DÉCISION
Dossier 138655-08-0004
[1] Le 25 avril 2000, monsieur Daniel Leclair (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 mars 2000 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme la partie de la décision du 23 septembre 1999 qui concerne les limitations fonctionnelles et confirme la partie de la même décision qui concerne l’atteinte permanente à l'intégrité physique. Elle confirme la décision du 12 octobre 1999 et annule la décision du 22 décembre 1999.
[3] La CSST déclare que le droit aux indemnités de remplacement du revenu prend fin le 11 mars 1999, date de la consolidation de la lésion professionnelle sans limitation fonctionnelle, et que le travailleur peut occuper son emploi prélésionnel. Elle déclare que l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est équivalente à 3,30 %. Le travailleur a donc droit à un montant forfaitaire pour dommages corporels équivalent à 1 686,07 $ plus intérêts.
Dossier 138656-08-0004
[4] Le 25 avril 2000, monsieur Daniel Leclair (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 4 avril 2000 à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST reprend ses conclusions qui concernent la décision du 23 septembre 1999. Dans ce dossier, c’est l’employeur qui contestait cette dernière décision.
LES OBJETS DES CONTESTATIONS
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles qu’elle reconnaisse qu’il est porteur d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles telles que décrites par le docteur G.-R. Tremblay. Il demande en conséquence qu’elle lui fasse droit aux bénéfices de la loi.
[7] Il demande également à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il ne peut occuper son emploi prélésionnel et de lui faire droit, rétroactivement au 11 mars 1999, aux indemnités de remplacement du revenu avec intérêts.
LES FAITS
[8] De la preuve testimoniale et documentaire, la Commission des lésions professionnelles retient les faits pertinents suivants.
[9] Le travailleur subit un accident du travail le 28 juillet 1997 en accomplissant une activité de son travail de mineur, soit le soutènement. Une roche d’une centaine de livres, qui se détache de la paroi, l’atteint principalement au mollet droit. Dans sa course, elle provoque une déviation du membre inférieur droit.
[10] Un diagnostic de contusion à la jambe droite est retenu. Un arrêt de travail est recommandé jusqu’au 9 août 1997. Les résultats de la radiographie simple, réalisée le même jour, sont illisibles.
[11] Le retour au travail régulier est autorisé le 22 août 1997. Le travailleur ressent une brûlure à son genou droit. Il travaille ainsi jusqu’au 8 avril 1998. Son genou droit est enflé. Il a de la difficulté à grimper dans des échelles au travail.
[12] À cette dernière date, les diagnostics de séquelles de contusion à la jambe droite et possibilité de rupture méniscale sont retenus. Le travailleur est référé en orthopédie.
[13] Le travailleur est examiné par l’orthopédiste R. Adam le 21 avril 1998. Il conclut à des séquelles d’une entorse au genou droit et procède à une infiltration.
[14] À la demande de l’employeur, le travailleur est examiné par l’orthopédiste M. Blanchet le 30 avril 1998. Le travailleur déclare qu’il y a eu traumatisme par torsion du genou droit le 27 juillet 1997 avec douleur persistante depuis et sensation de brûlure. La douleur est augmentée par l’extension forcée du genou, par la marche, la position accroupie ou la montée d’escaliers. Il dit présenter aussi des épisodes de dérobade du genou.
[15] Suite à son examen, qui montre une perte de flexion, le docteur Blanchet conclut à la possibilité d’une lésion du ménisque interne du genou droit. Il recommande une arthrographie du genou droit.
[16] Le 11 juin 1998, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation survenue le 8 avril 1998, de la lésion professionnelle initialement diagnostiquée.
[17] Selon les notes évolutives de la CSST, il y a eu arrêt de travail que le 17 juin 1998. Il semble qu’on a implicitement reconnu alors une autre récidive, rechute ou aggravation
[18] Le 17 juin 1998, le docteur Adam note que l’arthrographie réalisée le 9 juin à Val-d’Or est négative sauf pour un ménisque un peu émoussé.
[19] Une arthroscopie est réalisée au genou droit le 17 septembre 1998. Le compte rendu opératoire révèle ce qui suit. Il existe des lésions de chondromalacie de façon modérée. Le cartilage présente beaucoup de fibrillation sans toutefois découvrir l’os sous-chondral. Le compartiment externe et le croisé antérieur sont normaux. Le ménisque interne présente une déchirure compliquée à sa partie postérieure.
[20] Une méniscectomie interne partielle, un rasage de la rotule et une section de l’aileron rotulien sont réalisés.
[21] Le 10 février 1999, le docteur Adam écrit à l’employeur. Suite à son examen du 6 février 1999, il est d’avis que le travailleur peut travailler sous terre sans effectuer de travaux de forage, qu’il peut opérer une chargeuse à navette et ramasser du matériel dans les stations.
[22] À la demande de l’employeur, le docteur Blanchet examine à nouveau le travailleur le 25 février 1999. Le travailleur se plaint de sensibilité à son genou droit et d’une douleur à la marche en terrain irrégulier. Il présente également un gonflement occasionnel.
[23] L’examen objectif du genou droit démontre ce qui suit. Il existe un minime épanchement articulaire. À la palpation, l’interligne articulaire interne est légèrement douloureuse ainsi que le pôle interne de la rotule. Le reste de l’examen est sans anomalie.
[24] Le docteur Blanchet retient le diagnostic de déchirure du ménisque interne du genou droit. Il fixe la date de consolidation au 25 février 1999. Il accorde un déficit anatomo-physiologique de 1 % (code 103033) pour une méniscectomie interne sans séquelle fonctionnelle.
[25] Dans ses commentaires à l’employeur, le docteur Blanchet évoque la possibilité de survenance de douleurs patellaires mais elles seront reliées à la chondromalacie, condition personnelle non reliée à la déchirure méniscale.
[26] Le 11 mars 1999, le docteur Adam complète un rapport final. Il consolide la déchirure méniscale au 11 mars 1999 avec atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique mais sans limitation fonctionnelle. Il indique qu’il procédera au bilan des séquelles mais il n’examine pas le travailleur à cette fin.
[27] Le 16 mars 1999, la CSST détermine, après étude du dossier, que le travailleur est capable d’exercer son emploi prélésionnel.
[28] Pour procéder au bilan des séquelles, le travailleur choisit plutôt le docteur G.-R. Tremblay comme la loi le lui permet.
[29] L’examen objectif du docteur Tremblay, réalisé le 18 juin 1999, révèle ce qui suit. Les cicatrices de l’arthroscopie au genou droit sont bien guéries et non adhérentes au plan profond. L’extension est complète. Il existe un crépitement fémoro-patellaire douloureux à la mobilisation du genou droit.
[30] La mobilisation passive de la rotule du genou droit est également douloureuse. Les structures ligamentaires sont compétentes et il n’y a pas d’épanchement au niveau du genou droit.
[31] Du côté gauche, il note une fracture du tiers distal de la jambe droite avec une perte d’environ 15 degrés du mouvement de l’articulation tibio-astragalienne.
[32] Le docteur Tremblay détermine comme suit le déficit anatomo-physiologique :
« SÉQUELLES ACTUELLES :
103 060 Méniscectomie interne droite avec séquelle fonctionnelle,
séquelle actuelle droite. 1 %
103 131 Syndrome fémoro-rotulien, séquelle actuelle droite.
2 %
Bilatéralité 3 %
AUTRES SÉQUELLES AYANT SERVI À L’ÉLABORATION
DE LA BILATÉRALITÉ:
107 299 Perte de mouvement de l’articulation
tibio-astragalienne gauche.
3 % » (sic)
[33] Il détermine également les limitations fonctionnelles suivantes :
· éviter les stations debout ou les marches pour plus de 30 minutes à la fois;
· éviter les positions à genoux ou accroupies;
· éviter d’activer les mécanismes par pédales avec le membre inférieur droit.
[34] Devant la divergence des conclusions médicales, le dossier médical du travailleur est acheminé au Bureau d'évaluation médicale à la demande de l’employeur. La date de l’envoi est illisible.
[35] Le 6 juillet 1999, le docteur Tremblay achemine un rapport complémentaire à la CSST. Il y indique qu’il est possible que la chondromalacie, notée à l’arthroscopie, puisse être reliée au traumatisme subi par le travailleur le 22 juillet 1998.
[36] Il explique qu’un mécanisme de contusion suffisamment violent pour produire une torsion du genou et une déchirure méniscale peut provoquer également un débalancement du quadriceps. Ceci peut occasionner une chondromalacie secondaire à ce débalancement. Cela peut aussi rendre symptomatique une chondromalacie qui, jusque-là, ne l’était pas. Cela peut même l’aggraver ajoute-t-il.
[37] Le 19 août 1999, le docteur Marcel Dufour, orthopédiste agissant à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale, examine le travailleur. Les plaintes subjectives du travailleur sont similaires à celles faites au docteur Tremblay.
[38] L’examen objectif révèle ce qui suit. La position accroupie est possible. En position couchée, le quadriceps droit est plus petit d’un centimètre par rapport au côté gauche. Il existe une douleur à la palpation de la rotule droite avec crépitement à la mobilisation sur la trochlée fémorale. Il n’y a pas de gonflement. Il existe également une douleur à l’interligne interne en relation de la partie moyenne et postérieure du ménisque interne. L’extension du genou droit est complète. Il n’y a aucun signe d’instabilité. La force musculaire n’est pas diminuée au membre inférieur droit. Il n’y a pas de déficit sensitif. Le genou gauche est normal. La jambe gauche montre un enlignement normal.
[39] Le docteur Dufour détermine comme suit le déficit anatomo-physiologique :
« Code Description DAP%
103033 Méniscectomie interne du genou droit
sans séquelle
fonctionnelle 1%
103131 Syndrome fémoro-patellaire du genou droit 2%
Séquelles antérieures
Nil.
Bilatéralité:
Nil.
Préjudice esthétique:
Nil. » (sic)
[40] Puis, il détermine les limitations fonctionnelles suivantes. Le travailleur doit :
· éviter d’accomplir de façon répétitive des activités qui impliquent de tirer, porter, pousser, soulever des charges de plus de 25 kilogrammes environ;
· éviter de travailler en position accroupie;
· éviter de ramper et de grimper;
· éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de l’articulation du genou droit.
[41] Le 29 septembre 1999, la CSST informe le travailleur qu’il peut bénéficier de la réadaptation professionnelle puisqu’il conserve des limitations fonctionnelles secondaires à sa lésion professionnelle.
[42] La CSST détermine le 12 octobre 1999 que l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur est équivalente à 3,30 %. En conséquence, il a droit à un montant forfaitaire pour dommages corporels de 1 686,07 $.
[43] Le 15 novembre 1999, le docteur B. Séguin examine le travailleur à la demande de l’employeur.
[44] L’examen objectif révèle ce qui suit. Le travailleur présente une démarche avec boiterie. Les cicatrices de l’arthroscopie sont belles et peu évidentes. La position accroupie est réalisée avec difficulté, douleur et crépitement bilatéralement. En pivot droit et gauche, le travailleur accuse des phénomènes douloureux bilatéralement à ses genoux.
[45] En position assise, les mouvements de flexion-extension des deux genoux provoquent des crépitements bilatéralement. La force du quadriceps est bonne des deux côtés. À droite, le travailleur relâche en dents de scie. Les mouvements de flexion-extension se font normalement toutefois.
[46] Il n’y a pas de chaleur excessive au genou ni de rougeur. Il n’existe pas d’inflammation. Il y a une sensibilité à la palpation des tissus mous des deux côtés, tant interne qu’externe, le long des interlignes articulaires. Il n’y a pas d’épanchement.
[47] Les mouvements des genoux sont complets avec légers crépitements fémoro-patellaires bilatéraux.
[48] Le reste de l’examen est sans particularité. Il n’y a pas de séquelle articulaire à la cheville gauche.
[49] Si la relation entre l’accident du travail et la lésion méniscale était reconnue, le docteur Séguin serait d’avis d’accorder un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une méniscectomie sans séquelle fonctionnelle.
[50] À son avis, il n’y a pas de syndrome fémoro-patellaire vu les observations bilatérales faites à son examen. Il n’y a pas de limitations fonctionnelles ni de bilatéralité.
[51] Le docteur Séguin est d’avis qu’il n’y a pas de relation entre la déchirure méniscale et l’accident du travail survenu le 27 juillet 1998. Référant au dossier médical du travailleur, il précise qu’il n’est pas fait mention d’un problème au genou de façon contemporaine à l’événement initial. Si l’événement était la cause de la déchirure méniscale, le travailleur aurait présenté des symptômes importants dans les jours suivants sa survenance et non plusieurs mois après.
[52] Le 20 octobre 1999, une évaluation du poste de travail de mineur est réalisée, dans un but de réadaptation, à la demande de la CSST. L’ergonome Charles Côté, chargé de l’évaluation, s’attarde aux activités suivantes : activités de sondage, d’écaillage, d’arrosage, de soutènement (pose de boulons d’ancrage) et de marche sous terre.
[53] Essentiellement, l’ergonome conclut qu’il y a peu de sollicitation des genoux pour le soulèvement et le transport des foreuses durant les activités de soutènement. Si le transport s’effectue sur de courtes distances avec mini-pauses durant le transport, les activités seront compatibles avec les limitations fonctionnelles. Quant à la marche sous terre, il est d’avis que les déplacements pour se rendre à son aire de travail peuvent être faits en véhicule motorisé.
[54] En conséquence, il est d’avis que le poste de mineur répond à la condition physique actuelle du travailleur.
[55] Le 22 décembre 1999, la CSST confirme que le travailleur peut exécuter son travail prélésionnel qui n’est pas incompatible avec ses limitations fonctionnelles.
[56] À l’audience, le travailleur déclare être mineur. Il travaille dans différentes aires : chantier d’abattage, galerie, rampe, etc. Il accomplit toutes les tâches requises à un mineur.
[57] La pièce T-2, déposée à l’audience, donne la description suivante des tâches de mineur :
·
Perce
tous genres de galeries et rampes en forant de longs trous;
·
Déblaie
les volées et écaille le plafond et les parois;
·
Lave
la voûte, les murs et le front de taille;
·
Installe
des tiges de structure ou n’importe quelle autre pièce de sécurité;
·
Conduit
diverses unités mobiles de capacités variées telles que chargeuse à navette,
chariot de perforation ou de chargement du minerai, tracteur sur roues et
camion;
·
Opère
tous genres de foreuses pour forer les trous de front de taille;
·
Change
la vitesse de pénétration ou de rotation suivant la nature du roc;
·
Accomplit
les vérifications de maintenance requises;
·
Pose
les conduites à l’air, à l’eau et de ventilation;
·
Construit
des étançons et des boisages au besoin;
·
Travaille
selon les règles de sécurité et rapporte les conditions dangereuses;
·
Fait
l’entretien régulier du matériel d’extraction;
·
Fournit
des rapports de temps, de matériel et d’équipement de production.
[58] Elle précise également les capacités physiques requises pour accomplir le travail de mineur. Particulièrement, la pièce T-2 indique que le mineur doit être capable de travailler principalement debout ou en marche. Il doit être capable de travailler dans des positions inconfortables (penchée, accroupie, à genoux). Il doit être capable de soulever un poids de 10 à 20 kilogrammes.
[59] Le travailleur déclare que le poids d’une foreuse est d’environ 125 livres. Elle pèse davantage si les boyaux y sont installés pour la faire fonctionner (air et eau). Il doit circuler souvent en terrain difficile, inégal, parsemé de roches.
[60] Lors de la pose de rails au plancher de la galerie, ceux-ci sont manœuvrés en partie manuellement. Ils pèsent plus de 25 kilogrammes. C’est le cas aussi lors de l’installation de la ventilation. On manœuvre à bout de bras des tuyaux de métal qui mesurent jusqu’à 20 pieds de long environ. Ce sont des tuyaux de deux, quatre ou six pouces. Plus c’est long et gros et plus c’est pesant.
[61] À la demande de l’employeur, le docteur Séguin témoigne à l’audience. Il procède à une revue du dossier médical du travailleur. Il reprend essentiellement les conclusions qu’il émettait dans son rapport d’évaluation médicale de novembre 1998.
[62] Il est d’avis qu’il n’y a pas de relation entre la déchirure méniscale et l’événement survenu le 27 juillet 1998. Le traumatisme survient en varus au membre inférieur droit. Il aurait donc dû provoquer une lésion externe. Or, il produit une lésion interne.
[63] À son avis, il n’y a pas de syndrome fémoro-patellaire à son examen de novembre 1998. La chondromalacie retrouvée à l’arthroscopie relève davantage de l’âge et des activités antérieures à l’événement de juillet 1998.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES
[64] Le représentant du travailleur allègue que le rapport d’évaluation médicale du docteur Tremblay est produit conformément aux dispositions de la loi. Il tient compte également des séquelles d’une lésion professionnelle au membre inférieur gauche. La preuve prépondérante médicale et factuelle milite en faveur de la reconnaissance, par la Commission des lésions professionnelles, de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles précisées par le docteur Tremblay.
[65] Il allègue également que les limitations fonctionnelles précisées, tant par le docteur Tremblay que par le docteur Dufour, sont incompatibles avec les activités décrites dans la description de tâches de mineur. La Commission des lésions professionnelles doit donc déclarer que le travailleur ne peut occuper l’emploi prélésionnel. Il insiste particulièrement sur le fait que l’étude du poste requise par la CSST est incomplète.
[66] Enfin, le représentant du travailleur prétend que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu doit être rétabli rétroactivement au 11 mars 1999, conformément à la loi, vu l’existence de limitations fonctionnelles secondaires à la récidive, rechute ou aggravation survenue le 8 avril 1998.
[67] Pour sa part, le représentant de l’employeur allègue que la preuve médicale prépondérante démontre qu’il ne résulte pas de limitations fonctionnelles de la lésion professionnelle survenue le 8 avril 1998.
[68] De plus, le rapport final du médecin qui a charge du travailleur lie les parties. Le rapport d’évaluation médicale du docteur Tremblay n’est pas produit régulièrement.
[69] En l’absence de limitations fonctionnelles, la Commission des lésions professionnelles doit déclarer que le travailleur peut occuper son emploi prélésionnel.
L'AVIS DES MEMBRES
[70] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis. Essentiellement, l’examen objectif du docteur Tremblay est similaire à celui du docteur Dufour. La preuve médicale prépondérante ne permet pas de retenir une quelconque séquelle, au membre inférieur gauche, d’une lésion professionnelle. Il y a donc lieu de retenir les conclusions du docteur Dufour.
[71] Les membres sont d’avis que les limitations fonctionnelles déterminées par le docteur Dufour sont incompatibles avec les activités exercées par un mineur. L’analyse du poste de mineur, réalisée à la demande de la CSST, est incomplète. Il ne fallait pas s’y référer pour décider de la capacité du travailleur à exercer l’emploi prélésionnel.
[72] Enfin, vu l’existence de limitations fonctionnelles, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu doit être rétabli rétroactivement au 11 mars 1999 avec intérêts conformément à la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[73] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer quelles sont les séquelles qui résultent de la lésion professionnelle survenue le 8 avril 1998. Elle doit également déterminer si le travailleur peut exercer son emploi prélésionnel. Enfin, elle doit décider si le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit être repris à compter du 11 mars 1999.
[74] Dans la présente affaire, le fait accidentel initial, la lésion professionnelle initiale et la récidive, rechute ou aggravation de cette lésion professionnelle ne sont pas contestées.
[75] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis d’écarter immédiatement l’avis du docteur Séguin qui concerne l’inexistence d’une relation entre la déchirure du ménisque et l’événement traumatique survenu le 27 juillet 1997.
[76] Le travailleur est atteint au mollet droit par une roche qui se détache de la paroi des lieux où il travaille. Le membre inférieur droit dévie sous le choc. Il est traité pour une contusion sévère au membre inférieur droit.
[77] Le retour au travail régulier se fait rapidement. Une douleur avec sensation de brûlure persiste à partir de ce moment. La condition du travailleur se détériore. Il consulte le 8 avril 1998.
[78] Le travailleur est alors traité pour des séquelles d’une contusion à la jambe droite. La possibilité d’une déchirure méniscale est également au tableau. Elle est objectivée par l’arthroscopie réalisée le 17 septembre 1998. Une méniscectomie interne partielle, un rasage de rotule et une section de l’aileron rotulien sont réalisés pour traiter des lésions de chondromalacie et une déchirure complexe du ménisque interne à sa partie supérieure.
[79] Le docteur Adam, médecin qui a charge du travailleur, produit un rapport final le 11 mars 1999. Il consolide la lésion professionnelle le même jour avec atteinte permanente à l'intégrité physique et limitations fonctionnelles.
[80] Le 16 mars 1999, la CSST déclare que le travailleur peut occuper son emploi prélésionnel.
[81] Puis, à la demande du travailleur, le docteur Tremblay produit un rapport d’évaluation médicale pour préciser le bilan des séquelles le 18 juin 1998. Contrairement au rapport final du docteur Adam, le docteur Tremblay détermine des limitations fonctionnelles et un déficit anatomo-physiologique de 9 %.
[82] À la demande de l’employeur, le docteur Blanchet avait produit préalablement un bilan des séquelles après l’examen du travailleur. Il reconnaissait un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour méniscectomie sans séquelle.
[83] L’employeur demande que le dossier médical du travailleur soit porté devant le Bureau d'évaluation médicale.
[84] Dans ses conclusions, le membre du Bureau d'évaluation médicale retient un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles.
[85] La Commission des lésions professionnelles considère que la procédure de contestation médicale est régulière. Elle s’explique.
[86] L’article 203 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) se lit comme suit :
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui - ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
________
1985, c. 6, a. 203.
[87] Un rapport final doit comporter les éléments prévus par l’article 203 de la loi pour lier la CSST. Le formulaire de la CSST appelé « rapport final » ne rencontre pas les conditions de l’article 203 de la loi.[2]
[88] Pour rencontrer lesdites conditions, le rapport final doit être complété d’un rapport d’évaluation médicale qui précise les éléments prévus à l’article 203 de la loi.[3]
[89] S’il y a contradiction entre le rapport final complété par le médecin traitant et le rapport d’évaluation médicale plus élaboré qui accompagne ou qui complète ce rapport, il y a lieu de donner préséance aux conclusions retenues par le médecin qui produit le rapport d’évaluation médicale puisque c’est ce rapport qui est conforme à l’article 203 de la loi.[4]
[90] Le rapport du docteur Tremblay respecte les conditions de l’article 203 de la loi de l’avis de la Commission des lésions professionnelles.
[91] Le rapport d’évaluation médicale du docteur Blanchet, produit le 25 février 1999 suite à l’examen du travailleur et déposé par l’employeur, infirme les conclusions du docteur Tremblay, notamment sur les questions de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
[92] Le membre du Bureau d'évaluation médicale a donc régulièrement été saisi du litige médical.
[93] La Commission des lésions professionnelles est d’avis de retenir les conclusions du docteur Dufour qui agit à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Elle s’explique.
[94] Le compte rendu de l’examen objectif du docteur Tremblay est peu élaboré. Il fait ressortir essentiellement un crépitement fémoro-patellaire douloureux à la mobilisation du genou droit, une mobilisation passive de la rotule droite qui est douloureuse et une fracture du tiers distal de la jambe gauche avec perte d’environ 15 degrés du mouvement de l’articulation tibio-astragalienne.
[95] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la dernière trouvaille du docteur Tremblay qui concerne le membre inférieur gauche. Lors des examens objectifs des docteurs Dufour et Séguin, qui ont examiné le membre inférieur gauche, il n’a pas été observé de séquelle quelconque.
[96] Dans son rapport d’évaluation médicale, le docteur Dufour rapporte une légère atrophie du quadriceps droit, une douleur à la palpation de la rotule droite avec crépitement à la mobilisation sur la trochlée fémorale et une douleur à l’interligne en relation de la partie moyenne et postérieure du ménisque interne.
[97] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les examens objectifs des docteurs Tremblay et Dufour sont similaires à l’exception de la trouvaille du docteur Tremblay au membre inférieur gauche qui n’est pas retenue par la Commission des lésions professionnelles.
[98] Suite à la méniscectomie subie par le travailleur, qui ne laisse aucune séquelle, le docteur Dufour alloue correctement le déficit anatomo-physiologique approprié : 103033; méniscectomie interne du genou droit sans séquelle fonctionnelle (1 %).
[99] Dans son rapport d’évaluation médicale, le docteur Tremblay retient un syndrome fémoro-rotulien pour lequel il attribue un déficit anatomo-physiologique de 2 %. À son avis, la chondromalacie retrouvée à l’arthroscopie peut avoir été causée ou aggravée par le traumatisme subi en juillet 1998.
[100] Le docteur Dufour, qui note la déchirure méniscale, rapporte également une chondromalacie associée. À l’instar du docteur Tremblay, il accorde le déficit anatomo-physiologique pertinent suivant : 103131; syndrome fémoro-patellaire du genou droit (2 %).
[101] Les docteurs Blanchet et Séguin considèrent que la chondromalacie serait d’origine personnelle. Le docteur Blanchet ne s’explique pas et les explications du docteur Séguin ne convainquent pas la Commission des lésions professionnelles.
[102] À l’instar du docteur Dufour, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il n’y a pas lieu de retenir un déficit anatomo-physiologique pour la bilatéralité.
[103] Quant aux limitations fonctionnelles précisées par le docteur Dufour, la Commission des lésions professionnelles les fait siennes.
[104] La détermination du pourcentage de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et du montant forfaitaire pour dommages corporels apparaît bien fondée à partir d’un déficit anatomo-physiologique de 3 %. Aucune preuve n’en démontre le contraire.
[105] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu de rétablir au 11 mars 1999 le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[106] Contrairement à la CSST, la Commission des lésions professionnelles conclut, à la suite du rapport d’évaluation médicale du docteur Dufour, que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles de la lésion professionnelle du 8 avril 1998 par suite d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale.
[107] L’article 47 de la loi se lit ainsi :
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
________
1985, c. 6, a. 47.
[108] Ainsi, un travailleur, dont la lésion professionnelle est consolidée, a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’il a besoin de réadaptation.
[109] Or, la première démarche pour la CSST, dans un tel cas, consiste à déterminer si, compte tenu des limitations fonctionnelles précisées, le travailleur a besoin de réadaptation. Le cas échéant, des mesures de réadaptation sont mises en œuvre conformément à la loi.
[110] C’est la situation qui aurait dû prévaloir au 11 mars 1999. Le travailleur a droit au versement rétroactif de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 11 mars 1999 avec intérêts.
[111] Il reste maintenant à déterminer si, compte tenu des limitations fonctionnelles retenues pour le travailleur, celui-ci peut occuper l’emploi de mineur qu’il occupait le 27 juillet 1998.
[112] Les limitations fonctionnelles retenues pour le travailleur sont les suivantes :
· éviter d’accomplir de façon répétitive des activités qui impliquent de tirer, porter, pousser, soulever des charges de plus de 25 kilogrammes environ;
· éviter de travailler en position accroupie;
· éviter de ramper et de grimper;
· éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de l’articulation du genou droit.
[113] Il ressort de la preuve présentée à l’audience, que, parmi les activités exercées par un mineur, il doit grimper dans des échelles et travailler en position accroupie.
[114] Lorsqu’il consulte le 8 avril 1998, le travailleur se plaint de son genou droit qui rend difficile la montée des échelles dans son travail de mineur. De plus, la description des tâches (pièce T-2) déposée à l’audience démontre que le travailleur doit aussi travailler en position accroupie.
[115] Les activités de grimper dans des échelles et de travailler en position accroupie sont incompatibles avec les limitations fonctionnelles prévues par le docteur Dufour et retenues par la Commission des lésions professionnelles.
[116] Contrairement à la CSST, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur ne peut exercer son emploi de mineur compte tenu de ses limitations fonctionnelles.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 138655-08-0004 et 138656-08-0004
ACCUEILLE en partie les requêtes du travailleur;
INFIRME en partie les décisions de la CSST rendues le 27 mars 2000 et le 4 avril 2000 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente à l'intégrité physique et de limitations fonctionnelles telles que précisées par le docteur Dufour, membre du Bureau d'évaluation médicale;
DÉCLARE que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit être repris avec intérêts à compter du 11 mars 1999;
DÉCLARE que le travailleur ne peut plus exercer l’emploi de mineur compte tenu de ses limitations fonctionnelles;
DÉCLARE que le pourcentage de l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et le montant forfaitaire pour dommages corporels attribués par la CSST sont correctement établis.
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Me Pierre Prégent |
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Commissaire |
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Dossier :
138655-08-0004 |
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9069-6949 QUÉBEC INC. (R.D.D.S.) (Robert Roussy) |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON LESSARD (Me Ellen Baulne) |
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Représentante de la partie intervenante |
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Dossier :
138656-08-0004 |
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9069-6949 QUÉBEC INC. (R.D.D.S.) (Robert Roussy) |
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Représentant de la partie requérante |
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[1]
L.R.Q.,
chapitre A-3.001
[2]
Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin,
[1995] C.A.L.P. 1201
; Gagné et Chaussures
Henri-Pierre inc. (Les), 41250-03-9206, 2 mai 1994, C. Bérubé; Dubreuil
et Monsanto Canada inc., 37266-60-9202, 11 février 1994, S. Di
Pasquale; Ledoux et Hôpital Général de Lachine, 53690-60-9309, 28 septembre
1994, J. L’Heureux; Leboeuf et Centre d’hébergement (S.L.D.)
Biermans-Triest, 15868-60-8912, 27 février 1995, J.-G. Béliveau,
révision rejetée, 31 octobre 1995, S. Moreau, requête en révision judiciaire
rejetée, C.S. Montréal, 500-05-013246-952, 26 janvier 1996, J. Viau; Vasquez
et Salvatore L. Briqueteur 1989 inc., 34887-60-9112, 6 septembre 1995, S.
Di Pasquale; Thibodeau et J. H. Ryder Machinerie ltée, 43929-62-9206, 28 juin
1995, L. Thibault; Gagné et Pyrotex ltée,
[1996] C.A.L.P. 323
; Morneau
et Maison du soleil levant, 140756-08-0006, 20 mars 2001, R. Savard
[3]
Ayerst, McKenna et Harrison inc.,
08827-60-8808, 31 mars 1993, M. Cuddihy; Ouellet et Entr. forestières
F.G.O. inc., 26176-01-9101, 21 juillet 1993, M. Carignan;
Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, 38310-62-9203, 9 mars 1994,
M. Lamarre, (J6-09-08); Thibodeau et J. H. Ryder Machinerie ltée,
43929-62-9206, 28 juin 1995, L. Thibault;
Gagné et Pyrotex ltée,
[1996]
C.A.L.P. 323
; Bellemare et Fonderie Grand-Mère ltée, 38632-04-9204, 22 septembre
1997, M. Carignan (décision sur requête en révision)
[4]
Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, 38310-62-9203, 9 mars 1994, M. Lamarre, (J6-09-08);
Gagné et Pyrotex ltée,
[1996] C.A.L.P. 323
; Morneau
et Maison du soleil levant, 140756-08-0006, 20 mars 2001, R. Savard
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