Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Droit de la famille — 21919

2021 QCCA 872

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-028907-202

(700-04-028352-174)

 

DATE :

26 mai 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

LUCIE FOURNIER, J.C.A.

 

 

S... T...

APPELANT - défendeur

c.

 

C... C...

INTIMÉE - demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

 

[1]          L’appelant se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure, district de Terrebonne, rendu le 21 février 2020[1] par l’honorable juge Christian J. Brossard, lequel modifie le jugement de divorce prononcé le 22 octobre 2001 qui entérinait le consentement sur mesures accessoires intervenu entre les parties, et prononce les conclusions suivantes :

[133]    MODIFIE comme suit le jugement rendu le 22 octobre 2001 dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 500-12-259151-011 :

a.    ANNULE les sous-paragraphes c à f du 1er alinéa de la section intitulée « Partage des biens » du consentement sur les mesures accessoires homologué par le jugement; et

b.    ORDONNE au défendeur, S... T..., de payer à la demanderesse, au titre du partage des régimes enregistrés d’épargne-retraite du défendeur aux fins de partage du patrimoine familial, 290 000 $, plus l’intérêt au taux légal depuis le 15 août 2001 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis la date d’assignation en l’instance;

[2]          Le juge annule les clauses par lesquelles l’appelant s’était engagé à nommer l’intimée « bénéficiaire désignée irrévocable » de ses REER, en échange de sa renonciation au partage à parts égales des REER en vertu des règles de partage du patrimoine familial. Il en vient à cette conclusion après avoir conclu que l’engagement de l’appelant était impossible à exécuter et que l’intimée n’aurait jamais accepté une telle renonciation, au moment de conclure l’entente, si elle l’avait su. Il choisit d’annuler les clauses en question et d’ordonner le partage à parts égales de la valeur estimée des REER à la date d’introduction de la demande de divorce.

LE CONTEXTE

[3]          Les parties se sont mariées le 3 septembre 1977 et ont cessé de faire vie commune vers le 1er juillet 1995. Elles avaient préalablement renoncé aux règles du partage du patrimoine familial le 28 novembre 1990, sauf en ce qui concerne le partage des REER de l’appelant.

[4]          Dans le consentement sur mesures accessoires intervenu devant notaire le 23 mai 2001 et entériné par le jugement de divorce[2], l’appelant s’engageait à nommer l’intimée « bénéficiaire désignée irrévocable » de ses REER et de ses trois polices d’assurance-vie, ainsi qu’à lui céder la moitié de la valeur d’un immeuble, un bien propre lui appartenant. L’intimée reconnaissait de plus avoir reçu la somme de 125 000 $.

[5]          Peu après, en 2002, l’appelant apprend qu’il ne peut désigner l’intimée « bénéficiaire irrévocable » de ses REER, puisqu’il ne s’agit pas de contrats d’assurances ou de rentes[3]. Il n’en informe pas l’intimée, considérant ce fait sans conséquence puisque, selon lui, le jugement de divorce a cristallisé son obligation de lui remettre le reliquat de ses REER à sa mort[4].

[6]          En 2016, l’intimée convie l’appelant chez son notaire, car elle envisage la retraite et souhaite connaître l’étendue de ses « acquis financiers » dans les REER de l’appelant. Durant la rencontre, qui a lieu au mois d’octobre 2016, l’appelant demande à l’intimée de se retirer pour qu’il discute de ses REER seul à seul avec le notaire. Il refuse ensuite de dévoiler à l’intimée le montant des REER accumulés et lui répond : « tu prendras ce qui reste à ma mort ».

[7]          Ce n’est que le 7 décembre 2016, lors d’une deuxième rencontre chez le notaire ou peu de temps après, que l’intimée découvre que l’appelant ne l’a jamais désignée bénéficiaire irrévocable de ses REER parce qu’une telle désignation était impossible dans les formulaires bancaires. Elle apprend alors que les REER ont depuis été convertis en FERR. Quant aux polices d’assurance-vie, bien que l’appelant ne l’ait pas initialement désignée bénéficiaire irrévocable comme prévu dans le consentement, la désignation a eu lieu depuis et elle est confirmée par l’assureur par lettre datée du 30 novembre 2016.

[8]          Le 18 janvier 2017, l’intimée signifie à l’appelant, par l’entremise de ses avocats, une mise en demeure lui ordonnant de l’informer de la valeur des REER/FERR visés par le Consentement, à la fois en date de la signature du consentement (23 mai 2001) et de la mise en demeure (16 janvier 2017).

[9]          Le 7 juin 2017, l’intimée dépose une première demande introductive d’instance « en modification des mesures accessoires » dans laquelle elle demande, entre autres, que le tribunal ordonne le transfert à son nom des « FERRS dont [l’appelant] est titulaire ».

[10]       Le 27 novembre 2017, l’appelant demande le rejet de la demande introductive d’instance pour abus de procédure. Cette demande est rejetée par la Cour supérieure le 7 février 2017.

[11]       Le 9 octobre 2018, l’intimée dépose une demande introductive d’instance « modifiée en détermination, modification et exécution des mesures accessoires », dans laquelle elle réclame désormais le transfert « des sommes dont la demanderesse est bénéficiaire irrévocable ».

[12]       Le 19 juin 2019, lors des plaidoiries, l’intimée demande la permission de modifier à nouveau les conclusions de la demande introductive d’instance pour y ajouter les conclusions subsidiaires suivantes :

ANNULER les sous-paragraphes c à f du premier paragraphe de la clause de partage des biens de la convention P-3;

CONDAMNER le défendeur à payer à la demanderesse 300 000,00 $ plus l’intérêt au taux légal depuis le 23 mai 2001 et l’indemnité additionnelle depuis l’assignation.

[13]       Le juge autorise cette modification tout en permettant aux parties de soumettre des argumentations écrites de part et d’autre sur les nouvelles conclusions recherchées.

JUGEMENT ENTREPRIS

[14]       Dans son jugement, le juge retient la version de l’appelant concernant l’intention des parties au moment de conclure la convention sur mesures accessoires. Il est d’avis que les parties souhaitaient que l’intimée soit désignée bénéficiaire irrévocable des REER de l’appelant de manière à permettre à ce dernier de profiter du plein montant de ses REER jusqu’à sa mort et d’en céder le reliquat par la suite à l’intimée.

[15]       Or, devant l’impossibilité d’exécuter l’engagement de désigner l’intimée bénéficiaire irrévocable dans les formulaires bancaires, un élément essentiel au consentement de l’intimée, le juge conclut que ce consentement a été vicié. Il opte pour l’annulation des clauses qui concernent les REER par le biais de l’article 424 C.c.Q., non sans blâmer l’appelant d’avoir tardé à en informer l’intimée.

[16]       Il écrit :

[100]    Cela dit, si l’intention derrière le consentement sur les mesures accessoires était effectivement que Madame soit bénéficiaire irrévocable des REÉR de Monsieur, de manière à pouvoir en toucher le reliquat au décès de celui-ci, ce n’est pas ce qui est arrivé. Monsieur n’a pas respecté son obligation de compléter la documentation nécessaire pour la désigner ainsi aux REÉR. En fait, il s’avère que cela n’était pas possible, selon les lois applicables aux régimes enregistrés d’épargne-retraite, pour des régimes de la nature des REÉR concernés (non liés à un contrat d’assurance-vie).

[101]    Si on ne peut reprocher à Monsieur qu’une telle désignation se soit avérée impossible, on peut certes le blâmer de ne pas en avoir immédiatement informé Madame, dès lors qu’il découvrait que cette condition s’avérait irréalisable, ne serait-ce qu’en raison du principe de bonne foi qui doit toujours gouverner la conduite des parties à un contrat, au moment de sa conclusion, de l’exécution des obligations assumées et de leur extinction.

[102]    Surtout, peu importe que l’on puisse ou non faire reproche à Monsieur, le fait demeure que cette condition prévue au consentement sur les mesures accessoires, pour justifier de ne pas immédiatement voir au partage à parts égales des REÉR, ne pouvait être accomplie et ne s’est pas accomplie.

[103]    Or, une condition à une entente qui est prohibée par la loi ou qui est autrement impossible est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend. Et même si la condition est valide, elle est défaillie s’il devient certain qu’elle ne s’accomplira pas.

[104]    Monsieur prétend s’en remettre au jugement de 2001 et à son testament, dont il offre même qu’il soit pris acte par le Tribunal. Or, une condition qui relève de la seule discrétion du débiteur est nulle.

[105]    Qui plus est, l’impossibilité de désigner Madame bénéficiaire irrévocable aux REÉR, une condition et une obligation essentielles de l’entente peu importe la portée que l’un et l’autre époux lui donnait, vicie leur consentement. Celui-ci, sans aucun doute celui de Madame, est invalidé par leur erreur sur un élément essentiel de ce consentement, qui ne peut certes être considéré comme éclairé.

[106]    En somme, dans tous les cas, il y a ouverture à l’annulation des dispositions du consentement sur les mesures accessoires qui sont affectées par l’invalidité ou la défaillance de la condition.

[107]    Finalement, l’article 424 C.c.Q. permet de boucler la boucle : la renonciation d’un époux au partage du patrimoine familial peut être annulée pour toute cause de nullité des contrats.

[17]       À l’issue de son analyse, le juge rejette la suggestion de l’appelant de prendre acte de son engagement à respecter le jugement de divorce et à céder le reliquat de ses FERR à l’intimée à son décès, comme il l’a déjà prévu par disposition testamentaire. Le juge conclut en outre qu’il lui est impossible d’ordonner aux tiers administrateurs des FERR ou à l’appelant directement de remettre le reliquat de ses FERR à l’intimée à son décès, puisque cela contreviendrait, à son avis, à l’article 1819 C.c.Q.

[18]       Ne souhaitant pas laisser l’intimée à la merci de la bonne volonté de l’appelant ou de sa succession, alors qu’il demeure libre de révoquer en tout temps son testament, le juge refuse de prendre acte du fait que l’appelant y a désigné l’intimée bénéficiaire de ses REER. Il conclut qu’en conséquence la seule solution disponible est l’annulation des clauses du consentement[5] :

[111]  Cela dit, maintenir les parties dans leur situation présente et laisser Madame à la merci du bon vouloir, de la bonne foi et du testament de Monsieur, puis de la position qu’adopterait ensuite la succession de ce dernier, comme le suggère celui-ci, serait faire fi du régime sur le patrimoine familial et contreviendrait au caractère d’ordre public des règles relatives à son partage - principes et exceptions compris - et aux principes relatifs au consentement des parties.

*  * 

[112]  La seule solution qui demeure est celle de l’annulation, demandée par Madame, des stipulations du consentement sur les mesures accessoires qui concernent les REÉR, soit les sous-paragraphes c à f du 1er alinéa au titre Partage des biens.

[19]       Puisque l’annulation des clauses a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de l’entente, le juge annonce qu’il procédera au partage égal de la valeur estimée des REER selon les règles du patrimoine familial, en fonction de la date du 15 août 2001, soit la date de l’introduction de la demande en divorce. Ainsi, sur la base d’une preuve incomplète et procédant par déduction, il conclut que la valeur des REER se chiffrait alors à environ 580 000 $ et que l’intimée a droit à la moitié de cette valeur, soit 290 000 $, auxquels il ajoute l’intérêt légal à compter du 15 août 2001, de même que l’indemnité additionnelle depuis la date d’assignation de la procédure en modification des mesures accessoires.

[20]       Bien que le juge constate que la renonciation au partage des REER a également eu lieu en contrepartie du versement de la somme de 125 000 $, de la cession partielle d’un immeuble qui était un bien propre de l’appelant (cession qui s’est soldée par le versement à l’intimée d’une somme additionnelle de 105 000 $) et que l’intimée est déjà nommée bénéficiaire irrévocable de ses trois polices d’assurance-vie d’une valeur de plus de 140 000 $, il refuse néanmoins de reconnaître à l’appelant la possibilité de requérir l’annulation de ces contreparties. Il considère que la demande de l’appelant est prescrite à cet égard puisqu’il savait depuis 2002 que la désignation irrévocable de l’intimée dans les formulaires de REER s’avérait impossible et qu’il n’en a rien dit jusqu’en 2016.

[21]       Il rejette également la demande en déclaration d’abus de l’appelant à l’endroit de l’intimée.

MOYENS D’APPEL

[22]       En appel, l’appelant soulève cinq reproches à l’endroit du juge de première instance :

1.    Il a erré en annulant les clauses du consentement entériné par le jugement de divorce relativement à la renonciation au partage des REER;

2.    Il a erré en rejetant la demande de l’appelant visant à faire annuler les clauses de l’entente reliées à la contrepartie versée à l’intimée au motif qu’elle était prescrite, après avoir reconnu à l’intimée le droit de demander l’annulation des clauses près de trois ans après sa découverte de l’impossibilité d’être désignée bénéficiaire irrévocable des REER dans les formulaires bancaires;

3.    Il a erré en établissant la valeur des REER de manière arbitraire pour les fins de partage et en ordonnant à l’appelant de verser 290 000 $ à l’intimée;

4.    Il a erré en accordant l’intérêt et l’indemnité additionnelle sur cette somme;

5.    Il a erré en refusant de reconnaître le caractère abusif du recours de l’intimée et d’accorder des dommages à l’appelant en conséquence.

ANALYSE

1.    L’annulation des clauses du consentement

[23]       L’appelant conteste l’annulation des clauses du consentement en s’appuyant sur l’autorité de la chose jugée et la ratification du consentement par les parties.

[24]       Il plaide que le juge ne pouvait s’autoriser de l’article 424 C.c.Q. pour annuler ces clauses puisqu’il « ne s’agit pas d’une renonciation par acte notarié », mais plutôt d’une renonciation entérinée par jugement.

[25]       Il souligne que le juge a fait fi de l’importance à accorder au respect de l’entente des parties, de son intégralité et de sa ratification, de même que de l’impossibilité pour le tribunal de remettre les parties en état, après avoir néanmoins constaté dans son jugement que l’intimée avait déjà reçu, en contrepartie de la renonciation au partage des REER, le versement d’une somme additionnelle de 125 000 $, le bénéfice de la cession de 50 % d’un immeuble appartenant à l’appelant (pour laquelle elle a reçu 105 000 $) et le fait qu’elle a été désignée bénéficiaire irrévocable des polices d’assurance-vie de l’appelant.

[26]       Il soutient de plus que la désignation de l’intimée à titre de bénéficiaire irrévocable des REER, bien qu’impossible dans les formulaires bancaires, à l’exception des produits d’assurance-vie ou de rentes, était tout de même possible, notamment par disposition testamentaire, et c’est à tort que le juge a refusé d’en tenir compte.

[27]       Il plaide au surplus que la « primauté du jugement » et l’interprétation du juge concernant l’intention des parties selon laquelle l’intimée devait bénéficier du reliquat des REER au décès de l’appelant font en sorte que le juge ne pouvait pas conclure que la désignation de l’intimée, comme bénéficiaire des REER, ne pouvait avoir lieu à même une convention sur mesures accessoires. Il ne pouvait en outre conclure à un vice de consentement donnant ouverture à l’annulation des clauses de renonciation au partage des REER.

*  *  *

[28]       La désignation d’un bénéficiaire dans un contrat de REER ou de FERR peut être assimilée à une donation à cause de mort[6]. Or, l’article 1819 C.c.Q. rend nulle une donation à cause de mort faite en dehors d’un contrat de mariage ou d’union civile à moins qu’elle ne puisse valoir comme legs[7]. L’article 706 C.c.Q., qui est d’ordre public[8], prévoit par ailleurs qu’il est interdit d’abdiquer sa faculté de révoquer ses dispositions testamentaires[9].

[29]       Commentant ce dernier article, l’auteur Jacques Beaulne réitère qu’il est impossible de stipuler une disposition irrévocable de biens, sauf dans le cadre d’une donation à cause de mort dans un contrat de mariage ou d’union civile[10].

[30]       Bref, le jeu de ces deux articles semble rendre impossible la désignation d’un bénéficiaire irrévocable dans un contrat de REER ou de FERR, autrement que lorsqu’il s’agit d’un produit offert par un assureur (les rentes offertes par les assureurs étant assimilables à l’assurance-vie[11]) ou une société de fiducie[12]. Dans ce dernier cas, les articles 2445 à 2460 C.c.Q. créent une exception au principe de l’article 1819 C.c.Q. en permettant une forme de stipulation pour autrui[13].

[31]       Cela étant, dans l’arrêt Deschênes c. Gagné[14], cette Cour a adopté un raisonnement qui mène à conclure que la désignation n’est pas en soi illégale au sens de l’article 1819 C.c.Q. Dans cette affaire, la Cour conclut que la désignation des enfants du défunt à titre de bénéficiaires irrévocables d’un FERR ne pouvait être qualifiée de donation à cause de mort, puisqu’elle était l’exécution d’une obligation prescrite dans le cadre d’un testament et qu’elle ne comportait pas une intention d’avantager à titre gratuit. La Cour distingue la désignation d’un bénéficiaire à titre gratuit de celle résultant d’une obligation où elle perd son caractère de libéralité assimilable à une donation. Le juge Forget écrit à cet égard[15] :

[68] Je ne partage pas l’opinion de la juge de première instance : Ghislaine Gagné n’a pas l’intention de faire un don; elle exécute la clause prévue dans le testament de Guy Deschênes.

[69] Pour qu’un don existe, les critères pour l’un doivent être respectés : le transfert de propriété d’un bien par titre gratuit à un autre (a. 1806 C.C.Q.).

[70] Le donneur doit donc avoir un animus donandi, c’est-à-dire un réel désir d’aliéner des biens au profit d’une tierce personne, sans en tirer aucun avantage. Le professeur Pierre Ciotola a écrit: [TRADUCTION] « Un don est basé sur l’intention de bénéficier gratuitement ».

[71] En l’espèce, il est évident que Ghislaine Gagné n’a pas l’intention de s’aliéner, sans compensation, les sommes qui lui ont été léguées par Guy Deschênes au profit de ses enfants. Les procédures judiciaires témoignent abondamment du conflit entre elle et les enfants Deschênes.

[72] Il n’y a pas d’élément gratuit dans sa désignation des enfants Deschênes comme bénéficiaires du solde des sommes restantes à sa propre mort (P-12-A). Elle n’a pas d’animus donandi. Elle exécute une obligation prescrite dans la clause contestée du testament. À cet égard, c’est, en fait, Guy Deschênes qui a fait un cadeau mortis causa. Mais ce don mortis causa est autorisé en vertu de l’article 1819 C.C.Q., puisqu’il est inclus dans sa volonté.

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[32]       Concernant le caractère irrévocable d’une telle désignation, le juge Forget ajoute[16] :

[75] Le liquidateur plaide toutefois que cette désignation n'est pas irrévocable.

[76] Le mot « irrévocable » n'apparaît pas au testament. La juge Hallée ne se penche pas sur la distinction qui peut être faite selon que le bénéficiaire est « révocable » ou « irrévocable ».  Si on relit ses motifs aux paragraphes 47 et 48 de son jugement, on comprend très bien son raisonnement et la conclusion qui en découle : Ghislaine Gagné ne se conformerait pas à l'intention du testateur si elle nommait les enfants de ce dernier à titre de bénéficiaires pour ensuite annuler cette nomination.  Il coule de source qu'une telle façon de faire constituerait une comédie et une contravention évidente à la clause testamentaire.

[77] La juge Hallée n'a donc pas déclaré que les bénéficiaires devaient être « irrévocables » suivant les exigences du Code civil du Québec, mais que leur désignation devait être faite « irrévocablement ».

[78] Je suis bien conscient que l'on pourrait prétendre qu'il s'agit ici d'une distinction sémantique et que les parties n'avaient pas compris ainsi la portée de la décision de la juge Hallée.  Malgré tout, je suis d'avis que la juge Hallée a seulement choisi d'imposer à Ghislaine Gagné l'obligation de nommer les enfants Deschênes et de ne pas modifier par la suite cette désignation.

[…]

[81] Mais il y a plus.  Le premier juge exclut l’application de la stipulation pour autrui au motif qu’elle constituerait une donation à cause de mort prohibée par l’article 1819 C.c.Q.  J’ai exprimé mon désaccord avec cette prétention.  Puisque les règles de la stipulation pour autrui peuvent recevoir application en l’espèce, il n’en tient qu’aux enfants Deschênes de rendre irrévocable la désignation en portant à « la connaissance du stipulant […] [leur] volonté de l’accepter ». (art. 1446 C.c.Q.).

[Soulignements ajoutés]

[33]       Qu’en est-il en l’espèce de l’engagement de l’appelant de désigner l’intimée bénéficiaire irrévocable de ses REER dans le cadre d’une convention sur mesures accessoires entérinée par jugement de divorce?

[34]       À l’instar de l’approche de cette Cour dans l’arrêt Deschênes et selon les propres conclusions de fait tirées par le juge de première instance à l’issue du procès, on peut conclure qu’une telle désignation n’était pas empreinte d’une « volonté réelle de se départir d’un bien au profit d’une tierce personne, sans tirer d’avantage en retour »[17]. Il s’agissait plutôt de la contrepartie de la renonciation de l’intimée au partage des REER de l’appelant afin de permettre à ce dernier de bénéficier desdits REER jusqu’à sa mort, laquelle s’ajoutait aux autres contreparties prévues dans le consentement, tels le versement de 125 000 $ à l’intimée, la cession de la moitié indivise d’un immeuble et la désignation de l’intimée comme bénéficiaire irrévocable des trois polices d’assurance sur la vie de l’appelant. Cet aspect transactionnel du consentement démontre que l’appelant ne possédait pas l’animus donandi nécessaire pour qu’on puisse qualifier de donation à cause de mort la désignation de l’intimée comme bénéficiaire irrévocable de ses REER, depuis convertis en FERR.

[35]       L’appelant a déclaré au procès avoir déjà désigné l’intimée bénéficiaire de ses FERR dans son testament et être disposé à ce que le juge prenne acte de son engagement à céder le reliquat de ses FERR à l’intimée à son décès. Une telle désignation, qui permet à l’appelant d’exécuter son obligation découlant des clauses de l’entente, ne confère pas un avantage à titre gratuit à l’intimée, de sorte qu’il ne peut s’agir d’une « donation à cause de mort » susceptible de contrevenir à l‘article 1819 C.c.Q.

[36]       En somme, même si, hormis les articles 2445 à 2460 C.c.Q., on ne trouve nulle part dans le Code civil du Québec la notion de bénéficiaire « irrévocable », et bien qu’une désignation comme « bénéficiaire irrévocable » au sens que lui donne le Code civil en matière d’assurance-vie s’avère impossible en l’espèce, l’appelant peut tout de même nommer l’intimée bénéficiaire de ses FERR à son décès par le biais de son testament, comme il indique d’ailleurs l’avoir déjà fait. Il aurait également pu procéder à cette désignation dans un acte notarié qui constaterait son acceptation par l’intimée, à l’instar du raisonnement de la Cour dans l’arrêt Deschênes.

[37]       Pour cette raison, la Cour est d’avis que le juge a commis une erreur révisable en déclarant, dans un premier temps, que l’exécution de l’engagement de l’appelant était impossible, de même qu’en rejetant l’offre qu’il avait faite au tribunal de prendre acte de son engagement à honorer la désignation de l’intimée comme bénéficiaire de ses FERR (depuis la transformation des REER) à son décès et en ne recherchant pas un aménagement qui allait dans le sens du consentement ratifié et partiellement exécuté qui, de toute manière liait ses héritiers en vertu de l’article 1441 C.c.Q.

[38]       Cette erreur l’a mené à commettre une seconde erreur, soit celle de modifier le jugement de divorce en annulant certaines clauses du consentement entériné par ce jugement, sans avoir été saisi d’une demande en rétractation en bonne et due forme et en temps utile.

[39]       En effet, dans la mesure où le jugement de divorce avait eu pour effet de « donner acte »[18] à la renonciation intervenue par acte notarié, pour en requérir l’annulation par le biais de l’article 424 C.c.Q.[19], l’intimée devait demander la rétractation de jugement plutôt que la modification de mesures accessoires en vertu de l’article 453 C.c.Q.[20]. Suivant la jurisprudence, cette disposition ne permet pas de modifier le partage du patrimoine familial déjà effectué au moment de prononcer le divorce[21] et ne doit pas servir de tentative déguisée de rétractation du jugement de divorce[22] ni donner ouverture à une demande d’annulation comme en l’espèce[23].

[40]       Or, la rétractation commande que les conditions de forme et de fonds soient réunies[24] et, en l’espèce, les conditions de forme de la rétractation ne sont pas satisfaites.

[41]       En vertu de l’article 347 C.p.c., l’écoulement d’un délai de six mois depuis le jugement constitue un obstacle dirimant à la présentation d’une requête en rétraction de jugement[25], à moins de démontrer l’impossibilité d’agir[26].

[42]       En l’espèce, non seulement l’intimée a procédé par une demande de modification des mesures accessoires plutôt que par demande de rétractation, mais ce n’est qu’en juin 2019 qu’elle a formulé une demande d’annulation, au cours des plaidoiries, alors que deux ans et demi s’étaient écoulés depuis qu’elle avait pris connaissance de l’erreur qui vicie le consentement, à savoir l’impossibilité d’être désignée bénéficiaire irrévocable des REER dans les formulaires bancaires. L’intimée n’a pas allégué et encore moins démontré son impossibilité d’agir dans le délai prévu à l’article 347 C.p.c.

[43]       Ainsi, au-delà de l’erreur du juge qui consiste à conclure qu’il est impossible d’exécuter l’engagement de l’appelant, aux termes de l’entente entérinée par jugement, la modification du jugement de divorce par l’annulation des clauses du consentement entériné par jugement n’était pas une option procédurale valide dans les circonstances.

2.    Le refus de tenir compte de la contrepartie versée à l’intimée, après avoir reconnu le droit de l’intimée de demander l’annulation des clauses

[44]       Vu la conclusion à l’égard de l’ordonnance d’annulation des clauses, il devient quelque peu théorique d’aborder la seconde question soulevée dans la mesure où une intervention s’impose pour infirmer la modification proposée par le juge de première instance et rétablir le jugement de divorce.

[45]       Néanmoins, il est nécessaire d’ajouter que, même si la modification proposée dans le jugement de divorce n’avait pas été écartée, il y aurait quand même eu lieu d’intervenir afin d’éviter la grave injustice résultant du jugement entrepris.

[46]       En l’espèce, le juge punit l’appelant pour son défaut de révéler à l’intimée pendant des années qu’il n’avait pas réussi à la désigner bénéficiaire irrévocable de ses RERR dans ses formulaires bancaires.

[47]       Cela étant, il y lieu de signaler que la convention ne prévoyait pas de délai précis pour exécuter la désignation. Soit, il eut été prudent pour l’appelant de remplir son engagement rapidement, sachant qu’il souffrait d’une maladie dégénérative. Il demeure cependant qu’il n’a jamais cru qu’il était libéré de son engagement par le fait de n’avoir pu remplir un formulaire auprès de la banque. Il a déclaré au tribunal qu’il s’estimait lié par le jugement de divorce et les modalités du consentement et il considérait, avec raison, que sa succession aurait été ultimement liée par ses engagements à cet égard, conformément à l’article 1441 C.c.Q., s’il était décédé avant que la désignation ne se concrétise.

[48]       Dans ce contexte, la décision du juge d’ordonner le partage des REER suivant la valeur établie à la date d’introduction de la demande de divorce, en faisant abstraction des autres éléments de la contrepartie reçue par l’intimée en échange de sa renonciation au partage des REER, au seul motif que l’appelant aurait omis d’informer l’intimée avant 2016 de l’impossibilité d’exécuter son engagement, apparaît démesurée et excessive. Elle va à l’encontre des principes de restitution des prestations, tel que prévu aux articles 1699 et s. C.c.Q. et elle est susceptible de mener à un enrichissement injustifié de l’intimée en l’espèce.

[49]       Elle entre par ailleurs en flagrante contradiction avec l’intention des parties au moment de la conclusion du consentement, telle que retenue par le juge à l’issue de la preuve, alors que celui-ci convient que l’appelant devait pouvoir profiter de l’entièreté des montants accumulés dans ses REER jusqu’à son décès pour en céder le reliquat à l’intimée à son décès.

[50]       Au moment où l’intimée s’adresse à la Cour supérieure en 2017, elle n’a rien perdu. Elle a reçu les sommes que l’appelant s’était engagé à lui remettre de son vivant (125 000 $ plus 105 000 $ à l’issue de la vente de l’immeuble dont l’appelant lui a cédé la moitié alors qu’il lui appartenait en propre). Elle a également reçu la confirmation qu’elle a été désignée bénéficiaire irrévocable de ses trois polices d’assurance-vie. Dans ce contexte, l’ordonnance rendue par le juge aux fins du partage du patrimoine familial qui ordonnait le paiement par l’appelant de 290 000 $ sans égard aux montants déjà reçus et aux obligations déjà accomplies était excessive et injustifiée.

3.    L’octroi de la moitié de la valeur partageable des REER sur la base d’un estimé arbitraire et sans égard à la dette fiscale

[51]       S’ajoute à cette injustice le fait que le juge ordonne à l’appelant de verser à l’intimée 290 000 $ en dollars nets correspondant à ce qu’il évalue arbitrairement être la moitié de la valeur des REER, et ce, sans égard à la dette fiscale qui doit être considérée au moment du partage.

[52]       En ce qui concerne l’établissement arbitraire de la valeur des REER, on ne peut faire reproche au juge d’avoir procédé par déduction, sur la foi des quelques informations dont il disposait, à défaut de disposer des informations complètes qui auraient dû émaner de l’appelant.

[53]       Toutefois, il en va autrement de la dette fiscale. Le juge Jean-Pierre Senécal décrit bien l’importance de prendre en compte la charge fiscale lors du partage afin que celui-ci soit juste[27] :

[45]  Pour sa part, le présent tribunal est d’avis que la dette reliée à la disposition d’un bien du patrimoine familial, et donc la dette d’impôt ou, selon le cas, la «charge» fiscale ou, plus exactement, la dette fiscale latente, fait partie des dettes devant être prises en compte dans le partage du patrimoine familial. C’est une dette implicitement visée aux articles 416 et 417 C.c.Q. Si l’on veut se rattacher au strict libellé de ces articles, la dette consécutive à la disposition d’un bien est une dette qui découle de l’«acquisition» et la «conservation» du bien. Ce serait un non-sens et une source claire d’injustice qu’il n’en soit pas ainsi.

[Soulignement ajouté]

[54]       Tel que le rappelle l’auteur Michel Tétrault, règle générale, les « tribunaux tendent […] à ordonner le partage en nature et par roulement fiscal de la part de chacun des époux en ce qui a trait aux REER et aux véhicules de retraite et ils évitent de s’aventurer dans les méandres de la fiscalité »[28]. Cela étant, quand le transfert s’avère impossible, comme en l’espèce, les tribunaux ne peuvent pour autant faire abstraction de cette dette fiscale.

[55]       Force est de constater à cet égard que, contrairement à ce qu’il affirme, le juge n’a pas procédé au partage à parts égales du REER suivant les règles du partage du patrimoine familial. Sa conclusion donne plutôt lieu à un partage inégal de ce dernier.

4.    L’octroi de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle

[56]       À l’issue de son évaluation de la valeur partageable des REER en date de l’introduction de la demande de divorce, le juge bonifie le montant accordé par l’ajout de l’intérêt calculé depuis le 15 août 2001, en plus de l’indemnité additionnelle depuis la date d’assignation de la procédure de modification des mesures accessoires (juin 2017).

[57]       Si l’octroi de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle est discrétionnaire et qu’elle s’impose généralement dans le contexte d’un jugement qui procède au partage du patrimoine familial, il n’était pas indiqué en l’espèce, sous peine de mener à un résultat injuste pour l’appelant. L’octroi est d’autant plus pénalisant, puisque le juge détermine que seules certaines clauses d’un consentement entériné par jugement, il y a près de 20 ans, doivent être annulées alors que d’autres clauses, qui y sont pourtant reliées, ne le sont pas.

[58]       L’appelant n’a pas bénéficié d’une remise en état qui aurait normalement dû découler de l’annulation des clauses du consentement. L’octroi de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle n’était pas indiqué en l’espèce, sous peine de pénaliser indûment l’appelant et de constituer un exercice déraisonnable de la discrétion judiciaire du juge de première instance.

5.    L’abus de procédure

[59]       L’appelant soutient que c’est à tort que le juge aurait refusé de déclarer abusif le recours de l’intimée. Sur ce point, il a tort. Le seul fait que l’intimée échoue dans son recours ne justifie pas pour autant la déclaration d’abus recherchée, d’autant qu’ici le litige découle d’un manque de transparence de l’appelant à l’égard de l’exécution de son engagement aux termes du jugement de divorce et de la nécessité de clarifier la portée de l’engagement et la possibilité d’y donner suite. Pour qu’il y ait abus, il y doit y avoir un comportement blâmable[29] ou empreint de témérité[30], lequel doit être compris comme une conduite s’écartant de façon manifeste de la norme objective qu’est la personne raisonnable et prudente placée dans les mêmes circonstances. Il n’y avait pas en l’espèce un tel comportement de la part de l’intimée qui puisse justifier la Cour de déclarer son recours abusif. Il n’y a pas lieu en l’espèce de réformer la conclusion du juge qui rejette une telle demande.

[60]       En somme, sous réserve de la question de l’abus de procédure qu’il a bien décidé, c’est à tort que le juge s’est d’abord engagé sur la voie d’une modification du jugement de divorce par l’annulation des dispositions du consentement qu’il entérinait et qu’il a condamné l’appelant à « payer à la demanderesse, au titre du partage des régimes enregistrés d’épargne-retraite du défendeur aux fins de partage du patrimoine familial, 290 000 $, plus l’intérêt au taux légal depuis le 15 août 2001 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis la date d’assignation en l’instance ».

[61]       Cette erreur commande l’intervention de la Cour.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[62]       ACCUEILLLE l’appel;

[63]       INFIRME le jugement de première instance en ce qui concerne la conclusion qui modifie le jugement de divorce et biffe en conséquence le paragraphe [133] dudit jugement;

[64]       RÉTABLIT le jugement de divorce daté du 22 octobre 2001, dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 500-12-259151-011;

[65]       REJETTE, en partie, la demande introductive d’instance modifiée en détermination, modification et exécution des mesures accessoires;

[66]       PREND ACTE de l’engagement de l’appelant d’honorer l’obligation qu’il a prise aux termes du consentement sur mesures accessoires afin de céder à l’intimée le reliquat de ses REER (convertis depuis en FERR) et lui ORDONNE de s’y conformer;

[67]       MAINTIENT la conclusion du paragraphe [134] quant au rejet de la demande en déclaration d’abus;

[68]       Sans les frais de justice tant en première instance qu’en appel, vu la nature du recours.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

LUCIE FOURNIER, J.C.A.

 

Me Carole Tremblay

DUFOUR, MOTTET AVOCATS

Pour l’appelant

 

Me Desneiges Simard

SSB AVOCATS

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

18 mars 2021

 



[1]     2020 QCCS 677 [Jugement entrepris].

[2]      Les clauses c) à h), ainsi que j) du consentement qui sont pertinentes au débat sont reproduites ci-      après :

       c)  L’époux est propriétaire d’un REER "Protection auto-géré" détenu par Lévesque, Beaubien, Geoffrion, au compte No. [1] et pour lequel l’époux s’engage à nommer l’épouse à titre de bénéficiaire désignée irrévocable.

       d) L’époux est aussi propriétaire auprès de la Banque Scotia d’un fonds mutuel No. [2] et d’un REER No. [3] pour lesquels l’époux s’engage à nommer l’épouse à titre de bénéficiaire désignée irrévocable.

       e) L’époux est aussi propriétaire d’un fonds détenu chez Paul Revere Compagnie d’Assurance-Vie, contrat No. [4] (cas No. [5]) pour lequel l’époux s’engage à nommer l’épouse à titre de bénéficiaire désignée irrévocable.

       f)   L’époux est propriétaire d’une police d’assurance vie contractée auprès de la compagnie Colonial, police No. [6] avec valeur capitalisée pour laquelle l’époux s’engage à nommer l’épouse à titre de bénéficiaire désigné irrévocable.

       g) L'époux est propriétaire de trois (3) polices d'assurance vie contractées auprès de la compagnie Clarica (autrefois Métropolitaine), contrats No. [7], No. [8] et No. [9], pour lesquelles l'époux s'engage à nommer l’épouse à titre de bénéficiaire désignée irrévocable.

       h) De plus, l'époux est propriétaire d'un immeuble situé au [...] et [...], Ville A peur l'avoir hérité de sa mère Si... G... et malgré le fait que ledit immeuble est un bien propre non partageable, il transfère ce jour la moitié (1/2) de la valeur de la maison par acte de cession à être reçu par acte notarié dont les frais juridiques de transfert seront à la charge de l'époux; par contre, si des droits de mutation sont applicables, ces derniers seront à la charge de l'épouse. Aucun ajustement n'aura lieu entre les époux, l’époux ne requérant aucun remboursement pour les frais payés d'avances et de plus, l’époux déclare que ledit immeuble n'est grevé présentement d'aucune hypothèque ou charge quelconque.

       La juste valeur marchande de l'immeuble ayant été fixée à $167,500.00, la cession sera faite pour la somme de $83,750.00. Tout impact fiscal, gain en capital ou autre pouvant découler de la transaction seront à la charge de l'époux mais en cas de contestation de la valeur marchande par les autorités fiscales concernées, l'épouse s'engage à apporter sa collaboration pour permettre à l'époux de faire opposition s'il y a lieu. Peu importe la conclusion desdites autorités fiscales, les époux conviennent entre eux que la valeur fixée restera la même.

       i)   Les époux ont convenu de partager les gains admissibles à la Régie des Rentes du Québec et demandent à l'administrateur de ce fonds de procéder au partage.

       j)   Finalement, l'époux a déjà payé avant ce jour à l'épouse qui reconnaît l'avoir reçu dont quittance pour autant, une somme de CENT VINGT-CINQ MILLE DOLLARS ($125,000.00) à titre de règlement supplémentaire et final entre eux.

       Chacun des époux restera seul propriétaires de tous autres biens meubles ou immeubles, intérêts ou parts pouvant être inscrits à leur nom respectif et non mentionnés aux présentes et chacun restera aussi seul propriétaire de toute dette inscrite aussi à leur nom. [Soulignements ajoutés]

[3]     Témoignage de Alexandre Fallet, 17 juin 2019, E.A., vol. 2, p. 422 (p. 185); Témoignage de Sébastien Blain, 18 juin 2019, E.A., vol. 2, p. 476 (p. 119); Gagné c. Deschênes, 2004 CanLII 9511 (QC CS), paragr. 72-75 [Gagné].

[4]     Témoignage de S... T..., le 18 juin 2019, M.A., vol. 2, p. 502 (p. 220-230).

[5]     Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 111-112.

[6]     Bergeron c. Beauchesne, (C.S., 1988-06-30), SOQUIJ AZ-88021394; Côté c. Jalbert (C.S., 1991-10-07), SOQUIJ AZ-91021584; Gagné, supra, note 3, paragr. 54-76.

[7]     L’article 1819 C.c.Q. prévoit :                                   

1819. La donation à cause de mort est nulle, à moins qu’elle ne soit faite par contrat de mariage ou d’union civile ou qu’elle ne puisse valoir comme legs.

1819.  A gift mortis causa is null unless it is made by marriage or civil union contract or unless it may be upheld as a legacy.

 

[8]     Jacques Beaulne et Christine Morin, Droit et successions, 5 éd., 2016, Wilson & Lafleur, Montréal, p. 224, paragr. 646 [Beaulne]; Cohen c. Succession de Cohen, 2018 QCCS 3212, paragr. 27.

[9]     L’article 706 C.c.Q. prévoit :

706.  Personne ne peut, même par contrat de mariage ou d’union civile, si ce n’est dans les limites prévues par l’article 1841, abdiquer sa faculté de tester, de disposer à cause de mort ou de révoquer les dispositions testamentaires qu’il a faites.

706.  No person may, even in a marriage or civil union contract, except within the limits provided in article 1841, renounce his or her right to make a will, to dispose of his or her property in contemplation of death or to revoke the testamentary provisions he or she has made.

 

[10]    Beaulne, supra, note 8.

[11]    Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2393.

[12]    Rosie Dikeakos, « Les enjeux en matière de désignation de bénéficiaires et les successions », dans Développement récents en succession et fiducies (2014), Barreau du Québec - Service de la formation continue, vol. 391, 2014, Yvon Blais, Cowansville, p. 173-174.

[13]    Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit et obligations, 3 éd., 2018, Éditions Thémis, Montréal, en ligne, paragr. 2340 (consulté sur La Référence). L’article 74 de la Loi sur les régimes volontaires d’épargne-retraite, RLRQ, c. R -17.0.1, prévoit :

« La désignation de bénéficiaires et sa révocation sont régies par les articles 2445 à 2459 du Code civil, compte tenu des adaptations nécessaires ».

[14]    Gagné, supra, note 3, paragr. 72.

[15]    Deschênes c. Gagné, 2007 QCCA 123, paragr. 68-72 [Deschênes].

[16]    Deschênes, supra, note 15,  paragr. 75-78 et 81.

[17]    Deschênes, supra, note 15, paragr. 70.

[18]    En l’espèce, le Jugement en divorce entérine le Consentement. Le terme « entériner » semble équivalent à celui « donner acte » et même confirmer a fortiori le caractère définitif du Consentement. Ce jugement semble d’ailleurs confirmer l’application du principe au jugement qui « entérine » plutôt que « donne acte » : Droit de la famille — 20477, 2020 QCCS 1055, paragr. 23. Voir aussi la définition de chacun des termes sur Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, « donner acte » et « entériner ».

[19]    L’article 424 C.c.Q. énonce les cas d’ouverture pour annuler une renonciation au partage du patrimoine familial[19] :

424. La renonciation de l’un des époux, par acte notarié, au partage du patrimoine familial peut être annulée pour cause de lésion ou pour toute autre cause de nullité des contrats.

424. Renunciation by one of the spouses, by notarial act, of partition of the family patrimony may be annulled by reason of lesion or any other cause of nullity of contracts.

 

[20]    Droit de la famille — 1374, 2013 QCCA 69, paragr. 11-12; J.P. c. L.B., 2003 CanLII 16906 (QC CA), paragr. 10-11 [J.P. c. L.B.]. Voir aussi M.F. c. B.B., 2000 CanLII 29004 (QC CA); Droit de la famille — 20477, supra, note 18, paragr. 23; Droit de la famille — 171065, 2017 QCCS 2077; Droit de la famille — 2258 (C.S., 1995-07-14), SOQUIJ AZ-95021699; Ferland et Emery, Précis de procédure civile du Québec, Vol. 2, 6e éd., 2020, paragr. 2-82. Le courant jurisprudentiel semble prendre naissance dans la décision Droit de la famille — 2258 (C.S., 1995-07-14), SOQUIJ AZ-95021699, reprise en note de bas de page par la Cour d’appel dans J.P. c. L.B., 2003 CanLII 16906 (QCCA), paragr. 10-11.

L’article 453 C.c.Q prévoit :

453. Au moment où le tribunal prononce la nullité du mariage ou de l’union civile, la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile, il statue sur les demandes accessoires, notamment celles qui concernent la garde, l’entretien et l’éducation des enfants, ainsi que sur les aliments dus au conjoint ou aux enfants. Il statue, au même moment ou ultérieurement, si les circonstances le justifient, sur les questions relatives au patrimoine familial et aux autres droits patrimoniaux résultant du mariage ou de l’union civile.

453. When granting the annulment of a marriage or a civil union, separation from bed and board, a divorce or the dissolution of a civil union, the court rules on ancillary applications, such as applications relating to the custody, maintenance or education of the children or to child or spousal support. At the same time or at a later date, if warranted by the circumstances, the court rules on issues relating to family patrimony and other patrimonial rights arising from the marriage or civil union.

 

[21]    Droit de la famille — 20477, supra, note 18, paragr. 11.

[22]    Droit de la famille — 07935, 2007 QCCA 580, paragr. 22.

[23]    Luc Chamberland (dir.), Le Grand Collectif - Code de procédure civile : Commentaires et annotations, Volume 2 (Articles 391 à 836), 2020, 5e éd., Yvon Blais, Cowansville, art. 453 (Jocelyn Verdon).

[24]    Les conditions de fonds de la rétractation sont prévues à l’article 345 C.p.c. et les conditions de forme, à l’article 347 C.p.c.

[25]    Masson c. Telus Mobilité, 2020 QCCA 1546, paragr. 10.

[26]    Cité de Pont Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., 1978 CanLII 4 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 516; J.P. c. L.B., supra, note 20, paragr. 15; Droit de la famille — 191208, 2019 QCCS 2704, paragr. 110.

[27]    F. (G.) c. C. (F.), 1996 CanLII 4694 (QC CS), paragr. 45. Voir J. (Y.) c. B. (M.), 2000 CanLII 10021 (QC CA), paragr. 26; Droit de la famille — 201958, 2020 QCCS 4208, paragr. 110.

[28]    Michel Tétrault, Droit de la famille, Volume 1 - Le mariage, l’union civile et les conjoints de fait : Droits, obligations et conséquences de la rupture, Cowansville, Yvon Blais, 2010, p. 228 à 269 (Consulté sur La Référence).

[29]    Paquette c. Laurier, 2011 QCCA 1228, paragr. 26-27.

[30]    Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., 2007 QCCA 915, paragr. 45; El-Hachem c. Décary, 2012 QCCA 2071, paragr. 9.

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