Ferrand et Sivaco Québec inc. |
2012 QCCLP 6265 |
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[1] Le 28 juin 2012, monsieur Paul Ferrand (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 juin 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur déposée le 8 mai 2012 à l’encontre de la décision rendue le 27 avril 2012.
[3] Une audience se tient à Saint-Jean-sur-Richelieu le 27 septembre 2012. Le travailleur est représenté par un conseiller syndical. Sivaco Québec inc. (l’employeur) a informé le tribunal de son absence à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires.
LES FAITS
[5] Le travailleur est opérateur chez l’employeur.
[6] Le 13 avril 2012, en exécutant son travail, il reçoit une barre d’acier sur la mâchoire et brise ses prothèses dentaires.
[7] Le 23 avril 2012, le travailleur dépose à la CSST une réclamation pour faire rembourser le coût de remplacement de ses prothèses dentaires.
[8] Le 26 avril 2012, l’employeur fait parvenir à la CSST une note dans laquelle il est déclaré que l’assurance collective du travailleur couvre les frais pour le renouvellement (5 ans) des prothèses dentaires. L’assurance rembourse 60 % des frais jusqu’à un maximum de 1 000,00 $.
[9] Le 27 avril 2012, la CSST déclare qu’elle accepte de rembourser le remplacement des prothèses dentaires du travailleur. Cependant, ce dernier doit d’abord faire une demande auprès de son assurance et réclamer la différence à la CSST. Le travailleur demande la révision de cette décision.
[10] Le 21 juin 2012, à la suite d’une révision administrative la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur déposée le 8 mai 2012 à l’encontre de la décision rendue le 27 avril 2012. Elle considère que le travailleur n’est pas une personne lésée au sens de la loi puisque la CSST accepte de rembourser le remplacement de ses prothèses dentaires. Cependant, il doit d’abord faire une demande auprès de son assurance et réclamer la différence à la CSST. Le travailleur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.
[11] À l’audience, le travailleur fait témoigner monsieur Steve Gauthier. Il est le président du syndicat auquel appartient le travailleur.
[12] À l’aide d’un extrait de la convention collective et du contrat d’assurance collective couvrant le travailleur, il confirme la limite de couverture d’assurance d’une fois aux cinq ans pour le remplacement de prothèses dentaires. Il explique aussi qu’il y a une indemnité viagère maximale couvrant les travailleurs et que le remboursement des prothèses dentaires y est inclus. Finalement, que chaque réclamation faite à l’assurance collective par les travailleurs influence le taux de cotisations des adhérents à l’assurance collective.
L’AVIS DES MEMBRES
[13] La membre issue des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont tous les deux d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie.
[14] Elles considèrent que le travailleur a droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires par la CSST puisque son assurance collective ne lui permet pas une couverture de même nature pour une réclamation de ce genre.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[15] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la demande de révision du travailleur déposée le 8 mai 2012 à l’encontre de la décision rendue le 27 avril 2012 est recevable et s’il a droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires.
[16] Afin de disposer de l’objet de la contestation, la Commission des lésions professionnelles réfère aux dispositions suivantes de la loi.
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1 .
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1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[17] La Commission des lésions professionnelles considère d’abord que le travailleur est manifestement une personne lésée au sens de la loi. La décision rendue par la CSST le 27 avril 2012 ne lui donne pas entièrement satisfaction et il a légalement le droit d’en demander la révision. Ce n’est pas l’évaluation faite par un réviseur des chances du travailleur de gagner sa cause qui détermine s’il est ou non une personne lésée.
[18] Quant au fond du litige, soit le droit du travailleur d’obtenir le remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires, le tribunal retient de la preuve que le contrat d’assurance collective couvrant le travailleur et la convention collective comporte un certain nombre de limites en ce qui concerne les réclamations pour le remplacement de prothèses dentaires. À preuve, la note de l’employeur du 26 avril 2012 et le témoignage de monsieur Gauthier.
[19] L’article 113 de la loi prévoit que le travailleur a droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
[20] L’interprétation qui doit être faite du terme « une telle indemnité » va dans le sens d’une indemnité identique ou d’un régime au moins aussi complet.[1]
[21] Dans le présent dossier, il est clair que les limites prévues au contrat d’assurance et à la convention collective font en sorte que l’on n’est pas en présence d’une indemnité identique ou un régime au moins aussi complet.
[22] En effet, chaque réclamation faite par le travailleur à son assurance collective l’approche de la limite offerte pour le genre de réclamation qu’il fait, soit la limite de 1 000,00 $ pour cinq ans ou encore l’indemnité viagère maximale qui lui est accordée.
[23] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime. Il a donc droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires par la CSST.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée le 28 juin 2012 par monsieur Paul Ferrand, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 juin 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût de remplacement de ses prothèses dentaires par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Fernand Daigneault |
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M. Pierre Arseneau |
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SYNDICAT DES MÉTALLOS (local 6818) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Émilie Lessard |
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LE CORRE ASSOCIÉS, AVOCATS |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] Gosselin et Les meubles Princeville inc., [1989] C.A.L.P. 934 ; Lévesque et Les Emballages Boxcraft inc., 22634-60-9010, 22 février 1993, T. Giroux, (J5-07-06).
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