Décision

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Gabarit CFP

Ruel et Québec (Ministère de la Justice)

2015 QCCFP 4

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1301337

 

DATE :

30 janvier 2015

___________________________________________________________

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Louise Caron

___________________________________________________________

 

 

JEAN-PHILIP RUEL

 

Appelant

 

Et

 

MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC

 

Intimé

 

___________________________________________________________

 

                                                            DÉCISION

                  (Article 127, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

___________________________________________________________

 

L'APPEL

[1]           M. Jean-Philip Ruel, conseiller en évaluation de programme au ministère de la Justice (ci-après appelé le « MJQ »), conteste, par un appel en vertu de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique[1] (ci-après appelée la « Loi »), la décision de son employeur de refuser de réviser le taux de traitement qui lui a été attribué, conformément à la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires[2] (ci-après appelée la « Directive »).

[2]           M. Ruel conteste le fait que le MJQ ne lui reconnaisse pas sa maîtrise en administration publique (évaluation de programme) de l’École nationale de l’administration publique, dans le calcul de son taux de traitement.

[3]           Pour sa part, le MJQ soutient que M. Ruel reçoit le taux de traitement auquel il a droit et qu’il a correctement appliqué la Directive.

[4]           La question en litige est donc de déterminer si M. Ruel a droit à un taux de traitement supérieur à celui qui lui a été accordé, compte tenu de sa maîtrise.

[5]           Lors d’une conférence préparatoire, le MJQ a signalé à la Commission et à M. Ruel son intention de soulever la prescription de l’appel de M. Ruel. Toutefois, en début d’audience, le MJQ annonce qu’il renonce à soulever ce moyen préliminaire. L’audience ne porte que sur le fond du litige.

LES FAITS MIS EN PREUVE

[6]           Les admissions suivantes sont déposées devant la Commission :

1.            L’appelant a fait un concours de recrutement universitaire en 2008;

2.            L’appelant a réussi ce concours et son nom a été mis sur une liste de déclaration d’aptitudes pour l’emploi d’agent de recherche et de planification socio-économique (105);

3.            L’appelant n’a pas fait d’autre concours;

4.            Le ou vers le 29 septembre 2010, l’appelant a obtenu une maîtrise en administration publique (évaluation de programme) de l’École nationale d’administration publique;

5.            Le ou vers le 9 mai 2011, l’appelant a été embauché à titre d’employé occasionnel à l’Office des personnes handicapées du Québec;

6.            Le ou vers le 14 mai 2012, l’appelant a été embauché à titre d’employé temporaire au ministère de la Justice du Québec;

7.            Le ou vers le 3 septembre 2013, le ministère de la Justice du Québec a publié une offre d’affectation pour un poste d’agent de recherche et de planification socio-économique;

8.            Dans cette offre d’affectation, le ministère exigeait que le candidat fasse partie du personnel régulier de la fonction publique, qu’il appartienne à la classe d’emplois d’agent de recherche et de planification socio-économique ou qu’il accepte un reclassement à ce titre, qu’il possède un minimum de trois années d’expérience en évaluation de programme et qu’il possède un diplôme de 2e cycle en évaluation de programme, en économique, en économétrie, en sociologie ou dans une autre discipline pertinente;

9.            L’appelant a postulé pour obtenir cet emploi;

10.         Le ou vers le 17 mars 2014, le travailleur a été nommé, par affectation, à un emploi d’agent de recherche et de planification socio-économique à la Direction de la vérification interne du ministère de la Justice;

11.         Au moment de sa nomination, l’appelant était à l’échelon 6;

12.         Le ou vers le 4 avril 2014, l’appelant a demandé à l’intimé la révision de son taux de traitement attribué selon la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires;

13.         Le ou vers le 22 avril 2014, l’intimé a envoyé une lettre à l’appelant l’informant des raisons pour lesquelles il refusait de réviser son taux de traitement;

13.1      Suite à la réponse de l’intimé du 22 avril 2014, l’appelant et l’intimé ont échangé de nombreux courriels au sujet de la position de l’intimé, la dernière correspondance datant du 7 mai 2014;

13.2      Le ou vers le 27 mai 2014, l’appelant a rencontré Mme Émilie Demers-Roy, représentante de l’intimé, pour que les parties s’expliquent leur position respective;

14.         Le ou vers le 28 mai 2014, l’appelant a formé un appel à la Commission de la fonction publique concernant le refus de l’intimé du 22 avril 2014 de réviser son taux de traitement.

[7]   Par la suite, M. Ruel témoigne. Il dépose de plus un échange de courriels entre lui et le MJQ dans lesquels ce dernier explique sa décision concernant la reconnaissance de sa maîtrise. M. Ruel souligne que l’offre d’affectation, suivant laquelle il a été nommé agent de recherche et de planification socio-économique (conseiller ou conseillère en évaluation de programme) à la Direction de la vérification interne du MJQ, exige à la fois un minimum de trois années d’expérience en évaluation de programme et un diplôme de deuxième cycle, notamment en évaluation de programme.

[8]           Il précise que tant son expérience que sa maîtrise sont nécessaires à son emploi et il donne des exemples concrets où ses tâches nécessitent les deux, notamment l’implantation du nouveau montant limite fixé par le Code de procédure civile[3] pour intenter un recours à la division des petites créances de la Cour du Québec. Il soumet qu’en conséquence son employeur doit, pour fixer son taux de traitement, reconnaître aussi sa maîtrise et non seulement son expérience. Il s’agit selon lui d’une question de justice et d’équité, deux notions énoncées à la Loi. Il prétend que sa maîtrise lui permet d’acquérir quatre échelons de plus dans l’échelle du taux de traitement par rapport à l’échelon auquel il est rendu.

[9]           Mme Émilie Demers-Roy, conseillère en gestion des ressources humaines au MJQ, témoigne pour ce dernier. Elle mentionne qu’elle conseille les gestionnaires à toutes les étapes du processus de dotation d’un emploi, que ce soit en recrutement, en affectation, en mutation ou en promotion.

[10]        Elle souligne, concernant le poste de conseiller en évaluation de programme occupé par M. Ruel, que le MJQ avait déterminé que le bassin de candidatures devait être celui des employés réguliers du MJQ et qu’en conséquence il a procédé par affectation pour pourvoir ce poste.

[11]        Mme Demers-Roy explique par la suite le processus menant à la constitution d’une liste de déclaration d’aptitudes (ci-après appelée une « LDA »). Une LDA est constituée à la suite de la tenue d’un concours, afin de déterminer un bassin de candidatures pour pourvoir d’éventuels emplois. Souvent, le concours prévoit les conditions minimales d’admission à la classe d’emplois visée, généralement un baccalauréat pour un emploi de niveau professionnel. Une LDA aux conditions minimales est alors constituée. Le concours peut aussi prévoir des exigences additionnelles quant au nombre d’années d’expérience ou de scolarité requises, en raison de la nature et des particularités de l’emploi. Une LDA avec exigences additionnelles est alors constituée. C’est à partir d’une LDA qu’on choisit un candidat pour pourvoir un emploi en recrutement ou en promotion.

[12]        Mme Demers-Roy explique que l’offre d’affectation décrit, pour sa part, l’emploi offert et détermine les conditions essentielles pour y pourvoir.

[13]        Elle précise qu’il n’est pas nécessaire pour un fonctionnaire que son nom soit sur une LDA avec exigences additionnelles pour s’inscrire à une offre d’affectation avec exigences additionnelles. À une question de M. Ruel, elle ajoute que même si un fonctionnaire ne détenait pas de maîtrise lorsqu’il a été inscrit sur une LDA, il est possible qu’il l’ait acquise par la suite. Il peut alors poser sa candidature dans le cadre d’une offre d’affectation exigeant des études additionnelles.

[14]        Dans le cas de M. Ruel, Mme Demers-Roy explique qu’il a été inscrit sur une LDA avec exigences additionnelles vu l’obtention de sa maîtrise, tel que le confirme d’ailleurs les échanges de courriels entre M. Ruel et le MJQ.

[15]        Elle reconnaît que l’offre d’affectation, selon laquelle M. Ruel a obtenu son emploi, exige de l’expérience et de la scolarité additionnelles aux conditions minimales d’admission à la classe d’emplois d’agent de recherche et de planification socio-économique, conseiller en évaluation de programme. Elle précise qu’il s’agit des conditions nécessaires pour exercer cet emploi et non pas des conditions pour être inscrit sur une LDA d’agent de recherche et de planification socio-économique.

[16]        Concernant la Directive, Mme Demers-Roy explique que l’article 33 permet de réévaluer le taux de traitement d’un fonctionnaire affecté à un poste de même niveau de mobilité que celui qu’il occupe. Le fonctionnaire doit, pour ce faire, être affecté à un emploi de la même classe d’emplois à laquelle il appartient et être inscrit sur une LDA avec des exigences additionnelles qui sont pertinentes à l’emploi auquel il est affecté. L’ajustement du taux de salaire se fait alors conformément à l’article 9 de la Directive. En somme, Mme Demers-Roy explique que l’on fait comme si le fonctionnaire était nommé en recrutement au poste à partir de la LDA avec exigences additionnelles, plutôt que de poursuivre son cheminement de carrière.

[17]        Mme Demers-Roy reconnaît que l’article 33 de la Directive pouvait s’appliquer à M. Ruel, puisqu’il remplit les deux conditions prescrites : l’emploi auquel il est affecté, soit agent de recherche et de planification socio-économique, appartient à la même classe d’emplois que son classement avant l’affectation et il est inscrit sur une LDA avec des exigences additionnelles, vu sa maîtrise, reliées à l’emploi auquel il est affecté.

[18]        Mme Demers-Roy affirme, toutefois, que l’application de l’article 33 de la Directive n’est pas avantageuse pour M. Ruel. En effet, l’échelon ainsi accordé serait inférieur à celui qu’il avait atteint lors de son affectation, soit l’échelon 6. Mme Demers-Roy explique que seulement 3 échelons seraient accordés à M. Ruel, et non 5 échelons tel que le laisse entendre l’échange de correspondance intervenue entre le MJQ et M. Ruel à la suite de sa demande d’ajustement de traitement.

L’ARGUMENTATION

de M. Ruel

[19]        M. Ruel base son argumentation sur le respect des principes de justice et d’équité énoncés au paragraphe 4° de l’article 3 de la Loi et aux articles 30 à 36 de la Loi sur l’administration publique[4]. C’est sur la base de ces principes qu’il demande la réévaluation de son taux de traitement.

[20]        Plus précisément, il rappelle qu’il a répondu à une offre d’affectation dans laquelle étaient exigées à la fois une expérience de trois ans en évaluation de programme et une maîtrise en évaluation de programme. Il soutient que tant son expérience que ses connaissances acquises dans le cadre de sa maîtrise lui sont utiles quotidiennement dans l’exercice de ses tâches.

[21]        En conséquence, il allègue que pour déterminer son taux de traitement, dans le respect de la justice et de l’équité, l’employeur doit lui reconnaître son expérience et sa maîtrise, et pas uniquement son expérience ou sa maîtrise. Il souligne que lors de sa nomination à titre d’employé temporaire en 2012, il a débuté au premier échelon et qu’il a progressé en fonction de son expérience pour aujourd’hui avoir atteint l’échelon 9.

[22]        En réponse à une remarque de la Commission, M. Ruel dit ne plus soulever une mauvaise interprétation de la Directive par l’employeur. Selon lui, la Directive ne peut s’appliquer à son cas, car elle permet de reconnaître les maîtrises depuis le 28 mai 2012, soit postérieurement à son embauche à titre d’employé temporaire au MJQ, le 14 mai 2012.

du MJQ

[23]        Le MJQ mentionne que l’appel de M. Ruel est intenté en vertu de l’article 127 de la Loi et que son recours est plus précisément fondé sur la Directive.

[24]        Le MJQ allègue que la compétence de la Commission qui lui est attribuée par l’article 127 de la Loi est limitée. La seule question que doit se poser la Commission est de déterminer si le MJQ a appliqué la Directive de façon correcte. Elle ne peut se prononcer sur son caractère équitable.

[25]        Concernant la Directive, le MJQ affirme que, contrairement aux prétentions de M. Ruel, elle s’appliquait à ce dernier au moment de son affectation, le 17 mars 2014, puisqu’elle est en vigueur depuis le 28 mai 2012.

[26]        Le MJQ indique que la Directive est construite de façon logique et cohérente. La section I en mentionne l’objet et contient certaines définitions; la section II détermine principalement son champ d’application et la section III établit les règles relatives à la détermination du taux de traitement en fonction, notamment, des différents mouvements de personnel.

[27]        Ainsi, l’article 6 g) ii) précise que le taux de traitement est déterminé lors :

g) de l’affectation ou de la mutation d’un fonctionnaire à :

i) […]

ii) un autre emploi et lorsqu’il a été déclaré apte à la suite d’un concours de recrutement dont les conditions d’admission comportent des exigences additionnelles aux conditions minimales de la classe d’emplois ou du grade;

[La Commission souligne]

[28]        Pour sa part, l’article 33 détermine les conditions devant être satisfaites pour ajuster le traitement d’un fonctionnaire lors d’une affectation :

33. Lors de l’affectation ou de la mutation d’un fonctionnaire, le taux de traitement ou le traitement du fonctionnaire peut être ajusté conformément à l’article 9 lorsque toutes les conditions suivantes sont satisfaites :

a) le fonctionnaire est déclaré apte à la suite d’un concours de recrutement dont les conditions d’admission comportent des exigences additionnelles reliées à l’emploi vacant auquel le fonctionnaire est affecté ou muté;

b) l’emploi vacant auquel le fonctionnaire est affecté ou muté appartient à la même classe d’emplois que le classement du fonctionnaire ou appartient à une autre classe d’emplois pour laquelle le reclassement du fonctionnaire est possible.

[La Commission souligne]

[29]        Le MJQ mentionne qu’il est indiqué à l’article 33 que le taux de traitement « peut être ajusté », alors qu’à l’article 32, il est clairement mentionné que, sous certaines conditions, lors de son affectation, un fonctionnaire « peut se voir attribuer un ou des échelons additionnels ». Le MJQ affirme qu’il s’agit de deux situations différentes qui démontrent que lorsqu’on a voulu que des échelons additionnels soient attribués, on l’a clairement précisé.

[30]        Comme l’énonce l’article 33, le taux de traitement peut donc être ajusté conformément à l’article 9 :

9. Un concours peut prévoir des exigences additionnelles aux conditions minimales d’admission des classes d’emplois ou des grades en raison de la nature et des particularités de l’emploi ou des emplois faisant l’objet du concours. Le taux de traitement ou le traitement est alors déterminé selon le nombre d’années d’expérience ou de scolarité exigé.

Échelle de traitement composée d’échelons et de taux de traitement

Chaque année d’expérience ou chaque année de scolarité exigée et additionnelle aux conditions minimales d’admission de la classe d’emplois ou du grade correspond à un échelon s’il s’agit d’un échelon dont la durée de séjour est d’un an ou à deux échelons s’il s’agit d’un échelon dont la durée de séjour est de six mois.

Échelle de traitement composée d’un taux minimal de traitement et d’un taux maximal de traitement

Chaque année d'expérience ou chaque année de scolarité exigée et additionnelle aux conditions minimales d’admission de la classe d’emplois ou du grade correspond à une majoration de 4 % du traitement minimal de l'échelle de traitement.

[La Commission souligne]

[31]        Ainsi, en se basant sur les articles 9 et 33 de la Directive, le MJQ soutient que lors d’une affectation, le traitement d’un fonctionnaire peut être ajusté si le concours qui lui a permis d’être inscrit sur une LDA prévoyait des exigences additionnelles, et non pas lorsque c’est l’offre d’affectation qui prévoit des exigences additionnelles en terme d’années d’expérience ou de scolarité. Il rappelle que, comme l’a démontré Mme Demers-Roy, une offre d’affectation et un concours sont deux choses différentes. Il est possible qu’une offre d’affectation pour un poste précis contienne des exigences additionnelles qui n’étaient pas nécessaires lors de la constitution d’une LDA pour la même classe d’emplois. Mais, pour l’application de l’article 33, la référence pour les exigences additionnelles est le concours qui a donné lieu à la LDA et non l’offre d’affectation.

[32]        Le MJQ reconnaît que l’on peut appliquer l’article 33 de la Directive à M. Ruel, puisqu’il remplit les deux conditions énoncées.

[33]        Dans le cas présent, si le MJQ avait utilisé, lors de l’affectation de M. Ruel, la LDA avec exigences additionnelles sur laquelle il est inscrit, seule la maîtrise aurait été reconnue et il aurait obtenu l’échelon 3 ou 5. Bien qu’il existe un imbroglio sur le niveau de l’échelon, le MJQ souligne que cela n’a aucune incidence sur le présent appel puisque, de toute façon, l’échelon accordé serait inférieur à celui où se situe M. Ruel lors de son affectation. Le MJQ a donc considéré plus avantageux de laisser M. Ruel à l’échelon 6 pour déterminer son taux de traitement.

[34]        Le MJQ soutient qu’il n’a pas agi de façon inéquitable, qu’il a répondu à la demande de M. Ruel de manière diligente et qu’il a appliqué la Directive de façon correcte.

ANALYSE ET MOTIFS

[35]        Le litige porte sur le taux de traitement accordé à M. Ruel à la suite de sa nomination, par affectation, le 17 mars 2014, à un emploi d’agent de recherche et de planification socio-économique à la Direction de la vérification interne du MJQ.

[36]        Il ressort de la preuve que le taux de traitement attribué à M. Ruel, lors de son affectation, est basé sur les années d’expérience acquises depuis sa nomination à titre d’employé temporaire au MJQ et que sa maîtrise n’a pas été considérée.

[37]        La contestation de M. Ruel soulève la question suivante : le MJQ doit-il reconnaître la maîtrise en administration publique (évaluation de programme) de l’École nationale d’administration publique obtenue par M. Ruel en septembre 2010, en plus de l’expérience acquise en évaluation de programme, pour établir son taux de traitement?

[38]        Selon M. Ruel, puisque l’offre d’affectation exige un minimum de trois années d’expérience en évaluation de programme, de même qu’un diplôme de 2e cycle en évaluation de programme, en économique, en économétrie, en sociologie ou dans une autre discipline pertinente, et que tant son expérience que sa maîtrise lui sont quotidiennement utiles pour accomplir ses tâches, les deux devaient être prises en compte pour établir son taux de traitement et non l’une ou l’autre.

[39]        L’argumentation de M. Ruel s’appuie essentiellement sur le respect des principes d’équité et de justice énoncés à l’article 3 de la Loi et aux articles 30 et 36 de la Loi sur l’administration publique.

[40]        Comme l’a déjà mentionné la Commission dans les décisions Auclair[5] et Cheeney[6], l’article 3 de la Loi est de portée générale et n’est pas attributif de compétence. L’équité est un principe de la Loi, comme une valeur à prôner et à protéger, mais elle doit être appliquée en fonction des normes plus précises de la Loi. Cet article ne permet pas à la Commission d’apprécier, dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 127 de la Loi, le caractère juste des règles relatives à l’attribution du taux de traitement prescrites par la Directive. La même conclusion doit s’appliquer aux articles 30 à 36 de la Loi sur l’administration publique; ils ne confèrent aucune compétence particulière à la Commission à cet égard. L’article 31 énonce simplement que le Conseil du trésor établit des politiques de gestion des ressources humaines en tenant compte des objectifs de la Loi.

[41]        La Commission doit plutôt examiner si le taux de traitement attribué à M. Ruel a été fixé conformément aux règles prescrites par la Directive. Il s’agit essentiellement d’une question d’interprétation de cette directive.

[42]        La Commission constate que, suivant la Directive, une maîtrise peut être reconnue lors d’un recrutement, en cours d’emploi et lors d’une affectation, selon les conditions prévues à la Directive.

[43]        La Commission souligne que l’article 8 de la Directive concernant la dotation des emplois dans la fonction publique[7] définit que « l’affectation permet de pourvoir à un emploi vacant d’un ministère ou d’un organisme par un fonctionnaire qui appartient à ce ministère ou cet organisme et dont la classe d’emplois est la même ou de même niveau de mobilité que celle de l’emploi à pourvoir. » Ce même article énonce que « le recrutement permet de pourvoir à un emploi vacant par une personne provenant de l’extérieur de la fonction publique qui, suite à un concours, a été déclarée apte à la classe d’emplois visée. »

[44]        La Directive est entrée en vigueur le 28 mai 2012. Comme le souligne le MJQ, pour appliquer l’article 33 de la Directive, c’est la date de l’affectation de M. Ruel qui doit être prise en compte, soit le 17 mars 2014, et non la date de sa nomination à titre d’employé temporaire, le 14 mai 2012.

[45]        Comme l’a démontré le MJQ, en cas d’affectation, le taux de traitement du fonctionnaire peut être établi de deux façons.

[46]        Un fonctionnaire, avant son affectation à un nouvel emploi, progresse dans l’échelle de traitement, par l’accumulation des années d’expérience. C’est ainsi que M. Ruel, nommé à titre d’employé temporaire le 14 mai 2012, avait atteint l’échelon 6 dans l’échelle de traitement, lors de son affectation, le 17 mars 2014.

[47]        Par ailleurs, l’article 33 de la Directive permet, en cas d’affectation, de reconnaître les exigences additionnelles reliées à l’emploi, sous certaines conditions. Le texte de l’article 33 est clair. La référence pour tenir compte de ces exigences additionnelles est le concours par lequel le fonctionnaire a été déclaré apte et qui a donné lieu à la constitution de la LDA avec exigences additionnelles et non celles apparaissant à l’offre d’affectation.

[48]        Il n’est pas contesté par le MJQ que l’article 33 de la Directive s’applique à M. Ruel. La Commission n’a donc pas à se prononcer à cet égard. En effet, le MJQ reconnaît que M. Ruel remplit les deux conditions énoncées à l’article 33, pour que son traitement puisse être ajusté conformément à l’article 9 :

·        Le concours de recrutement universitaire à la suite duquel il a été déclaré apte lui a permis d’être inscrit sur une LDA comportant des exigences additionnelles reliées à l’emploi vacant de conseiller en évaluation de programme, soit sa maîtrise en évaluation de programme; cette maîtrise est une exigence additionnelle aux conditions minimales d’admission à la classe d’emploi d’agent de recherche et de planification socio-économique[8].

·        L’emploi vacant auquel M. Ruel a été affecté appartient à la même classe d’emplois que son classement d’agent de recherche et de planification socio-économique.

[49]        En utilisant l’article 33 de la Directive qui crée une fiction, le MJQ peut « recruter » M. Ruel à partir de la LDA avec exigences additionnelles. Seule sa maîtrise peut alors lui être reconnue et on ne peut tenir compte de sa progression de carrière suivant l’article 9 de la Directive.

[50]        Le MJQ a démontré à la Commission que le traitement auquel aurait alors droit M. Ruel est celui correspondant à l’échelon 3 ou 5, selon que l’on accorde une ou deux années d’expérience à M. Ruel pour sa maîtrise. Comme l’a soulevé le MJQ, ce point ne fait pas partie du débat devant la Commission. Il apparaît d’ailleurs clairement que reconnaître la maîtrise de M. Ruel pour l’ajustement de son salaire en appliquant l’article 33 de la Directive ne lui est pas avantageux. Il est préférable qu’il conserve l’échelon atteint par sa progression dans l’échelle salariale depuis sa nomination à titre d’employé temporaire le 14 mai 2012.

[51]        Bien que les règles prescrites puissent paraître injustes et inéquitables à M. Ruel, la Commission conclut que le MJQ a correctement établi le traitement auquel il a droit. Le MJQ a respecté la Directive. Bien que l’offre d’affectation au poste occupé par M. Ruel exigeait à la fois trois années d’expérience et une maîtrise, aucune règle ne permet de tenir compte de la maîtrise de M. Ruel pour lui attribuer des échelons supplémentaires à celui qu’il détenait au moment de son affectation.

[52]        POUR CES MOTIFS, la Commission rejette l’appel de M. Jean-Philip Ruel.

 

Original signé par :

           

 

_____________________________

Louise Caron, avocate

Commissaire

 

 

Jean-Philip Ruel

Appelant non représenté

 

Me Jean-Christophe Bédard-Rubin

Procureur pour l’intimé

 

Lieu de l’audience :

Québec

 

 

Date de l’audience :

10 décembre 2014

 



[1]     RLRQ, c. F-3.1.1.

[2]     C.T. 211312 du 3 avril 2012 et ses modifications.

[3]     Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.

[4]     RLRQ, c. A-6.01.

[5]     Auclair et Centre de services partagés du Québec, 2012 QCCFP 40, par. 136.

[6]     Cheeney et Ministère de la Sécurité publique, 2012 QCCFP 27, par. 301 et 363.

[7]     C.T. 193340 du 4 mai 1999 et sa modification.

[8]     Pour être admissible à cette classe d’emploi, un candidat doit détenir un diplôme universitaire de premier cycle dans une discipline pertinente, conformément à la Directive concernant la classification de la catégorie du personnel professionnel, C.T. 177276 du 28 mai 1991 et ses modifications.

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