et des frustrations vécues.107  Elle est reproduite à l'annexe 10 du présent jugement.

[288]    Le 9 février 2001, Jennings exprime des frustrations à l'égard des conseils d'administration de MIAOUF dans un courriel qu'il adresse à Graf.108 

[289]    Le 12 février, à la réunion du conseil d'administration, Graf présente le sujet de la mise en demeure reçue de Duhaime.109  Vallée, qui assiste à une réunion du conseil d'administration pour la première fois, dans le but de se faire sa propre idée plutôt que d'écouter les racontars, fait une description peu élogieuse du comportement de Graf:  il se lève, lance les documents, parle fort et avec violence.  Parallèlement, elle observe que Duhaime ne réagit pas et qu'elle se contente d'écouter et d'encaisser.  Vallée affirme qu'elle n'aurait jamais accepté une telle attaque qui l'a choquée et déçue.  La situation rentre dans l'ordre finalement à la suite des interventions de Taylor, Vallée, Briand et Lalonde mais les blessures restent.

[290]    Le 5 mars  2001, Lalonde remet sa démission.  Dans un courriel  à cet effet , il en explique les raisons:110  à tort ou à raison, il se sent diminué et écarté par Graf et Heidersdorf.  Lalonde n'est pas le seul membre de MIAOUF à ressentir de telles émotions.

(8) les circonstances extérieures qui auraient, de toute façon et indépendamment de l'acte fautif, constitué des causes probables du préjudice allégué ou de partie de ce préjudice

[291]    Même en l'absence des écrits des intimés, le Tribunal est convaincu que Graf et Heidersdorf auraient fait face à de virulentes critiques et à de nombreux commentaires à la suite de leur décision de voter oui à la résolution d'euthanasie des animaux de MIAOUF.

[292]    Cette difficile décision les affecte tout particulièrement:  les intimés ne peuvent en être tenus responsables.

[293]    Dans l'évaluation des dommages subis dont les intimés sont redevables, le Tribunal écarte donc tous ceux qui découlent de la décision de consentir à l'euthanasie et de sa mise à exécution.

 

Conclusion quant à ces dommages réclamés

[294]    Graf et Heidersdorf étaient visés par les écrits mais, comme l'a elle-même dit Heidersdorf lors de son témoignage, Graf en a été la première et la principale victime. Les allégations concernant Graf étaient plus nombreuses et son titre de président de MIAOUF le plaçait aux premières loges. 

[295]    Une indemnité monétaire est une bien mince consolation et il n'est pas aisé de la fixer en pareilles matières.  Dans l'arrêt Snyder, le juge Lamer a d'ailleurs écrit:111

«(…) ne représente ainsi que les dommages moraux qu'il a subis. Ces dommages constituent la réparation offerte à la victime pour l'humiliation, les souffrances, le mépris, l'embarras, le ridicule qu'elle a ressentis à la suite à la diffamation. Comme cette réparation ne peut, en principe, s'effectuer en nature, elle consiste généralement en une somme d'argent. Rendre justice dans ce domaine est loin d'être aisé. En effet, le montant accordé est forcément arbitraire, vu la difficulté de mesurer objectivement un tel préjudice en termes pécuniaires, surtout qu'il s'agit de la réputation d'un autre.»

[296]    Ceci dit, et tenant compte des huit critères analysés précédemment, le Tribunal est d'avis que Graf doit avoir droit à la somme de 50 000$ alors que l'indemnité en faveur de Heidersdorf est fixée à 10 000$.

Honoraires extra-judiciaires

[297]    Graf et Heidersdorf ont fait parvenir à Duhaime, Vallée, Gagné et Jennings des mises en demeure.112  Le texte de la pièce R-47 est reproduit à l'annexe 11 du présent jugement.

[298]    Tous les quatre, ils ont refusé de donner suite à ces offres.113

[299]    Graf et Heidersdorf n'ont eu d'autre choix que d'intenter les présentes procédures et d'encourir des honoraires extra-judiciaires afin de faire valoir leurs droits fondamentaux au respect de la dignité et de la réputation.

[300]    Aux termes de l'article 49 de la Charte des droits et libertés,114 le Tribunal peut accorder à la victime d'un droit fondamental bafoué la réparation appropriée.115  Cette réparation doit être à la hauteur des valeurs dont une société choisit de se doter:  elle doit refléter ce qu'exprime l'expression anglaise «put your money where your mouth is».

[301]    À défaut d'obtenir des intimés, auteurs des propos diffamatoires, une rétractation ou une admission que leurs propos avaient dépassé leur pensée, Graf et Heidersdorf ne pouvaient faire cesser l'atteinte sans s'adresser aux tribunaux.

[302]    En matière de diffamation, l'atteinte ne s'arrête pas dans le temps au jour où elle a débuté:  elle se perpétue jusqu'à ce que la rectification requise ait lieu par les auteurs de l'atteinte eux-mêmes ou par jugement.

[303]    Au présent dossier, eu égard aux écrits des intimés avant les procédures et à leurs témoignages lors du procès (ils n'ont jamais accepté de se rétracter ou de s'excuser), ce n'est qu'en ayant eu recours aux tribunaux et qu'en menant leur dossier jusqu'à jugement que Graf et Heidersdorf sont en mesure de faire respecter leurs droits fondamentaux bafoués.  La principale réparation recherchée, rétablir leur réputation, passe donc nécessairement et inéluctablement par le paiement d'honoraires extra judiciaires de l'envergure de ceux qu'ils ont assumés.116  Les intimés les y ont contraints.

[304]    Ainsi, inspiré des dissidences de la juge Louise Otis dans les arrêts Société Radio-canada c. Guitouni et Société Radio- Canada c. Gilles Néron Communication Marketing inc.,117 dans la foulée des jugements rendus par les juges Claude Tellier118, Jean-Pierre Sénécal119, Raynald Fréchette120 et Carole Julien121 de cette cour, et tenant compte des refus écrits des intimés de rectifier la situation et de leurs témoignages dans le même sens au procès, à quelques nuances près (sauf quant à Gagné qui n'a pas témoigné), le Tribunal accorde aux requérants la somme réclamée de 100 000 $ pour honoraires extra-judiciaires.

Dommages exemplaires

[305]    Comme le signale Me Claude Dallaire, dans son ouvrage précité122 «Le principe de la discrétion judiciaire est au cœur de l'étude des dommages exemplaires. (…) Ceci signifie que, même si la démonstration d'une atteinte illicite et intentionnelle à un droit ou à une liberté fondamental est valablement faite devant la Cour, le tribunal n'a pas l'obligation d'accorder des dommages exemplaires

[306]    Les critères d'octroi et d'évaluation des dommages exemplaires sont établis à l'article 1621 C.c.Q. :

«Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue dela réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.»

 

 

 

[307]    Les exemples de circonstances appropriées mentionnés par l'article 1621 C.c.Q. n'étant pas limitatifs, les tribunaux en utilisent d'autres.  Au présent dossier, le Tribunal est d'avis que les critères additionnels suivants doivent être considérés:  le contexte des fautes commises, l'identité des auteurs et leurs rôles au sein de MIAOUF, le refus et l'absence d'excuses, le refus de rétractation et le comportement au procès.123

Contexte et gravité de la faute 

[308]    La faute est grave.

[309]    Sans excuser la faute, les passions, les rêves, les émotions, les aspirations et les frustrations qui habitent les auteurs en expliquent le contexte.  L'enfer est pavé de bonnes intentions !

Situation patrimoniale du débiteur

[310]    La preuve ne révèle pas précisément quelle est la situation patrimoniale de Duhaime, Vallée et Gagné.

[311]    Tout ce que révèle la preuve au sujet de Duhaime et de Vallée c'est que Duhaime occupe un emploi de cadre supérieur chez Postes Canada et qu'elle partage sa vie avec Yvan Dumais, médecin vétérinaire, alors que Vallée occupe un emploi de représentante.

[312]    La preuve est plus précise quant à Jennings dont la situation financière est précaire:  il est invalide et ne travaille plus depuis 7 ans, son seul revenu est une allocation d'invalidité mensuelle au montant de 1 600$ par mois, il ne possède aucun actif et sa conjointe a dû encaisser toutes ses économies (REER) afin de faire face aux frais légaux au présent dossier qui s'élèvent quant à lui à la somme de 17 253,75$.

Étendue de la réparation à laquelle le débiteur est déjà tenu 

[313]    La réparation à laquelle les intimés sont déjà tenus est significative notamment en raison de la condamnation au remboursement de la somme de 100 000$ pour honoraires extra-judiciaires.

[314]    Nul doute que cette réparation, à laquelle s'ajoutent les honoraires extra-judiciaires qu'ils ont dû payer pour leur défense au dossier, est de nature à les dissuader de toute récidive.

 

 

Prise en charge du paiement par un tiers

[315]    Il ne semble pas qu'il puisse y avoir prise en charge du paiement par un tiers.

L'identité des auteurs et leurs rôles au sein de MIAOUF

[316]    Duhaime, Vallée, Gagné et Jennings sont tous bénévoles auprès d'une société sans but lucratif, MIAOUF.  Chacun à leur façon et selon leurs capacités, ils ont contribué à venir en aide à des animaux abandonnés, sans maître et sans foyer.

[317]    Tout comme Graf et Heidersdorf, et malgré les divergences de visions et de perceptions, ils ont fait don de temps, d'énergie, de talents et d'argent.  Un tel engagement bénévole au mieux-être de la société doit être souligné et encouragé plutôt que dissuadé.

Le refus et l'absence d'excuses; Le refus de rétractation

[318]    Le refus et l'absence d'excuses, de même que le refus de rétractation, donnent déjà lieu à l'obligation d'indemniser pour les honoraires extra-judiciaires encourus.

Le comportement au procès

[319]    Bien que parties des écrits reprochés aient été répétées dans le cadre du procès, le Tribunal doit souligner que toutes les parties, dont les intimés, ont adopté un comportement correct, digne et respectueux envers les autres.  Elles se sont limitées à traiter sobrement de sujets pertinents.

[320]    Notre système judiciaire permet à chacun de faire valoir son point de vue et il est bien et bon qu'il en soit ainsi.  Les dommages exemplaires ne doivent pas avoir pour effet de priver un citoyen de la possibilité de contester pleinement, bien que sans abus de procédure, une réclamation présentée contre lui.

[321]    Sans s'excuser de leurs propos, ni les rétracter officiellement, Duhaime et Vallée ont en quelque sorte reconnu certaines faiblesses de leur stratégie alors que Jennings a dit regretter son choix de mots à la page Internet.  Il s'agit d'un élément atténuant quant aux dommages exemplaires.

[322]    Les dommages exemplaires visent différents buts:  dissuader, donner l'exemple, réprimander, punir ou inciter à agir autrement.124  De l'avis du Tribunal, ces buts sont ici atteints, notamment par la condamnation à rembourser les honoraires extra-judiciaires encourus, sans qu'il ne soit nécessaire d'y ajouter une condamnation pour dommages exemplaires.

[323]    Dans ces circonstances, et malgré le caractère intentionnel de la faute, le Tribunal n'impose pas de dommages exemplaires au-delà des réparations déjà accordées.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE en partie la requête;

CONDAMNE Rochelle Duhaime, Bianca Barelli-Vallée, Louise Gagné et Fred Jennings solidairement à payer à Éric Graf la somme de 50 000 $ avec intérêts et indemnité additionnelle depuis la signification de la requête;

CONDAMNE Rochelle Duhaime, Bianca Barelli-Vallée, Louise Gagné et Fred Jennings solidairement à payer à Renate Heidersdorf la somme de 10 000 $ avec intérêts et indemnité additionnelle depuis la signification de la requête;

CONDAMNE Rochelle Duhaime, Bianca Barelli-Vallée, Louise Gagné et Fred Jennings solidairement à payer à Éric Graf et à Renate Heidersdorf, solidairement, la somme de 100 000$ avec intérêts et indemnité additionnelle depuis la date de ce jugement;

REJETTE la demande reconventionnelle des intimés;

Le tout avec dépens.

 

 

 

 

__________________________________

Marie St-Pierre j.c.s.

 

Me Marc André Blain

Belleau Lapointe senc

Procureur des requérants

 

Me Paul Cloutier

Pearl et associées

Procureurs des intimés Duhaime, Barelli-Vallée et Jennings

 

L'intimée Louise Gagné est absente et n'est pas représentée

 

 

 

Dates d’audience :

 

 

21, 22, 23, 24 et 27 au 31 janvier 2003

 

 

Réouverture d'enquête autorisée
et dépôt d'un affidavit et de pièces
additionnelles:                                                 27 février 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NOTES DE FIN DE TEXTE

 

1.         Voir notamment les pièces R-21, R-22, R-61, R-62, RD-2, RD-4, RD-17, RD-21 et D-23.

2.                  Voir notamment les pièces  RD-7, R-58 et R-60.

 

3.         Voir notamment les pièces R-4, R-23, RD-10 et RD-11.

 

4.         Extraits du rapport du comité d'éthique:  pièce RD-12.

 

5.         Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 17 décembre 2000:  pièce RD-22.

 

6.         Pièce R-75.

7.         Extraits de la pièce D-13.

8.         Extraits du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 12 février 2001:  pièce R-5.

9.         Lettre du centre vétérinaire:  pièce R-7.

 

10.       Lettre de Duhaime du 11 mars 2001:  pièce R-6.

 

11.       Extraits d'un courriel de Taylor aux membres du conseil d'administration de MIAOUF et à Bishop:  pièce D-20.

12.       Rapport de Taylor, J. Lalonde et Glew du 27 mars 2001:  pièce R-9.

13.       Extraits du rapport de l'Université de Guelph:  pièce R-10.

14.       Rapport d'inspection de la SPCA:  pièce  R-11.

15.             Procès-verbal de l'assemblée du conseil d'administration de MIAOUF du 9 avril 2001:  pièce D-26.

16.       Lettre de la SPCA à Éric Graf:  pièce R-12.

17.       L.R.Q., c. P-42.

18.             Résolution du conseil d'administration de MIAOUF du 12 avril 2001:  pièce R-15.

19.             Rapport du vétérinaire Lanthier au MAPAQ:  pièce R-16.

20.             Prud'homme c. Prud'homme, [ 2002] CSC 85 .

21.             Beaudouin c. La Presse Ltée, [1998] R.J.Q. 204 (C.S.).

22.             Prud'homme c. Prud'homme, [ 2002] CSC 85 .

23.             Maison du Parc inc. c. Chayer, [2001] J.Q. no. 2663 (Q.L.) (C.S.);
 R.B.C. Dominion valeurs mobilières inc. c. Lizotte, [1999] R.R.A. 924 , J.E. 99-2228 (C.S.).

24.             Jeunes Canadiens pour une civilisation chrétienne c. La Fondation du théâtre du Nouveau-monde, [1979] C.A. 491 ;
R.B.C. Dominion valeurs mobilières inc. c. Lizotte, [1999] R.R.A. 924 , J.E. 99-2228 (C.S.);
Association des policiers de  Sherbrooke c. Delorme, [1997] R.J.Q. 2826 , [1997] R.R.A. 1140 (rés.), J.E. 97-2021 (C.S.).

25.             Interrogatoire au préalable tenu le 1er mai 2002, page 149 question 901.

26.             Interrogatoire au préalable tenu le 1er mai 2002, page 149 question 903.

27.             Interrogatoire au préalable tenu le 1er mai 2002, page 151 question 913.

28.             Interrogatoire au préalable tenu le 1er mai 2002, page 112 question 688.

29.             Extraits du guest-book: pièce R-40.

30.             Extraits de la pièce R-40.

31.             Interrogatoire au préalable du 19 avril 2002, pages 87-88, question 538.

32.             Voir pièce R-80.

33.             Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 5e éd. (1998), Les Éditions Yvon Blais inc., pages 301-302.

34.             Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 5e éd. (1998), Les Éditions Yvon Blais inc., pages 301-302.

35.             Prud'homme c. Prud'homme, [ 2002] CSC 85 .

36.             Prud'homme c. Prud'homme, [ 2002] CSC 85 , par. 37 et 38.

37.             Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 , par. 101.

38.             Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 , par. 107 et 117.

39.             Pièce R-1.

40.             Lettre du Dubé au conseil d'administration de MIAOUF:  pièce R-72.

41.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 8 janvier 2001:  pièce RD-20.

42.             Courriel de Lalonde au conseil d'administration de MIAOUF:  pièce D-24.

43.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 19 mars 2001:  pièce R-8.

44.             Lettre de démission du Duhaime:  pièce R-6.

45.             Pièce R-1, clause 6.

46.             Pièce D-2.

47.             Pièce R-9.

48.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 9 avril 2001:  pièce D-26.

49.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 24 mars 2000:  pièce RD-17.

50.             Pièce RD-7.

51.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 7 juillet 2000:  pièce D-23.

52.             Pièce R-58.

53.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 12 décembre 1999:  pièce R-22.

54.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 7 avril 2000:  pièce R-21.

55.             Pièce R-27.

56.             Factures des coûts pour le toit:  pièce R-24.
Procès-verbal de la réunion du conseil d
'administration de MIAOUF du 23 octobre 2000:  pièce R-26.

57.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 23 octobre 2000:  pièce R-26.

58.             Facture de chocolat Perfection inc. du 9 novembre 2000:  pièce R-25.

59.             Pièces R-27, D-12 et BBV-2.

60.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 14 janvier 2001:  pièces R-44 et R-65.

61.             Voir notamment les pièces R-63 et R-84.

62.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 12 février 2001:  pièce R-5.

63.             Voir les pièces R-29 et R-76.

64.             Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 ;
Beaulieu c. Syndicat des travailleurs (euses) de la Caisse populaire de Trois-Pistoles (C.S.N.), [1990] R.R.A. 405 (C.S.);
Wolf c. Maroulis, [2002] R.R.A. 1009 (rés.), J.E. 2002-1541 , AZ-50126686 , REJB 2002-33704 (C.S.), Appel rejeté sur requête (C.A.) (2003-02-03), 500-09-012377-024;
Johnson c. Arcand, [2002] R.J.Q. 2802 , J.E. 2002-1844 , AZ-50146255 , [2002] R.R.A. 1153 (C.S.),  Inscription en appel, 2002-10-31 (C.A.), 500-09-012808-028.

65.             Lettre de résiliation de l'assureur AXA:  pièce R-35.

66.             Voir pièce RD-9.

67.             Police d'assurance émise par La Citadelle pour la période du 21 février 2001 au 21 février 2002:  pièce R-36.

68.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 19 mars 2001:  pièce R-8.

69.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 23 octobre 2000:  pièce R-26.

70.             Facture de Précision inc. au montant de 1 380,30$:  pièce R-37.

71.             Extraits des états de compte Visa Or de Graf:  pièce R-39.

72.             Mémo de Duhaime au conseil d'administration de MIAOUF du 11 février 2001:  pièce R-64.

73.             Courriels du 19 février 2001:  pièce RD-16.

74.             Geneviève TARDIF, Jean FONTAINE, Jean SAINT-GERMAIN, Le Grand druide des synonymes, 2001, Les Éditions Québec Amérique inc.

75.             Pièce D-13.

76.             The ten rules of the board :  pièce RD-3.

77.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 6 octobre 2000:  pièce R-23.

78.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 8 janvier 2001:  pièce RD-20.

79.             À titre d'exemples, voir notamment les pièces R-5, RD-20, RD-22.

80.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 6 octobre 2000:  pièce R-23.

81.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 23 octobre 2000:  pièce R-26.

82.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 17 décembre 2000: pièce RD-22.

83.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 14 janvier 2001: pièces R-44 ou R-65.

84.             Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 19 mars 2001:  pièce R-8.

85.             Pièce R-16.

86.             Pièce R-9.

87.             Lettre de Kimmel à Chartier:  pièce R-14.

88.             Voir les pièces D-4, D-28 et D-29.

89.             Prud'homme c. Prud'homme, [2002] CSC 85 ;
Association des policiers de  Sherbrooke c. Delorme, [1997] R.jQ. 2826 , [1997] R.R.A. 1140 (rés.), J.E. 97-2021 (C.S.);
Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 ;
Steenhaut c. Vigneault, AZ-86011266 , J.E. 86-1044 , [1986] R.R.A. 548 (C.A.);
Bertrand c. Proulx, AZ-50132744 , J.E. 2002-1269 (C.S.);
Johnson c. Arcand, AZ-50146255 , J.E. 2002-1844 , [2002] R.J.Q. 2802 , [2002] R.R.A. 1153 (C.S.);  Inscription en appel, 2002-10-31 (C.A.), 500-09-012808-028;
Maison du Parc c. Chayer, [2001] J.Q. no. 2663 (Q.L.) (C.S.);
Société Radio-canada c. Guitouni, AZ-50147757 , [2002] R.J.Q. 2691 , [2002] R.R.A. 1134 (rés.), J.E. 2002-2013 (C.A.), Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême 2002-12-13 (C.S. Can.), 29521;
Alfert c. Dugas, AZ-91021489 , [1991] R.J.Q. 2340 , [1991] R.R.A. 846 (rés.), J.E. 91-1389 (C.S.);
Picard c. Gros-Louis, AZ-50069199 , [2000] R.R.A. 62 , J.E. 2000-367 (C.A.);

90.             Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 5e éd. (1998), Les Éditions Yvon Blais inc., par. 478;
Chaloult c. Chronicle Telegraph publishing Co. Ltd., [1944] R.L. 1 (C.S.);
Pelletier c. Gagnon, [1948] R.P. 295 (C.S.);
Côté c. Claveau, J.E. 82-701 (C.S.);
Guindon c. Nault, [1961] C.S. 661;
F. v. L., [1964] B.R. 657 ;
Poissant c. Tessier, [1997] RRA 1162 (C.Q.);
Augustin c. La Nation de l'Islam du Canada, [2000] R.R.A. 930 (C.S.);
Jouvet c. Lévesque, [2001] R.R.A. 841 (C.Q.);
Gervais c. Bouffard, [2001] R.J.Q. 1065 (C.Q.);
Bertrand c. Proulx, [2001] R.J.Q. 1741 (C.S.).

91.             Guindon c. Nault, [1961] C.S. 661;
Poissant c. Tessier, [1997] RRA 1162 (C.Q.).

92.             Québec (Curateur public) c. Syndicat des employés de l'Hopital St-Ferdinand, [1996] 3 RCS 211 , p.263.

93.             Claude DALLAIRE, La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes, 2ième édition, Wilson & Lafleur, 2003, pages  86 à 95.

94.             Voir notamment dans le cas de Duhaime la pièce RD-19.

95.             Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 ,par.187.

96.             Pièce R-45.

97.             Pièce R-18.

98.             Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 , par. 176;
Alfert c. Dugas, [1991] R.J.Q. 2340 , [1991] R.R.A. 846 (rés.), J.E. 91-1389 (C.S.);
Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec c. Banque Nationale du Canada et 2868709 Canada inc., (2003-04-07) C.A. 500-09-009929-001,les Honorables Thérèse Rousseau-Houle, Jacques Chamberland et Danielle Grenier;
Chartré c. Exploitation agricole et forestière des Laurentides Inc., [2002] R.J.Q. 1623 (C.A.);
Prévost-Masson c. Trust Général du Canada, [2001] 3 R.C.S. 882 .

99.             Fabien c. Dimanche-Matin Ltée, [1979] C.S. 928 , p.944.

100.         Lavoie c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 7;
M. c. H., [1999] 2 R.C.S. 3 ;
Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 4;
Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 ;
Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130 ;
Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 5;
R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30 ;
Snyder  c. Montreal Gazette Ltd., [1988] 1 R.C.S. 4;
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 ;
R. v. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 .

101.         Voir notamment les pièces R-17, R-46, R-51, R-55, R-77, R-78.

102.         Pièce R-72.

103.         Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 17 décembre 2000:  pièce RD-22.

104.         Pièce D-13.

105.         Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 8 janvier 2001:  pièce RD-20.

106.         Pièce D-16.

107.         Pièce D-42.

108.         Pièce FJ-4.

109.         Procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de MIAOUF du 12 février 2001:  pièce R-5.

110.         Pièce D-24.

111.         Snyder c. The Montreal Gazette Ltd, [1988] 1 R.C.S. 474, pp. 505-507.

112.         Pièces R-47 et R-53.

113.         Voir les pièces R-54, R-56 et FJ-2.

114.         L.R.Q. c. C-12.

115.         Art. 1607 et 1611 C.c.Q.;
Vincent KARIM, Les obligations, vol. 2, 2e édition, Wilson & Lafleur 2002, pages 432 à 458;
Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés, [1996] 2 R.C.S. 345 ;
Aubry c. Éditions Vice-Versa inc., [1998] 1 R.C.S. 591 ;
Augustus c. Gosset, [1996] 3 R.C.S. 2;
Commission des droits de la personne c. L'Homme, (1982) 3 C.H.R.R.D., 849 (C.A.);
Conseil de la nation huronne wendat c. Picard, (1997) R.R.A. 91 (C.S.), appel rejeté [2000] R.R.A. 62 ; J.E. 2000-367 ; REJB 2000-16362 (C.A.).

116.         Voir notamment la pièce R-68.

117.         AZ-50147757 , [2002] R.J.Q. 2691 , [2002] R.R.A. 1134 (rés.), J.E. 2002-2013 (C.A.), Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême, 2002-12-13 (C.S. Can.), 29521;
Société Radio- Canada c. Gilles Néron Communication Marketing inc., AZ-50147707 , [2002] R.J.Q. 2639 , [2002] R.R.A. 1130 (rés.), J.E. 2002-2014 (C.A.), Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême, 2002-12-16 (C.S. Can.), 29519.

118.         M.M. c. S.V., 705-05-002718-974, 25 novembre 1998 (C.S.).

119.         Bélisle-Heurtel c. Tardif, [2000] R.J.Q. 2391 (C.S.).

120.         Largy c. Murray, AZ-50149582 , [2002] R.R.A. 1231 , J.E. 2002-2134 (C.S.).

121.         Johnson c. Arcand, AZ-50146255 , [2002] R.J.Q. 2802 , [2002] R.R.A. 1153 , J.E. 2002-1844 (C.S.); Inscription en appel, 2002-10-31 (C.A., 500-09-012808-028).

122.         Claude DALLAIRE, La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes», 2ième édition, pages 101 et 102.

123.         Claude DALLAIRE, La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes», 2ième édition, pages 101 à 165.

124.         Claude DALLAIRE, La mise en œuvre des dommages exemplaires sous le régime des Chartes», 2ième édition, pages 16 à 21.

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ANNEXE 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 10

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE 11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.