LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 3 novembre 1993
DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE : Sylvie Moreau
DE MONTRÉAL
RÉGION:ÎLE-DE-MONTRÉAL ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR: Gaétan Dubé, médecin
DOSSIER CSST:003395068 AUDIENCE TENUE LE : 14 septembre 1993
EN DÉLIBÉRÉ LE : 24 septembre 1993
À : Montréal
DOSSIER:25140-60-9011 CHRISTINA CANADA INC.
9880, rue Clark
Montréal (Québec)
H3L 2R3
PARTIE APPELANTE
et
MADAME ZOÏLA PAREDES
8360, 13e Avenue
Montréal (Québec)
H1Z 3K4
PARTIE INTÉRESSÉE
DOSSIER:32715-60-9110 MADAME ZOÏLA PAREDES
DOSSIER B.R.:60638824 8360, 13e Avenue
Montréal (Québec)
H1Z 3K4
PARTIE APPELANTE
et
CHRISTINA CANADA INC.
9880, rue Clark
Montréal (Québec)
H3L 2R3
PARTIE INTÉRESSÉE
et
COMMISSION DE LA SANTÉ ET
DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
1, complexe Desjardins
Tour du sud, 32e étage
Montréal (Québec)
H5B 1H1
PARTIE INTERVENANTE
D É C I S I O N
DOSSIER:25140-60-9011 Le 22 novembre 1990, l'employeur, Christina Canada Inc., dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 13 août 1990 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) faisant suite à l'avis de l'arbitre, le docteur Raymond Langevin, orthopédiste.
Cette décision précise que madame Zoïla Paredes, la travailleuse, présente une entorse dorso-lombo-sacrée avec séquelles objectivées, qu'elle conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à son intégrité physique ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :
«Cette travailleuse ne devrait plus accomplir de travaux où elle aurait à soulever des poids de plus de 5 livres, elle devrait aussi faire un travail où elle est en alternance debout, assise. Elle ne devrait pas forcer et elle ne devrait pas accomplir de travaux sur un terrain accidenté.»
DOSSIER:32715-60-9110 Le 15 octobre 1991, la travailleuse dépose à la Commission d'appel une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 26 septembre 1991 par le bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal.
Cette décision unanime du bureau de révision précise, entre autres :
«Le bureau de révision infirme la décision rendue le 18 septembre 1990 et
ne reconnaît pas que l'emploi qui a été déterminé à la travailleuse pour son
retour au travail le 22 août 1990 correspondait à la notion d'emploi
convenable. Il s'agissait plutôt de son emploi adapté à sa condition en
application de l'article
Le bureau de révision rejette la demande de l'employeur contestant la décision du 18 septembre 1990 et il reconnaît que l'arrêt de travail du 27 août 1990 l'a été à la suite d'une rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale du 11 septembre 1989.
Le bureau de révision maintient en partie les décisions du 18 septembre et 5 octobre 1990 et déclare que la travailleuse pouvait réintégrer son emploi adapté. Cependant la fin des I.R.R. ne peut être antérieure à la date de consolidation établie par l'arbitre médical (18 décembre 1990) au 10 octobre 1990, laquelle lie la Commission.»
Le 7 juillet 1993, la Commission intervient au présent dossier.
Bien que dûment convoqué, l'employeur n'est pas représenté à l'audience devant la Commission d'appel.
OBJET DES APPELS
L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision de la Commission et de déclarer que la travailleuse ne conserve de sa lésion professionnelle aucune atteinte permanente à son intégrité physique ni aucune limitation fonctionnelle.
La travailleuse demande
à la Commission d'appel d'infirmer en partie la décision du bureau de révision,
de déclarer que le poste occupé par elle en août 1990 correspondait à la notion
«d'emploi convenable» tel que défini à la loi et que son droit au versement des
indemnités de remplacement du revenu doit être rétabli, conformément aux
prescriptions énoncées à l'article
Subsidiairement, elle demande à la Commission d'appel de déclarer irrégulière la décision rendue par la Commission quant à sa capacité d'exercer son emploi, celle-ci étant antérieure au rapport final de son médecin.
MOYEN PRÉLIMINAIRE
La travailleuse soumet que l'appel de l'employeur a été produit hors le délai prévu à la loi et qu'en raison de l'absence de celui-ci à l'audience devant la Commission d'appel, celle-ci doit le rejeter, ne disposant pas d'une preuve d'un motif raisonnable pouvant le justifier.
LES FAITS
La travailleuse, âgée de 38 ans, occupe depuis plus de trois ans les fonctions d'aide générale chez l'employeur, lorsque le 11 septembre 1989, elle s'inflige à son travail une contusion dorso-lombaire en glissant sur le plancher. La Commission indemnise la travailleuse.
Le 9 mars 1990, le docteur Chartrand, dans son rapport final, fixe au 5 avril 1990 la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse. Il y précise de plus que celle-ci conserve de cette lésion une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
Le 20 mars 1990, le docteur Chartrand, dans un rapport d'évaluation médicale, décrit ainsi les limitations fonctionnelles de la travailleuse :
«Cette personne ne devrait plus faire de travail où elle aurait à soulever des poids de plus de cinq (5) livres. Elle devrait aussi faire un travail où elle est en alternance debout et assise et ne devrait pas forcer. Elle ne devrait pas soulever ses bras plus haut que ses épaules accidentées. Elle ne devrait pas non plus faire un travail où il y a des vibrations.»
Il fixe à 2,20 % les séquelles de la travailleuse consécutives à une entorse dorso-lombaire.
Le 9 avril 1990, à la demande de l'employeur, le docteur Hugues Blouin examine la travailleuse. Dans son rapport du même jour, il émet l'opinion suivante :
«Notre examen est superposable à notre examen précédent, nous ne pouvons accorder aucune fiabilité à cet examen clinique devant la non collaboration de la patiente et des contradictions lors de cet examen.
Il n'y a pas selon nous de lésions organiques adjacentes pouvant expliquer les malaises allégués.
En conclusion nous croyons qu'il n'y a aucune atteinte permanente à l'intégrité physique et aucune limitation fonctionnelle résultant de l'événement survenu le 11 septembre 1989.» (sic)
Le 17 avril 1990, la Commission, suite à l'avis de l'arbitre médical du 13 mars 1990, fixe au 29 novembre 1989 la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse pour laquelle aucun traitement n'est nécessaire à compter du 13 mars 1990.
Le 30 avril 1990, la travailleuse rencontre madame Renée Clément, conseillère en réadaptation à la Commission. Par la suite, une rencontre chez l'employeur est effectuée le 2 mars 1990, dans le but d'évaluer le poste de travail occupé par la travailleuse.
Le 14 mai 1990, madame Michelle Caron, ergothérapeute, dans son rapport relatif à «l'évaluation et recommandations pour modifier le poste de travail» de la travailleuse, précise :
«DESCRIPTION DE TÂCHES DE TRAVAIL:
1.Prendre les paquets de vêtements dans un chariot situé à gauche de la table de travail.
2.Déballer les vêtements.
3.Prendre un cintre situé sur une tringle à droite, sur la table de travail.
4.Suspendre ce cintre sur une barre horizontale, à hauteur des épaules, devant l'employée.
5.Accrocher le vêtement sur la barre horizontale.
6.Décrocher et suspendre des paquets de 10 cintres sur une barre horizontale de hauteur variée, située derrière l'employée.
7.Lorsque ces barres sont pleines, dégager l'espace de travail en les faisant glisser sur un rail. Décrocher une autre barre amovible et la fixer sur le rail derrière l'employée; y fixer 1 ou 2 rallonges.
HORAIRE DE TRAVAIL:
TÂCHE NO.1
Flexion antérieure du tronc, pour se pencher et récupérer les vêtements dans le chariot. Le niveau de travail se situe entre la taille et la mi-jambe: le chariot à roulettes, situé à 9 cm du sol, à une hauteur de 70 cm.
C'est un mouvement de préhension grossière bilatérale. Le mouvement peut être unilatéral si la travailleuse désire prendre appui sur l'autre main pour se pencher. Le paquet à soulever a un poids maximum de 1.3 kg mais en général, il est inférieur.
RECOMMANDATIONS:
TÂCHE NO.2
La travailleuse est debout, le dos légèrement fléchi, le paquet de vêtements devant elle, sur une surface de travail entre les hanches et la taille. Le mouvement, combinant un mouvement de préhension grossière et fine, implique les articulations distales des bras.
TÂCHE NO.3
Debout, le dos droit, la travailleuse va chercher un cintre situé sur une tringle à sa droite. La hauteur du plan de travail se situe entre la taille et les épaules.
L'activité est unilatérale. Elle nécessite presqu'essentiellement des mouvements du membre supérieur droit. Celui-ci se mobilise en abduction à l'épaule, et en extension au coude. En distal, il s'agit d'un mouvement de préhension grossière.
L'activité est répétitive et rapide. Elle demande une bonne coordination puisqu'elle est intégrée à une séquence rapide de mouvements spécifiques. Un minimum de rotation du cou et du tronc sont requis. Il n'y a aucun effort physique à fournir.
RECOMMANDATIONS:
Les tringles où sont accrochés les cintres sont triples (3 barres horizontales situées l'une en-dessous de l'autre). Il serait donc possible d'abaisser la hauteur du niveau de travail en permettant à l'employée d'utiliser les 2 barres inférieures seulement.
Une seconde recommandation, faites sous toute réserve, serait de transférer le module de la tringle contenant les cintres à gauche de la surface de travail. L'employée pourrait utiliser son membre supérieur gauche sain au lieu du membre supérieur droit qui, tel que décrit dans l'évaluation fonctionnelle, a des limitations (douleur, raideur, diminution de la force musculaire).
TÂCHES NO.4 ET NO.5
Position debout, dos légèrement fléchi. Le niveau de travail varie entre la taille et un niveau légèrement plus élevé que les épaules. Le cou et le tronc sont maintenus en légère flexion ou en position neutre.
L'activité exige des mouvements bilatéraux globaux des 2 membres supérieurs. La ceinture scapulaire est sollicitée lors des mouvements de protraction-rétraction. Les bras sont maintenus en élévation, sans appui.
Les mouvements sont répétitifs, rapides et bien coordonnés. L'amplitude de mouvement de flexion aux épaules est inférieur à 110o; l'abduction est minimale. L'amplitude de mouvement aux coudes en flexion-extension est quasi complète. L'avant-bras est maintenu en position neutre, le poignet en légère extension. Il y a alternance de préhension fine et grossière aux 2 mains. Aucun effort physique n'est requis.
RECOMMANDATIONS:
Abaisser le niveau de travail en abaissant la tringle située devant la travailleuse, à une hauteur inférieure. Un estrade de 11 cm de hauteur, par 60 cm de longueur, et 21 cm de largeur est également suggérée.
Il est indispensable que la travailleuse se procure un banc avec dossier pour lui permettre d'alterner les positions assise et debout, selon ses besoins.
TÂCHE NO.6
Debout, le dos droit, en légère flexion ou extension. Les bras sont en élévation au-dessus des épaules, parfois de la tête, et partiellement tendus. Le cou suit les mouvements du tronc qui fléchit légèrement pour prendre le paquet, se remet en position neutre et effectue successivement une légère rotation et flexion ou extension pour accrocher le paquet de 10 cintres sur les barres situées à diverses hauteurs.
L'activité exige des mouvements globaux bilatéraux des 2 membres supérieurs. Toutes les articulations sont sollicitées. Les bras sont élévation à hauteur variable, soit des épaules jusqu'au-dessus de la tête. L'activité est fréquente et suit toujours un rythme rapide et coordonné des mouvements. L'effort physique à fournir est léger. L'employée doit soulever et déplacer sur de courtes distances (60 à 125 cm) des charges inférieures ou égales à 1.3 kg.
RECOMMANDATIONS:
Aménager la disposition des barres différemment afin de diminuer la hauteur du niveau de travail. Il s'agit de permettre à l'employée d'accrocher les cintres sur les barres horizontales centrale et inférieure, diminuant le niveau de travail à une hauteur de 132 et 87 cm. Le paquet de 10 vêtements, accrochés à des cintres, peut être transporté à 2 mains, près du corps. Afin de réduire au maximum les mouvements de rotation du tronc, l'employée, qui se retourne pour suspendre les vêtements derrière elle, déplace constamment ses pieds en direction du mouvement, gardant ainsi son tronc fixe.
TÂCHE NO. 7
Debout, le dos droit ou en extension. Les bras sont tendus au-dessus de la tête. Le niveau de travail est maintenu à 75% du temps au-dessus des épaules, le reste du travail se localisant entre la poitrine et les hanches.
L'employée doit prendre une tringle suspendue au-dessus de sa tête, la transporter sur une courte distance et la relocaliser à un autre endroit, à un niveau un peu plus bas, mais toujours au-dessus des épaules (à 187 cm du sol).
Cette activité nécessite des mouvements globaux bilatéraux des 2 membres supérieurs, de proximal (soit de la ceinture scapulaire) à distal (préhension grossière des 2 mains). La tringle à transporter est métallique et pèse environ 2 à 2.3 kg.
Deux autres barres sont suspendues sous cette tringle, à des hauteurs respectives de 132 et 87 cm.
RECOMMANDATIONS:
Ne pas faire transporter, ni installer cette tringle par l'employée. Elle peut toutefois installer les deux autres barres horizontales qui sont plus légères et à une hauteur inférieure aux épaules.» (sic)
Le 28 juin 1990, l'arbitre, le docteur Raymond Langevin, orthopédiste, précise dans son avis :
«Poids: 170 livres.
Taille: 1 mètre 55.
A l'inspection, la condition générale paraît bonne. Je remarque que cette patiente est obèse (170 livres). Elle peut se déplacer et se dévêtir sans aide.
Colonne vertébrale:
L'examen du rachis cervical est sans particularité.
Rachis dorso-lombo-sacré:
Le bassin est d'aplomb. La lordose lombaire est très accentuée. A la palpation des apophyses épineuses et des masses para-vertébrales, la patiente allègue une légère douleur. Il n'y a pas de spasme musculaire. La flexion du tronc est limitée à 40 degrés.
La distance doigts-sol se fait à 30 cm. L'extension est limitée à 20 degrés. Les mouvements de latéralité droite et gauche ainsi que les rotations droite et gauche sont normalement à 30 degrés alors que la patiente allègue de la douleur.
Membres inférieurs:
La patiente ne présente pas de boiterie. Elle déambule à petits pas les pieds sur les talons. L'accroupissement se fait difficilement. Elle prétend ne pouvoir s'agenouiller.
La force musculaire des quadriceps, des ischio-jambiers, des extenseurs et des fléchisseurs des pieds est conservée.
La mensuration circonférentielle au tiers inférieur des cuisses, à 15 cm au-dessus des rotules, est de 56 cm et au niveau des mollets elle est de 38 cm, donc pas d'atrophie musculaire.
L'examen neurologique des membres inférieurs est totalement négatif. Pas de triceps ni de Lasègue. Les réflexes ostéo-tendineux, rotuliens et achilléens sont présents et symétriques bilatéralement. A la piqûre, la sensibilité superficielle et profonde est conservée.
Membres supérieurs:
L'examen neuro-orthopédique est négatif. Il n'y a pas de déficit sensitivo-moteur.
AVIS:
Il s'agit d'une patiente de 39 ans qui fut impliquée dans un accident au travail qui est survenu le 11 septembre 1989. Elle fut victime d'une entorse dorso-lombo-sacrée qui s'est améliorée par le repos, par la prise d'anti-inflammatoires (Motrin et Dolobid) ainsi que par une infiltration lombaire.
Malgré, j'ai l'impression que cette patiente exagère ses symptômes, la positivité de mon examen objectif de la colonne dorso-lombo-sacrée, je lui donne le bénéfice du doute.
EXISTENCE OU POURCENTAGE D'ATTEINTE PERMANENTE À L'INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DU TRAVAILLEUR:
CODE
204044 |
entorse dorso-lombo-sacrée avec séquelles fonctionnelles objectivées |
DAP%
2% |
EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR:
En conséquence, la positivité de mon examen objectif de la colonne dorso-lombo-sacrée, à mon avis, il y a des limitations fonctionnelles: cette travailleuse ne devrait plus accomplir de travaux où elle aurait à soulever des poids de plus de 5 livres, elle devrait aussi faire un travail où elle est, en alternance, debout et assise. Elle ne devrait pas forcer et elle ne devrait pas accomplir de travaux sur un terrain accidenté.»
Le 13 août 1990, conformément à l'avis de l'arbitre précité, la Commission rend la décision faisant l'objet du présent appel.
Le 21 août 1990, la Commission rend la décision suivante :
«Objet: Décision statuant sur votre capacité à exercer un emploi chez votre employeur
Madame,
Suite à la mesure de réadaptation que nous avons prise pour permettre votre retour en emploi chez votre employeur, vous êtes maintenant capable d'exercer votre emploi chez votre employeur. Aucune indemnité de remplacement du revenu ne sera versée à compter de la date de votre retour au travail, soit le 21-08-90.»
Le 22 août 1990, la travailleuse retourne au travail et madame Renée Clément, conseillère en réadaptation à la Commission, l'accompagne. Elle rapporte alors au dossier de la travailleuse le même jour : «le poste est adapté et respecte les limitations fonctionnelles de l'arbitrage du 28-06-90 - chaise ergonomique etc».
Le 27 août 1990, la travailleuse complète un formulaire intitulé «Réclamation du travailleur» où elle précise :
«J'ai travaillé 4 jrs - j'avais des douleurs de plus en plus fortes. Lundi soir après mon travail je suis allée voir mon médecin qui m'a arrêtée de travailler.»
La Commission indemnise la travailleuse.
Le même jour, le docteur Ventura, dans son rapport médical, diagnostique une dorso-lombalgie pour laquelle il fixe au 14 septembre 1990 la date prévisible de consolidation et dirige celle-ci auprès du docteur Saïdi.
Le 28 août 1990, le docteur Chartrand précise dans un rapport médical :
«Les limitations ne m'apparaissent pas respectées - ne peut pas faire son travail réadapté à cause des douleurs et limitations.»
Le 4 septembre 1990, l'employeur conteste auprès de la Commission la décision du 13 août 1990.
Le 10 septembre 1990, le docteur Chartrand note sur son rapport médical :
«Il ne semble pas y avoir de travail adapté pour elle à son travail, elle doit aller sur le programme de réadaptation.»
Le 17 septembre 1990, dans une correspondance, le docteur Chartrand précise :
«Cette personne doit aller en réadaptation sociale les limitations fonctionnelles ont déjà été spécifiées dans une évaluation médicale du 9-03-90 et maintenues en partie lors de l'arbitrage médical du 28 juin 90.»
Le même jour, le docteur Paul Décarie, orthopédiste, ayant examiné la travailleuse à la demande de l'employeur, relate dans son rapport :
«L'examen nous montre des signes de limitation de mouvements de la colonne lombaire en flexion, extension et rotation.
Cependant, nous n'avons trouvé aucun signe neurologique et même, nous avons constaté une discordance entre les mouvements de flexion limités et le signe du tripode où nous n'avions, en fléchissant la tête complètement et en soulevant les membres inférieurs, aucune limitation de mouvements à ce moment.
De plus, nous avons constaté quelques signes de maladie non organique.
Les radiographies prises aujourd'hui ont confirmé la présence d'une légère ostéophytose au niveau dorsal. La radiographie de la colonne lombaire est normale.
En réponse aux questions demandées:
1.Nous ne justifions aucun arrêt de travail actuellement et aucun autre traitement de physiothérapie ou autre modalité.
2.Nous concluons donc que la patiente est porteuse de lombalgie sans signe physique objectif avec discordance entre les symptômes allégués par la patiente et la symptomatologie physique.
3.Nous maintenons la consolidation antérieure, c'est-à-dire que d'après l'arbitrage médical de mars 1990, la consolidation serait au mois de novembre 1989.»
Le 18 septembre 1990, le docteur Ventura fixe au 10 octobre 1990 la consolidation de la lésion de la travailleuse diagnostiquée comme une «dorso-lombalgie».
Le même jour, la Commission rend les décisions suivantes :
«A la suite de la réception du rapport de votre médecin traitant le Dr Chartrand, daté du 28 août 1990, mentionnant que l'emploi convenable déterminé ne respecte pas vos limitations fonctionnelles nous avons visité votre employeur en compagnie du médecin régional et évalué votre poste de travail en tenant compte des limitations fonctionnelles décrites par l'arbitre médical en date du 28 juin 1990.
Nous en sommes venus à la conclusion que l'emploi déterminé répond à la
définition d'emploi convenable, tel que décrit à l'article
A la suite de votre lésion professionnelle du 11 septembre 1989 et votre rechute du 27 août 1990, vous demeurez avec des limitations fonctionnelles permanentes. Cependant, l'analyse de ces limitations fonctionnelles et les informations obtenues sur votre emploi ne nous permettent pas d'entrevoir de problème de retour au travail.
Par conséquent, votre lésion professionnelle ayant été consolidée le 14 septembre 1990, vous êtes capable d'exercer votre emploi à compter du 14 septembre 1990.
Vous n'avez donc droit à aucune indemnité de remplacement du revenu après le 16 septembre 1990.»
Le 26 septembre 1990, la travailleuse conteste les décisions précitées et complète un formulaire intitulé «Réclamation de la travailleuse» où elle indique : «Rechute (aggravation)».
Le 5 octobre 1990, la Commission rend la décision suivante :
«CONSIDÉRANT que le 14 septembre 1990 nous vous avisions par téléphone que vous étiez apte à occuper votre emploi, suite à la réception du rapport médical du Dr Chartrand.
CONSIDÉRANT que le rapport médical du Dr Ventura, en date du 18 septembre 1990 a été émis après que nous nous soyons prononcé sur votre capacité d'exercer votre emploi.
Nous maintenons la fin de vos indemnités de remplacement du revenu en date du 16 septembre 1990, car nous sommes liés par l'opinion du médecin traitant le Dr Chartrand.»
Le 10 octobre 1990, le docteur Saïdi rédige le rapport médical suivant :
«douleur dorsale et lombaire avec examen objectif normal.
Patient est apte à reprendre son travail sans restriction. Congé en orthopédie.»
Le 12 octobre 1990, la travailleuse conteste la décision rendue le 5 octobre 1990 par la Commission.
Le 21 octobre 1990, le docteur Ventura, après avoir pris connaissance du rapport du docteur Saïdi, fixe au 10 décembre 1990 la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse qu'il diagnostique comme une «dorsolombalgie».
Le 22 novembre 1990, la Commission d'appel reçoit de la Commission la contestation de l'employeur datée du 4 septembre 1990.
Le 18 décembre 1990, l'arbitre, le docteur Georges A. Daigle, orthopédiste, précise dans son avis :
«A la suite de l'examen du dossier et de l'examen clinique en date d'aujourd'hui, nous devons accepter le diagnostic de lombalgie post-récidive du 27 août 1990, chez une patiente qui souffre d'arthrose dorso-lombaire avec ostéophytose dorsale et lombaire prouvée radiologiquement.
SUJET DE CONTESTATION NO 2 - CONSOLIDATION:
A la suite de l'examen du dossier et de l'examen clinique en date d'aujourd'hui, nous devons accepter la date de consolidation du 10 octobre 1990 suggérée par son médecin, le docteur Ventura et le docteur Saïdi. Nous avons considéré qu'il s'agissait d'une aggravation des douleurs que la patiente présentait antérieurement à sa récidive du 27 août 1990. Nous avons aussi considéré que les douleurs que la patiente présente sont manifestement très subjectives et très peu objectives.»
Le 2 juillet 1991, le docteur Molina Negro précise dans son rapport :
«J'ai examiné aujourd'hui cette patiente que vous m'avez référée pour un problème de douleurs dorso-lombaires secondaires à une entorse. L'accident eut lieu alors qu'elle a fait une chute. Après des traitements dit conservateurs, elle est retournée au travail, mais n'a pu le faire que seulement cinq jours soit jusqu'au 27 août '90, étant donné qu'elle était obligée de faire des mouvements comme surtout se pencher en avant qui, selon elle, ne respectaient pas les restrictions qui avaient été signalées.
La symptomatologie consiste donc à des douleurs qui s'étendent de la région dorso-lombaire jusqu'à la région dorsale moyenne et, finalement, jusqu'à la région occipitale. Les douleurs augmenteraient avec les mouvements, surtout se pencher ou se tourner, lorsqu'elle marche au delà de 30 à 45 minutes, lorsqu'elle demeure assise au delà de 20 minutes ou lorsqu'elle devient immobile au delà de 10 minutes. Le changement de température ainsi que les manoeuvres au Valsalva provoquent l'aggravation de douleurs au dos, sans irradiation. Elle est quelque peu soulagée par la prise d'anti-inflammatoires, par le TENS qui l'aide de façon discrète, et lorsqu'elle s'assoit dans une chaise spéciale.
En plus des anti-inflammatoires et à cause des céphalées dont elle souffre fréquemment, elle prend du Fiorinal simple, environ 25 comprimés par mois.
A l'examen clinique on constate une patiente modérément obèse qui pèse livres, mais sur 1 mètre 55. L'examen neurologique est dans les limites de la normale.
Du point de vue travail je considère que cette patiente est inapte à exécuter son ancien travail puisqu'elle garde des restrictions fonctionnelles en relation avec les mouvements et les postures prolongées. Elle serait inapte à un travail adapté.» (sic)
Le 8 juillet 1991,
l'employeur fait parvenir à la Commission d'appel la liste de témoins et
documents en prévision de l'audience prévue à l'article
Le 19 août 1991, une audience est tenue devant le bureau de révision qui rend la décision faisant l'objet d'un des présents appels.
Le 20 décembre 1991, la Commission rend la décision suivante :
«Après étude de votre dossier, nous avons constaté que suite à l'arbitrage du 18 décembre 1990, aucune décision n'a été rendue par la Commission.
Nous rendons donc la décision qui aurait dû être rendue à l'époque et qui aurait dû se lire ainsi:
La présente fait suite à l'avis rendu le 18 décembre 1991 par l'arbitre médical désigné par le Ministre du travail, relativement à une question d'ordre médical.
Le diagnostic de votre lésion professionnelle est: lombalgie post-récidive du 27 août 1990. La date de consolidation est le 10 octobre 1990.»
Le 31 mars 1992, dans un rapport final, le docteur Chartrand précise un diagnostic d'entorse dorso-lombaire pour la lésion professionnelle subie le 27 août 1990, laquelle est consolidée le 10 octobre 1990 et indique l'existence chez la travailleuse des limitations fonctionnelles suivantes :
«Cette personne ne devrait plus faire un travail où elle aurait à soulever des poids de plus de 5 livres. Si elle a à soulever ces poids, ça devrait être fait de façon exceptionnelle dans une même journée. Elle ne devrait pas soulever les bras plus hauts que la hauteur des épaules. Pas de travail en terrain accidenté, pas de travail où il y des vibrations. Pas de travail en position debout prolongée.
Si elle travaille debout, elle devra s'asseoir au moins 5 à 10 minutes à toutes les heures, mais préférablement, elle devrait faire un travail sédentaire assis avec au moins des périodes à toutes les heures de 5 minutes chacune pour se dégourdir. Pas de travail en position penchée soutenue soit de la position cervicale, dorsale ou lombaire, autant en position assise que debout.»
À l'audience, la travailleuse assistée d'une interprète, madame Évelyne Pardoul, décrit les tâches qu'elle doit effectuer à son travail.
Elle précise qu'à son retour au travail le 22 août 1990, la seule modification de son poste de travail consistait en l'ajout du banc ergonomique. Elle présentait, dès lors, de la difficulté à se pencher aux fins de prendre les maillots dans le panier et lorsqu'elle voulait accrocher les cintres sur la pôle supérieure, nécessitant l'élévation des membres supérieurs au-delà des épaules.
Elle n'a pas repris le marché du travail depuis cette date et affirme n'avoir, avant le 11 septembre 1989, connu aucun problème lombaire.
ARGUMENTATION
La travailleuse plaide
essentiellement que l'emploi occupé par elle le 22 août 1990 est un «emploi
convenable» au sens de la loi, qu'elle doit abandonner, n'étant pas
raisonnablement en mesure de l'occuper selon l'opinion de son médecin et qu'en
conséquence, elle a droit à l'indemnité de remplacement du revenu conformément
à l'article
Elle admet par ailleurs que ce poste respectait les limitations fonctionnelles émises par l'arbitre.
Subsidiairement, elle soumet que la décision de la Commission précisant que ses limitations fonctionnelles ne l'empêchant pas de reprendre son travail est prématurée, en ce que son médecin ne s'était pas encore prononcé à cet effet et ce faisant, la Commission courcircuite le système qui doit privilégier l'opinion du médecin traitant quant, entre autres, aux limitations fonctionnelles.
La Commission soutient,
se référant particulièrement aux articles
Elle affirme, en outre, qu'il appartient à l'agent de la Commission et non au médecin de décider de l'aptitude d'un travailleur à exercer un emploi. Les éléments au dossier à cette date ne précisent en rien l'ajout d'une quelconque limitation fonctionnelle chez la travailleuse.
MOTIFS DE LA DÉCISION
DOSSIER:25140-60-9011 La Commission d'appel doit, dans un premier temps, décider si elle est régulièrement saisie de l'appel de l'employeur.
En l'espèce, la preuve démontre que l'employeur a, le 14 septembre 1990, contesté devant la Commission la décision rendue par elle le 13 août 1990. La preuve démontre également que la Commission d'appel a reçu cette contestation de la Commission le 22 novembre 1990, soit hors le délai prévu à la loi pour ce faire.
La preuve démontre, dès lors, l'intention de l'employeur de contester ladite décision dans les délais impartis à la loi, en s'adressant au mauvais forum. Ces faits incitent la Commission d'appel à relever celui-ci de son défaut, la travailleuse n'ayant pas démontré en subir un préjudice.
Le 8 juillet 1991,
l'employeur fait parvenir à la Commission d'appel les documents énoncés à
l'article
Les articles 417, 418
et
417. Une partie à un appel autre qu'un appel qui doit être instruit et jugé d'urgence doit, dans les trois mois de la déclaration d'appel, produire au bureau de la Commission d'appel où l'appel est formé:
1o une liste des témoins qu'elle prévoit faire entendre; et
2o une copie des écrits et rapports médicaux qu'elle prévoit invoquer et qui ne sont pas déjà au dossier que la Commission a transmis.
Lorsqu'une partie visée dans le premier alinéa ne prévoit pas faire entendre de témoins ou produire de documents, elle doit produire un avis à cet effet, dans le même délai, au bureau de la Commission d'appel où l'appel est formé.
418. Si la partie appelante ne se conforme pas, dans le délai prescrit, à l'article 417, elle est présumée avoir abandonné son appel et la décision, l'ordre ou l'ordonnance dont il a été interjeté appel devient exécutoire et final.
Si une autre partie ne se conforme pas, dans le délai prescrit, à l'article 417, elle ne peut faire entendre de témoins ni produire de documents lors de l'enquête devant la Commission d'appel.
419. La Commission d'appel peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave.
Cependant, la Commission d'appel ne peut prolonger le délai mentionné à l'article 417 ni relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter si, 15 jours avant l'échéance mentionnée à cet article, elle a donné avis à cette partie de s'y conformer.
En l'espèce, considérant
le retard de l'employeur à produire l'avis prévu à l'article
DOSSIER:32715-60-9110 La Commission d'appel doit maintenant disposer de l'appel de la travailleuse relative à la décision du bureau de révision quant à la qualification de l'emploi exercé par la travailleuse, de l'aptitude de cette dernière à exercer cet emploi et de son droit à l'indemnité de remplacement du revenu.
ËQualification de l'emploi exercé par la travailleuse le 22 août 1990
En l'espèce, la preuve démontre qu'en date du 22 août 1990, la travailleuse est retournée au travail, au poste «d'aide générale».
La preuve démontre également qu'à cette date, les limitations fonctionnelles présentées par la travailleuse sont les suivantes :
«Cette travailleuse ne devrait plus accomplir de travaux où elle aurait à soulever des poids de plus de 5 livres, elle devrait aussi faire un travail où elle est, en alternance debout et assise. Elle ne devrait pas forcer et elle ne devrait pas accomplir de travaux sur un terrain accidenté.»
Il est de plus admis que ce poste respectait les limitations fonctionnelles de la travailleuse. La preuve démontre également qu'en date du 21 août 1990, dans une décision non contestée, la Commission précisait :
«Suite à la demande de réadaptation que nous avons prise pour permettre votre retour en emploi chez votre employeur vous êtes maintenant capable d'exercer votre emploi chez votre employeur.»
Les articles 166, 167, 169, 170 et 171 précisent :
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.
167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment:
1oun programme de recyclage;
2odes services d'évaluation des possibilités professionnelles;
3oun programme de formation professionnelle;
4odes services de support en recherche d'emploi;
5o le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
6ol'adaptation d'un poste de travail;
7ole paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;
8ole paiement de subventions au travailleur.
169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible, et dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi disponible.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
En l'espèce, la Commission d'appel est d'avis que la preuve démontre qu'en date du 22 août 1990, la travailleuse a réintégré son emploi, laquelle réintégration fut rendue possible en raison d'une mesure de réadaptation, à savoir, entre autres, l'ajout d'un banc ergonomique permettant à celle-ci d'exercer son travail en «alternance debout et assise». De fait, les autres limitations fonctionnelles de la travailleuse, à savoir ne pas soulever des poids de plus de 5 livres, ne pas forcer et ne pas accomplir de travaux sur un terrain accidenté, étaient respectées à ce poste.
La Commission d'appel
ne peut, comme lui demande la travailleuse, qualifier ce poste «d'emploi
convenable», au sens de l'article
«emploi convenable»: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.
De fait, il appert de l'analyse de la loi que l'accès à un emploi dit convenable n'est envisagé que si la réintégration du travailleur à son emploi ou à un emploi équivalent ne peut être effectué.
Il serait, de l'avis de
la Commission d'appel, erroné en faits et en droit de qualifier d'emploi
convenable tout emploi exercé par un travailleur au seul motif que celui-ci
permet à ce dernier d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications
professionnelles. De fait, cette interprétation ferait en sorte de déclarer
qu'un travailleur qui subit une lésion professionnelle pour laquelle il
conserverait une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ne
l'empêchant aucunement de reprendre son travail, réintégrerait alors «son
emploi» qui devrait alors être qualifié d'emploi convenable et ne pourrait
alors se prévaloir de la disposition traitant de la priorité d'emploi prévu à
l'article
236. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui redevient capable d'exercer son emploi a droit de réintégrer prioritairement son emploi dans l'établissement où il travaillait lorsque s'est manifestée sa lésion ou de réintégrer un emploi équivalent dans cet établissement ou dans un autre établissement de son employeur.
Ce faisant, il ne pourrait bénéficier que du droit d'occuper le premier emploi convenable qui devient disponible au sens de l'article 239. Ce raisonnement n'est aucunement supporté par les dispositions de la loi applicables en l'espèce.
La Commission d'appel est donc d'avis que l'emploi exercé par la travailleuse le 22 août 1990 était «son emploi», lequel était adapté à sa condition. La preuve démontre, par ailleurs, que la travailleuse a cessé de travailler le 27 août 1990.
La preuve démontre également qu'en date du 28 août 1990, le docteur Chartrand est d'opinion «que les limitations fonctionnelles n'apparaissent pas respectées». Il affirme alors que la travailleuse ne peut faire son travail adapté à cause de ses douleurs et limitations. Le 10 septembre 1990, il précise de plus «qu'il ne semble pas y avoir de travail adapté pour elle à son travail, elle doit aller sur le programme général de la réadaptation. Il ajoute le 27 septembre 1990, dans une correspondance, que les limitations fonctionnelles de la travailleuse ont déjà été spécifiées dans son évaluation médicale le 9 mars 1990, lesquelles ont été maintenues en partie par l'arbitre. La Commission d'appel croit opportun, dès lors, de rappeler les dispositions suivantes :
212. L'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge de son travailleur victime d'une lésion professionnelle s'il obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1o le diagnostic;
2o la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3o la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4o l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5o l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette à l'arbitrage prévu par l'article 217.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1o à 5o du premier alinéa de l'article 212.
Cependant, si un arbitre rend un avis en vertu de l'article 221 infirmant le diagnostic ou une autre conclusion de ce médecin, la Commission devient liée par cet avis et modifie sa décision en conséquence, s'il y a lieu.
En l'espèce, la
Commission d'appel est d'avis qu'à ces dates, le docteur Chartrand émet des
opinions qui ne lient pas la Commission au sens de la l'article
De fait, celui-ci ne précise pas un diagnostic, une date de consolidation, un soin de traitement, une atteinte permanente mais réitère uniquement les limitations fonctionnelles qu'il avait antérieurement émises et qui ne furent pas entièrement retenues par l'arbitre médical.
Or, comme elle le déclarait précédemment, la Commission d'appel est d'avis que les limitations fonctionnelles identifiées par l'arbitre médical sont finales, la décision de la Commission n'ayant fait l'objet d'aucune contestation, et en ce sens, lie la Commission.
Par ailleurs, la Commission d'appel constate que l'arrêt de travail du 27 août 1990 fut reconnu comme étant une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle du 11 septembre 1989.
La preuve démontre également qu'en date du 18 septembre 1990, le docteur Ventura fixe au 10 octobre 1990 la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse, sans préciser si celle-ci conserve de sa lésion professionnelle des séquelles permanentes alors qu'en date du 10 octobre 1990, le docteur Saïdi qui examine la travailleuse à la demande du docteur Ventura émet l'opinion qu'après un examen objectif normal et malgré l'allégation par la travailleuse d'une douleur dorsale et lombaire, que celle-ci est apte à reprendre son travail sans restriction.
Par la suite, la Commission fixe au 10 octobre 1990 la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse, conformément à l'avis de l'arbitre médical.
Eu égard à ces faits, la Commission d'appel est d'avis d'infirmer la décision rendue par la Commission le 18 septembre 1990, quant à la date de consolidation de la lésion professionnelle, conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 224.
La Commission d'appel doit maintenant se prononcer quant à la capacité de la travailleuse à exercer à cette date, soit le 10 octobre 1990, son «emploi adapté».
À cette époque, hormis
le docteur Chartrand qui réitère les limitations fonctionnelles préalablement
émises par lui lors de l'événement initial, lesquelles ne pouvaient lier la
Commission en vertu de l'article
La Commission d'appel est d'avis, considérant l'aveu même de la travailleuse à l'effet que les limitations fonctionnelles retenues par l'arbitre étaient respectées à son emploi, que la travailleuse était capable, en date du 10 octobre 1990, de reprendre son travail et qu'en conséquence, à compter de cette date, aucune indemnité de remplacement du revenu ne lui était acquise.
La Commission d'appel ne peut, comme lui demande la travailleuse, de par l'opinion du docteur Molina Negro du 2 juillet 1991, déclarer que de nouvelles limitations fonctionnelles accablaient à cette date la travailleuse et de ce fait, prolongeaient l'incapacité de cette dernière à exercer son emploi. De fait, celui-ci précise «étant donné qu'elle était obligée de faire des mouvements, comme surtout se pencher en avant, qui, selon elle, ne respectaient pas les restrictions qui avaient été signalées».
Après avoir résumé la symptomatologie de celle-ci et constaté un examen neurologique normal, il affirme laconiquement qu'elle ne peut faire son travail, celui-ci impliquant des restrictions en relation avec des mouvements et des postures prolongés.
La Commission d'appel, de par la preuve dont elle dispose, précise de prime abord qu'en aucun temps, contrairement à ce que la travailleuse affirme au docteur Molina Negro, l'interdiction de se pencher ne fut une limitation fonctionnelle reconnue chez elle. De plus, rien dans la description des tâches effectuées par la travailleuse dans son emploi adapté ne démontre que celle-ci doit effectuer des «mouvements prolongés» ou maintenir des «postures prolongées».
Est complété par la suite, soit le 31 mars 1992, un rapport d'évaluation médicale où le docteur Chartrand reprend essentiellement les limitations fonctionnelles qu'il avait émises 2 ans auparavant et auxquelles il ajoute que la travailleuse doit faire un travail sédentaire où elle pourrait se dégourdir cinq minutes à toutes les heures et devra éviter une position penchée soutenue tant au niveau cervical, dorsal ou lombaire.
La Commission d'appel considère qu'en l'espèce, la preuve ne lui permet aucunement de déclarer que le 10 octobre 1990, soit 17 mois auparavant, la travailleuse présentait de telles limitations. Il appartiendra dès lors à celle-ci de produire à la Commission les réclamations qui s'imposent.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
DOSSIER:25140-60-9011 REJETTE l'appel de l'employeur, Christina Canada Inc.;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 août 1990;
DÉCLARE que la travailleuse présente, suite à sa lésion professionnelle du 11 septembre 1989, une entorse dorso-lombo-sacrée avec séquelles objectivées, qu'elle conserve de celle-ci une atteinte permanente à son intégrité physique ainsi que des limitations fonctionnelles suivantes :
-ne devrait plus accomplir de travaux où elle aurait à soulever des poids de plus de 5 livres;
-devrait aussi faire un travail où elle est en alternance debout, assise;
-ne devrait pas forcer et ne devrait pas accomplir de travaux sur un terrain accidenté.
DOSSIER:32715-60-9110 REJETTE l'appel de la travailleuse, madame Zoïla Paredes;
MAINTIENT la décision rendue le 26 septembre 1991 par le bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal;
DÉCLARE que le poste occupé par la travailleuse, à
compter du 22 août 1990, est au sens de l'article
DÉCLARE que la travailleuse était apte à exercer cet emploi à compter du 10 octobre 1990, date à partir de laquelle prenait fin le versement des indemnités de remplacement du revenu.
Sylvie Moreau, commissaire
Madame Chantal Bousquet
(CHRISTINA CANADA INC.)
9880, rue Clark
Montréal (Québec)
H3L 2R3
Représentante de la partie appelante
(Christina Canada Inc.)
Me Diane Turbide
(LAMY, TURBIDE & ASS.)
1030, rue Beaubien Est
Bureau 301
Montréal (Québec)
H2S 1T4
Représentante de la partie intéressée
(madame Zoïla Paredes)
Me Sylvana L. Markovic
(CHAYER, PANNETON, LESSARD)
1, complexe Desjardins
Tour du sud, 32e étage
Montréal (Québec)
H5B 1H1
Représentante de la partie intervenante
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.