Boivin et Centre communautaire juridique Estrie |
2015 QCCLP 1456 |
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[1] Le 16 décembre 2013, madame Nathalie Boivin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 décembre 2013 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse quant à l’évaluation médicale entérinée par son médecin, déclare conforme le bilan des séquelles fait par le médecin qui a charge, confirme la décision du 16 octobre 2013, déclare que la lésion professionnelle du 4 décembre 2009 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,20 % et que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 549,33 $.
[3] L’audience a eu lieu à Sherbrooke le 19 février 2015 en présence de la travailleuse et de son représentant. Le dossier a été mis en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande l’annulation du rapport d’évaluation médicale rédigé par le docteur Hould. Elle demande de reconnaître l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique déterminée par le docteur Major ou, subsidiairement, de retourner le dossier à la CSST pour qu’il soit procédé à un nouveau rapport d’évaluation médicale.
LA PREUVE
[5] Le 11 avril 2011, la Commission des lésions professionnelles infirme une décision rendue par la CSST le 27 mai 2010 et accepte la réclamation de la travailleuse pour une lésion professionnelle survenue le 4 décembre 2009, dont les diagnostics retenus par le médecin qui a charge sont une contusion au coccyx, une entorse dorsale et une aggravation d’une entorse cervicale.
[6] Le 9 mai 2012, le docteur Farrar, médecin qui a charge de la travailleuse, produit un rapport final par lequel il consolide la lésion de la travailleuse avec une atteinte permanente, mais sans limitation fonctionnelle. Il précise qu’il ne produira pas de rapport d’évaluation médicale et ne dirige pas la travailleuse à un autre médecin. La travailleuse affirme à l’audience qu’elle était en accord avec le rapport final.
[7] Le 14 mai 2012, l’agent d’indemnisation de la CSST informe la travailleuse qu’elle doit trouver un autre médecin de son choix pour procéder au rapport d’évaluation médicale. La travailleuse avait choisi un premier médecin mais devant l’attente, elle a finalement trouvé le docteur Hould. Elle témoigne à l’audience que c’est son syndicat qui lui a suggéré ce médecin.
[8] Le 25 février 2013, la travailleuse informe l’agent de la CSST qu’elle a un rendez-vous le 2 avril 2013 avec le docteur Hould et elle demande que son dossier complet soit transmis à celui-ci rapidement. L’agent note : « Envoi d’une copie du dossier médical à Dr Hould pour évaluation des séquelles, ce jour ».
[9] Le 2 avril 2013, la travailleuse rencontre le docteur Hould. À l’audience, elle explique avoir perçu de l’arrogance de sa part. Il lui aurait demandé si elle savait ce qu’elle faisait là et aurait ajouté « il n’y a pas d’orthopédiste à Sherbrooke? ». La travailleuse témoigne que par la suite, le docteur Hould a posé les questions usuelles et procédé à l’examen. Elle croit qu’il avait le dossier de la CSST et la décision de la Commission des lésions professionnelles en main.
[10] En réponse à une question de son représentant, la travailleuse affirme qu’au cours de la rencontre, le docteur Hould n’a pas fait référence à aucun autre diagnostic que ceux retenus pour la lésion professionnelle.
[11] Dans son rapport d’évaluation médicale, le docteur Hould reprend les diagnostics retenus de contusion au coccyx, d’entorse dorsale et d’aggravation d’une entorse cervicale. Il y est précisé, également, que la travailleuse présente une condition personnelle depuis l’adolescence, soit une cervicalgie, une douleur à la mâchoire (prédominance à droite), ainsi que de la douleur irradiant au niveau du trapèze droit. À l’évaluation subjective, il écrit :
Mme Boivin se dit encore symptomatique et relativement limitée par la persistance de douleurs aux niveaux du cou, “au dorsal”, au coccyx et à la hanche gauche.
Madame affirme que cette chute de décembre 2009 a détérioré les douleurs du cou et du dos qu’elle présentait auparavant. Mme Boivin ne tolère maintenant plus l’impact des vagues sur son dos lorsqu’elle se rend à la mer. Sensation que ses vertèbres vont se déplacer facilement. Elles seront replacées en physiothérapie mais “ça ne dure pas”. En raison de ces douleurs cervicales, elle a cessé le ski de fond et toutes activités impliquant des impacts des jambes sur le sol.
[12] À l’évaluation objective, le docteur Hould mentionne « Douleur à la région dorsale supérieure s’étendant de la région vers D3 jusqu’à D7 » et retient des limitations d’amplitude de la colonne lombosacrée. Il note qu’il n’y a aucune douleur à l’examen du rachis lombaire.
[13] Dans la conclusion de son expertise, le docteur Hould indique :
Plusieurs éléments de discussion ont été relevés au chapitre des limitations fonctionnelles.
Mme Boivin présente donc, de longue date, une scoliose dorsolombaire et des discopathies dégénératives aux dépens du rachis cervical.
Aucun élément relevé au dossier qui nous a été soumis nous permet de documenter la présence de limitations des amplitudes cervicodorsales pouvant être présentes avant l’événement qui nous concerne.
Or, notre examen clinique nous a permis d’observer des restrictions significatives des amplitudes cervicales et lombosacrées. Il est actuellement impossible de dissocier les conséquences de l’événement en relation avec la condition préexistante.
D’une façon qui nous semble certaine cependant, les limitations lombosacrées ne peuvent être en lien avec l’événement et ne peuvent être secondaires à cette contusion du coccyx.
[14] Dans une section portant sur l’« Évaluation dans une autre spécialité », après avoir mentionné notamment la présence de douleurs multiples et étagées et la présentation clinique qui pourrait évoquer la présence d’éléments de fibromyalgie, il écrit :
Manifestement, une éventuelle fibromyalgie ne pourrait être reconnue comme en relation avec l’événement du 4 décembre 2009.
[15] Enfin, le docteur Hould évalue le déficit anatomo-physiologique à 2,00 %, réparti comme suit :
203513 Entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées 2 %
122392 (par analogie) Contusion du coccyx sans séquelles 0 %
fonctionnelles objectivées
[16] À titre de séquelles antérieures, il indique un déficit anatomo-physiologique de 0,00 % pour des discopathies cervicales sans séquelles fonctionnelles, code 203504.
[17] La travailleuse témoigne que le docteur Hould semblait dire que ses mouvements étaient limités au niveau dorsal. Il aurait commenté que c’était très raide et ne l’aurait pas questionnée sur sa condition avant l’accident. Elle affirme que le docteur Hould n’a pas discuté avec elle du contenu du rapport d’évaluation médicale. Elle ne peut dire de qui elle l’a reçu : de son représentant, de la CSST ou autrement.
[18] Le 23 avril 2013, la CSST reçoit le rapport d’évaluation médicale du docteur Hould. Le 1er mai 2013, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que la lésion de la travailleuse a entraîné une atteinte permanente de 2,20 %, dont 0,20 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. La travailleuse demande la révision de cette décision.
[19] Le 26 juin 2013, l’agent de la CSST note :
La T [travailleuse] dit que dans le REM [rapport d’évaluation médicale] au dossier, il n’y a pas eu d’évaluation de I’APIPP [atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique] pour le niveau dorsal.
Syndicat à fait démarche avec Dr. Hould qui dit que selon CLP, le DX [diagnostic] en contusion dorsale et non pas entorse. (même si dans son REM, il parle d’une entorse)
Réviseur dit à la T de voir avec l’agent à son dossier.
La T ne sait plus à qui elle doit s’adresser pour la correction de la situation.
[sic]
[20] Le 8 juillet 2013, le docteur Paradis, médecin du service-conseil de la CSST, transmet un formulaire d’information médicale complémentaire écrite au docteur Hould avec la demande suivante :
Nous accusons réception de votre rapport d’expertise du 2 avril 2013. Au niveau des séquelles actuelles, vous mentionnez une entorse dorsale, mais vous n’avez pas indiqué le pourcentage d’atteinte permanente pour cette lésion.
[21] Le 16 juillet 2013, la CSST déclare nulle la décision du 1er mai 2013.
[22] Le 17 septembre 2013, le docteur Hould rédige un rapport complémentaire dans lequel il conclut qu’il n’y a pas lieu de reconnaître une atteinte permanente supplémentaire en lien avec la condition du segment rachidien inférieur. Il écrit au docteur Paradis :
Pour faire suite à votre demande, nous avons révisé notre rapport d’évaluation médicale complétée pour la patiente en titre, le 2 avril 2013 puisque vous nous aviez mentionné que nous n’avions pas indiqué de pourcentage d’atteinte permanente pour le diagnostic reconnu d’entorse dorsale.
. Considérant l’ensemble du tableau clinique qui a été décrit,
. considérant que la symptomatologie prépondérante mentionnée par Madame [sic] implique la région cervicodorsale,
. considérant l’absence de douleurs à la palpation de tous les segments du rachis lombosacré,
. considérant les restrictions d’amplitudes que nous avons décrites,
. considérant, qu’à notre avis, les limitations d’amplitudes sont la conséquence de la scoliose et des lésions dégénératives qui doivent être définies comme une condition préexistante,
à notre avis, il n’y avait pas lieu de reconnaître une atteinte permanente supplémentaire en lien avec la condition du segment rachidien inférieur.
[23] Au bilan des séquelles, il indique :
Séquelles actuelles:
2,00 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées, code 203513;
0,00 % pour une contusion du coccyx sans séquelles fonctionnelles objectivées, par analogie, code 122392;
0,00 % pour une entorse dorsale sans séquelles objectivées, code 203997.
Séquelles antérieures:
0,00 % pour des discopathies cervicales sans séquelles fonctionnelles objectivées, code 203504.
[24] Le 16 octobre 2013, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la lésion professionnelle du 4 décembre 2009 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,20 % et que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 549,33 $. La travailleuse a contesté cette décision.
[25] La travailleuse soumet à la CSST, dans le cadre de la révision administrative, que contrairement aux conclusions contenues au rapport d’évaluation médicale et au complément de ce rapport, il y a présence de séquelles et de limitations fonctionnelles en lien avec l’événement initial et qu’il n’y a aucune relation entre l’atteinte permanente à l’intégrité physique et sa condition de scoliose.
[26] Le 9 décembre 2013, la CSST rend une décision à la suite de la révision administrative, d’où la présente contestation. Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse quant à l’évaluation médicale entérinée par son médecin, déclare conforme le bilan des séquelles fait par le médecin qui a charge, confirme la décision du 16 octobre 2013, déclare que la lésion professionnelle du 4 décembre 2009 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 2,20 % et que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 549,33 $.
[27] Une expertise du docteur Major, datée du 21 novembre 2014, conclut à une atteinte permanente en lien avec une entorse cervicale (code 203513) de 2 % et une entorse dorsolombaire (code 204044) de 2 %. Dans son opinion, le docteur Major écrit :
La lésion a été consolidée par le docteur Hould qui a retenu une atteinte de 2% pour la région cervicale; je suis d’accord avec ce dernier pour l’atteinte de 2% pour la région cervicale.
Pour la région dorsale, globalement la patiente présente une ankilose dorsolombaire et l’on ne peut dissocier la condition antérieure de cette dernière avec la nouvelle lésion, soit l’entorse dorsale. Il est difficile d’établir de façon spécifique et objective si madame Boivin présentait des restrictions articulaires avant l’évènement aux dépens de la région dorsolombaire. Conséquemment, et tenant compte que la patiente elle-même rapporte que les mouvements sont nettement diminués depuis l’évènement du 4 décembre 2009, on se doit de conclure à une atteinte permanente affectant la région dorsolombaire. Une atteinte de 2% pour la région dorsolombaire est donc également à accorder.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[28] Le représentant de la travailleuse prétend que le docteur Hould n’a pas respecté son obligation d’informer la travailleuse de son rapport comme prévu à l’article 203 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), qu’il ne lui a pas envoyé son rapport d’évaluation médicale avant de le transmettre à la CSST. Il plaide également que le docteur Hould discute de la fibromyalgie alors que ce diagnostic ne fait pas partie des diagnostics de la lésion professionnelle. Il ajoute que malgré des constatations quant à la perte d’amplitudes, le docteur Hould ne retient aucune séquelle au niveau dorsal.
[29] Le représentant de la travailleuse prétend ainsi que le rapport d’évaluation médicale du docteur Hould devrait être annulé pour vice de forme, que les conclusions du rapport du docteur Major devraient plutôt être retenues ou le dossier retourné à la CSST pour qu’un nouveau rapport d’évaluation médicale soit produit.
[30] Il soumet des décisions[2] au soutien de ses prétentions.
L’AVIS DES MEMBRES
[31] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont unanimement d’avis de rejeter la requête de la travailleuse. Ils estiment que les motifs invoqués par la travailleuse ne lui permettent pas de remettre en question les conclusions du rapport d’évaluation médicale du docteur Hould considéré comme médecin qui a charge.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[32] Le tribunal doit déterminer si le rapport d’évaluation médicale du docteur Hould doit être annulé pour vice de forme de même que la décision de la CSST qui y donne suite.
[33] Il ressort du dossier, et cet élément n’a pas été contesté, que le docteur Hould a agi à titre de médecin qui a charge en rédigeant le rapport d’évaluation médicale. Le docteur Farrar, médecin ayant suivi la travailleuse tout au long de l’évolution de sa lésion, a clairement indiqué qu’il ne rédigerait pas le rapport d’évaluation médicale. Aussi, le docteur Hould a été choisi par la travailleuse.
[34] La loi prévoit :
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
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1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[35] La Commission des lésions professionnelles, dans des situations similaires où le médecin qui a charge initialement mentionne qu’il n’évaluera pas l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, a conclu que le rapport d’évaluation médicale a le caractère liant[3], d’autant plus lorsque la travailleuse a choisi ce médecin comme le prévoit l’article 192 de la loi[4].
[36] Le tribunal doit se questionner quant à l’impact du défaut de respecter l’obligation d’information quant au contenu du rapport prévue à la fin de l’article 203 de la loi. Le tribunal partage l’opinion émise dans l’affaire Raymond et Transformation B.F.L.[5] :
[31] Concernant cet aspect technique, le tribunal est d’avis que même s’il n’a pas été respecté intégralement semble-t-il, cela n’a pas pour effet de donner des droits au travailleur que le législateur n’a pas prévus.
[32] En effet, le législateur a laissé au travailleur le choix de son médecin autant pour les traitements que pour l’évaluation de l’atteinte permanente mais celui-ci ne peut contester les conclusions de ce médecin lorsqu’il en est insatisfait sinon cela conduirait à une surenchère inacceptable.
[37] L’obligation d’information du médecin qui a charge n’a pas d’impact sur le contenu du rapport ni sur son caractère liant. En effet, s’il est vrai que la travailleuse a le droit de consulter le médecin de son choix en vertu de l’article 192 de la loi[6], cet article ne permet pas à la travailleuse de contester le rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge parce qu’elle est en désaccord avec ses conclusions. Le droit de choisir ne concerne pas le contenu du rapport du médecin.
[38] Quant à l’affaire Lapointe et Commission des lésions professionnelles[7], l’interprétation que fait la Cour de l’article 203 de la loi et à « sa finalité sous-jacente, soit celle du droit du travailleur de choisir le médecin de son choix », apparaît être un obiter dictum. Le tribunal estime que la Cour n’a sans doute pas voulu permettre à une travailleuse de bénéficier d’un droit que la loi ne lui reconnaît pas par ailleurs, celui de contester l’opinion de son propre médecin.
[39] Conclure, comme le souhaite le représentant de la travailleuse, que le rapport d’évaluation médicale du docteur Hould est nul parce que celui-ci ne l’aurait pas informée dans le respect de l’article 203 de la loi aurait pour effet de créer indirectement un droit de contestation par la travailleuse de ce rapport du médecin qui a charge.
[40] De toute façon, éventuellement, la travailleuse a obtenu le rapport d’évaluation médicale, donc en a été informée. C’est ce qui lui a permis de contacter la CSST et de faire valoir sa prétention voulant que le niveau dorsal n’avait pas été considéré.
[41] Les situations des autres décisions soumises par le représentant de la travailleuse diffèrent de celle du présent cas. Dans l’affaire Kunar Das et Plastiques Balcan ltée[8], il y avait contradiction entre le rapport final et le rapport d’évaluation médicale et, conséquemment, la question consistait à savoir qui était le médecin qui a charge pour déterminer le rapport ayant un caractère liant. Cette question ne se pose pas dans le présent dossier. Dans Rioux et Provigo Distribution inc.[9], le médecin ayant évalué les séquelles n’avait pas basé son évaluation sur le diagnostic retenu en lien avec la lésion professionnelle, ce pour quoi la décision faisant suite à ce rapport a été annulée. Le tribunal n’assimile pas cette situation au cas en l’espèce puisque le docteur Hould se prononce par rapport au diagnostic de fibromyalgie seulement comme éventualité.
[42] Le tribunal arrive donc à la conclusion de rejeter la prétention voulant que puisque la travailleuse n’aurait pas été informée par le docteur Hould du rapport d’évaluation médicale, celui-ci devrait être annulé de même que la décision qui y fait suite.
[43] La travailleuse prétend également que le docteur Hould a omis de déterminer une atteinte au niveau dorsal alors que des pertes d’amplitudes avaient été notées. La travailleuse ne peut en principe remettre en cause l’opinion de son médecin sauf lors de certaines circonstances particulières[10]. La loi prévoit par contre que la détermination de l’atteinte permanente doit être conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels[11] (le Règlement). Ainsi, si le médecin qui a charge, en l’occurrence le docteur Hould, a omis d’évaluer un ou des aspects de la condition de la travailleuse, l’évaluation qu’il a faite pourra être considérée non conforme. Récemment, la Commission des lésions professionnelles[12] a aussi conclu qu’elle devait s’assurer que le rapport correspond aux constats faits par le médecin lors de l’examen physique.
[44] Le tribunal doit donc décider si les conclusions du docteur Hould sont conformes aux constats qu’il fait et s’il a évalué tous les aspects, en conformité avec le Règlement. Selon le tribunal, il ne fait aucun doute que tous les aspects ont été considérés et que c’est à la lumière des constats qu’il fait que le docteur Hould se prononce sur les atteintes permanentes.
[45] À l’examen clinique, il constate des restrictions des amplitudes aux niveaux cervical et lombosacré. Il détermine une atteinte permanente pour le niveau cervical, mais conclut que les limitations lombosacrées ne peuvent être en lien avec l’événement ni secondaires à la contusion du coccyx.
[46] De plus, à la suite de la préoccupation exprimée par la travailleuse à la CSST, le docteur Paradis du service médical a demandé spécifiquement au docteur Hould de se prononcer quant à une atteinte permanente en lien avec l’entorse dorsale. Dans sa réponse, il réitère qu’il n’y a pas lieu de reconnaître une telle atteinte et que les limitations d’amplitudes sont la conséquence de la scoliose et des lésions dégénératives préexistantes. Il mentionne de plus spécifiquement l’absence de douleur à la palpation de tous les segments du rachis lombosacré, ce qui est conforme à son examen clinique.
[47] Au surplus, le diagnostic reconnu, outre l’aggravation d’une entorse cervicale et la contusion du coccyx, est une entorse dorsale et non dorsolombaire comme l’indique le docteur Major.
[48] En somme, le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de remettre en question l’opinion du médecin qui a charge, le docteur Hould, quant à ses conclusions contenues au rapport d’évaluation médicale. Il n’a pas non plus été démontré que ce rapport est non conforme au Règlement.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Nathalie Boivin, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 décembre 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision de la travailleuse quant à l’évaluation médicale entérinée par son médecin;
DÉCLARE conforme le bilan des séquelles fait par le médecin qui a charge;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 octobre 2013;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 4 décembre 2009 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de la travailleuse de 2,20 %;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 549,33 $, plus intérêts.
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Annie Beaudin |
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Monsieur Réjean Potvin |
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C.S.N. (Sherbrooke) |
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Représentant de la partie requérante |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Lapointe c. Commission des lésions professionnelles,
C.A. Montréal,
[3] Fraser et Huot,
[4] Morin et Agence du revenu du Canada,
[5] C.L.P.
[6] Vézina et Entreprise d’électricité NT ltée, C.L.P 247694-71-0411, 21 février 2006, révision rejetée, 9 novembre 2006, A. Suicco.
[7] Lapointe c. Commission des lésions professionnelles, précitée, note 2.
[8] Précitée, note 2.
[9] Précitée, note 2.
[10]
Voir notamment Polymos inc. et
Morin, C.L.P.
[11] RLRQ, c. A-3.001, r.2.
[12] Paris et Restaurant McDonald’s,
AVIS :
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appel; la consultation
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