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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 27 novembre 2009, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Au paragraphe [31], nous lisons :
Ce dernier est une entreprise de location de personnel classée dans l’unité 67110 (pièce E-3). Cette unité vise la location de service de personnel d’entrepôts, d’ateliers ou d’usines et son taux de cotisation pour l’année 2010 est de 11,24 $.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
Ce dernier est une entreprise de location de personnel classée dans l’unité 67110 (pièce E-3). Cette unité vise la location de service de personnel d’entrepôts, d’ateliers ou d’usines.
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Jean-François Clément |
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M. Simon Dumas |
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SST Groupe conseil |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Noëlle Hamel |
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PANNETON LESSARD |
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Procureure de la partie intervenante |
Thomson Tremblay inc. et Unical inc. |
2009 QCCLP 8051 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
27 novembre 2009 |
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Région : |
Montérégie |
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Dossier : |
369430-62-0902 |
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Dossier CSST : |
131234700 |
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Commissaire : |
Jean-François Clément, Juge administratif en chef |
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Thomson Tremblay inc. |
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Partie requérante |
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Unical inc. |
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Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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[1] Le 10 février 2009, Thomson Tremblay inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 26 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 25 avril 2008 et déclare que la totalité des coûts dus en raison de l’accident du travail subi le 8 février 2007 par monsieur Luc Meunier, le travailleur, doit être imputée au dossier de l’employeur.
[3] Une audience est tenue à Boucherville le 18 novembre 2009 en présence du représentant de l’employeur, de Unical inc. (le tiers) et de la procureure de la CSST.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de transférer les coûts inhérents à la lésion professionnelle du 8 février 2007 à l’unité dont fait partie le tiers.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit à un transfert d’imputation en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] en raison du fait que l’accident du travail survenu le 8 février 2007 serait attribuable à un tiers et qu’il en supporterait injustement les coûts :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[6] En cette matière, il y a lieu de référer à la décision rendue par une formation de trois juges administratifs dans l’affaire Ministère des Transports et CSST[2].
[7] Selon cette décision, un employeur doit prouver quatre éléments pour avoir droit à un transfert d’imputation :
1. La présence d’un accident du travail
2. La présence d’un tiers
3. Le fait que l’accident du travail soit «attribuable» à ce tiers
4. L’effet injuste de l’imputation.
[8] La présence d’un accident du travail ne fait ici aucun doute. La CSST a reconnu la survenance d’une telle lésion en date du 8 février 2007.
[9] Il est également évident que Unical inc. est un tiers par rapport à Thomson Tremblay inc. En effet, Unical inc. est une personne autre que le travailleur lésé, son employeur et les autres travailleurs exécutant un travail pour ce dernier.
[10] Le tribunal ne croit toutefois pas détenir une preuve prépondérante démontrant que l’accident du 8 février 2007 est bel et bien attribuable à ce tiers.
[11] Le tribunal ne croit pas que la preuve démontre que l’accident est attribuable à Unical inc. ni que ses agissements ou omissions s’avèreraient être parmi toutes les causes identifiables de l’accident celles qui ont contribué de façon majoritaire à sa survenance. Le tribunal ne croit pas qu’Unical inc. soit le principal auteur du malheureux incident du 8 février 2007.
[12] L’accident est survenu alors que le travailleur, voulant dégager certains débris, a approché sa main à environ six pouces d’un engrenage. Lorsqu’il a voulu retirer sa main, son manteau est resté pris dans l’engrenage de sorte que sa main a été broyée.
[13] Le travailleur affirme qu’il n’a pas arrêté le convoyeur avant de procéder à son entretien parce qu’un contremaître lui aurait dit de ne jamais l’arrêter à l’aide des boutons d’urgence situés près de son poste de travail, son « cubicule » comme l’appelle le travailleur.
[14] Le tribunal estime ce témoignage invraisemblable. Pourquoi des dispositifs de sécurité seraient-ils placés près du poste de travail du travailleur s’ils ne devaient pas servir?
[15] Pourquoi l’employeur dirait-il au travailleur de ne pas arrêter la courroie lorsqu’il se rend près de l’engrenage pour retirer des débris, ce qui ferait en sorte que des débris ne seraient pas retirés pendant l’absence du travailleur de son poste affectant ainsi la qualité du produit?
[16] Le tribunal croit plus probable que le contremaître de l’employeur ait dit au travailleur qu’il ne devait utiliser le système d’arrêt du convoyeur situé près de son «cubicule» qu’en cas de nécessité et non pas à la légère.
[17] Dans un document signé par une agente d’indemnisation (p. 31 du dossier), cette dernière mentionne que l’employeur a bel et bien expliqué l’utilité des quatre boutons sur la console concernant l’arrêt d’urgence et de ralentissement de la vitesse du convoyeur. Pourquoi expliquer le fonctionnement de ces boutons si on ne veut pas que le travailleur s’en serve?
[18] Le tribunal remarque également que la note interne du 13 février 2007 préparée par monsieur Jacques A. Carrière, superviseur chez l’employeur (pièce E-2) confirme le fait que Unical inc. aurait fourni les directives sur la façon de travailler et les procédures de sécurité à suivre. Il inscrit également que le travailleur doit arrêter le convoyeur toutes les 30 à 45 minutes pour vérifier le bon fonctionnement de ses différentes parties. Il confirme que la consigne en cas de bris est d’arrêter le convoyeur. Il mentionne lui-même que l’accès derrière le garde de l’engrenage est difficile, ce qui tend à confirmer que le travailleur a été lui-même téméraire.
[19] La directrice des ressources humaines de Unical inc. a témoigné pour dire qu’on expliquait toujours aux travailleurs qu’ils devaient arrêter le convoyeur lorsque requis. Cela est beaucoup plus vraisemblable et logique.
[20] Le tribunal remarque également au document E-1, soit le rapport d’intervention rédigé quelques jours après l’événement, que le travailleur ne mentionne aucunement avoir reçu des instructions lui interdisant d’arrêter la courroie à l’aide des boutons prévus à cette fin près de son «cubicule». Cette version est contemporaine aux événements alors que le témoignage rendu par le travailleur à l’audience survient plus de deux ans et demi après cet événement.
[21] De toute façon, et même si le tribunal retenait le témoignage du travailleur, l’accident est survenu à une dizaine de pieds de son poste de travail alors qu’un autre dispositif de sécurité permettant d’arrêter le convoyeur y est localisé. Or, le travailleur a admis n’avoir reçu aucune interdiction de se servir de ce mécanisme d’arrêt.
[22] Dans ces circonstances, le tribunal croit que l’accident est majoritairement attribuable à l’imprudence et la négligence du travailleur en ce que :
1. Alors qu’il désirait enlever des débris se situant près du convoyeur, il a omis d’arrêter ce dernier à l’aide d’un dispositif qui se trouvait tout près (environ 1 mètre 50 selon la preuve).
2. Le travailleur a été téméraire en approchant sa main très près d’un convoyeur en marche et de l’engrenage qui le faisait fonctionner et ce, alors qu’il portait un manteau à manches longues. Il s’agit d’une imprudence qui lui est totalement imputable.
3. Le travailleur admet avoir agi ainsi sans s’informer de la méthode précise de travail. Il admet d’ailleurs à l’audience qu’il aurait dû demander des instructions.
4. Le travailleur a préféré manipuler les débris avec sa main plutôt que d’utiliser un bâton ou autre outil qui aurait permis de garder ses mains en sécurité.
[23] En conséquence, si le travailleur avait arrêté le convoyeur et avait fait preuve de prudence, l’accident ne serait pas survenu.
[24] Il faut aussi se rappeler que la loi impose à l’employeur des obligations relatives à la santé et la sécurité de ses travailleurs. L’employeur affirme que les machines de Unical inc. étaient déficientes et la CSST a d’ailleurs agi en conséquence. Toutefois, l’employeur aurait dû, avant de déléguer des travailleurs chez Unical inc., vérifier les installations et s’assurer qu’elles étaient sécuritaires.
[25] Il est vrai que Unical inc. doit recevoir certains blâmes lui aussi. Le bouton d’arrêt n’était pas situé assez proche de l’endroit où est survenu l’accident de sorte qu’il ne pouvait être activé une fois le membre supérieur du travailleur pris dans l’engrenage. Il est aussi vrai qu’il n’y avait pas de protecteur sur la machine. Des avis de corrections ont d’ailleurs été émis en ce sens et l’employeur a plaidé coupable à un avis d’infraction.
[26] Cela ne fait cependant pas en sorte que l’accident lui est majoritairement attribuable puisque, si le travailleur avait arrêté le convoyeur, la distance du bouton d’arrêt et l’absence de protecteur n’auraient entraîné aucune lésion.
[27] Le fait qu’un employeur fasse l’objet d’un avis de dérogation ou d’un avis d’infraction ne fait pas en sorte que l’accident devient attribuable à ce dernier automatiquement. Des principes différents gouvernent les poursuites pénales, les avis de correction et les partages d’imputation.
[28] Le tribunal réfère avec approbation aux propos tenus par la juge Sophie Sénéchal dans le dossier Groupe perspective et Maxtech, métallurgie des poudres[3].
[29] Le fait que le travailleur n’ait reçu qu’une formation de 15 à 30 minutes n’est pas pertinent en l’espèce vu la simplicité évidente de ses tâches qui consistaient à retirer les débris qui se trouvaient à travers le verre circulant sur convoyeur. Point n’est besoin d’une longue formation pour expliquer ce travail et le fait que des boutons d’urgence se situaient près du poste de travail pour ralentir ou arrêter la courroie.
[30] Au surplus, le tribunal ne peut conclure que l’activité exercée par le travailleur lors de l’accident du 8 février 2007 n’est pas inhérente aux risques normaux liés aux activités de l’employeur.
[31] Ce dernier est une entreprise de location de personnel classée dans l’unité 67110 (pièce E-3). Cette unité vise la location de service de personnel d’entrepôts, d’ateliers ou d’usines et son taux de cotisation pour l’année 2010 est de 11,24 $.
[32] Lorsqu’on loue du personnel devant se rendre travailler en usine, les risques existants chez le locataire deviennent inhérents à l’ensemble des activités du locateur. Toute autre interprétation ferait en sorte que les entreprises de location de personnel pourraient être désimputées des coûts de toutes les lésions survenant chez leurs clients.
[33] Comme les activités de l’employeur sont notamment la location de service de personnel d’usine, il est évident que le risque que des lésions surviennent en manipulant de la machinerie est inhérent aux activités de l’employeur.
[34] D’ailleurs, le document I-1 déposé par la CSST concernant la sécurité des convoyeurs à courroie révèle que ce type d’accident survient de façon malheureusement trop courante au Québec.
[35] Il est clair que le taux de cotisation de l’employeur est établi en tenant compte du fait que de tels accidents sont susceptibles de survenir.
[36] En conséquence, rien ne démontre que les circonstances de l’événement puissent être qualifiées d’extraordinaires, d’inusitées, de rares ou d’exceptionnelles. De tels événements surviennent régulièrement.
[37] On ne peut certes parler de guet-apens ou de piège puisque le travailleur était en mesure de voir ce qu’il faisait et le risque qu’il prenait.
[38] Les probabilités qu’un semblable accident survienne existent de façon évidente selon la preuve au dossier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Thomson Tremblay inc., l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 janvier 2009 à la suite révision administrative;
DÉCLARE que tous les coûts inhérents à la lésion professionnelle du 8 février 2007 doivent être imputés au dossier de l’employeur.
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Jean-François Clément |
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M. Simon Dumas |
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SST Groupe conseil |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Noëlle Hamel |
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Panneton Lessard |
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Procureure de la partie intervenante |
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