Sodexho Québec ltée et Laberge |
2008 QCCLP 2862 |
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[1] Le 3 octobre 2007, Sodexho Québec ltée (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 12 septembre 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision logée par l’employeur le 20 mars 2007 par laquelle il conteste la base salariale retenue par la CSST pour établir l’indemnité de remplacement du revenu de madame Johanne Laberge (la travailleuse). La CSST retient un revenu brut assurable de 15 851 $.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 11 mars 2008 à laquelle seule la travailleuse était présente. L’employeur informe la Commission des lésions professionnelles le 10 mars 2008 de son absence à l’audience et soumet une argumentation écrite.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a contesté la base salariale retenue pour établir les prestations de la travailleuse dans le délai prescrit à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) puisque ce n’est qu’en mars 2007 qu’il a pris connaissance de la base salariale retenue par la CSST. Sur le fond du dossier, il demande de procéder à un nouveau calcul des indemnités de remplacement du revenu de la travailleuse en prenant en considération le salaire que la travailleuse aurait gagné par son travail à temps partiel.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de l’employeur est recevable. Ils retiennent que l’employeur n’a pas reçu de décision valide l’informant de la base salariale retenue par la CSST pour établir le montant des prestations de la travailleuse. Toutefois, dès qu’il a eu connaissance de cette information, il a été diligent et l’a contestée.
[6] Sur le fond du dossier, le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la décision de la CSST de retenir le salaire minimum en vigueur pour établir les prestations de la travailleuse doit être maintenue puisqu’elle reflète la position de la jurisprudence majoritaire.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la demande de révision de l’employeur est recevable ou si elle a été produite en dehors du délai prescrit par la loi. Si tel est le cas, la Commission des lésions professionnelles devra déterminer si l’employeur a présenté un motif raisonnable permettant à la Commission des lésions professionnelles de le relever de son défaut d’avoir respecté le délai prévu à la loi.
[8] Si l’employeur est relevé de son défaut d’avoir logé sa demande de révision dans le délai prévu à la loi, la Commission des lésions professionnelles devra statuer sur le fond du litige et déterminer si la base salariale de la travailleuse doit être déterminée suivant le salaire minimum ou suivant les gains réels de la travailleuse qui occupe un emploi à temps partiel.
[9] Les dispositions pertinentes à la solution du présent litige se retrouvent aux articles 354, 355, 358 et 358.2 de la loi :
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
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1985, c. 6, a. 354.
355. Il n'est pas nécessaire qu'une décision de la Commission soit signée, mais le nom de la personne qui l'a rendue doit y apparaître.
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1985, c. 6, a. 355.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[10] Il appert du dossier que la travailleuse occupe les fonctions de caissière pour l’employeur, à temps partiel, à raison de trois journées de six heures par semaine, au taux horaire de 9,44 $.
[11] Elle subit une lésion professionnelle le 16 février 2006 alors qu’elle trébuche et se blesse au dos. Un diagnostic d’entorse lombaire est retenu et, par la suite, un diagnostic de hernie discale L4-L5 est également retenu. Un arrêt de travail est prescrit à la travailleuse de même que des traitements pour sa condition. L’employeur complète un formulaire Avis de l'employeur et demande de remboursement indiquant que la travailleuse a gagné 9 817,60 $ au cours des douze derniers mois et qu’elle travaille à temps partiel suivant un taux horaire.
[12] L’employeur conteste la décision de la CSST rendue le 9 mars 2006 acceptant la réclamation de la travailleuse pour une entorse lombaire. Il conteste également la décision rendue par la CSST le 6 juillet 2006 acceptant le nouveau diagnostic de hernie discale L4-L5 en relation avec l’événement du 16 février 2006. Ces décisions sont maintenues par une décision rendue le 15 août 2006 par la CSST à la suite d’une révision administrative. L’employeur conteste cette décision mais se désiste de son appel devant la Commission des lésions professionnelles le 5 février 2007.
[13] À la suite du désistement de l’employeur, des démarches sont entreprises par la CSST qui procède à une visite du poste de travail de la travailleuse le 27 février 2007 aux fins d’évaluer si la travailleuse aura la capacité à exercer son emploi prélésionnel advenant qu’elle conserve des limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle.
[14] L’employeur soutient que lors de cette rencontre, il prend connaissance que la base salariale retenue aux fins d’établir l’indemnité de remplacement du revenu est celle du salaire minimum, ce qui ne correspond pas aux gains déclarés à l’Avis de l'employeur et demande de remboursement. L’employeur loge donc une contestation à la CSST le 20 mars 2007 à l’encontre de la base salariale retenue par la CSST indiquant que sa contestation est logée dans les 30 jours de la notification de la décision concernant la base salariale de la travailleuse.
[15] La CSST est plutôt d’avis que la demande de révision logée par l’employeur le 20 mars 2007 a été logée en dehors du délai prescrit par la loi et qu’elle est irrecevable.
[16] Dans sa décision rendue le 12 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative, la CSST indique que l’employeur a été notifié pour la première fois de la base d’indemnisation retenue, le 5 avril 2006, par le biais du Relevé des sommes imputées à votre dossier financier transmis mensuellement à son établissement. La CSST retient qu’il appartient à l’employeur de déterminer le genre de suivi qu’il effectue avec l’information qu’il reçoit par le biais de ces relevés mensuels.
[17] Il appert du dossier qu’à la suite de la décision d’admissibilité de la lésion professionnelle du 16 février 2006, la travailleuse a reçu un premier versement d’indemnité de remplacement du revenu le 16 mars 2006. Au chèque qu’elle a reçu à cette période est joint un avis de paiement qui informe la travailleuse que ses indemnités sont établies sur la base du revenu brut annuel de 15 851 $, lui octroyant un montant de 475,72 $ aux deux semaines. La CSST retient dans sa décision du 12 septembre 2007 que cet avis de paiement constitue une décision écrite de la CSST informant la travailleuse de la base salariale retenue dans son dossier.
[18] Dans son argumentation écrite, l’employeur allègue qu’il n’a jamais été informé que la CSST n’avait pas retenu la base salariale mentionnée à l’Avis de l'employeur et demande de remboursement. Il a bien reçu la décision d’imputation de la CSST du 10 mars 2006 l’informant que le coût des prestations dues en raison de l’accident de travail de la travailleuse serait imputé à son dossier d’employeur mais cette décision demeure muette quant à la base salariale retenue pour établir les prestations de la travailleuse.
[19] L’employeur admet recevoir mensuellement le Relevé des sommes imputées à votre dossier financier mais indique qu’il n’a pas pour habitude d’effectuer un calcul à chaque mois pour vérifier la base salariale de chaque travailleur. Ce relevé fait état que la travailleuse reçoit un montant mensuel de 951,44 $. Si la base salariale indiquée à l’Avis de l'employeur et demande de remboursement avait été retenue, le montant aurait été de 669,96 $. Il soumet que la différence de 281,48 $ n’est pas flagrante et il ne s’agit pas d’une somme qui sort de l’ordinaire. C’est pourquoi l’employeur n’a pas remarqué, en recevant ses relevés mensuels, que la base salariale de la travailleuse avait été établie suivant le salaire minimum en vigueur au moment de l’accident.
[20] Ce n’est que le 27 février 2007, lorsque la CSST a effectué une visite du poste de travail dans son établissement, que l’employeur a été informé par la CSST de la base salariale retenue. En contestant le 20 mars 2007, il était donc dans le délai de 30 jours de la notification de cette décision pour présenter sa demande de révision.
[21] Dans sa décision rendue à la suite d’une analyse en révision administrative, la CSST indique qu’à son sens, l’avis de paiement émis le 16 mars 2006 constitue la décision écrite de la CSST informant la travailleuse de la base salariale retenue pour calculer ses indemnités.
[22] Dans cette même décision, la CSST retient que l’employeur a été notifié de la base salariale retenue dans le dossier de la travailleuse en avril 2006 par le biais du Relevé des sommes imputées à votre dossier financier. Cette affirmation laisse donc supposer que ce document constitue pour la CSST une décision au sens de l’article 354 de la loi et qu’elle doit être contestée dans le délai prévu à l’article 358 de la loi.
[23] La jurisprudence a souvent débattu de la question qui vise à déterminer si un avis de paiement constitue une décision de la CSST pour décider si un travailleur qui conteste son avis de paiement peut remettre en question le montant de son revenu brut annuel servant au calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
[24] Bien que la jurisprudence est partagée sur la question qui vise à déterminer si l’avis de paiement constitue une décision ou non, en l’instance, la Commission des lésions professionnelles adhère au courant jurisprudentiel qui reconnaît que l’avis de paiement constitue une décision[2].
[25] Tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Proulx et Aliments surgelés Conagra ltée[3], l’avis de paiement constitue une décision puisque c’est par cela que la CSST se prononce quant au montant du revenu brut annuel qui doit être retenu pour établir les prestations du travailleur :
[41] Le tribunal conclut que l’avis de paiement émis par la CSST le 11 octobre 2000 constitue une décision rendue par la CSST en vertu de l’article 349 de la loi, en ce que cet avis de paiement décide du montant du revenu brut assurable que la CSST retient pour effectuer le calcul du montant de l’indemnité de remplacement du revenu auquel la travailleuse a droit en vertu des articles 63 et suivants de la loi.
[26] Tout comme la Commission des lésions professionnelles le fait dans cette affaire, le tribunal en l’instance est d’avis que même si l’avis de paiement constitue une décision, celle-ci comporte toutefois certaines irrégularités, tel que le rappelle la commissaire dans l’affaire Proulx :
[42] Toutefois, le tribunal est d’avis que cette décision de la CSST est irrégulière en ce qu’elle n’indique pas le nom de celui qui l’a rendue et n’est pas notifiée à l’employeur visé par la réclamation de la travailleuse. Elle est de plus irrégulière en ce qu’elle n’informe pas la travailleuse de son droit d’obtenir, dans le délai prévu par l’article 358 de la loi, que la décision soit révisée.
[27] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles retient donc que c’est bien l’avis de paiement qui constitue la décision de la CSST qui détermine le montant du revenu brut annuel que la CSST retient pour effectuer le calcul du montant de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.
[28] En l’espèce, l’employeur cherche à faire reconnaître qu’il n’a pas été notifié de cette décision et qu’il n’a donc pas été informé de son contenu de sorte qu’il n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans le délai prévu à la loi, ce qui constitue un motif raisonnable pour être relevé de son défaut d’avoir contesté l’avis de paiement dans le délai.
[29] La CSST a déclaré la demande de révision de l’employeur irrecevable considérant qu’il a été notifié dès le 5 avril 2006 de la base salariale apparaissant à l’avis de paiement par le biais du Relevé des sommes imputées à votre dossier financier.
[30] La jurisprudence a traité à quelques reprises de la question qui vise à déterminer si le relevé des sommes imputées au dossier financier d’un employeur constitue une décision.
[31] Ainsi, dans l’affaire Arno électrique ltée et Dallaire[4], la Commission des lésions professionnelles déterminait que le Relevé des sommes imputées à votre dossier financier ne constituait pas une décision, même si ce document comportait suffisamment d’informations qui permettaient à l’employeur de connaître le montant du salaire brut annuel retenu :
[21] Pour sa part, la Commission des lésions professionnelles estime, quoique le document daté du 8 mars 2000 et intitulé « Relevé des sommes imputées à votre dossier » comporte suffisamment d'informations pour permettre de conclure que le salaire brut annuel retenu est celui du maximum annuel assurable, que ledit document ne constitue pas la décision disposant de cette question du revenu brut annuel. En effet, il est inscrit en toutes lettres et de façon non équivoque que ce document ne constitue pas une décision.
[32] Par ailleurs, dans l’affaire Therrien et Logistique en Transport Eureka inc. et CSST[5], la Commission des lésions professionnelles considère d’une part que l’avis de paiement constitue une décision sur le salaire brut annuel retenu, qui est notifiée au travailleur et d’autre part que l’employeur est notifié de l’information concernant la base salariale du travailleur sous une autre forme que l’avis de paiement soit par la transmission du relevé des sommes imputées à son dossier :
[…]
[30] […] Ainsi, la décision de la CSST, c’est-à-dire la détermination d’un salaire brut pour calculer les indemnités à verser au travailleur, sera écrite, motivée et ultérieurement notifiée aux parties sous des formes différentes. L’une et l’autre des parties conserveront tous ses droits de contestation de cette décision. [sic]
[…]
[33] Ce raisonnement voulant que le relevé des sommes imputées au dossier de l’employeur constitue pour l’employeur la décision sur la base salariale est repris par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Pavillon A. Thomassin inc. et Fortier[6]. La Commission des lésions professionnelles retient que l’employeur devait contester cette décision dans le délai prévu à la loi, ce qu’il n’a pas fait. Elle déclare donc sa demande de révision irrecevable en raison de l’absence de motif raisonnable. Selon la commissaire, l’employeur n’a pas fait preuve de diligence puisqu’il a négligé de s’informer auprès de la CSST pour obtenir les informations nécessaires qui lui auraient permis de déduire le revenu brut annuel retenu par la CSST à la suite de la réception des relevés des sommes imputées à son dossier qu’il recevait mensuellement. La Commission des lésions professionnelles ajoute que même si les relevés des sommes imputées à son dossier ne précisent pas le revenu brut annuel retenu, une opération mathématique simple permettait à l’employeur de vérifier le revenu brut retenu par la CSST.
[34] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que même si l’on retient que l’avis des sommes imputées au dossier de l’employeur constitue la décision notifiée à l’employeur relativement au revenu brut annuel retenu aux fins de la détermination du montant de l’indemnité de remplacement du revenu, cette décision comporte certaines irrégularités.
[35] Cette analyse rejoint celle développée dans l’affaire Proulx[7], où la Commission des lésions professionnelles concluait que l’avis de paiement constituait une décision irrégulière puisqu’elle n’avait pas été rendue en conformité avec les dispositions des articles 354 et 355 de la loi.
[36] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le Relevé des sommes imputées à votre dossier financier reçu par l’employeur ne répond pas davantage aux exigences des articles 354 et 355 de la loi. En effet, cette décision n’est pas motivée car elle ne précise pas le montant du revenu brut annuel retenu par la CSST, contrairement à l’information apparaissant à l’avis de paiement, ne comporte pas le nom de l’agent qui l’a rendue et ne comporte aucune information quant aux droits de contestation.
[37] Dans l’affaire Proulx[8], la Commission des lésions professionnelles retient que l’on ne peut soutenir que la travailleuse n’a pas fait la démonstration d’un motif raisonnable pour être relevée des conséquences de son défaut d’avoir formulé sa contestation dans le délai prévu à la loi en raison de l’absence d’information à l’avis de paiement quant à son droit de contestation et du délai dans lequel elle pouvait le faire.
[38] Le même raisonnement doit être retenu en l’instance en ce qui concerne le Relevé des sommes imputées à votre dossier financier et la Commission des lésions professionnelles estime que l’absence de précision quant au revenu brut annuel retenu et l’absence d’information quant au droit de contestation sont des éléments qui permettent de relever l’employeur de son hors délai. La Commission des lésions professionnelles retient également que l’employeur a fait preuve de diligence. Il a contesté la base salariale de la travailleuse quelques jours après avoir été informé par un agent de la CSST du revenu brut annuel retenu pour calculer le montant des indemnités de la travailleuse.
[39] Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les circonstances de la présente affaire permettent d’établir que l’employeur a soumis des motifs raisonnables permettant de le relever de son défaut d’avoir contesté le revenu brut annuel retenu pour calculer les indemnités de la travailleuse dans le délai prévu à la loi.
[40] La Commission des lésions professionnelles déclare donc que la demande de révision logée par l’employeur le 20 mars 2007 est recevable et qu’il y a lieu de se pencher sur la question au fond du dossier.
[41] Concernant le fond du litige, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer la base salariale qui doit servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse.
[42] Dans le présent dossier, l’employeur mentionne que la travailleuse occupe un emploi à temps partiel à raison de trois journées de six heures pour un total de 18 heures par semaine. Ces faits sont admis par la travailleuse à l’audience.
[43] Le formulaire Avis de l'employeur et demande de remboursement fait d’ailleurs état du salaire gagné par la travailleuse relativement à son horaire à temps partiel.
[44] Malgré les informations consignées par l’employeur à l’Avis de l'employeur et demande de remboursement, la CSST retient le salaire minimum en vigueur pour établir le revenu brut annuel devant servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.
[45] L’employeur plaide que ce n’est pas le revenu qui doit être retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse puisqu’il ne doit pas être plus avantageux pour la travailleuse de recevoir une indemnité de remplacement du revenu que de travailler. Il soumet une décision rendue par la Cour supérieure dans l’affaire Les Restaurants Mc Donald du Canada ltée et Commission des lésions professionnelles[9], où la Cour supérieure a accueilli la requête en révision judiciaire de l’employeur à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles et déclaré que la travailleuse devait être indemnisée sur la base d’un travail à temps partiel et non selon le nombre d’heures maximal de travail suivant la Loi sur les normes du travail[10].
[46] La position de l’employeur représente un courant jurisprudentiel aujourd’hui minoritaire au sein de la Commission des lésions professionnelles[11].
[47] Ce courant jurisprudentiel retient qu’il est déraisonnable qu’un travailleur soit indemnisé sur la base d’un nombre d’heures de travail supérieur au nombre d’heures réellement travaillées. Cette position est soutenue par l’argument que l’indemnité de remplacement du revenu a pour but de pallier un manque à gagner et doit s’accorder avec le revenu réel d’emploi. Cette position retient que l’utilisation d’un salaire minimum annualisé sur la base de 40 heures par semaine place un travailleur dans une situation financière plus avantageuse que celle qui prévalait chez l’employeur.
[48] Or, depuis le jugement rendu par la Cour supérieure dans l’affaire Les Restaurants Mc Donald du Canada ltée[12] et sur lequel s’appuie l’employeur, la Commission des lésions professionnelles a été appelée à de nombreuses reprises à se prononcer sur la question de la base salariale qui doit servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu dans les cas de travailleurs à temps partiel. Une jurisprudence majoritaire[13] s’est développée et retient maintenant que le revenu annuel brut d’emploi d’un travailleur exerçant un emploi à temps partiel ne peut être inférieur au salaire minimum annualisé suivant les dispositions de l’article 65 de la loi qui impose un seuil minimum, lequel correspond au salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle. Cette disposition est appliquée en conjonction avec l’article 6 de la loi qui prévoit que le salaire minimum est déterminé en fonction d’une semaine normale de travail selon la Loi sur les normes du travail et ses règlements. Plusieurs commissaires ont noté que dans la décision soumise par l’employeur, Les Restaurants Mc Donald du Canada ltée[14], la Cour supérieure ne traite aucunement de l’article 65 de la loi.
[49] Le présent tribunal est d’avis qu’il y a lieu de retenir la position développée dans le courant jurisprudentiel majoritaire puisqu’il s’accorde mieux avec les dispositions de la loi, notamment l’article 65.
[50] Rappelons d’abord que l’article 45 de la loi prévoit que l’indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net que le travailleur tire de son emploi. Par ailleurs, l’article 63 de la loi établit les modalités du calcul du revenu net qui représente le revenu brut annuel duquel on retranche différentes déductions.
[51] La règle générale concernant la détermination du revenu brut annuel est édictée à l’article 67 de la loi qui prévoit ce qui suit :
67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011) ou de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).
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1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4; 2001, c. 9, a. 125.
[52] D’autres dispositions énoncées aux articles 68 à 82 de la loi prévoient des méthodes pour déterminer le revenu brut annuel dans des situations particulières comme des travailleurs saisonniers, sur appel, qui n’ont plus d’emploi au moment de la lésion professionnelle ou qui ont subi une récidive, rechute ou aggravation. En l’espèce, il y a lieu de se référer à la règle générale prévue à l’article 67 de la loi puisque la situation de la travailleuse ne correspond pas aux situations particulières visées par les autres dispositions.
[53] Par ailleurs, les articles 65 et 66 de la loi prévoient un seuil minimal et un seuil maximal qui doit être retenu pour calculer le revenu brut annuel du travailleur :
65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.
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1985, c. 6, a. 65.
66. Pour l'année 1985, le maximum annuel assurable est de 33 000 $.
Pour l'année 1986 et chaque année subséquente, le maximum annuel assurable est obtenu en multipliant le maximum pour l'année 1985 par le rapport entre la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes des travailleurs de l'ensemble des activités économiques du Québec établies par Statistique Canada pour chacun des 12 mois précédant le 1er juillet de l'année qui précède celle pour laquelle le maximum annuel assurable est calculé et cette même somme pour chacun des 12 mois précédant le 1er juillet 1984.
Le maximum annuel assurable est établi au plus haut 500 $ et est applicable pour une année à compter du 1er janvier de chaque année.
Pour l'application du présent article, la Commission utilise les données fournies par Statistique Canada au 1er octobre de l'année qui précède celle pour laquelle le maximum annuel assurable est calculé.
Si les données fournies par Statistique Canada ne sont pas complètes le 1er octobre d'une année, la Commission peut utiliser celles qui sont alors disponibles pour établir le maximum annuel assurable.
Si Statistique Canada applique une nouvelle méthode pour déterminer la rémunération hebdomadaire moyenne pour un mois donné, en modifiant la période ou le champ d'observation visé, et que la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes pour une année au cours de laquelle Statistique Canada a appliqué une nouvelle méthode est supérieure ou inférieure de plus de 1 % à la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes établies selon les données de l'ancienne méthode, les rémunérations hebdomadaires moyennes à utiliser pour établir la moyenne annuelle pour chacune des années affectées par le changement de méthode sont ajustées par la Commission de façon à tenir compte des données selon la méthode appliquée par Statistique Canada le 19 août 1985.
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1985, c. 6, a. 66.
[54] L’article 65 de la loi doit se lire en conjonction avec l’article 6 de la loi qui prévoit les paramètres qui s’appliquent au salaire minimum mentionné à l’article 65. Cette disposition se lit comme suit :
6. Aux fins de la présente loi, la Commission détermine le salaire minimum d'un travailleur d'après celui auquel il peut avoir droit pour une semaine normale de travail en vertu de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) et ses règlements.
Lorsqu'il s'agit d'un travailleur qui n'occupe aucun emploi rémunéré ou pour lequel aucun salaire minimum n'est fixé par règlement, la Commission applique le salaire minimum prévu par l'article 3 du Règlement sur les normes du travail (R.R.Q., 1981, chapitre N-1.1, r. 3) et la semaine normale de travail mentionnée à l'article 52 de la Loi sur les normes du travail, tels qu'ils se lisent au jour où ils doivent être appliqués.
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1985, c. 6, a. 6.
[55] En l’espèce, la CSST a retenu le salaire minimum en vigueur au moment de la lésion professionnelle de la travailleuse en appliquant les dispositions de l’article 65 de la loi qui imposent un seuil minimum de revenu brut annuel qui correspond au salaire minimum en tenant compte du taux horaire et de la durée de la semaine normale de travail prévue à la Loi sur les normes du travail.
[56] La Commission des lésions professionnelles constate que cette façon de faire rejoint celle développée par la jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et que partage le présent tribunal.
[57] Le but visé par l’article 65 de la loi est d’établir que le revenu brut annuel ne peut être inférieur au salaire minimum en vigueur au moment où se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum assurable en vigueur à ce moment. Cette disposition détermine donc des seuils d’indemnisation minimum et maximum qui s’appliquent au revenu brut préalablement déterminé. Ni à l’article 65, ni à l’article 66 de la loi, qui prévoient un revenu maximal assurable, il n’est question du salaire réellement gagné par le travailleur.
[58] Par ailleurs, tel que mentionné précédemment, l’article 6 de la loi prévoit que le salaire minimum est déterminé en regard du taux horaire minimum et suivant une semaine normale de travail, qui est de 40 heures selon la Loi sur les normes du travail.
[59] Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime que l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse doit être calculée sur la base du salaire minimum annuel tel que l’a fait la CSST et les arguments soumis par l’employeur ne permettent pas de modifier cette décision.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du 3 octobre 2007 de Sodexho Québec ltée, l’employeur;
INFIRME la décision rendue le 12 septembre 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la demande de révision logée par l’employeur le 20 mars 2007;
DÉCLARE que l’indemnité de remplacement du revenu versée à madame Johanne Laberge doit être calculée sur la base du salaire minimum en vigueur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, soit 15 851 $.
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Francine Juteau |
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Commissaire |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Labrecque et Salon de quilles Maxima enr., C.L.P. 130040-08-9912, 15 décembre 2000, M. Lamarre; Belleville et Drakar, Ressources humaines, C.L.P. 140281-71-0006, 30 mars 2001, D. Gruffy; Tousignant et Les Filés canadiens ltée, C.L.P. 132123-73-0002, 30 mars 2001, C.-A. Ducharme, Beaulieu et Dandale enr., C.L.P. 173616-04B-0111, 30 avril 2002, D. Lajoie; Papin et Ferme Francel enr. (SNC), C.L.P. 163185-63-0106, 11 novembre 2002, J.-M. Charrette, révision rejetée, 28 août 2003, L. Nadeau; Guillemette et Bureau de Placement d’Anjou, C.L.P. 199173-64-0301, 1er octobre 2003, J.-F. Clément; Leblanc et Comptoir Emmaus inc., C.L.P. 250361-31-0411, 28 février 2005, P. Simard; Couton et Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie, C.L.P. 318517-62C-0205, 27 février 2008, R. Hudon, (07LP-285); Langlois et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 310275-64-0702, 25 février 2008, M. Montplaisir.
[3] C.L.P. 280145-63-0601, 18 juillet 2007, F. Mercure.
[4] C.L.P. 147223-32-0009, 10 juillet 2001, M. Cusson.
[5] C.L.P. 205978-62-0304, 23 janvier 2004, L. Boucher.
[6] C.L.P. 256920-31-0503, 3 juin 2005, C. Lessard.
[7] Précitée, note 3.
[8] Précitée, note 3.
[9] [2003] C.L.P. 1817 (C.S.).
[10] L.R.Q., c. N-1.1.
[11] Restaurant Mac Donald’s Canada ltée et Reid, C.L.P. 178182-72-0202, 11 septembre 2002, M. Denis; Restaurant A & W et Godin, C.L.P. 236850-04-0406, 7 octobre 2004, D. Lajoie; Métro Canada Logistic inc. et Fure et CSST, C.L.P. 201462-62C-0303, 30 novembre 2004, N. Lacroix; Marché Clément Des Forges et Saint-Laurent, C.L.P. 244660-04B-0410, 6 janvier 2005, D. Lajoie.
[12] Précitée, note 9.
[13] Commission scolaire des Affluents et Clément, [2005] C.L.P. 756 ; Restaurants MacDonald’s et Larin, [2005] C.L.P. 864 ; Commission scolaire Lac-Abitibi et St-Arnaud, C.L.P. 257061-08-0503, 28 juillet 2005, P. Préjent; Brique & Pierre Provinciales inc. et Lalonde, C.L.P. 256097-62C-0502, 27 septembre 2005, M. Sauvé; 1642-1448 Québec inc. et Mecteau, C.L.P. 237430-31-0406, 14 décembre 2005, M. Beaudoin; Restaurant Loujac et Maringer, C.L.P. 247418-64-0410, 26 avril 2006, M. Montplaisir; Ville de Longueuil et Dieumegarde, C.L.P. 264822-62-0506, 21 juillet 2006, H. Marchand; Restaurant McDonald’s et Liu, C.L.P. 258875-71-0504, 28 juillet 2006, M. Zigby; Communauté des Sœurs de l’Assomption de la Sainte-Vierge et Paradis, C.L.P. 285214-04-0603, 31 juillet 2006, J.-F. Clément; Provigo Distribution (Maxim & Cie) et Keszthelyi, C.L.P. 289189-61-0605, 25 septembre 2006, L. Nadeau; L’Abbé et Michel Gravel, couvreur, C.L.P. 290983-61-0606, 15 mai 2007, G. Morin; Provigo Distribution inc. et Canuel, C.L.P. 287518-01A-0604, 24 janvier 2008, N. Michaud.
[14] Précitée, note 9.
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