Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Côté et Industries Permo inc.

2014 QCCLP 5112

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

28 juillet 2014

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

540776-62-1405

 

Dossier CSST :

137336848

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administrative

 

Membres :

Viateur Camiré, associations d’employeurs

 

Sylvain Dandurand, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Rolland Côté

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Industries Permo inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 6 mai 2014, monsieur Rolland Côté (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 2 avril 2014, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 23 janvier 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux d’entretien ménager aux deux semaines.

[3]           Lors de l’audience tenue à Longueuil, le 15 juillet 2014, le travailleur est présent. L'employeur, Industries Permo inc., est absent bien que dûment convoqué.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST et de déclarer qu’il a droit au remboursement des travaux d’entretien ménager aux deux semaines.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Viateur Camiré, et le membre issu des associations syndicales, monsieur Sylvain Dandurand, sont d’avis de faire droit à la requête du travailleur. Ils sont d’avis que les dispositions de la loi visant l’entretien courant du domicile, soit l’article 165 de la loi, permettent d’accorder le remboursement de l’entretien ménager régulier que réclame le travailleur. Ce dernier remplit les conditions d’application de cette disposition. Il a donc droit, en vertu de cet article, à des frais d’entretien ménager jusqu’à concurrence du maximum prévu à cet article.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien ménager aux deux semaines, comme il le demande.

[7]           Les articles 145, 158 et 165 de la loi prévoient ce qui suit :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

 

 

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

 

 

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[8]           Le tribunal retient ce qui suit :

[9]           Le 9 décembre 2010, le travailleur, alors âgé de 65 ans, subit un accident du travail, lui causant une fracture tricompartimentale de la cheville gauche. Il doit être opéré avec mise en place de plaque et vis.

[10]        Le 5 avril 2011, le médecin traitant écrivait ce qui suit sur un formulaire d’Information médicale complémentaire écrite :

Il s’agit d’un patient obèse et diabétique avec un long passé de tabagisme responsable d’une insuffisance vasculaire accompagnée de dermatite de stase au niveau de ses membres inférieurs.

 

 

[11]        La lésion est consolidée le 3 mai 2011 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Dans le rapport d’évaluation médicale du 1er juin 2011, le docteur Dubuc accorde les limitations fonctionnelles suivantes :

·         Éviter de marcher de façon fréquente ou répétitive sur des périodes de plus de 10 à 15 minutes;

·         Éviter de marcher en terrain accidenté;

·         Éviter de façon fréquente et répétitive, de marcher dans des escaliers;

·         Éviter de travailler dans des échelles et échafauds.

 

 

[12]        Dans un rapport d’Information médicale complémentaire écrite, daté du 5 août 2011, le docteur Dubuc ajoute la limitation fonctionnelle suivante :

Éviter tout mouvement répétitif ou fréquent avec la cheville gauche.

 

 

[13]        Le 2 août 2011, la CSST accorde au travailleur une indemnité pour préjudice corporel en fonction d’une atteinte permanente de 35,50 %.

[14]        Le 19 août 2011, la CSST détermine qu’étant donné que le travailleur ne peut reprendre son emploi prélésionnel et que l’employeur n’a pas d’emploi convenable à lui offrir, elle continuera de lui verser des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 9 décembre 2014. Elle indique que son indemnité de remplacement du revenu sera réduite de 25 % par année à compter du 9 décembre 2011.

[15]         Le 10 janvier 2014, le travailleur s’adresse à la CSST afin de se faire rembourser les frais d’entretien ménager pour un ménage régulier aux deux semaines. Il fait parvenir à la CSST une estimation pour trois heures et demie par deux semaines.

[16]        Le 21 janvier 2014, l’agent au dossier analyse la demande du travailleur. Il précise dans les notes évolutives du dossier qu’il refuse la demande au motif qu’il juge que l’état personnel du travailleur intervient trop dans son incapacité à faire le ménage. Le travailleur explique à l’agent qu’il ne peut, en raison de l’état de sa cheville gauche, déplacer les meubles ni monter dans les escabeaux. L’agent indique également dans son analyse que :

L’activité du grand ménage annuel ou du ménage lourd régulier ne demande pas un gros effort musculaire de la cheville gauche.

Le T [travailleur] peut facilement faire le ménage, tout en prenant des pauses. Il peut facilement s’acquitter des tâches ménagères.

L’activité du ménage demande des efforts beaucoup plus des MSs [membres supérieurs] que des MIs [membres inférieurs], bien que le T doive rester debout pour la majorité des activités. Il faut considérer que le T a une condition personnelle importante : obésité, diabétique, avec un long passé de tabagisme responsable d’insuffisance vasculaire accompagnée d’une dermatite de stase au niveau de ses MIs.

 

 

[17]        Le 23 janvier 2014, la CSST refuse le remboursement des travaux d’entretien ménager lourd régulier. Elle indique que ces frais ne sont pas reliés à la lésion professionnelle.

[18]        Le 29 janvier 2014, le travailleur demande la révision de cette décision.

[19]        Le 2 avril 2014, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 23 janvier 2014, pour d’autres motifs. En effet, elle indique que pour avoir droit à de l’aide personnelle à domicile, dont font partie les travaux d’entretien ménager, le travailleur doit être porteur d’une atteinte permanente grave et être incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuait normalement. Il faut de plus que cette aide soit nécessaire à son maintien à domicile.

[20]        La CSST conclut que comme le travailleur est capable de prendre soin de lui-même et que cette aide n’est pas nécessaire pour son maintien à domicile, il n’a pas droit à un tel remboursement.

[21]        La CSST indique également qu’en novembre 2012, la CSST a accepté de rembourser les frais de grand ménage annuel dans le cadre des frais d’entretien courant du domicile.

[22]        Le 16 avril 2014, le travailleur dépose sa requête à la Commission des lésions professionnelles.

[23]        Lors de l’audience, le travailleur explique qu’avant l’accident, c’est lui qui accomplissait l’entretien ménager de son domicile. Il explique que depuis l’accident, il ne peut plus accomplir ces tâches.  Il ne peut tirer les meubles pour passer l’aspirateur, ni rester debout suffisamment longtemps pour laver les planchers et faire l’époussetage et tout l’entretien ménager que requiert une maison. Il a réussi à payer le coût de ces travaux durant les premières années à la suite de sa lésion professionnelle en puisant à même les indemnités de remplacement du revenu qui lui étaient versées. Cependant, comme ces indemnités ont été réduites depuis en raison de l’application des dispositions de l’article 56 de la loi, il n’arrive plus à payer ces montants pour l’entretien ménager bimensuel. C’est pourquoi il a demandé à la CSST de lui rembourser le coût de ces travaux d’entretien ménager. Il avait obtenu une soumission par une association d’économie familiale au tarif de 25 $ l’heure pour une prestation de trois heures et demie par quinzaine. Le travailleur explique qu’il devra obtenir une nouvelle soumission étant donné qu’il n’a pu donner suite à la première compte tenu du refus de la CSST.

[24]        Par ailleurs, il reconnaît que la CSST lui a remboursé le coût d’un grand ménage, l’an dernier. Il demande de pouvoir bénéficier d’un entretien ménager régulier afin de maintenir son domicile dans le même état qu’il était avant l’accident.

[25]        Le tribunal est d’avis de faire droit à la requête du travailleur.

[26]        La CSST considère que pour avoir droit au remboursement du coût de l’entretien ménager léger, le travailleur doit satisfaire aux conditions d’ouverture de ce droit prévues à l’article 158 de la loi.

[27]        Le tribunal est plutôt d’avis que les dispositions de l’article 165 de la loi permettent le remboursement du coût de l’entretien ménager léger que demande le travailleur.

[28]        À l’instar de ce qui a été décidé dans les affaires, Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi[1] et Côté et Pulvérisateur MS inc.[2], les dispositions de l’article 165 de la loi permettent d’accorder le remboursement des frais d’entretien ménager léger, régulier, que réclame le travailleur. En effet, dans la première affaire, la Commission des lésions professionnelles a reconnu que la définition d’entretien courant du domicile que l’on retrouve à cet article 165 peut comprendre les travaux d’entretien ménager bimensuel tels que le réclame le travailleur. Dans la seconde affaire, le tribunal, reprenant ce principe, convient que l’entretien ménager régulier peut viser les travaux que réclame le travailleur.

[29]        Le fait pour la CSST d’avoir accordé un montant d’argent pour un grand ménage annuel au travailleur, en novembre 2012, ne signifie pas pour autant que ce dernier ne peut réclamer de l’entretien ménager léger, régulier, en fonction des mêmes dispositions. Ces deux sortes d’entretien visent toutes deux le maintien en bon état du domicile du travailleur.

[30]        Le travailleur satisfait par ailleurs aux conditions d’application de ces dispositions puisqu’il conserve une atteinte permanente grave ayant obtenu un pourcentage d’atteinte permanente de plus de 35 %. Bien qu’une partie de cette atteinte est constituée d’un pourcentage pour préjudice esthétique, le travailleur conserve des limitations fonctionnelles importantes faisant en sorte qu’il éprouve des difficultés importantes pour accomplir l’entretien ménager régulier de son domicile; tâche qu’il effectuait normalement avant l’accident du travail.

[31]        Ce faisant, il satisfait, de l’avis du tribunal, aux conditions permettant d’accorder un montant d’argent à ce titre.

[32]        Le travailleur, de l’avis du tribunal, peut choisir la manière qu’il veut voir accomplir cet entretien courant. Il peut demander le remboursement du coût d’un grand ménage annuel ou, comme en l’espèce, demander qu’on lui rembourse un montant pour l’entretien ménager régulier de son domicile. La seule contrainte imposée par le législateur est que le travailleur ne peut avoir droit à plus que le maximum annuel prévu par la loi. Or, en 2014, tenant compte des indexations prévues à la loi, ce maximum annuel est de 3 057 $.

[33]        La requête du travailleur doit être accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Rolland Côté, le travailleur;

INFIRME la décision rendue le 2 avril 2014, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’entretien ménager régulier de son domicile jusqu’à concurrence du maximum annuel prévu à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

__________________________________

 

Lucie Couture

 

 



[1]           C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault.

[2]           C.L.P. 378345-05-0905, 6 mai 2011, J. Degré.

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