Décision

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Quang et Clinique médicale de Castelneau

2007 QCCLP 7030

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

12 décembre 2007

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

320647-71-0706

 

Dossier CSST :

131148892

 

Commissaire :

Yolande Lemire, avocate

 

Membres :

Lise Tourangeau-Anderson, associations d’employeurs

 

France Morin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hien Bui Quang

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Clinique médicale de Castelneau

 

Partie intéressée

 

 

et

 

 

Sécuritas Québec

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 18 juin 2007, le travailleur, monsieur Hien Bui Quang, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 25 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST en maintient une autre rendue initialement le 1er février 2007 et statue que le 24 décembre 2006, monsieur Quang ne subit pas une lésion professionnelle.

[3]                Une audience est tenue à Montréal le 4 décembre 2007. Les employeurs Sécuritas et Clinique médicale de Castelneau préviennent tous deux qu’ils ne se présenteront pas, mais ils transmettent leurs commentaires et demandent le rejet de la requête de monsieur Quang. Monsieur Quang est présent et seul.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Monsieur Quang demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la gastro-entérite dont il souffre le 24 décembre 2006 est une lésion professionnelle.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis que la preuve prépondérante démontre que monsieur Quang souffre d’une lésion professionnelle le 24 décembre 2006. Toutefois, il y a un problème parce que monsieur Quang occupe deux emplois et l’employeur chez qui il contracte cette maladie n’est pas l’employeur chez qui il travaille lorsque se manifeste cette maladie.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) définit une lésion professionnelle comme suit :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

 

[7]                Une gastro-entérite est une maladie. Monsieur Quang relie cette maladie à un événement imprévu et soudain.

[8]                La loi définit un accident du travail comme suit :

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

 

[9]                Les faits démontrent que monsieur Quang occupe deux emplois.

[10]           Du lundi au vendredi, un minimum de huit heures par jour, il est réceptionniste et homme à tout faire à la Clinique médicale de Castelneau. Les samedis, dimanches et jours fériés, il travaille pour Sécuritas à l’urgence de l’Hôpital juif de Montréal, huit heures par quart de travail.

[11]           La clinique médicale où monsieur Quang travaille est une clinique sans rendez-vous qui reçoit de 50 à 60 patients par jour. Lorsque des médecins spécialistes travaillent aussi à la clinique, le nombre de patients traités s’élève jusqu’à 80 par jour.

[12]           La clinique est ouverte de 10 h à 17 h et tous les patients enregistrés avant 17 h sont traités, ce qui fait en sorte que la clinique est souvent ouverte et que monsieur Quang travaille jusqu’à 21 h.

[13]           La salle d’attente comprend 12 sièges. Les gens peuvent s’enregistrer et aller et venir jusqu’à ce qu’ils voient le médecin. Deux salles de toilettes sont à la disposition des patients et du personnel de la clinique.

[14]           L’entretien des salles de toilette est fait une fois par jour, ou aux deux ou trois jours. Les patients se plaignent beaucoup du manque d’hygiène dans les salles de toilette de la clinique, selon monsieur Quang.

[15]           Monsieur Quang affirme que, au cours de la semaine se terminant le 22 décembre 2006, il y a beaucoup de cas de gastro-entérites. Interrogé sur la provenance de cette information, monsieur Quang répond qu’il reçoit les patients et note la raison de leur consultation.

[16]           Le 23 décembre 2004 est un samedi; monsieur Quang travaille à l’urgence de l’Hôpital juif de Montréal de 15 h à 23 h. Il s’agit d’une fin de semaine de trois jours.

[17]           En soirée, monsieur Quang ressent des malaises au ventre.

[18]           Une fois rentré chez lui, il commence à vomir et avoir la diarrhée. Il est très malade toute la nuit.

[19]           Vers 5 h, il téléphone à Sécuritas pour informer qu’il ne pourra pas se présenter au travail. On lui répond qu’il doit produire un certificat médical sinon il sera réprimandé.

[20]           Monsieur Quang se présente donc au travail le 24 décembre 2006. Il obtient un certificat médical à l’urgence, qui atteste qu’il ne peut travailler pendant deux jours.

[21]           Il s’absente les 24 et 25 décembre 2006.

[22]           Sécuritas refuse de le payer parce qu’il n’est pas employé depuis assez longtemps selon le contrat de travail.

[23]           Le docteur Sandra Haxuan de la Clinique médicale de Castelneau transmet ce qui suit à la Commission des lésions professionnelles :

J’ai reçu les documents qui serviront à l’audience fixée pour le 4 décembre 2007 concernant le travailleur mentionné ci-dessus. Je serai absente à l’audience. Par la présente, j’aimerais vous transmettre mon point de vue. La gastro-entérite virale peut être causée par différents types de virus. Le temps d’incubation est donc variable. Il est en moyenne de 1 à 3 jours, mais peut s’étendre de quelques heures à plus d’une semaine. Il y a également une recrudescence hivernale des cas de gastro-entérites virales dans la communauté et pas seulement dans les milieux de soins de santé. Dans notre clinique médicale, M. Hien Bui Quang occupe le poste de réceptionniste. Il ne prodigue pas de soins directs aux patients. Il apporte également ses propres repas. Il est donc impossible de déterminer si le travailleur a contracté la maladie sur les lieux du travail.

[sic]

 

 

[24]           L’employeur Sécuritas pour sa part, transmet les commentaires suivants :

Pour soutenir nos prétentions nous sommes d’avis qu’étant donné qu’une gastroentérite comporte une période d’incubation de 24 à 48 heures et que le travailleur a commencer à ressentir des symptômes de la gastroentérite 4 hrs après le début de son quart de travail et qu’il n’avait pas travaillé depuis le 17 décembre 2006, la gastroentérite a due être contracté avant son quart de travail et le travailleur ne devrait pas bénéficier de la présomption de l’article 28 de la LATMP comme la relation entre le diagnostic et son travail son difficilement prouvable.

[sic]

 

 

[25]           D’emblée, la Commission des lésions professionnelles se rallie à la position de l’employeur Sécuritas. Il n’est pas vraisemblable que monsieur Quang contracte le virus de la gastroentérite lorsqu’il travaille à l’Hôpital juif.

[26]           Monsieur Quang est déjà porteur du virus lorsqu’il se présente au travail le 23 décembre 2006. L’événement imprévu et soudain, soit l’exposition au virus, ne survient pas chez Sécuritas.

[27]           Où survient cet événement?

[28]           Le docteur Haxuan explique qu’il est impossible de déterminer si monsieur Quang a contracté cette maladie sur les lieux du travail. La Commission des lésions professionnelles souligne que le fardeau de preuve de monsieur Quang n’est pas de prouver hors de tout doute qu’il a contracté ce virus sur les lieux du travail. Il doit plutôt démontrer de façon prépondérante qu’il a contracté cette maladie à son travail.

[29]           Il est vraisemblable et probable que l’exposition au virus survient à la Clinique médicale de Castelneau où monsieur Quang est en contact direct toute la semaine avec des gens porteurs du virus et où les conditions d’hygiène sont déficientes, selon la preuve non contredite. De plus, le temps d’incubation correspond à celui décrit par le docteur Haxuan.

[30]           Cette exposition, imprévue et soudaine, cause la maladie subie et survient au travail.

[31]           La lésion subie est donc une lésion professionnelle.

[32]           L’article 44 de la loi prévoit :

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[33]           Monsieur Quang a donc droit à une indemnité de remplacement du revenu pour ses deux jours d’absence au travail les 24 et 25 décembre 2006.

[34]           Conclure autrement pour éviter de créer une injustice envers l’employeur serait créer une injustice envers monsieur Quang qui a droit au versement d’une indemnité en vertu de la loi.

[35]           L’employeur Sécuritas refuse de payer monsieur Quang parce que la lésion subie ne résulte pas d’un accident survenu à l’occasion du travail exécuté chez lui par monsieur Quang.

[36]           S’il n’avait pas travaillé chez Sécuritas, monsieur Quang n’aurait encouru aucune perte de salaire, car monsieur Quang est en congé de la clinique et n’y travaille pas lorsque se manifeste cette maladie, le 23 décembre 2006.

[37]           Les articles 59 et 60 de la loi prévoient :

59. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, lorsque celui-ci aurait normalement travaillé pendant cette partie de journée, n'eût été de son incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé.

__________

1985, c. 6, a. 59.

 

 

60. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199.

 

Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui-ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.

 

Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu conformément à la section I du chapitre XIII.

__________

1985, c. 6, a. 60; 1993, c. 5, a. 1.

 

 

[38]           Ces deux articles de loi ont été adoptés pour éviter qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle n’ait à subir des délais d’attente avant d’être payé lorsqu’une lésion le rend incapable de travailler. Les quatorze premiers jours suivant le début de l’incapacité sont toujours payés par l’employeur et remboursés à l’employeur par la CSST.

[39]           Bien que la maladie soit contractée chez Clinique médicale de Castelneau, c’est chez Sécuritas que se manifeste la maladie et c’est chez cet employeur que monsieur Quang subit une perte de revenu à cause de l’absence causée par la maladie.

[40]           L’employeur Sécuritas doit donc verser à monsieur Quang une indemnité de remplacement du revenu, pour des raisons pratiques évidentes.

[41]           La CSST lui remboursera la somme versée en vertu de l’article 60 de la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Hien Bui Quang;

INFIRME la décision rendue le 25 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le 24 décembre 2006, monsieur Quang subit une lésion professionnelle et qu’il a droit au versement des indemnités prévues par la loi.

 

__________________________________

 

Me Yolande Lemire

 

Commissaire

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

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