Décision

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Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Foisy

                                                2014 QCCDBQ 106

 

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

Barreau du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

06-14-02870

 

DATE :

30 octobre 2014

 

 

LE CONSEIL :

Me MARIE-JOSÉE CORRIVEAU

Présidente

Me JULIE BOURDUAS  

Membre

Me LOUISE BOUTIN

Membre

 

 

 

ME DANIEL MANDRON, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec                   

Partie plaignante

c.

ME  GERSON Jr. FOISY

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]          Le Conseil de discipline s’est réuni le 10 septembre 2014 pour procéder à l’audition de la plainte déposée par Me Daniel Mandron, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, contre l’intimé Me Gerson Jr. Foisy.

[2]          Le syndic adjoint plaignant est présent devant le Conseil et se représente lui-même.

[3]          L’intimé est également présent et se représente seul.

LA PLAINTE

[4]          Au début de l’audition de cette plainte disciplinaire, le plaignant et l’intimé présentent d’un commun accord une demande d’amendement au chef 2 de la plainte afin de modifier la période de l’infraction et enlever la précision que la somme de 10 000$ avait été remise « à titre d’avances sur honoraires et débours ».

[5]          Le Conseil autorise l’amendement tel que formulé séance tenante.

[6]          La plainte amendée se lit conséquemment comme suit :

« Me Gerson Jr Foisy, alors qu’il était dûment inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats, a commis des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité du Barreau, savoir :

1.    À Granby, au mois d’avril 2013, n’a pas déposé dans son compte en fidéicommis une somme de 10 000$ que lui avait fait remettre son client, monsieur A.D., à titre d’avances sur honoraires et débours pour l’exécution d’un mandat professionnel, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats et de l’article 59.2 du Code des professions;

2.    À Granby, entre le 28 mars 2013 et le 8 septembre 2014, a fait défaut de rendre compte à son client, monsieur A.D., de l’usage d’une somme de 10 000$ que ce dernier lui avait fait remettre (…) pour l’exécution d’un mandat professionnel, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 3.03.03 du Code de déontologie des avocats;

3.    À Granby, a fait défaut de collaborer à une enquête du syndic en ne répondant pas à des demandes d’explications écrites qui lui furent adressées par écrit les 11 février, 25 février, 3 avril, 5 mai et 27 mai 2014 à propos de son client, monsieur A.D., contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 4.03.02 du Code déontologie des avocats; »

[7]          L’intimé enregistre alors un plaidoyer de culpabilité sous le chef 2 tel qu’amendé et sous le chef 3 de la plainte disciplinaire.

[8]          Considérant le plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous les chefs 2 et 3 de la plainte et la production par le syndic adjoint du certificat de membre en règle de l’intimé au Barreau, pièce P-1, le Conseil le déclare coupable, séance tenante, de ces deux infractions.

[9]          À la suite de cette déclaration de culpabilité, les parties se déclarent prêtes à procéder à l’audition sur culpabilité du chef 1 de la plainte disciplinaire.

 

LA PREUVE

 

Admissions

[10]       D’abord, l’intimé admet avoir reçu la somme de 10 000$ de son client Alain Dawson pour l’exécution d’un mandat professionnel.

[11]       Il admet également ne pas avoir déposé cette somme dans son compte en fidéicommis, mais plutôt dans son compte personnel tel qu’en fait foi la lettre du 21 mars 2014 de la Banque CIBC produite par le syndic adjoint comme pièce P-2.

[12]       L’intimé admet que les services professionnels qu’il a rendus à Alain Dawson n’étaient pas couverts par un mandat d’aide juridique, tel que le confirment la lettre du 28 février 2014 du Bureau d’Aide juridique de Sherbrooke et le courriel du 20 mars 2014 du Centre Communautaire Juridique de la Rive-Sud produits en liasse par le syndic adjoint comme pièce P-3.

[13]       Quant au chef 3, le syndic adjoint admet avoir reçu verbalement le 8 septembre 2014 les explications manquantes à la réponse écrite de l’intimé du 2 février 2014.

 

 

 

Preuve du syndic adjoint sur le chef 1

[14]       L’exclusion des témoins est demandée par l’intimé.

 

  • Témoignage de l’intimé

[15]       Interrogé par le syndic adjoint, l’intimé explique qu’il représente d’abord Alain Dawson de mai 2010 à novembre 2010, soit jusqu’à sa radiation le 23 novembre 2010.

[16]       Réinscrit en septembre 2011, il dit avoir repris le mandat de représenter Alain Dawson à partir de mai 2012 jusqu’aux dernières représentations en octobre 2013.

[17]       Me Jocelyn Grenon a représenté André Dawson dans l’intervalle.

[18]       Selon le plumitif de la Chambre criminelle de la Cour du Québec déposé comme pièce P-4, le dossier d’Alain Dawson est ouvert le 4 février 2010 et se termine avec la sentence le 23 octobre 2013.

[19]       Le dossier est introduit par un mandat d’arrestation exécuté le 17 mars 2010.

[20]       Suite à la lecture du plumitif, l’intimé confirme qu’il comparait pour la première fois pour Alain Dawson le 19 avril 2010, alors que celui-ci fait l’objet d’accusations criminelles.

[21]       Il affirme avoir reçu un seul montant d’argent de M. Dawson, soit la traite bancaire de 10 000$ (Pièce P-2) peu de temps après le verdict de culpabilité prononcé le 13 mars 2013.

[22]       Il mentionne que M. Dawson tardait depuis longtemps à le payer.

[23]       Lorsqu’il a repris le mandat en 2012, il dit avoir convenu avec M. Dawson d’un montant forfaitaire pour ses honoraires.

[24]       M. Dawson lui aurait dit que c’était difficile pour lui de le payer car il avait de la difficulté à rejoindre les deux bouts.

[25]       L’intimé dit que suite au verdict de culpabilité, M. Dawson voulait avoir son avis quant à la possibilité d’en appeler du jugement.

[26]       L’intimé explique qu’il aurait alors convaincu son client de le payer avant l’audition sur la sentence pour le travail effectué s’il voulait avoir son avis.

[27]       L’intimé mentionne que son client savait qu’une peine d’emprisonnement l’attendait vu ses antécédents judiciaires.

[28]       Il ajoute que cela a pu mettre de la pression pour que son client acquitte finalement ses honoraires.

[29]       L’intimé affirme que si une personne trouvée coupable continue de nier ses crimes lors de son évaluation présentencielle, le rapport déposé à la Cour lui sera alors défavorable.

[30]       Cette personne risque ainsi d’être condamnée à une peine plus sévère.

[31]       L’intimé explique alors l’importance de décider de porter ou non le jugement de culpabilité en appel avant de décider de la position à adopter lors de l’évaluation présentencielle.

[32]       L’intimé mentionne par ailleurs n’avoir jamais accepté de travailler pro bono dans cette affaire.

[33]       Il répète avoir demandé à plusieurs reprises à M. Dawson d’être payé.

[34]       Il en aurait également parlé à Madame Isabelle Beauregard, la conjointe de M. Dawson, quelques semaines ou mois avant le procès.

[35]       L’intimé affirme que M. Dawson lui donnait toujours une raison pour ne pas le payer, mais lui disait de ne pas s’inquiéter et qu’il serait payé un jour.

[36]       L’intimé indique qu’André Dawson lui remet la traite bancaire près de son bureau le 1er avril 2013 et qu’il a déposé cette somme immédiatement après à la succursale de la CIBC située à quelques pas.

[37]       Il reste alors à plaider la sentence.

[38]       L’intimé ne lui remet pas de facture indiquant le détail des services professionnels couverts par ce montant de 10 000$.

[39]       L’intimé mentionne qu’il avait une entente verbale avec son client quant à cette somme forfaitaire de 10 000$ lorsqu’il a repris le mandat en mai 2012.

[40]       L’intimé dit que c’est chose courante chez les criminalistes de ne pas avoir de convention écrite.

[41]       L’intimé dit avoir discuté du délai d’appel de 30 jours avec son client une fois en personne le 1er avril 2013 et quelques fois au téléphone avant l’expiration du délai.

[42]       Il dit lui avoir mentionné que si M. Dawson lui donnait le mandat d’aller en appel, il devrait lui dire à l’avance pour qu’il puisse avoir le temps de faire le travail.

[43]       Il n’a pas transmis de correspondance à ce sujet à André Dawson.

[44]       L’intimé quitte le Québec pour Calgary rejoindre sa conjointe vers le 7 novembre 2013 et revient le 24 décembre 2013.

 

  • Témoignage d’Isabelle Beauregard

[45]       Isabelle Beauregard est la conjointe d’André Dawson depuis 15 ans.

[46]       Elle est infirmière à temps partiel à l’époque des événements et gagne entre 500$ et 600$ aux deux (2) semaines.

[47]       Son conjoint travaille alors à temps plein à une usine de bois de Cowansville.

[48]       Elle a déjà rencontré l’intimé à quelques reprises à la Cour dans le cadre du dossier d’André Dawson et lui a parlé au téléphone également à quelques reprises.

[49]       Pour le paiement de ses honoraires, l’intimé téléphonait à André Dawson pour lui demander d’apporter 500$ ou 1 000$ lors de la prochaine vacation à la Cour.

[50]       Elle dit avoir été présente lors de ces téléphones.

[51]       Elle mentionne aussi avoir été présente deux ou trois fois lors de certains paiements effectués à la Cour.

[52]       Elle affirme qu’à sa connaissance personnelle, André Dawson a payé à l’intimé environ 6 500$ à 7 000$ en argent comptant pour ses honoraires avant le verdict.

[53]       L’intimé n’a jamais émis de reçu attestant les différents paiements et elle n’en a jamais demandé au motif qu’elle avait alors confiance en l’intimé.

[54]       Elle dit se souvenir que les paiements remis à la Cour par André Dawson étaient habituellement de l’ordre de 500$.

[55]       Elle se souvient entre autres d’un paiement de 500$ fait dans une petite salle adjacente à la salle de Cour en 2010.

[56]       Elle ajoute que lorsqu’on vit à deux on sait très bien quand on va faire une dépense de 500$.

[57]       Elle se souvient particulièrement d’un paiement de 1 500$ effectué avant le procès à une station-service de Bromont.

[58]       Elle est présente lors de ce paiement et voit André Dawson remettre une enveloppe contenant l’argent à l’intimé.

[59]       L’intimé leur avait donné rendez-vous à cet endroit par commodité, soit à mi-chemin entre Granby et Lac Brome, là où elle demeure.

[60]       Elle explique que son conjoint travaillait sept (7) jours par semaine pour être en mesure de payer l’intimé.

[61]       Il cumule alors deux emplois et gagne en tout environ 700$ par semaine.

[62]       Elle apprend plus tard que son conjoint a emprunté 1 500$ à sa mère pour payer l’intimé.

[63]       Elle n’est toutefois pas en mesure de démontrer par relevés bancaires ou autrement les retraits effectués pour payer l’intimé.

[64]       Elle explique que son conjoint retirait toute sa paye durant cette période pour acquitter différentes dépenses ou factures dont les frais d’avocat.

[65]       Elle dit savoir qu’André Dawson a payé 1 500$ à Me Grenon pour son enquête préliminaire et qu’il a eu un reçu qu’elle n’a pas retrouvé.

[66]       Me Grenon s’est retiré du dossier avant le procès car il exigeait une avance de 1 500$ qu’ils étaient incapables de payer immédiatement à ce moment-là.

[67]       André Dawson contacte donc l’intimé pour qu’il assume la suite  de sa défense.

[68]       Elle ignore si l’intimé et son conjoint conviennent alors d’un montant d’honoraires puisqu’André Dawson ne lui en parle pas.

[69]       Madame Beauregard admet avoir de la difficulté à se souvenir des dates.

[70]       Elle se souvient cependant avoir accompagné André Dawson au Palais de justice lors du procès et du verdict de culpabilité.

[71]       Elle se souvient aussi qu’elle était présente lors de la sentence.

[72]       Le jour du verdict, elle affirme que l’intimé leur a dit qu’ils pourraient faire appel et avaient de fortes chances de gagner car l’enquête préliminaire avait été bâclée.

[73]       Elle mentionne que l’intimé leur demande 10 000$ pour porter l’affaire en appel et que cette somme doit lui être versée dans les deux à trois prochaines semaines.

[74]       Selon sa compréhension, André Dawson sera en liberté pendant environ un an durant les procédures d’appel et pourra donc l’aider à rembourser le 10 000$.

[75]       Elle dit avoir téléphoné à l’intimé pour s’assurer que les chances de gagner en appel étaient bonnes.

[76]       Confortée par l’opinion favorable de l’intimé et après quelques démarches infructueuses pour trouver des fonds, elle obtient une marge de crédit de 10 000$ le 28 mars 2013 pour payer l’intimé.

[77]       Elle affirme qu’elle aurait fait n’importe quoi pour éviter que son conjoint aille en prison.

[78]       Elle n’est pas présente quand André Dawson remet la traite bancaire de 10 000$ à l’intimé à Granby, mais son conjoint le lui confirme.

[79]       Elle se rappelle qu’ils avaient de deux à trois semaines pour déposer la demande d’appel.

[80]       Elle n’a plus de nouvelles, une fois la traite de 10 000$ remise à l’intimé.

[81]       Elle ne souvient pas s’il a été question d’un rapport présentenciel et d’une évaluation sexologique suite au verdict.

[82]       Vers la fin août ou début septembre 2013, son conjoint se rend à la Cour et, à son retour à la maison, il lui dit que l’appel est refusé.

[83]       Elle téléphone alors à l’intimé.

[84]       L’intimé lui confirme que l’appel est refusé parce que son conjoint n’était pas crédible lors de son témoignage en se trompant sur des dates où il était en prison.

[85]       Madame Beauregard lui demande si elle a droit d’être remboursée en tout ou en partie du paiement de 10 000$.

[86]       L’intimé lui a répondu que le prix était le même que l’appel soit refusé ou non.

[87]       À la Cour, elle se souvient que l’intimé lui a dit de dire à son conjoint d’avouer avoir fait les crimes pour lesquels il était accusé, même s’il était innocent, afin de l’aider à avoir une moindre peine.

[88]       Elle est présente lors du prononcé de la sentence le 23 octobre 2013.

[89]       Se retrouvant seule avec les dettes, elle téléphone à l’intimé quelques jours plus tard pour qu’il lui obtienne une procuration de son conjoint afin d’avoir accès à ses comptes bancaires.

[90]       Son conjoint ne reçoit pas de document de la part de l’intimé.

[91]       Elle rappelle l’intimé et lui dit que son conjoint n’a rien reçu.

[92]       L’intimé lui répond qu’il a transmis les documents par fax et par la poste.

[93]       Malgré cela, son conjoint ne reçoit toujours rien.

[94]       C’est ainsi qu’elle commence à avoir des doutes sur l’intimé.

[95]       Elle téléphone alors à la Cour d’appel, mais on lui suggère de communiquer avec la Cour supérieure car on ne trouve pas de dossier au nom d’André Dawson.

[96]       À la Cour supérieure, on lui suggère de communiquer avec son avocat pour avoir le numéro de dossier d’appel.

[97]       Elle tente en vain de rejoindre l’intimé.

[98]       Comme l’intimé ne répond pas à ses appels, elle demande à sa belle-fille, Brandy-Lee Dawson, de lui téléphoner pour avoir le numéro du dossier en appel.

[99]       Suite à cette démarche, elle apprend du greffe du Palais de justice de Granby qu’aucun appel n’avait été logé.

[100]    Elle affirme s’être fait voler son 10 000$ qu’elle a emprunté pour l’appel.

[101]    Elle mentionne avoir consulté un autre avocat pour voir s’il y avait quelque chose à faire.

[102]    Même si celui-ci constate quelques failles, elle n’a plus de ressources financières pour continuer.

[103]    Elle affirme avoir travaillé fort pour se monter un dossier même si elle n’est pas avocat.

[104]    Contre-interrogée par l’intimé, elle a de la difficulté avec les dates et les différentes étapes du dossier où elle s’est présentée à la Cour.

[105]    Elle dit qu’elle est nerveuse.

[106]    Elle n’était pas présente lors de l’enquête préliminaire.

[107]    Elle reconnaît avoir témoigné comme dernier ou avant dernier témoin au procès lors duquel les témoins étaient exclus.

[108]    Elle affirme cependant être allée au moins une fois au Palais de Justice de Granby en 2010 et que dans la mesure du possible et de son horaire de travail, elle accompagnait son conjoint à la Cour pour le soutenir.

[109]    Elle se souvient avoir été témoin d’un paiement d’honoraires à la Cour en 2010.

[110]    Elle et André Dawson ont acheté une maison en 2010.

[111]    Selon elle, ils vivent ensemble depuis environ dix ans, soit depuis qu’André Dawson est sorti de thérapie.

[112]    Elle confirme à nouveau que Me Grenon remplace l’intimé pour l’enquête préliminaire durant sa radiation et ses honoraires se sont élevés à 1 500$.

[113]    Elle explique que Me Grenon a cessé d’occuper car il exigeait un versement d’un autre 1 500$ dans les deux jours pour continuer le dossier, versement qu’ils étaient incapables de faire dans un si court délai.

[114]    Elle comprend que ce montant additionnel de 1 500$ n’était pas pour tout le dossier et que d’autres sommes allaient s’ajouter en cours de route.

[115]    Elle dit trouver normal de confier alors la suite des procédures à l’intimé parce qu’il connaissait déjà le dossier.

[116]    L’intimé fait reconnaître à Madame Beauregard qu’il ne lui a jamais fait directement de demande de paiement en cours de dossier.

[117]    Elle dit se souvenir qu’ils lui ont versé 2 500$ en honoraires avant sa radiation, mais qu’elle a été témoin d’un paiement de 500$ ou peut-être deux, mais n’est pas certaine.

[118]    Elle affirme avoir été témoin de quelques paiements en 2012 dont la somme de 1 500$ remise à la station-service de Bromont.

[119]    Elle est très précise sur l’endroit et la façon dont André Dawson a remis l’enveloppe d’argent à l’intimé et s’adressant à l’intimé elle ajoute : « vous le savez de toute manière ».

[120]    Elle admet ne pas se rappeler quelle était la sorte de véhicule de l’intimé, mais croit se souvenir qu’il était de couleur foncée.

[121]    Elle admet aussi ne pas avoir compté les billets dans l’enveloppe.

[122]    L’intimé lui suggère que le procès s’est déroulé les 23 et 24 octobre 2012 et que les représentations sur le verdict ont été reportées en décembre 2012.

[123]    Elle se souvient avoir été présente au procès et aux représentations sur sentence en décembre 2012.

[124]    Alors que l’intimé lui demande comment se fait-il qu’ils n’avaient pas 1 500$ à donner à Me Grenon, mais qu’ils l’avaient pour lui, elle répond que l’intimé ne l’a pas exigé au même moment et dans le même court délai.

[125]    L’intimé tente ensuite de la confondre avec des insatisfactions qu’elle aurait eues à l’égard de son travail.

[126]    Elle reconnaît qu’André Dawson était déçu du verdict de culpabilité.

[127]    Elle ne se souvient pas de la question du processus présentenciel et de l’évaluation sexologique qui devaient être décidées avant le 15 avril 2013 suite au verdict rendu le 13 mars 2013.

[128]    Elle explique que cette période a été très difficile dans sa vie et qu’elle peut avoir oublié des choses.

[129]    Elle dit que lorsqu’elle apprend que l’appel est rejeté, elle tente de rester les pieds sur terre, mais avoue s’être posée des questions et trouvait ça cher 10 000$ juste pour la demande d’appel.

[130]    Elle ajoute en s’adressant à l’intimé:

« Vous seriez surpris de savoir ce qu’on peut faire pour empêcher son conjoint d’entrer en prison, quand on se fait dire par un avocat que oui c’est la solution à faire et qu’il n’entrera pas en prison. Vous seriez surpris. Je pense même que vous avez profité de ça. »

[131]    Elle répète que c’est lors du verdict que l’intimé leur a dit qu’ils avaient de très bonnes chances en appel car «  l’enquête préliminaire avait été bâclée ».

[132]    Lorsqu’elle a su en septembre que l’appel aurait été refusé, elle voulait récupérer une partie de son 10 000$.

 

  • Témoignage de Brandy-Lee Dawson

[133]    Brandy-Lee Dawson est la fille d’André Dawson.

[134]    Elle confirme avoir téléphoné à l’intimé en novembre 2013 à la demande d’Isabelle Beauregard pour obtenir le numéro du dossier d’appel de son père parce que l’intimé ne répondait pas aux appels de celle-ci.

[135]    L’intimé lui répond qu’il ne peut le lui donner car il est à Calgary et qu’il la rappellera au courant de la semaine.

[136]    Elle affirme que l’intimé ne l’a jamais rappelée.

[137]    Interrogée par l’intimé, elle indique avoir été présente à la Cour lors de la sentence.

[138]    Elle affirme qu’il n’est pas question d’un appel de la sentence  ou du verdict lors de cette communication téléphonique, mais qu’il est seulement question d’obtenir le numéro de Cour en appel.

[139]    À la question de l’intimé s’ils ont parlé d’aller en appel de la sentence lors de cette communication téléphonique, elle répond clairement que non et répète qu’il n’est question que du numéro de dossier d’appel.

 

  • Témoignage d’Élaine Pinel

[140]    Élaine Pinel est la mère d’Isabelle Beauregard et donc la belle-mère d’André Dawson.

[141]    À l’automne 2012, elle prête 1 500$ à André Dawson en deux (2) ou trois (3) paiements pour payer son avocat.

[142]    Elle avait convenu avec André Dawson de ne pas en informer Isabelle Beauregard pour ne pas qu’elle se sente mal et veuille lui rembourser tout de suite.

[143]    Ce prêt s’est effectué en argent comptant.

[144]    André Dawson lui a remboursé 700$ à date.

[145]    Madame Pinel est hésitante quant au nom de l’avocat d’André Dawson.

 

Preuve en défense sur le chef 1

 

  • Témoignage de l’intimé

[146]    L’intimé témoigne à nouveau en défense.

[147]    Il affirme qu’en aucun temps André Dawson lui a fait part d’insatisfaction concernant son travail, que ce soit avant le procès, au procès, lors des représentations sur sentence et même après sentence.

[148]    Il nie avoir reçu quelque autre somme que la traite de 10 000$.

[149]    Il admet avoir reçu un appel de Brandy-Lee Dawson alors qu’il était à Calgary en novembre 2013 et qu’il a alors été question d’appel et de numéro de dossier.

[150]    Dans son esprit, il explique qu’il ne pouvait s’agir de l’appel du verdict mais bien de la sentence.

[151]    Il admet lui avoir répondu qu’il était à Calgary et qu’il n’avait pas le numéro de dossier.

[152]    Il ajoute lui avoir dit qu’elle attende la fin de la semaine ou la semaine suivante pour qu’il trouve le numéro de dossier ou d’aller directement au greffe pour avoir le numéro tout de suite.

[153]    Il mentionne que c’est cette démarche au greffe qui semble s’être faite suite à ça.

[154]    Il revient sur son plaidoyer de culpabilité sur le chef 2 pour ne pas avoir fourni le détail de la somme de 10 000$ à André Dawson et précise que celui-ci ne lui a pas demandé.

[155]    Il revient également sur son plaidoyer de culpabilité sur le chef 3 pour ne pas avoir répondu à Me Mandron.

[156]    Il répète que lorsqu’il a repris le dossier, en mai 2012, il a convenu avec André Dawson d’une somme forfaitaire de 10 000$ couvrant ses services jusqu’au verdict.

[157]    Il reconnait qu’il croyait qu’il s’agissait d’un mandat d’aide juridique jusqu’à ce que le syndic adjoint l’informe en février 2014 que la demande d’aide juridique avait été refusée.

[158]    Il précise ensuite qu’à la reprise du dossier en mai 2012, avoir dit à André Dawson qu’il ne le représenterait pas par mandat d’aide juridique et qu’un montant forfaitaire de 10 000$ serait exigé pour le travail à venir jusqu’au verdict, n’incluant pas le travail passé.

[159]    Selon lui, il avait droit de se faire payer parce qu’il s’agissait d’une nouvelle relation professionnelle avec son client lorsqu’il a repris le dossier après sa radiation et  pouvait donc mettre fin au mandat d’aide juridique qu’il croyait avoir à l’époque.

[160]    L’intimé dit ne pas avoir facturé pour la partie du dossier qu’il a exécutée avant sa radiation.

[161]    À son avis, André Dawson était innocent.

[162]    Toutefois, il est d’avis que le jugement n’était pas appelable car le juge attaque la crédibilité d’André Dawson à cause de certaines contradictions dans son témoignage et ce, même si à la sortie de la Cour le jour du verdict, il a annoncé aux journalistes qu’il étudierait la possibilité d’aller en appel, tel que rapporté dans La Voix de l’Est, pièce    D-1.

[163]    L’intimé tente ensuite d’expliquer comment il fonctionne lorsqu’il prend un mandat d’aide juridique.

[164]    Il dit alors facturer à la fin du mandat seulement et ne prendre en règle générale que des dossiers nécessitant une seule journée de procès.

[165]    Il ignore combien il aurait eu s’il avait fait le dossier d’André Dawson en vertu d’un mandat d’aide juridique.

[166]    Il dit ne jamais transmettre des factures intérimaires à ses clients ni demander d’avances, sauf pour les dossiers civils.

[167]    Suite au verdict, il dit ne pas avoir convenu d’un montant d’honoraires pour les représentations sur sentence.

[168]    Il mentionne aussi ne pas avoir réclamé d’honoraires pour le travail exécuté après le verdict quand il a su qu’une plainte avait été déposée contre lui auprès du syndic.

[169]    Il justifie le 10 000$ demandé en expliquant le travail à faire pour la préparation de deux jours de procès à un taux horaire de 200$.

[170]    Il répète avoir fait plusieurs demandes de paiement à André Dawson entre mai 2012 et mars 2013, dont notamment avant le procès qui s’est déroulé en octobre 2012 ainsi qu’avant l’argumentation qui a eu lieu en décembre 2012.

[171]    Il explique avoir fait des demandes de paiement à chaque fois qu’il se présentait à la Cour.

[172]    Il indique cependant ne pas avoir demandé d’avances sur le 10 000$ en mai 2012 ni avoir convenu du montant de versements.

[173]    Il ajoute par ailleurs que règle générale il n’exige jamais d’être payé avant le procès dans les dossiers criminels et ne veut pas d’avances car il préfère ne pas avoir d’argent dans son compte en fidéicommis.

[174]    Sa pratique est presqu’exclusivement en droit criminel.

[175]    Il ne craint pas les mauvaises créances et affirme qu’il est habituellement toujours payé.

[176]    Il nie fermement avoir eu une communication téléphonique avec Isabelle Beauregard au sujet de l’appel et du remboursement d’une portion du 10 000$.

[177]    Il répète ne pas avoir recommandé d’aller en appel du verdict vu les faibles chances de succès.

[178]    Il dit avoir recommandé à André Dawson d’admettre sa culpabilité aux fins de la sentence pour avoir une peine moins sévère puisqu’il n’allait pas en appel.

[179]    Cependant, l’intimé admet qu’André Dawson n’a pas reconnu les faits dans le rapport présentenciel.

[180]    André Dawson a été condamné à deux ans de détention, sentence clémente selon l’intimé vu ses antécédents judiciaires.

[181]    Pour justifier le fait qu’il n’a pas rappelé Brandy-Lee Dawson, il répond au Conseil, qui l’interroge à ce sujet, qu’elle lui aurait confirmé qu’elle irait au greffe pour le numéro de dossier.

[182]    Interrogé sur les délais d’appel de la sentence, il répond d’abord ne pas s’en être  préoccupé car la sentence était clémente.

[183]    Il ne fait pas de suivi auprès d’André Dawson ou sa fille quant à l’appel sur sentence et ajoute que de toute façon son avis aurait été le même que pour le verdict, soit pas de chance de succès en appel.

[184]    Il ajoute ensuite avoir indiqué à Brandy-Lee lors de sa communication téléphonique que s’ils voulaient en appeler, il « va falloir bouger vite ».

 

  • Témoignage d’Isabelle Beauregard

[185]    Isabelle Beauregard revient témoigner pour confirmer qu’elle est présente quand l’intimé demande 10 000$ à André Dawson pour les procédures d’appel, mais n’ajoute rien de nouveau à ce qu’elle a déjà dit.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

[186]    En argumentation, le syndic adjoint reconnait l’importance du fardeau de preuve qui lui incombe.

[187]    Il souligne à juste titre que la preuve est contradictoire.

[188]    Il soutient que le témoignage d’Isabelle Beauregard est digne de foi et qu’elle n’a pas tenté de dire autre chose que ce qui était à sa connaissance personnelle.

[189]    Il affirme que sa version est cohérente et convaincante, sinon pourquoi avoir emprunté 10 000$ s’il n’y avait plus d’espoir que son conjoint retrouve sa liberté et pourquoi se serait-elle acharnée à connaître le sort de l’appel?

[190]    Il plaide que la version de l’intimé est invraisemblable.

[191]    Il rappelle que c’est lui qui a informé l’intimé que le mandat d’aide juridique avait été refusé.

[192]    Il est clair pour lui que le dossier n’est pas terminé quand l’intimé reçoit la traite de 10 000$.

[193]    C’est donc dire que ce 10 000$ déposé dans le compte personnel de l’intimé couvre en tout ou en partie du travail à venir et constitue donc une avance sur honoraires qui devait être déposée dans son compte en fidéicommis conformément à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats.

[194]    Il cite deux décisions soit l’affaire Guimont c. Anglehart, 2002 CanLII 6170 (QC CDBQ) et Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Archambault, 2012 QCCDBQ 38 (CanLII).

[195]    En argumentation, l’intimé réfère à l’arrêt R. c. W.(D.) [1991] 1 R.C.S. 742 sur l’appréciation des témoignages contradictoires en matière criminelle.

[196]    Il souligne qu’André Dawson n’a pas témoigné devant le Conseil.

[197]    Il plaide que l’entente forfaitaire convenue en mai 2012 n’a pas été contredite.

[198]    Il ajoute qu’Isabelle Beauregard veut récupérer son 10 000$.

[199]    Il ne va pas jusqu’à prétendre qu’elle ment pour récupérer son argent mais dit que la preuve démontre que son conjoint ne lui dit pas tout.

[200]    Il plaide l’absence de preuve quant à des paiements en argent comptant de l’ordre de 6 à 7 000$ que Madame Beauregard dit qu’il a reçus.

[201]    Il prétend que le fait que Madame Beauregard ne fait aucune démarche avant le mois de novembre 2013 au sujet de l’appel alors que, selon sa version, elle sait depuis août ou septembre que l’appel est rejeté, cela affecte sa crédibilité.

[202]    Il veut démontrer l’incohérence de sa version en soulignant qu’en toute prudence, elle aurait dû lui demander des reçus attestant les différents paiements alors qu’elle sait qu’il a été radié et a obtenu un tel reçu de Me Grenon.

[203]    Il cerne la principale question en litige, soit de savoir si la traite de 10 000$ était une avance sur honoraires ou pour payer du travail déjà exécuté.

[204]    Il accorde beaucoup d’importance sur des insatisfactions de Madame Beauregard à l’égard de son travail tirant ainsi la conclusion que si elle était insatisfaite, il n’était pas logique qu’elle lui donne 10 000$ pour aller en appel.

[205]    Il prétend qu’André Dawson avait intérêt à lui verser le 10 000$ après le verdict de culpabilité car il voulait son avis sur ses chances d’en appeler.

[206]    Il plaide que s’il avait reçu le mandat de porter la cause en appel, il aurait refusé de procéder au rapport présentenciel le 15 avril.

[207]    Il termine en affirmant que l’ensemble de la preuve ne coïncide pas avec la version de Madame Beauregard.

 

ANALYSE

[208]    En premier lieu, il est approprié de rappeler le fardeau de preuve applicable en matière disciplinaire.

[209]    La jurisprudence est constante pour affirmer que le fardeau de preuve repose sur le plaignant qui doit convaincre le Conseil de la culpabilité de l’intimé selon la prépondérance de preuve.

[210]    La preuve requise pour mener à la culpabilité d’un professionnel doit être claire, convaincante et de haute qualité.

[211]    Le Conseil fait siens les propos du Tribunal des professions dans l’affaire Léveillé c. Lisanu, Q.C.T.P. 1719 qui se lisent comme suit :

« 32 Le fardeau de preuve qui incombe à l’appelant n’en est pas un "hors de tout doute raisonnable" mais bien de "prépondérance". Il faut préciser à l’égard de cette preuve que, compte tenu de la nature du droit, de la gravité de l’infraction et des conséquences que peut avoir la condamnation non seulement sur la carrière  de l’intimé mais sur la crédibilité de tout professionnel auprès du public, celle-ci doit être de haute qualité, claire et convaincante. Il s’agit d’un autre principe déjà établi par la jurisprudence. »

[212]    Et faisant référence à l’affaire Osman c. Médecin (1994) D.D.C.P. 257, le Tribunal ajoute dans son jugement:

« Il n’y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts par ses témoins  comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. » p. 263

[213]    C’est donc à la lumière de cet enseignement que le Conseil examinera la crédibilité, la fiabilité et la force probante des témoignages pour déterminer si le syndic adjoint s’est déchargé du fardeau qui lui incombe.

[214]    Essentiellement, il s’agit de déterminer qui dit la vérité entre Isabelle Beauregard et l’intimé et si des éléments extérieurs corroborent le témoignage de l’un ou de l’autre.

[215]    Un examen très attentif de la preuve a permis au Conseil d’accorder foi à la version d’Isabelle Beauregard et d’écarter celle de l’intimé pour plusieurs raisons.

[216]    D’abord, il est utile de revoir l’historique du dossier d’André Dawson à l’aide du plumitif P-4.

[217]    Ce dossier a débuté par un mandat d’arrestation émis le 4 février 2010.

[218]    Le 19 avril 2010, l’intimé se présente pour la première fois à la Cour pour André Dawson.

[219]    Il effectue cinq (5) vacations à la Cour pour André Dawson entre le 19 avril 2010 et le 27 septembre 2010 avant d’être radié par le Conseil de discipline pour la période du 23 novembre 2010 au 20 septembre 2011.

[220]    Vu la radiation de l’intimé, André Dawson retient les services d’un autre avocat pour le représenter, Me Jocelyn Grenon.

[221]    Me Grenon a chargé 1 500$ pour ses services incluant l’enquête préliminaire lequel montant est acquitté par André Dawson.

[222]    Me Grenon se retire du dossier le 23 mars 2012 au motif qu’André Dawson est incapable de lui donner une avance de 1 500$ pour la suite du dossier dans le délai de 48 heures qu’il lui avait accordé pour s’exécuter.    

[223]    L’intimé reprend alors du service pour André Dawson à compter du mois de mai 2012.

[224]    Du 8 mai 2012 au 13 mars 2013, l’intimé effectuera cinq (5) vacations pour André Dawson, dont deux jours de procès les 23 et 24 octobre 2012, des représentations sur verdict le 10 décembre 2012 et le prononcé du jugement le 13 mars 2013.

[225]    Le 15 avril 2013, l’intimé retourne à la Cour pour l’ordonnance du rapport présentenciel et l’évaluation sexologique.

[226]    L’intimé se présente à nouveau à la Cour le 2 août 2013 et procède aux représentations sur sentence le 19 septembre 2013.

[227]    André Dawson est présent à chaque fois.

[228]    L’intimé retourne à la Cour une dernière fois le 23 octobre 2013 pour la sentence où André Dawson est condamné à 2 ans d’emprisonnement.

[229]    L’intimé se sera ainsi déplacé quatre (4) fois à la Cour pour André Dawson après le verdict.

[230]    Cela dit, il est admis que lorsque l’intimé accepte de représenter André Dawson en avril 2010, il croit que ses services professionnels sont couverts par un mandat d’aide juridique.

[231]    Il est également admis que l’intimé croyait à l’existence d’un mandat d’aide juridique jusqu’à ce que le syndic adjoint l’informe en février 2014 que le mandat d’aide juridique avait été refusé.

[232]    Il est aussi admis qu’André Dawson a remis à l’intimé une traite bancaire de 10 000$ le ou vers le 1er avril 2013, soit environ deux semaines après avoir été reconnu coupable des actes criminels qui lui étaient reprochés.

[233]    Il est admis que l’intimé a déposé ce 10 000$ dans son compte personnel et non dans son compte en fidéicommis.

[234]    Il est aussi admis que l’intimé n’a jamais émis de facture à André Dawson pour les services professionnels qu’il lui a rendus.

[235]    Voyons maintenant la thèse avancée par l’intimé pour se disculper de ne pas avoir déposé la traite bancaire de 10 000$ dans son compte en fidéicommis.

[236]    L’intimé prétend que ce 10 000$ couvre ses services passés, soit de mai 2012, alors qu’il revient au dossier, jusqu’au jour du verdict, le 13 mars 2013.

[237]    Il dit avoir eu cette entente forfaitaire avec André Dawson en mai 2012.

[238]    Il ajoutera plus tard dans son témoignage avoir alors dit à André Dawson qu’il ne prendrait pas la suite de son dossier en vertu d’un mandat d’aide juridique.

[239]    Étonnamment, il dit ne pas avoir voulu réclamer le paiement d’honoraires pour les cinq (5) vacations effectuées en 2010 avant sa radiation.

[240]    Mais pourquoi ne pas avoir facturé l’Aide juridique pour le travail effectué en 2010 alors qu’il croyait alors avoir un tel mandat?

[241]    L’intimé explique que lorsqu’il prend des mandats d’aide juridique, il ne facture qu’à la fin du dossier.

[242]    Cette réponse n’est pas cohérente puisque: 1. il a cessé de représenter André Dawson le 20 novembre 2010 suite à sa radiation; 2. il n’est pas en preuve qu’il avait convenu de reprendre le dossier à la fin de sa radiation; 3. il a agi de nouveau pour André Dawson seulement un an et demi plus tard suite au retrait de Me Grenon.

[243]    Par conséquent, ce dossier était en principe terminé pour lui depuis le 20 novembre 2010.

[244]    Il aurait donc été conséquent qu’il facture l’Aide juridique pour les services qu’il avait rendus.

[245]    L’absence de facturation à l’Aide juridique supporte la version d’Isabelle Beauregard à l’effet qu’André Dawson aurait payé l’intimé pour le travail accompli durant cette période.

[246]    L’intimé insiste pour dire que l’entente de 10 000$ ne couvrait pas ses services après le verdict.

[247]    Il ne prévoit pas toutefois quels seraient ses honoraires en cas de verdict de culpabilité.

[248]    Il raconte prendre toujours pour acquis au début du dossier que ses clients seront acquittés.

[249]    Soit, mais une fois qu’André Dawson est reconnu coupable, convient-il avec lui des honoraires pour la suite du dossier?

[250]    L’intimé répond qu’il n’a rien convenu.

[251]    Plus encore, l’intimé reconnait qu’il ne lui a jamais réclamé d’honoraires pour ses services professionnels suite au verdict, incluant quatre (4) vacations à la Cour dont celle portant sur les représentations sur sentence et celle du jour de la sentence le 23 octobre 2013.

[252]    Mais pourquoi ne lui avoir rien chargé pour ses services professionnels entre le verdict du 13 mars 2013 et la sentence prononcée le 23 octobre 2013?

[253]    L’intimé offre pour réponse qu’il jugeait inapproprié de réclamer des honoraires alors que Madame Beauregard avait déposé une plainte contre lui auprès du syndic du Barreau.

[254]    Pourtant, il se passe quelques mois avant que le syndic adjoint l’informe de la demande d’enquête concernant le dossier d’André Dawson.

[255]    En fait, plus l’audition progresse, plus le Conseil constate que l’intimé ajuste son témoignage au fil des questions qui lui sont posées par le syndic adjoint et par les membres du Conseil.

[256]    Cela est d’autant plus frappant quand il est question de la communication téléphonique de Brandy-Lee Dawson en novembre 2013 alors qu’il est à Calgary.

[257]    Il commence par dire que « dans son esprit » quand Brandy-Lee Dawson lui demande le numéro d’appel du dossier de son père, il croit alors qu’elle parle de l’appel de la sentence.

[258]    Il ajoute qu’il lui a dit qu’il ne l’avait pas et qu’il la rappellerait à la fin de la semaine ou la semaine prochaine, mais que si elle préfère elle peut l’obtenir au greffe de la Cour.

[259]    Comment peut-il répondre de la sorte alors qu’il sait pertinemment qu’aucun appel n’a été logé?

[260]    Il termine cette partie de témoignage en disant que Brandy-Lee Dawson semble avoir choisi de s’adresser au greffe alors que cette dernière ne mentionne pas cette option dans son témoignage.

[261]    En aucun temps, il lui a demandé de quoi elle parlait exactement.

[262]    Interrogé plus avant sur les délais d’appel, il répond ne pas en avoir été préoccupé car la sentence était clémente dans les circonstances et donc pas appelable, à son avis.

[263]    Plus tard, il tente de bonifier ses explications en affirmant avoir dit à Brandy-Lee Dawson que si elle voulait en appeler de la sentence, elle devait agir vite.

[264]    À la question de savoir pourquoi il ne l’avait pas rappelée, il répond maintenant qu’elle lui aurait dit qu’elle irait au greffe alors que plus tôt dans son témoignage, il semblait le présumer.

[265]    Par ailleurs, l’intimé dit qu’il ne demande pas à ses clients de le payer avant le procès et qu’il ne veut pas d’avance.

[266]    Il indique qu’il ne craint pas que ses clients ne le payent pas même si ceux-ci risquent une sentence d’emprisonnement une fois condamnés.

[267]    Comment alors expliquer qu’il a aussi témoigné avoir formulé des demandes de paiement à maintes reprises à André Dawson avant le procès?

[268]    Rappelons qu’il a aussi témoigné avoir fait de telles demandes à Isabelle Beauregard.

[269]    Curieusement, quand il contre-interroge Isabelle Beauregard, il l’invite pourtant à dire qu’il ne lui a jamais fait de demande de paiement directement.

[270]    Le Conseil constate que la modulation de la version des faits de l’intimé ne tient pas.

[271]    Bref, le Conseil ne croit pas l’intimé.

[272]    Quant au témoignage d’Isabelle Beauregard, le Conseil le trouve clair et convaincant sur les éléments déterminants de la preuve.

[273]    Isabelle Beauregard semble une femme courageuse et honnête.

[274]    Elle ne tente pas de trouver des réponses à toutes les questions.

[275]    Que son témoignage manque de précisions quant aux dates ou quant aux différentes étapes du dossier de son conjoint, cela n’affecte pas sa crédibilité.

[276]    Qu’elle ne soit pas en mesure d’affirmer avec certitude les divers montants d’argent comptant que son conjoint a remis à l’intimé depuis le début du mandat en 2010 et les dates de ces paiements ne permettent pas de conclure que ces paiements n’ont pas eu lieu.

[277]    Elle reconnait ne pas avoir toujours été présente lors des paiements, mais affirme que lorsqu’on vit à deux on sait très bien quand l’autre fait une dépense de 500$ ou de 1 000$.

[278]    Elle est de plus affirmative quant à sa présence lors d’un paiement de 500$ en 2010 au Palais de justice et un autre de 1 500$ à une station-service de Bromont avant le procès.

[279]    Sa description de la scène à la station-service de Bromont ne laisse place à aucun doute dans l’esprit du Conseil : André Dawson a bel et bien remis une enveloppe d’argent à l’intimé.

[280]    Qu’elle ne se souvienne pas de la couleur de l’auto de l’intimé a peu d’importance.

[281]    Elle est aussi affirmative au sujet des appels téléphoniques de l’intimé à son conjoint lui demandant d’apporter de l’argent avant les vacations à la Cour.

[282]     Même si l’intimé tente de la confondre là-dessus en contre-interrogatoire, rappelons qu’il a lui-même témoigné qu’il aurait fait des demandes de paiement à répétition à André Dawson pour chaque vacation.

[283]    Le témoignage d’Isabelle Beauregard quant à l’appel sur verdict est aussi très crédible.

[284]    Isabelle Beauregard donne beaucoup de détails entourant la recommandation de l’intimé d’aller en appel.

[285]    Le principal motif est que l’intimé mentionne que l’enquête préliminaire a été bâclée par Me Grenon, ce qui se tient.

[286]    Le Conseil a aussi été frappé par la spontanéité de Madame Beauregard lorsqu’elle répond ceci à l’intimé quand il tente de lui faire dire que demander 10 000$ pour une demande d’appel n’est pas crédible :

« Vous seriez surpris de savoir ce qu’on peut faire pour empêcher son conjoint d’entrer en prison, quand on se fait dire par un avocat que oui c’est la solution à faire et qu’il n’entrera pas en prison. Vous seriez surpris. Je pense même que vous avez profité de ça. »

[287]    Une réponse comme celle-là ne s’invente pas.

[288]    Ses démarches au sujet du sort de l’appel une fois son conjoint en prison, ne s’inventent pas non plus.

[289]    Et le Conseil ne trouve pas incohérent qu’elle débute ses démarches après l’emprisonnement de son conjoint plutôt que lorsqu’elle apprend que l’appel est rejeté en septembre 2013 contrairement à ce que prétend l’intimé.

[290]    Par ailleurs, plusieurs éléments circonstanciels dans la preuve corroborent le témoignage d’Isabelle Beauregard.

[291]    Le plumitif confirme qu’en août et septembre 2013, André Dawson s’est présenté à la Cour.

[292]    On se souviendra qu’Isabelle Beauregard affirme que c’est en revenant de la Cour en septembre 2013 que son conjoint lui apprend que l’appel est rejeté.

[293]    Le paiement du 10 000$ par traite bancaire le 1er avril 2013 est fait à l’intérieur du délai d’appel.

[294]    Pourquoi Isabelle Beauregard se serait-elle activée pour payer rapidement ce 10 000$ s’il n’y a plus d’espoir pour André Dawson de s’en sortir.

[295]    André Dawson continue de nier sa culpabilité lors du rapport présentenciel comme s’il en avait appelé du verdict.

[296]    Évalué dans l’ensemble de la preuve, le témoignage de Madame Pinel à l’effet qu’elle a accordé un prêt de 1 500$ à André Dawson à l’automne 2012 pour payer son avocat corrobore la possibilité que cet argent ait servi à payer l’intimé à cette époque.

[297]    L’appel téléphonique de Brandy-Lee pour obtenir le numéro de Cour d’appel auprès de l’intimé corrobore clairement le témoignage d’Isabelle Beauregard quant à son questionnement sur l’appel.

[298]    Voilà donc autant d’éléments qui soutiennent la version d’Isabelle Beauregard.

[299]    Même si le Conseil reconnait qu’Isabelle Beauregard a un intérêt à démontrer qu’elle s’est « fait voler 10 000$ » comme elle l’a dit dans son témoignage, nous ne pouvons conclure qu’elle ment pour autant.

[300]    Le Conseil a vu et entendu Isabelle Beauregard et demeure convaincu qu’elle dit la vérité.

[301]    Bref, à la lumière de l’ensemble de la preuve, le Conseil est d’avis que le syndic adjoint a rempli son fardeau de preuve en présentant une preuve de haute qualité, claire et convaincante démontrant que la somme de 10 000$ a bien été remise à l’intimé à titre d’avance sur honoraires de sorte qu’il écarte la version de l’intimé parce que non digne de foi.

[302]    Conséquemment, le Conseil est convaincu de la culpabilité de l’intimé quant au chef 1 de la plainte disciplinaire.

[303]    Cependant, en raison des principes découlant de l’arrêt Kienapple[1] qui interdit les condamnations multiples, l’intimé sera déclaré coupable de l’infraction spécifique prévue à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats et une suspension conditionnelle des procédures sera prononcée quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LE 10 SEPTEMBRE 2014 :

DÉCLARAIT l’intimé coupable des deuxième et troisième chefs;

ET CE JOUR,

DÉCLARE l’intimé coupable du premier chef de la plainte;

PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

 

 

 

_____________________________________

Me MARIE-JOSÉE CORRIVEAU, présidente

 

 

 

_____________________________________

Me JULIE BOURDUAS, membre

 

 

 

_____________________________________

Me LOUISE BOUTIN, membre

 

Me Daniel Mandron, syndic adjoint du Barreau du Québec

Partie plaignante

 

Me Gerson Jr. Foisy

Partie intimée

 

Date d’audience :

10 septembre 2014

 


Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Jr. Foisy

2015 QCCDBQ 043

 

 

 

 CONSEIL DE DISCIPLINE

Barreau du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

06-14-02870

 

DATE :

14 mai 2015

 

 

LE CONSEIL :

Me MARIE-JOSÉE CORRIVEAU

Présidente

Me JULIE BOURDUAS  

Membre

Me LOUISE BOUTIN

Membre

 

 

 

ME DANIEL MANDRON, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec                   

Partie plaignante

c.

ME  GERSON Jr. FOISY

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

[1]   Le Conseil de discipline s’est réuni le 8 avril 2015 pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte déposée par Me Daniel Mandron, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, contre l’intimé Me Gerson Jr. Foisy.

[2]          Le syndic adjoint plaignant est présent devant le Conseil et est accompagné de Me Maryse Ali.

[3]          L’intimé est absent.

[4]          Le Conseil constate pourtant que la décision sur culpabilité a été signifiée personnellement à l’intimé à sa nouvelle adresse à Calgary le 10 décembre 2014.

[5]          L’avis d’audition sur sanction a aussi été signifié personnellement à l’intimé à cette même adresse le 2 février 2015.

[6]          L’intimé n’a donné aucune nouvelle depuis ces significations.

[7]          S’autorisant de l’article 144 du Code des professions, le Conseil décide de procéder à l’audition sur sanction de la plainte en l’absence de l’intimé.

 

LA PLAINTE

[8]          Le 10 septembre 2014, l’intimé était trouvé coupable des chefs 2 et 3 de la plainte disciplinaire amendée portée contre lui suite à l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard de ces deux chefs.

[9]          Le 30 octobre 2014, l’intimé était trouvé coupable du premier chef de cette plainte après audition sur culpabilité.

[10]       Cependant, en raison des principes découlant de l’arrêt Kienapple[2] qui interdit les condamnations multiples, l’intimé était déclaré coupable de l’infraction spécifique prévue à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats et une suspension conditionnelle des procédures est prononcée quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

[11]       La plainte amendée était ainsi libellée :

« Me Gerson Jr Foisy, alors qu’il était dûment inscrit au Tableau de l’Ordre des avocats, a commis des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité du Barreau, savoir :

1.    À Granby, au mois d’avril 2013, n’a pas déposé dans son compte en fidéicommis une somme de 10 000$ que lui avait fait remettre son client, monsieur A.D., à titre d’avances sur honoraires et débours pour l’exécution d’un mandat professionnel, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats et de l’article 59.2 du Code des professions;

2.    À Granby, entre le 28 mars 2013 et le 8 septembre 2014, a fait défaut de rendre compte à son client, monsieur A.D., de l’usage d’une somme de 10 000$ que ce dernier lui avait fait remettre (…) pour l’exécution d’un mandat professionnel, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 3.03.03 du Code de déontologie des avocats;

3.    À Granby, a fait défaut de collaborer à une enquête du syndic en ne répondant pas à des demandes d’explications écrites qui lui furent adressées par écrit les 11 février, 25 février, 3 avril, 5 mai et 27 mai 2014 à propos de son client, monsieur A.D., contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 4.03.02 du Code déontologie des avocats; »

 

LA PREUVE

 

[12]       À titre de preuve sur sanction, le syndic adjoint plaignant produit les antécédents de l’intimé.

[13]       Le 22 mai 2007, le Conseil de discipline lui impose une amende de 600$ sur chacun des trois (3) chefs d’infraction pour lesquels il avait plaidé coupable, soit deux (2) chefs pour avoir fait défaut de donner suite à la correspondance de la syndique adjointe concernant deux (2) plaintes de clients et un (1) chef pour avoir fait défaut de compléter et transmettre au syndic la déclaration assermentée relative aux livres, registres et comptes pour l’année 2005 (SP-1).

[14]       Le 14 juin 2010, le Conseil de discipline déclare l’intimé coupable de neuf (9) chefs d’infraction suite à son plaidoyer de culpabilité, dont un (1) chef pour avoir fait défaut de déposer dans son compte en fidéicommis la somme de 425$ remise par une cliente à titre d’avance d’honoraires, un (1) chef pour s’être approprié cette somme et deux (2) chefs pour avoir fait défaut de donner suite à la correspondance de la syndique adjointe concernant deux (2) plaintes de clients (SP-2).

[15]       Le 1er novembre 2010, le Conseil de discipline rend une décision sur sanction suite à la décision sur culpabilité du 14 juin 2010.

[16]       Le Conseil lui impose  les sanctions suivantes :

-          une période de radiation de trois (3) mois et un jour sur le chef d’appropriation;

-          une suspension conditionnelle des procédures sur le chef d’avoir fait défaut de déposer la somme appropriée;

-          une période de radiation de trois (3) mois et un jour sur les deux (2) chefs d’avoir fait défaut de donner suite à la correspondance de la syndique adjointe, à être purgée consécutivement aux autres périodes de radiation de trois (3) mois et un jour imposées sur les cinq (5) autres chefs  (SP-2).

REPRÉSENTATIONS DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT

[17]       Le syndic adjoint plaignant rappelle que l’intimé a menti, s’est parjuré et a induit le Conseil en erreur lors de l’audition sur culpabilité.

[18]       Il soumet que cela doit être pris en compte dans la détermination de la sanction.

[19]       Il revient brièvement sur les faits à savoir que la somme de 10 000$ versée par la conjointe du client était pour couvrir des honoraires pour des services à venir et non passés, notamment pour porter la cause en appel.

[20]       L’intimé a admis qu’il n’avait rien fait quant à l’appel et qu’il n’a pas déposé l’argent dans son compte en fidéicommis.

[21]       Le syndic adjoint plaignant souligne que l’article 56 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats exige que le travail soit fait et facturé avant qu’un avocat puisse retirer l’argent de son compte en fidéicommis.

[22]       Il soumet qu’en l’espèce il s’agit d’un vol pur et simple d’une somme de 10 000$ que l’intimé s’est approprié.

[23]       Il n’est pas question d’un défaut technique de déposer une avance sur honoraires dans son compte en fidéicommis.

[24]       Il explique qu’au moment de porter plainte, il n’avait pas tous les éléments pour inclure un chef d’appropriation vu le manque de collaboration de l’intimé.

[25]       Il recommande au Conseil l’imposition des sanctions suivantes :

-          une radiation d’un (1) mois sur le premier chef (défaut de déposer);

-          une radiation de trois (3) mois sur le deuxième chef (défaut de rendre compte);

-          une radiation de six (6) mois sur le troisième chef (défaut de collaborer à une enquête du syndic).

[26]       Il suggère également au Conseil d’ordonner à l’intimé de rembourser à Madame Beauregard la somme de 10 000$ qu’elle réclame par ailleurs au Fonds d’indemnisation du Barreau.

[27]       Il soumet que l’article 156 d) du Code des professions ne précise pas que les ordonnances de remboursement doivent se limiter au cas de condamnation pour appropriation.

[28]       Au soutien de ses recommandations, le syndic adjoint plaignant soumet les autorités suivantes :

Défaut de déposer

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Brodeur 2015 QCCDBQ 25 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Chatelois 2014 QCCDBQ 83 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Tremblay 2014 QCCDBQ 56 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Watters 2009 QCCDBQ 120 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Bérubé 2013 QCCDBQ 35 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Boudreau 2012 QCCDBQ 16 (CanLII)

-      Guimont c. Tremblay 2006 CanLII 53476 (QC CDBQ)

-      Comeau c. Baran 2002 CanLII 61728 (QC CDBQ)

Défaut de rendre compte

-      Barreau du Québec (syndique) c. Gaul 2012 QCCDBQ 109 (CanLII)

-      Bourdon c. Tremblay 2004 CanLII 72503 (QC CDBQ)

-      Comeau c. Labossière 2002 CanLII 61726 (QC CDBQ)

-      Comeau c. Cliche 2002 CanLII 46809 (QC CDBQ)

-      Bernard c. Bazin, CDBQ, 3 avril 1997, confirmé T.P., 31 mars 1998

Défaut de répondre

-      Thibault c. Patenaude 2006 CanLII 53493 (QC CDBQ)

-      Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Draws 2009 QCCDBQ 79 (CanLII)

-      Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Lupien 2010 QCCDBQ 5 (CanLII)

-      Thibault c. Bilodeau 2006 CanLII 53406 (QC CDBQ)

-      Massy-Roy c. Eyballin 2002 CanLII 61788 (QC CDBQ)

Ordonnance de remboursement

-      Garneau c. Notaires 2002 QCTP 68 (CanLII)

-      Beaulieu c. Notaires (Ordre professionnel des) D.D.E. 96D-52, [1996] D.D.O.P. 288

DISCUSSION

[29]       Les gestes reprochés à l’intimé et pour lesquels il a été déclaré coupable contreviennent à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats et aux articles 3.03.03 et 4.03.02 du Code de déontologie des avocats que le Conseil juge utile de reproduire ci-après :

« 50. L’avocat doit, sans délai après réception d’argent en fidéicommis, le déposer dans un compte général en fidéicommis, dans une succursale québécoise d’une institution financière dont les dépôts sont couverts par l’assurance-dépôts (…).

Ce compte général en fidéicommis doit être identifié au nom de l’avocat ou de la société au sein de laquelle il exerce, suivi de la mention « en fidéicommis » ou « in trust ». »

« 3.03.03. L’avocat doit rendre compte au client lorsque celui-ci le requiert et être diligent à son égard dans ses rapports, redditions de comptes et remises. »

« 4.03.02.L’avocat doit répondre avec diligence à toute communication provenant d’un syndic du Barreau ainsi que d’un inspecteur, d’un expert ou d’un membre du comité d’inspection professionnelle, du directeur du Service de l’inspection professionnelle ou de son adjoint; il doit  de plus répondre selon le mode de communication que ceux-ci déterminent. »

[30]       L’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats fait partie de la sous-section 1 de la section VIII traitant de la réception et du retrait d’argent en fidéicommis.

[31]       L’article 3.03.03 du Code de déontologie des avocats fait partie de la sous-section 3 de la section III traitant des devoirs et obligations de l’avocat envers son client.

[32]       L’article 4.03.02 du Code de déontologie des avocats fait partie de la sous-section 3 de la section IV traitant des devoirs et obligations de l’avocat envers sa profession.

LE PREMIER CHEF D’INFRACTION

[33]       Bien que le premier chef d’infraction reproche à l’intimé de ne pas avoir déposé une somme de 10 000$ remise à titre d’avance d’honoraires et débours dans son compte en fidéicommis, la preuve a clairement démontré que l’intimé s’était, de plus, approprié cette somme.

[34]       Il ne s’agit donc pas ici d’un simple défaut technique en contravention de l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats où l’avocat aurait encaissé l’argent remis par son client à titre d’avance avant de l’avoir facturé pour ses services.

[35]       Le syndic adjoint plaignant justifie l’absence de chef d’appropriation en l’espèce notamment par l’absence de collaboration de l’intimé à son enquête.

[36]       L’intimé a, au surplus, honteusement menti au Conseil lors de l’audition sur culpabilité quant à l’affectation de cette somme de 10 000$.

[37]       L’intimé a tenté de faire croire au Conseil que cette somme était destinée à couvrir ses honoraires pour les services qu’il avait rendus à son client du jour où il a repris le mandat après sa radiation jusqu’au jour du verdict de culpabilité de son client, ayant décidé de ne rien lui charger pour les services rendus avant sa radiation et pour les représentations sur sentence effectuées postérieurement à la remise de cette somme.

[38]       La preuve a, au contraire, révélé que l’intimé avait déjà été payé pour les services rendus jusqu’au verdict de culpabilité et que cette somme de 10 000$, empruntée par la conjointe du client, visait à porter la cause de ce dernier en appel afin de tenter de lui éviter une peine d’emprisonnement.

[39]       Or, on sait qu’il n’y a pas eu d’appel et que l’intimé n’a rien fait à cet égard, outre de mentir à son client et à sa conjointe à l’effet que l’appel avait été rejeté.

[40]       À cela s’ajoute, l’antécédent disciplinaire de 2010 en semblable matière, faisant de la présente infraction une récidive.

[41]       En matière de gravité objective, les gestes reprochés à l’intimé sont graves et sérieux.

[42]       Le comportement de l’intimé porte ombrage à l’ensemble de la profession.

[43]       Il a ainsi rompu le lien de confiance nécessaire qui doit prévaloir entre l’avocat et son client.

[44]       Vu les facteurs aggravants ci-dessus mentionnés, les circonstances propres à ce chef d’infraction et l’antécédent disciplinaire, le Conseil est d’avis que la recommandation du syndic adjoint plaignant d’imposer une radiation d’un mois est nettement insuffisante.

[45]       Le Conseil est conscient que l’objectif d’une sanction n’est pas de punir le professionnel.

[46]       Une sanction doit être juste et appropriée.

[47]       Elle doit avoir pour objectif d’amener le professionnel à corriger son comportement fautif et à dissuader l’ensemble de la profession d’agir comme il l’a fait.

[48]       Le Conseil ne veut pas ici imposer une sanction à l’intimé pour une infraction autre que celle pour laquelle il a été trouvé coupable, mais il serait on ne peut plus déraisonnable de ne pas considérer le fait que, non seulement l'intimé n’a pas déposé la somme de 10 000$ dans son compte en fidéicommis, mais qu’il a littéralement volé cette somme à la conjointe de son client en l’empochant purement et simplement.

[49]       C’est pourquoi le Conseil imposera une période de radiation de douze (12) mois à l’intimé.

[50]       De plus, le Conseil entend donner suite à la demande du syndic adjoint plaignant d’ordonner à l’intimé de rembourser à la conjointe de son client, Isabelle Beauregard, la somme de 10 000$ qu’elle lui a versée à titre d’avance d’honoraires et débours pour l’appel.

[51]       Le Conseil est d’avis, comme le soumet le syndic adjoint plaignant, que l’ordonnance de remboursement prévue à l’article 156 d) du Code des professions ne limite pas ce genre de sanction aux seuls cas de condamnation pour appropriation.

[52]       Le Conseil se réfère particulièrement à l’affaire Garneau c. Notaires précitée où le Tribunal des professions s’exprime comme suit au sujet de l’ordonnance de remboursement prévue à l’article 156 d) :

« [42] (…) Enfin, que la plainte reproche uniquement d’avoir prélevé des honoraires, sans autorisation, n’emporte pas automatiquement le rejet de l’ordonnance de remboursement, lorsque le prélèvement équivaut à détourner l’argent appartenant aux clientes.

(…)

[50] On y détermine que l’ordonnance de remboursement s’applique même si le professionnel ne détient plus la somme d’argent pour le client, mais on n’y précise pas les critères justifiant d’émettre ladite ordonnance. D’ailleurs, le législateur n’en prévoit pas non plus.

[51] Il est évident que ces deux dispositions législatives (156 d) et 159 du Code des professions) visent à permettre la restitution des prestations et assurer une remise en état des parties. L’objectif de cette sanction est d’accorder aux personnes lésées la possibilité de récupérer les sommes d’argent confiées au professionnel, mais détournées par celui-ci. »

[53]       Ainsi, comme le Conseil a conclu que le défaut de l’intimé d’avoir déposé la somme de 10 000$ versée à titre d’avance dans son compte en fidéicommis l’a conduit à conserver cette somme sans fournir les services requis par son client et sa conjointe, une telle ordonnance de remboursement peut être émise en faveur de celle-ci puisque cette somme lui appartient.

[54]       Cette sanction est juste et appropriée vu les circonstances.

[55]       Elle devrait avoir un effet dissuasif auprès de l’intimé et a le mérite de rencontrer les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

LE DEUXIÈME CHEF D’INFRACTION

[56]       En matière de gravité objective, le défaut de rendre compte à son client de l’utilisation de la somme de 10 000$ est grave.

[57]       Plus encore, l’intimé a menti à son client et sa conjointe en leur laissant croire qu’il avait porté la cause en appel et que l’appel avait été rejeté vu l’absence de crédibilité du client lors de son procès.

[58]       L’intimé a même répondu à la conjointe de son client qu’elle ne pouvait être remboursée en tout ou en partie de la somme de 10 000$ versée puisque le coût des honoraires était le même, appel accueilli ou rejeté.

[59]       Cette conduite est inacceptable.

[60]       C’est pourquoi la recommandation du syndic adjoint plaignant d’imposer une période de radiation de trois (3) mois emporte l’adhésion du Conseil.

[61]       Il s’agit d’une sanction juste et appropriée en les circonstances et est de plus conforme aux critères de la jurisprudence soumise.

LE TROISIÈME CHEF D’INFRACTION

[62]       En matière de gravité objective, le défaut de collaborer à une enquête du syndic est grave.

[63]       Cela est d’autant plus grave que l’intimé fait l’objet de deux (2) antécédents disciplinaires en 2007 et en 2010 relevant de la nature d’une récidive.

[64]       Ce manque de collaboration porte directement atteinte au travail du syndic dont le mandat est d’assurer la protection du public.

[65]       Est-il utile de rappeler que l’efficacité du processus disciplinaire repose en grande partie sur la nécessaire collaboration des professionnels envers le Bureau du syndic.

[66]       L’intimé n’a manifestement pas tiré de leçon des sanctions qui lui ont été imposées par le passé.

[67]       Au surplus, en l’espèce, le manque de collaboration de l’intimé a rendu l’enquête du syndic adjoint plaignant plus difficile, le privant même d’éléments lui permettant de déposer un chef d’infraction d’appropriation.

[68]       Une sanction sévère s’impose.

[69]       La recommandation du syndic adjoint plaignant d’imposer à l’intimé une période de radiation de six (6) mois emporte donc l’aval du Conseil.

[70]       Cette sanction est juste et appropriée dans les circonstances.

[71]       Souhaitons qu’elle puisse prévenir et empêcher toute récidive de la part de l’intimé.

[72]       Cette sanction a de plus le mérite de rencontrer les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

[73]       Elle est de plus conforme aux autorités citées.

[74]       Ces périodes de radiation temporaire seront purgées concurremment.

[75]       Un avis de la présente décision sera publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a et  avait son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions.

[76]       L’intimé sera de plus condamné aux entiers débours, y incluant les coûts de l’avis de publication de la présente décision.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT:

Sous le premier chef :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation de douze (12) mois;

Sous le deuxième chef :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation de trois (3) mois;

Sous le troisième chef :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation de six (6) mois;

DÉCIDE que ces périodes de radiation temporaire seront purgées concurremment;

ORDONNE à l’intimé de rembourser la somme de 10 000$ à Isabelle Beauregard;

DÉCIDE qu’un avis de la présente décision sera publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a et avait son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions;

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des entiers débours, y incluant les coûts de l’avis de publication de la présente décision.

 

 

 

 

_____________________________________

Me MARIE-JOSÉE CORRIVEAU, présidente

 

 

 

_____________________________________

Me JULIE BOURDUAS, membre

 

 

 

_____________________________________

Me LOUISE BOUTIN, membre

 

Me Daniel Mandron, syndic adjoint du Barreau du Québec

Partie plaignante

 

Me Gerson Jr. Foisy

Partie intimée

 

Date d’audience :

8 avril 2015

 

 



[1] Kienapple c. R., [1975], 1 R.C.S., 303

[2] Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S., 303

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