[1] LA COUR; Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 3 octobre 2000 par la Cour supérieure, district de Hull (l'honorable Gilles Mercure) qui a rejeté l’action en dommages de 4 119 757,08 $ de l’appelant;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3] Pour les motifs de la juge Lemelin auxquels souscrivent les juges Chamberland et Rochon;
[4] REJETTE l’appel avec dépens.
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MOTIFS DE LA JUGE LEMELIN |
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[5] L'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure (Hull, 3 octobre 2000, le juge Gilles Mercure) qui a rejeté son action de 4 119 757,08 $ pour les dommages que lui aurait causés l'enquête policière effectuée à la suite de l'incendie du garage L'Ami Michel Automobiles Canada Ltée (L'Ami Michel).
[6] L'intimé Claude Séguin, policier de la Sûreté du Québec à Hull, a mené l'enquête, assisté de son collègue, Bertrand Poirier. Le Procureur général du Québec est poursuivi uniquement à titre de commettant de ces deux policiers.
[7] John Jauvin est un homme d'affaires connu dans la région de Hull-Ottawa. Il acquiert des commerces en difficulté, les réorganise puis les revend. L'appelant peut aussi avancer des fonds à des entrepreneurs qui ne peuvent obtenir un financement auprès des institutions bancaires.
[8] À l'été 1980, Jauvin prête de l'argent à Cornellier, propriétaire de Soucy Mercury, un commerce de vente d'automobiles Ford et d'atelier de mécanique situé à Plaisance. À la suite du défaut de Cornellier de respecter ses obligations, l'appelant reprend, en janvier 1981, le commerce qu'il exploite dorénavant sous le nom de l'Ami Michel.
[9] Jauvin investit environ 100 000 $ pour ajouter un atelier de peinture et acquérir de nouveaux équipements; il le vend ensuite au contrôleur du garage, Claude Lefebvre. Dans les faits, le 1er octobre 1981, Claude Lefebvre achète personnellement de Jauvin toutes les actions de L'Ami Michel, entreprise dont il est le seul actionnaire, acquiert les immeubles et autres biens mobiliers. Ces ventes sont faites au prix de 450 000 $. L'appelant conserve en garantie les actions vendues à Lefebvre jusqu'à ce que le solde dû en capital et intérêts soit réduit à 300 000 $. À ce moment, l'appelant devait bénéficier d'une créance hypothécaire sur les immeubles. La franchise Ford demeure au nom de l'appelant.
[10] Le commerce de l'Ami Michel comprend plusieurs immeubles: le bâtiment principal qui abrite les bureaux de vente et d'administration ainsi que la salle d'exposition des véhicules neufs, deux maisons et un atelier de réparations. Dans la nuit du 12 décembre 1981, à 4h00, le feu détruit le bâtiment principal et endommage une des maisons.
[11] Séguin se voit confier la responsabilité de l'enquête. Il visite les lieux du sinistre, le même jour et rencontre certains témoins. Le degré de destruction de l'immeuble est si important qu'il ne peut identifier la cause et l'origine de l'incendie. On a entendu un bruit d'explosion et le chef des pompiers constate, à son arrivée, qu'une grande porte de garage est ouverte.
[12] L'ajusteur de l'assureur rencontre Séguin et l'informe de l'augmentation de la couverture d'assurance deux mois avant l'incendie. Au cours des mois suivants, après avoir rencontré plusieurs personnes, Séguin est troublé par certains éléments. Le propriétaire Lefebvre, bien qu'informé de l'incendie dans la nuit, ne se rend pas au garage, il croit à une farce!
[13] L'enquêteur accumule des documents et des informations sur les circonstances de la vente du commerce, certains problèmes de financement et la réclamation d'assurance. M. Séguin s'intéresse particulièrement aux évaluations de l'entreprise et à la confection de l'inventaire des pièces transmises à l'assureur. Il recueille les dépositions d'individus qui ont participé ou eu connaissance de cette confection de l'inventaire: Lefebvre, Charlebois, le comptable de Jauvin, Danis, l'évaluateur agréé, et Lortie, un ancien employé du garage.
[14] Le 22 octobre 1982, Séguin signe une dénonciation sollicitant un mandat de perquisition à la Banque Nationale du coffret de sûreté de Jauvin et de documents détenus à son nom. Il déclare:
Il s'agit d'une fraude, commise à la suite d'un incendie dans un garage, au cours duquel l'établissement fût complètement détruit. Le montant de la perte est présentement indéterminé, mais serait d'environ 300 000 $.
L'enquête a démontré que toutes les portes étaient verrouillées à la fermeture du commerce. Durant l'été 1981, M. John JAUVIN, propriétaire à ce moment là, a essayé de vendre le commerce sans succès. En octobre 1981, le conseiller financier du garage, Claude LEFEBVRE a acheté le garage. Les assurances ont alors été considérablement augmentées. Également, en vérifiant les documents d'inventaire et d'évaluation fournis par M. JAUVIN et M. LEFEBVRE, ils semblent être faux.
L'enquête nous amène à dire que l'incendie a été volontairement mis par le propriétaire ou le créancier hypothécaire. Ces renseignements nous sont parvenus de différentes sources policières et d'enquête.
Donc, les originaux de ces documents ainsi que les documents pouvant prouver que ces services ont été effectivement réalisés sont essentiels à la preuve.
[15] Le juge de paix décerne ce mandat ainsi que d'autres autorisant des perquisitions chez Jauvin, Danis et Charlebois.
[16] Le Commissaire aux incendies, Me Cyrille Delage, décide de tenir une enquête qui se déroule du 9 décembre 1982 au 25 mai 1983. Il rend le verdict consigné au procès-verbal en ces termes:
[…] Incendie d'origine suspecte.
(Suite de l'enquête du 16 mars 1983.)
Cette enquête établit que cet incendie ou explosion est du(e) à une cause suspecte.
[…]
Nous laissons à la couronne le soin de déterminer si des plaintes doivent être portées et contre qui elles doivent l'être[1].
[17] Le 13 juillet 1983, Me Valmont Beaulieu, substitut du procureur général du Québec à Hull, décide, malgré les «soupçons […] de ne pas appuyer une dénonciation d'incendie criminel et de tentative de fraude envers la compagnie d'assurance les Prévoyants». Il ajoute: «Quant à la fabrication de faux inventaire, la preuve serait suffisante mais l'actus reus est posé dans le district judiciaire d'Ottawa-Carleton et l'usage de ce faux se situe dans le district judiciaire de Montréal»[2].
[18] En octobre 1983, dans le district de Montréal, des plaintes pénales sont déposées contre Jauvin: complot pour commettre une fraude et utilisation de faux, complot avec Charlebois, Lortie, Lefebvre pour utilisation de documents contrefaits et fabrication de faux documents[3]. Messieurs Lefebvre, Charlebois et Lortie doivent aussi répondre à des chefs d'accusation liés à la préparation et l'utilisation de l'inventaire des pièces du garage.
[19] Toutes les plaintes sont retirées le 13 février 1984. L'appelant est libéré des accusations. Il signe une renonciation à son recours contre le Procureur général du Québec et la Sûreté du Québec ainsi que leurs préposés pour les dommages causés uniquement et exclusivement par le dépôt de ces plaintes[4].
[20] Le 9 décembre 1982, l'appelant poursuit l'Ami Michel et Lefebvre en remboursement du prix de vente du garage et de ses actions dans la compagnie. À cette action principale est jointe, en 1983, le recours contre l'assureur Les Prévoyants, comme tierce partie. Les intimés ne sont pas parties de ces recours civils intentés en Ontario.
[21] Le 12 novembre 1986, le juge Holland condamne la Cie d'Assurance Les Prévoyants à verser à L'Ami Michel 902 941,24 $ pour les pertes subies lors de l'incendie dont 320 000 $ pour interruption d'affaires[5].
[22] À la suite d'une entente avec Lefebvre, Jauvin devait recevoir 825 000 $ plus les intérêts, une fois distraits les frais judiciaires ou extrajudiciaires de Lefebvre et L'Ami Michel. Jauvin témoigne, en interrogatoire hors cour, avoir eu paiement de 1 165 000 $ et un montant de 399 000 $ est toujours détenu en fiducie par les avocats[6].
[23] L'appelant plaide que l'enquête policière, telle que conduite, lui a causé un grave préjudice. Dans l'allégation 17 de la déclaration amendée du 27 novembre 1991, il évalue ses dommages à «4 119 757,08 $ pour humiliations, propos calomnieux, atteinte à la réputation, perte de revenus présents et futurs, perte de crédibilité, perte de statut social, inconvénients, dommages pécuniaires, intérêts, dépens et dommages exemplaires.»
[24] Bien que cette demande d'indemnisation ne précise pas les montants réclamés en regard de chaque poste de dommages, Jauvin explique sa perte financière qui serait, selon ses experts, à la hauteur de toute sa réclamation.
[25] Il ressort de la preuve, qu'à l'époque contemporaine, le crédit personnel de Jauvin a été affecté. M. Lauzon, gérant de la Banque Nationale de Hull, témoigne que, selon les instructions de son bureau régional, la marge de crédit de l'appelant «a été gelée» environ une semaine après la perquisition et la publication d'un article de journal.
[26] Jauvin soutient qu'en l'absence de l'enquête policière, l'assureur aurait pu lui verser personnellement 825 413 $[7] dès le 14 avril 1982, soit soixante jours après le dépôt de la preuve de perte à la suite du sinistre. Le paiement n'est fait que le 6 mai 1987, après le jugement Holland.
[27] Toujours selon les prétentions de l'appelant, la longue enquête policière et l'exécution du mandat de perquisition à la Banque ont sapé son crédit, il n'a pu emprunter et réinvestir. Cette perte de revenus nets qu'il évalue à plus de 3 millions, pour la période du 14 avril 1982 au 6 mai 1987, doit être remboursée par les intimés.
[28] Jauvin affirme que cette gêne a nui au développement de sa nouvelle entreprise. En juin 1981, l'appelant commence des démarches pour démarrer une entreprise de location d'équipements divers qu'il incorpore en mars 1982 sous le nom de Turnkey System Leasing Canada Ltd. (Turnkey). L'appelant estime que le crédit de son nouveau commerce n'a été rétabli qu'après le 6 mai 1987.
[29] Par la suite, plusieurs banques ont offert du crédit à Jauvin et Turnkey. Cette compagnie aurait connu une croissance importante et l'appelant a vendu toutes ses actions dans Turnkey le 10 juin 1991.
[30] Tels sont les principaux faits qui situent le débat judiciaire.
JUGEMENT ENTREPRIS
[31] Dans une décision motivée, le juge de première instance ne retient aucune faute des intimés dans la conduite de l'enquête policière. Considérant, de plus, que Jauvin n'a prouvé aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et les dommages réclamés, il rejette l'action.
[32] Le premier juge souligne, d'entrée de jeu, l'absence totale de preuve d'une faute de Poirier. Il écrit:
"En somme, non seulement Jauvin n'a pas fait la preuve d'une faute de Poirier pouvant engendrer sa responsabilité à l'égard des dommages qu'il réclame mais il serait plus juste de dire qu'une telle preuve n'a même pas été tentée, que le nom même de Poirier a été écarté de tout le débat[8].
[33] Quant au policier Séguin, le juge précise:
L'on ne parle pas ici d'arrestation abusive, ni de plainte criminelle portée sans motifs raisonnables et probables. Il n'y a pas eu de plainte déposée dans le district de Hull et Jauvin a renoncé à tout recours pour les plaintes portées dans le district de Montréal. Ici, la responsabilité de Séguin est recherchée pour la façon dont il a mené son enquête policière[9].
[34] Il reconnaît le devoir d'enquêter du policier et lui impose des balises:
[…] le policier doit, par ailleurs, faire son travail avec professionnalisme, modération et discernement, dans le respect des droits et libertés des personnes qu'il interroge et sans jamais abuser de l'autorité et des pouvoirs que lui confère sa fonction[10].
[35] Tout en reconnaissant que certains faits qui ont éveillé les soupçons de l'enquêteur sont neutres en soi il rejette la prétention de l'appelant que Séguin s'est aveuglé et s'est acharné sans droit:
[…] globalement et en se plaçant à l'époque du déroulement de l'enquête et non après coup, il (le Tribunal) considère que Séguin se trouvait en présence d'éléments suffisamment sérieux pour continuer son enquête[11].
[36] Les procureurs de l'appelant plaidaient devant la Cour supérieure que les témoignages de Lortie, Charlebois et Danis avaient été obtenus par intimidation de la part de Séguin. Cette preuve de nature à déconsidérer la justice devait être écartée. Le juge ne retient pas cet argument et rappelle, de plus, que la transcription de ces témoignages fut produite du consentement des parties.
[37] Au chapitre des dommages, le premier juge procède à une analyse critique des expertises. Il n'a pas été impressionné par le rapport d'expertise et le témoignage de l'expert de l'appelant, M. Charlebois. Le juge retient les conclusions du comptable Ouellette, expert en défense: la théorie de Charlebois ne s'appuyant sur aucun élément concret et «vérifiable»,elle doit être écartée.
[38] Tel que précédemment mentionné, le juge, de façon générale, conclut à l'absence d'une preuve du lien de causalité entre les fautes alléguées et les dommages. Il reproche à l'appelant d'avoir omis d'expliquer en vertu de quel principe de droit les intimés seraient seuls responsables du retard de l'assureur à verser l'indemnité d'assurance et des délais occasionnés par l'enquête du Commissaire aux incendies.
[39] Le juge reconnaît que la réclamation de l'appelant n'est pas uniquement pour perte de revenus mais aussi pour atteinte à sa réputation. Il affirme «qu'il ne saurait y avoir prescription quant à la totalité des dommages réclamés» mais il ne se prononce pas sur le quantum.
[40] L'appelant se pourvoit contre ce jugement et ses prétentions posent les questions suivantes:
-La responsabilité des policiers-enquêteurs et la norme de conduite applicable;
-L'admissibilité des dépositions de Danis, Charlebois et Lortie;
-Le poids à accorder au jugement Holland;
-Les dommages.
[41] La jurisprudence reconnaît déjà plusieurs principes qui doivent guider la détermination de cette responsabilité.
[42] Le policier ne bénéficie pas d'une immunité législative ou jurisprudentielle. Il est civilement responsable, comme tout citoyen, des dommages causés par sa faute dans l'exécution de ses fonctions[12]. La norme de la faute simple doit être appliquée dans la détermination de sa responsabilité[13].
[43] Ainsi, une personne lésée n'a pas à prouver la faute lourde, la négligence grossière ou l'intention malicieuse du policier. Il en va autrement pour un recours intenté contre le Procureur général et ses substituts pour des poursuites criminelles abusives, ces derniers bénéficiant d'une immunité relative, comme l'explique la Cour suprême dans l'arrêt Proulx[14].
[44]
La simple négligence ou témérité du policier peut engager sa
responsabilité civile extracontractuelle (art.
[45]
Il est acquis que les policiers ont non seulement le pouvoir
mais le devoir d'enquêter, comme le précise l'article
La Sûreté du Québec est sous l'autorité du Ministre de la Sécurité publique chargée de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique dans tout le territoire du Québec, de prévenir le crime ainsi que les infractions aux lois du Québec, et d'en rechercher les auteurs […] (Mes soulignements)
[46] L'exécution de ce mandat important comporte plusieurs écueils. Il met en cause l'équilibre nécessaire entre l'obligation des policiers d'investiguer les circonstances d'un événement et la protection de l'individu contre l'arbitraire ou l'abus de pouvoir.
[47] On exige de ces professionnels de l'enquête de procéder avec rigueur, objectivité et sérieux. L'appelant plaide que les policiers qui mènent ou poursuivent une enquête sur un crime doivent agir sur la base de motifs leur permettant de croire que, raisonnablement et probablement, un crime a été commis.
[48]
Le juge Cory dans l'arrêt Storrey[17]commente ainsi l'exigence de l'article
En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables c'est-à-dire une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation.
[49] L'opinion majoritaire de la Cour suprême, dans l'arrêt Proulx, précise:
Il est manifestement incorrect d'affirmer que le poursuivant doit être convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé avant de porter des accusations contre lui. C'est la question que le juge des faits et non le poursuivant, doit trancher en bout de ligne. Nous sommes toutefois d'avis que, pour qu'il existe des motifs raisonnables et probables et que des poursuites criminelles puissent être intentées, le ministère public doit avoir suffisamment d'éléments de preuve pour croire que la culpabilité pourrait être démontrée régulièrement hors de tout doute raisonnable.[18]
[50] Le premier juge souligne que Jauvin n'a jamais été arrêté, ni mis en accusation pour crime d'incendie et il a renoncé à tout recours pour les plaintes portées contre lui dans le district judiciaire de Montréal. Il semble, dans ce contexte, retenir que les policiers devaient avoir des motifs suffisants, sérieux et valables pour poursuivre l'enquête[19].
[51] L'appelant plaide que la même norme de conduite des motifs raisonnables et probables s'impose aux policiers pour la poursuite de toute l'enquête.
[52] Les intimés répliquent qu'il est impossible d'exiger de tels motifs au stade embryonnaire de l'enquête policière. À cette étape, les démarches accomplies par le policier sont préalables à toute action exécutée en vertu du Code criminel.
[53] Je fais une distinction préliminaire. L'appelant plaide que l'ensemble de la conduite de l'enquête lui a causé des dommages mais il insiste aussi sur les effets nocifs et directs de l'exécution du mandat de perquisition à la Banque Nationale.
[54]
Au moment de la dénonciation du policier pour l'obtention d'un
mandat de perquisition, l'enquêteur doit avoir des motifs raisonnables de
croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve s'y
rapportant peuvent se trouver sur les lieux à être perquisitionnés. C'est d'ailleurs le test imposé au juge de
paix pour décerner un tel mandat en vertu de l'article
[55] L'auteur Ewaschuk explique ainsi cette exigence:
The minimal standard permitted by S.8 of the Charter on which a judge may grant a search warrant is reasonable and probable grounds. Thus, all statutory provisions must be read as minimally requiring reasonable and probable grounds before a search warrant may issue.
[…]
[…] so that constitutional standard of reasonableness requires a belief based on "reasonable grounds", not one of certain knowledge.[20].
[56]
Même dans le cadre de l'article
[57] Le seul fait que le juge de paix ait accordé le mandat de perquisition et que cette décision n'a pas alors été contestée devant le tribunal compétent n'empêche pas l'appelant de demander de reconnaître la responsabilité des intimés.
[58] On peut concevoir des situations où la transmission de fausses informations à la suite d'une enquête bâclée ou non objective peut engager la responsabilité du policier. En l'espèce, la lecture de la preuve ne me convainc pas que ce fut le cas.
[59] Avec égards, sous réserve de la dénonciation signée pour le mandat de perquisition, à l'instar du premier juge, il ne me semble pas approprié d'exiger pour toute la durée de l'enquête le même niveau de certitude du policier. Je réitère que la détermination de sa responsabilité doit être analysée en comparant sa conduite à celle du policier normalement prudent et compétent placé dans les même circonstances lesquelles, à mon avis, tiennent compte du caractère évolutif de l'enquête.
[60] Le juge a, pour l'ensemble du déroulement de l'enquête, utilisé la bonne norme de conduite. Aurait-il mal apprécié la preuve comme l'affirme l'appelant? Je ne le crois pas.
[61] En premier lieu, c'est à bon droit qu'il rejette d'entrée de jeu la responsabilité de l'intimé Bertrand Poirier, en l'absence de toute preuve d'une faute de sa part. On sait qu'il a participé à des interrogatoires et entrevues et qu'il a assisté Séguin, à l'occasion. Rien de plus et aucun argument ou commentaire du mémoire de l'appelant ne formule un reproche spécifique à ce policier.
[62] Il me semble utile d'identifier certains faits portés à la connaissance de Séguin, en cours d'enquête. Ces informations lui sont dévoilées de façon progressive. Elles émanent de sources différentes et lui fournissent alors de nouvelles pistes qui l'incitent à pousser l'enquête plus loin.
[63] Le jour du sinistre, Séguin ne peut identifier la cause et l'origine de l'incendie et il est donc normal qu'il rencontre des témoins. Il apprend qu'une porte du garage était ouverte à l'arrivée des pompiers; pourtant ces portes avaient été verrouillées à la fermeture du commerce. Une rumeur veut que des rôdeurs aient été vus[22], information qui ne sera pas confirmée, mais le policier la vérifie[23].
[64] L'attitude de Lefebvre, le nouveau propriétaire de l'Ami Michel, la nuit de l'incendie, est troublante. On l'informe du sinistre et il ne se présente sur les lieux que le lendemain matin. Il aurait cru à une farce. Le policier l'interroge et une autre explication est fournie: il avait pris quelques bières et il n'était peut-être pas en état de se rendre sur les lieux.
[65] La couverture d'assurance du garage vient d'être augmentée. Avec le recul du temps et toutes les données obtenues depuis, il est facile de conclure que cette augmentation pouvait être requise pour protéger la créance de Jauvin, mais en décembre 1981 et les mois suivants cela était moins évident.
[66] Lefebvre déclare dans la preuve de réclamation de l'Ami Michel faite le 12 février 1982 aux Prévoyants que l'incendie, au meilleur de sa connaissance, a été causé par une défectuosité de la fournaise[24]. Il n'y a pas de preuve qu'à l'époque contemporaine, la fournaise était défectueuse, aucune expertise n'est fournie. M. Ducharme, le spécialiste qui répare les deux fournaises de ce garage depuis quelques années, témoigne qu'à sa dernière visite, en septembre 1981, il a changé le moteur du ventilateur de la fournaise. Il confirme, qu'ensuite, les deux fournaises fonctionnent normalement.
[67] Séguin croit à une vente déguisée, car le contrat n'est pas enregistré et Jauvin semble se réserver beaucoup d'intérêts dans le commerce. Il conserve même la franchise Ford. Le policier n'est pas un juriste, ni un expert dans le domaine des affaires et il s'interroge.
[68] La CIBC, qui avait prêté des fonds à l'Ami Michel, apprend à la mi-octobre que Jauvin a vendu, à son insu, le garage à Lefebvre le 1er octobre 1981. Dès le ler décembre 1981, la banque réclame le remboursement des prêts de plus de 300 000 $ de l'Ami Michel et de Jauvin, le garant de ces prêts. Lefebvre aurait même reçu un ultimatum du gérant de rembourser la marge de crédit avant le 14 décembre 1981 et le feu survient le 12 décembre 1981.
[69] Séguin comprend que la banque considère que «Lefebvre n'a pas d'équité». Une demande de marge de crédit pour Lefebvre a aussi été refusée par la Banque de Montréal.
[70] Séguin cherche à vérifier l'existence du versement comptant de 75 000 $ de Lefebvre pour l'achat du commerce, il trouve suspecte l'origine de cette somme. Le Commissaire aux incendies a eu la même réaction et a même déplacé son enquête pour obtenir des éclaircissements sur ce point. Le juge de la Cour supérieure résume ainsi cet élément:
Il (Lefebvre) dira qu'il conservait ces 75 000 $ en liquide dans sa chambre et qu'il les a apportés à titre d'acompte chez l'avocat de Jauvin dans un sac de papier brun. La preuve de ces 75 000 $ en billets de banque demeure mystérieuse. Lefebvre déclare sous serment qu'il s'agissait de ses économies (P-70). La preuve devant le Commissaire aux incendies révélera qu'il était dans les années précédentes tantôt chômeur, tantôt salarié à 17 000 $ ou 18 000 $ par an.[25]
[71] Séguin apprend aussi que Lefebvre a fait des démarches en vue d'obtenir une nouvelle franchise de Renault, une demande formelle est signée le 24 novembre 1981. Séguin rencontre Bandera, représentant de Renault, qui lui remet certains documents et le policier croit que le 11 décembre 1981, Lefebvre a été informé que sa demande avait été refusée. Bandera témoigne devant Me Delage et il confirme une rencontre avec Lefebvre le 11 décembre; à ce jour, il ne pouvait confirmer au propriétaire que sa demande de franchise serait acceptée.
[72] Il y a aussi certaines questions soulevées par l'évaluation de l'immeuble et les inventaires des pièces.
[73] Séguin soupçonne que l'évaluation immobilière de Danis «a été faussée», Danis a peut-être fait erreur sur la date de confection de son rapport et il l'admet lorsque interrogé devant la Cour. Deux lignes du rapport semblent avoir été altérées et le policier croit qu'il y a eu «du collage.» Le premier juge compare ce rapport et un autre document (D-3) et il affirme comprendre le soupçon du policier.
[74] Il y a aussi des versions contradictoires sur la façon dont l'inventaire des pièces a été fait. M. Jauvin ou Charlebois ou les deux ont donné des instructions pour la préparation de cet inventaire qui serait remis à l'assureur. Je ne reprendrai pas en détail les déclarations de Danis, Charlebois et Lortie dont l'appelant conteste l'admissibilité en preuve.
[75] Sous cette réserve, je constate que Séguin apprend de Charlebois qu'un inventaire physique des pièces est fait et ensuite, il corrige cette version. Il explique que le mandat donné par Jauvin était uniquement «pour les fins personnelles»de l'appelant.
[76] Lortie déclare à l'enquêteur que cet inventaire destiné à l'assureur «est complètement faux d'un bout à l'autre, les chiffres de la colonne de quantités sont fictifs.» Charlebois lui aurait dit qu'«il n'y avait pas de danger de se faire pogner.»
[77] Même sans ces dernières précisions, en présence de ce faisceau d'informations recueillies dans l'enquête, je ne peux conclure que Séguin ne possédait que des soupçons lors de sa déclaration assermentée pour la réquisition du mandat de perquisition. Il possédait, à mon avis, assez de motifs subjectifs de croire qu'un crime avait été commis et que Jauvin pouvait être impliqué et je ne vois pas de faute civile du policier. La conduite de l'enquête n'est pas téméraire et ne confirme pas un acharnement de Séguin. Bien sûr, depuis, des éléments additionnels ont été apportés mais on ne peut pas analyser les faits en procédant à un exercice de rétrospection pour apprécier la conduite de l'intimé.
[78] Le premier juge note que ces déclarations ont été produites de consentement, ce que confirme le procès-verbal d'audience. Le dossier, tel que constitué en appel, ne permet même pas de vérifier l'existence des réserves ou objections que l'appelant prétend avoir faites au moment de la production.
[79] Jauvin a annoncé dans sa déclaration amendée selon la Règle 20 R.P.C.S. qu'il entendait prouver que ces dépositions avaient été obtenues par intimidation et à la suite de mauvais traitements. En aucun cas, il n' en demande le rejet.
[80] Ce n'est qu'au moment de son argumentation, une fois la preuve close, que l'appelant demande d'écarter cette preuve qu'il considère irrecevable et de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Le juge de la Cour supérieure rejette cette prétention tout en précisant à bon droit que l'évaluation de ces informations doit être faite avec prudence «en soupesant la crédibilité des intéressés au sujet de la façon dont elles auraient été obtenues.»
[81] L'appelant ne me convainc d'aucune erreur de droit ou d'appréciation de la preuve en première instance. De plus, Lortie n'est pas entendu, comment le juge pourrait-il apprécier les circonstances exactes entourant sa déclaration? Charlebois témoigne en cour mais, jamais il n'allègue avoir été intimidé par les policiers lors de ses dépositions. Quant à Danis, tel que déjà mentionné, il admet avoir peut-être confondu les dates.
[82] L'appelant reproche au premier juge de ne pas davantage tenir compte du jugement rendu en Ontario le 12 novembre 1986, condamnant Les Prévoyants à payer à L'Ami Michel l'indemnité d'assurance.
[83] Comme le reconnaît Jauvin, ce jugement ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée: les intimés ne sont pas parties à l'action intentée en Ontario et la règle des trois identités n'est pas observée.
[84] Le juge de la Cour supérieure n'était pas lié par les conclusions de fait contenues dans cette décision. Il était bien fondé d'apprécier la preuve qui lui avait été présentée lors de l'audition, tout en tenant compte des conclusions du jugement Holland. L'appelant ne me convainc d'aucune erreur du premier juge sur cette question.
[85] Concluant à l'absence de faute des intimés, je n'ajouterai aucun commentaire sur les dommages.
[86] Je propose de rejeter le pourvoi avec dépens.
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LOUISE LEMELIN J.C.A. (AD HOC) |
[1] D-45 et D-46, m.a. pp. 971-972
[2] D-64, m.a. 1052
[3] D-47, Sommation du 19 octobre 1983 dans le dossier 500-01-011727-838
[4] P-5, m.a. p. 197
[5] P-14, Jauvin c. L'Ami Michel Automobile Canada Ltée et Prévoyants du Canada Assurance Général, 33, D.L.R. (4th) 576;
[6] Interrogatoire avant défense de John Jauvin, 21 juillet 1987, m.a. p. 1175
[7] Explication sur l'hypothèse fondée sur la somme de 825 000 $, m.a. pp. 2421-2422
[8] Jugement p. 17, m.a. p. 58
[9] Ibid p. 18, m.a. p. 62
[10] Ibid p. 24, m.a. 65
[11] Ibid p. 25, m.a. p. 66
[12] Raoul Lacombe et Communauté urbaine de
Montréal c. Alain André et autres,
[13]
Bertrand c. Racicot,
[14] R. c. Proulx,
[15] Chartier c. Procureur général du
Québec,
Lacombe déjà cité à 11
[16] La Loi de Police a été remplacée par la Loi sur la police (ch. P-13.1) 2000, c.12, a. 353)
[17] Storrey c. Sa Majesté la Reine,
[18] Déjà cité à 13, p. 29
[19] Jugement p. 25, m.a. p. 66
[20] Ewaschuk E.G., Criminal pleadings and practice in Canada, second ed. 3: 1090, 3-13, August 2002
[21] R.
c. Debot,
[22] Témoignage Séguin, m.a. p. 2357
Déclaration écrite Gilles Séguin du 15-12-81, Pièce D-13, m.a. 768 et D-14, résumé d'entretien Gilles Séguin et Jean-Luc Pilon
[23] D-17, m.a. 774
[24] D-16, m.a. p. 771
[25] Jugement p. 27, m.a. p. 68
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