Spa Le Finlandais et D'Arcy |
2011 QCCLP 8279 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 20 juillet 2011, Spa Le Finlandais (l’employeur) dépose une requête en vertu de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) à l'encontre d'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 9 juin 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles :
REJETTE la requête du Spa Le Finlandais, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Maud D’Arcy, la travailleuse, a subi une lésion professionnelle.
[3] Madame Maud D’Arcy (la travailleuse) est présente à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision le 30 novembre 2011, à Laval. L’employeur y est représenté par procureure.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La « requête en révision » écrite déposée par les procureurs de l’employeur, conclut dans les termes suivants :
POUR CES MOTIFS, PLAISE À LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLIR la présente requête ;
RÉVISER ET RÉVOQUER la décision du 9 juin 2011 ;
ET PAR JUGEMENT FINAL À INTERVENIR :
INFIRMER la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 15 septembre 2010 rendue à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARER que la travailleuse n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 6 janvier 2010.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête devrait être rejetée.
[6] Aucune erreur n’a été démontrée.
[7] Par ailleurs, la transcription par sténographe de l’enregistrement de l’audience tenue le 18 mai 2011 montre que l’employeur a eu pleine opportunité de faire valoir ses arguments.
[8] En définitive, l’employeur demande une réappréciation de la preuve présentée au premier juge administratif, un exercice que le recours en révision n’autorise pas. La révision n’étant pas un appel, la Commission des lésions professionnelles siégeant sur cette requête ne pourrait pas substituer son opinion à celle du premier juge administratif, advenant même qu’elle ne soit pas du même avis, ce qui n’est de toute façon pas le cas en l’espèce.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] Dans la requête en révision, les procureurs de l’employeur allèguent que « la décision est entachée de vices de fond de nature à l’invalider » tout en référant à l’article 429.56 de la loi :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] Aucun vice de procédure n’est allégué.
[11] Interprétant le sens des mots « vice de fond (...) de nature à invalider la décision » dans les affaires Donohue et Franchellini[2], la Commission des lésions professionnelles a jugé qu’ils font référence à une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Ces décisions ont été suivies à maintes reprises dans la jurisprudence subséquente.
[12] Il a également été jugé que le recours en révision ne doit pas être un appel déguisé, compte tenu du caractère final des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles, ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
(…)
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[13] Siégeant en révision judiciaire de certaines décisions de la Commission des lésions professionnelles, les tribunaux supérieurs ont entériné, à plusieurs reprises, l’interprétation des textes législatifs pertinents que celle-ci retient.
[14] Ainsi, en 2003, dans l’affaire Bourassa, la Cour d’appel a, en outre, rappelé qu’« il [le recours en révision] ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation »[3].
[15] Dans l’arrêt Godin[4], l’honorable juge Fish précise qu’une décision ne peut être révisée pour le simple motif que la formation siégeant en révision ne partage pas l’opinion du premier juge administratif, que ce soit à l’égard de l’appréciation de la preuve, de l’interprétation de la règle de droit applicable ou même du résultat de l’analyse ; dans chaque cas, conclut-il, là où plus d’une issue raisonnable est possible, c’est celle retenue par le premier juge administratif qui doit prévaloir :
[51] Accordingly, the Tribunal commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions. Where there is room on any of these matters for more than one reasonable opinion, it is the first not that last that prevails.
[16] Dans son arrêt Amar c. CSST[5], la Cour d’appel réitère qu’une divergence d’opinions quant à l’interprétation du droit ne constitue pas un motif de révision.
[17] Dans l’affaire CSST c. Fontaine[6], sous la plume de l’honorable juge Morissette, la Cour reprend avec approbation les propos du juge Fish et ajoute que le vice de fond de nature à invalider dont parle la loi réfère à une « faille » dans la première décision telle qu’elle dénote de la part de son auteur une « erreur manifeste, donc voisine d’une forme d’incompétence, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception courante plutôt que dans son acception juridique ».
[18] La même règle fut répétée dans l’arrêt Touloumi[7] :
[5] Il ressort nettement de l’arrêt Fontaine qu’une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.
[19] Cette approche a toujours cours à la Commission des lésions professionnelles[8].
[20] Il ressort notamment de ce qui précède qu’une décision exhibant un « raisonnement parfaitement intelligible » n’est pas sujette à révision[9].
[21] Ainsi, dans le présent cas, la décision du 9 juin 2011 fait autorité. Elle ne saurait être révisée pour le motif que le soussigné ne partagerait pas l’opinion du premier juge administratif quant à l’appréciation de la preuve ou l’interprétation du droit ou encore quant à l’issue du litige, à moins qu’à l’égard de l’un de ces sujets, l’employeur ne démontre qu’elle est entachée d’une erreur grave, évidente (manifeste) et déterminante.
[22] Le recours en révision n’est pas un appel.
[23] Qu’en est-il en l’espèce ?
[24] Dans la requête en révision, le premier vice de fond allégué est que « la Commission des lésions professionnelles a erré gravement en omettant des éléments importants de la preuve ». Aucun détail n’est fourni à ce sujet.
[25] À l’audience tenue le 30 novembre 2011, la procureure de l’employeur n’a identifié aucune telle omission, non plus.
[26] Ce premier moyen, non démontré, ne peut donc justifier la révision de la décision rendue le 9 juin 2011.
[27] Comme deuxième motif, la requête en révision allègue que « la Commission des lésions professionnelles a erré gravement en ne tenant pas compte de la preuve soumise à l’effet que la travailleuse bénéficiait de pauses significatives et qu’il n’y avait aucune cadence imposée ».
[28] Cette affirmation est inexacte.
[29] En effet, le premier juge administratif a traité spécifiquement de cet aspect de la preuve aux paragraphes 47 et 48 de sa décision et a expliqué pourquoi, à son avis, l’absence de cadence imposée n’était pas déterminante en l’espèce et pourquoi il considérait les pauses insuffisantes :
[47] La procureure de l’employeur soutient qu’il n’y a pas de cadence ni de fréquence dans les tâches de la travailleuse. Au contraire, le tribunal juge que la travailleuse est exposée de façon prépondérante aux facteurs de risque qui ont contribué significativement au développement de son épicondylite bilatérale. Cette exposition se caractérise par le nombre de clients vus par la travailleuse dans une journée, par la durée des massages qui varient de 30 à 90 minutes et par le fait que la travailleuse doit respecter un horaire de rendez-vous.
[48] Les pauses de 15 minutes entre les massages pour monter la salle ne constituent pas une période de récupération nécessaire. Cette période de temps doit s’apprécier en fonction de l’ensemble des activités exercées par la travailleuse. Or, en tenant compte, encore une fois du nombre de massages et de la durée de ceux-ci, cette période de 15 minutes est insuffisante.
[30] Que l’on soit d’accord ou pas avec l’opinion du premier juge administratif à ce sujet n’a aucune importance.
[31] L’employeur n’a pas démontré que ce raisonnement était vicié d’une erreur, encore moins d’une erreur grave, manifeste et déterminante.
[32] D’autre part, ledit raisonnement est clair et parfaitement intelligible.
[33] Ce deuxième moyen doit donc être écarté, lui aussi.
[34] Le troisième motif invoqué se lit comme suit : « la Commission des lésions professionnelles a erré gravement en omettant de considérer que la travailleuse soit encore symptomatique, bien qu’elle n’exerce plus le métier de massothérapeute depuis plus d’un an ».
[35] Encore une fois, il s’agit là d’une affirmation inexacte, puisque le premier juge administratif a bel et bien considéré cet argument et en a disposé spécifiquement au paragraphe 49 de sa décision :
[49] Par ailleurs, le fait que la travailleuse soit encore aux prises avec des douleurs aux coudes ne permet pas de remettre en question le lien entre l’épicondylite bilatérale de la travailleuse et son travail de massothérapeute. Certes, il s’agit d’un élément à considérer qui toutefois être apprécié dans l’ensemble de la preuve. Or, dans le présent dossier, il y a une adéquation entre les gestes posés par la travailleuse et les douleurs ressenties. Dans ce contexte, la persistance des douleurs ne constitue pas un élément prépondérant permettant de remettre en question le lien entre l’épicondylite bilatérale et le travail de la travailleuse.
[36] Pour les mêmes raisons que celles énoncées à propos du motif précédent (l’absence de cadence imposée et l’existence de pauses), il n’y a pas lieu de retenir ce troisième argument de l’employeur.
[37] Le quatrième motif invoqué de révision invoqué dans la requête veut que « la Commission des lésions professionnelles [aurait] commis une erreur déterminante en ignorant une partie importante de la preuve qui une fois administrée ne soutient pas les conclusions retenues par le tribunal ».
[38] Il s’agit là d’un motif analogue au premier étudié précédemment (« la Commission des lésions professionnelles a erré gravement en omettant des éléments importants de la preuve »). Encore ici, aucun détail n’est fourni à ce sujet, dans la requête.
[39] À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, la procureure de l’employeur n’a identifié aucune telle preuve importante que le premier juge administratif aurait ignorée, non plus.
[40] Ce quatrième moyen, lui aussi non démontré, ne peut donc justifier la révision de la décision rendue le 9 juin 2011.
[41] Le dernier motif invoqué dans la requête veut que « la décision en l’instance [soit] manifestement déraisonnable eu égard à la preuve et au droit applicable ».
[42] Là encore, aucune démonstration de cette soi-disant déraison n’a été fournie.
[43] Il n’y a donc pas lieu de retenir cet argument, non plus.
[44] À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, la procureure de l’employeur fait valoir un tout nouveau motif au soutien de sa requête : le premier juge administratif ayant fondé sa décision sur sa connaissance d’office, l’employeur n’a pu « contrer cette preuve » à l’enquête.
[45] La procureure de l’employeur précise que ce reproche vise particulièrement l’absence de preuve quantitative des messages dispensés par la travailleuse. Selon la procureure, la travailleuse n’a jamais pu dire combien de massages elle donnait, particulièrement combien de ceux-là nécessitaient des pressions fortes.
[46] Selon la procureure, l’effet combiné de cette carence dans la preuve présentée par la travailleuse et de l’usage de sa connaissance d’office qu’a fait le premier juge administratif est que la décision du 9 juin 2011 « statue en l’absence de toute preuve ».
[47] Le soussigné ne partage pas cet avis.
[48] En effet, la lecture des paragraphes 33 à 46 de la décision convainc le tribunal qu’il n’y a pas « absence de preuve » dans le présent cas, bien au contraire :
[33] Un travail présente des risques particuliers lorsque celui-ci constitue, de par sa nature et ses conditions d’exercice, un risque particulier d’induire une maladie spécifique2. La preuve des risques particuliers du travail se fait par une analyse des structures anatomiques atteintes et par une identification des facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures. Le tribunal devra également tenir compte, dans son analyse, des caractéristiques personnelles de la travailleuse, de l’importance de l’exposition aux facteurs de risques en terme de durée, d’intensité ou de fréquence3.
[34] Dans le présent dossier, la preuve comporte une illustration des gestes effectués par la travailleuse lorsqu’elle exécute différents massages. Toutefois, aucune preuve médicale n’identifie quels sont les facteurs de risque susceptibles de contribuer au développement d’une épicondylite. Dans ce contexte, le tribunal est justifié tel que l’édicte le Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles4 (le règlement), de puiser à même sa connaissance spécialisée pour qualifier les gestes effectués par la travailleuse et déterminer si ceux-ci peuvent constituer des facteurs de risque d’induire une pathologie d’épicondylite.
[35] L’article 26 du règlement crée l’obligation suivante :
La Commission prend connaissance d’office des faits généralement reconnus, des opinions et des renseignements qui relèvent de sa spécialisation.
[36] Dans l’affaire Blanchard c. Control Data Canada Limitée5, la Cour suprême du Canada cerne la place de la connaissance spécialisée dans le processus décisionnel des tribunaux administratifs :
En effet, faut-il le rappeler, les tribunaux administratifs répondent au besoin d’apporter des solutions à des conflits qui se prêtent mieux à un procédé décisionnel autre que celui qu’offrent les tribunaux judiciaires. Souvent aussi, le juge administratif est mieux formé et mieux renseigné sur le milieu où il exerce sa compétence, et a accès à des renseignements qui ne se retrouvent pas, plus souvent qu’autrement, au dossier soumis à la cour.
[37] La jurisprudence6 de la Commission des lésions professionnelles retient que la connaissance spécialisée du tribunal comprend les notions de base généralement reconnues par la communauté scientifique, ne faisant pas l’objet de controverse scientifique et qui ne relèvent pas d’une expertise particulière et qui ont pu être exposées à maintes reprises devant le tribunal.
[38] La connaissance spécialisée du tribunal ne peut lui servir de sauf-conduit pour pallier à une preuve insuffisante ou pour faire appel à une preuve extrinsèque. En somme, la connaissance d’office élargie ou connaissance spécialisée constitue un outil permettant au tribunal de comprendre et d’analyser la preuve7.
[39] Dans le présent dossier, le tribunal s’appuie notamment sur sa connaissance spécialisée pour identifier quels sont les gestes ne suscitant aucune controverse médicale, susceptibles d’occasionner une épicondylite. De plus, cette connaissance spécialisée permet au tribunal de qualifier médicalement les gestes effectués par la travailleuse qui ont été mis en preuve lors de l’audience.
[40] Dans cette perspective, le tribunal retient que les mouvements susceptibles de causer une épicondylite sont ceux sollicitant les muscles supinateurs de l’avant-bras et les muscles extenseurs du poignet et des doigts8. Dans son analyse de la preuve, le tribunal doit donc considérer les mouvements ou efforts en supination de l’avant-bras, les mouvements d’extension du poignet et des doigts, ceux de préhension et les déviations radiales ou cubitales.
[41] En l’espèce, le tribunal constate que la travailleuse, dans le cadre de ses différents massages qu’elle accomplit, exécute des mouvements sollicitant les épicondyliens. En effet, il ressort de la preuve que dans le cadre des massages suédois, la travailleuse effectue principalement des mouvements d’extension des poignets et des déviations radiale et cubitale lorsqu’elle effectue différentes manœuvres. De plus, le tribunal retient que la travailleuse exerce une pression avec ses mains sur le corps du patient alors que ses poignets sont en extension.
[42] La Commission des lésions professionnelles considère que ces gestes exécutés par la travailleuse dans le cadre des massages suédois combinés à la pression appliquée par la travailleuse et au nombre de massages suédois exécutés par la travailleuse dans une semaine de travail ont contribué de façon significative à l’apparition de l’épicondylite de la travailleuse.
[43] D’ailleurs, dans l’affaire Roy et Komatsu International (Canada) Inc9, la Commission des lésions professionnelles écrit au chapitre du fardeau de preuve :
[100] L’analyse de la Commission des lésions professionnelles est encadrée par la Loi. Or, le législateur a choisi de ne pas faire cette exclusion. Le législateur reconnaît comme maladie professionnelle, non seulement les maladies causées par un travail mais aussi les maladies reliées à des facteurs de risque présents au travail (article 30).
[…]
[102] Le législateur reconnaît donc la possibilité qu’une maladie musculo-squelettique soit reliée à un travail exercé. […] Légalement, on pourra la qualifier de «maladie professionnelle» lorsque la preuve permet de conclure que le travail a contribué de façon significative et déterminante à l’apparition ou au développement de la maladie. C’est une preuve prépondérante qui permet de conclure en ce sens, sans l’exigence d’une preuve de niveau scientifique. C’est le cadre d’analyse de l’article 30 de la Loi.
[44] La preuve statistique déposée par l’employeur permet de conclure que les principaux massages dispensés par la travailleuse sont de type suédois. De plus, le tribunal tient compte du fait que les massages à pression forte nécessitent une plus grande force et que ceux-ci sont inclus dans les statistiques des massages suédois.
[45] Quant aux autres types de massages dispensés par la travailleuse, la preuve établit, notamment par son témoignage non contredit, qu’ils nécessitent les mêmes mouvements d’extension et de déviation radiale et cubitale des poignets puisqu’ils empruntent les mêmes techniques que le massage suédois. C’est notamment le cas pour les massages thérapeutiques et les massages pour les femmes enceintes. Au chapitre des massages à la pierre chaude, la travailleuse effectue des mouvements de supination des poignets qui ont contribué au développement de son épicondylite bilatérale.
[46] Le tribunal tient également compte dans son analyse de l’opinion du médecin régional de la CSST.
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2 Bouchard et Québec (ministère de la Justice) [2006] C.L.P. 913 ; Beaudouin et Super C, division Métro-Richelieu, C.L.P. 219888-07-0311, 31 octobre 2005, M. Langlois, (2005LP-196).
3 Précitée, note 2, [2006] C.L.P. 913 .
4 (2000) 132 G.O. II, 1627.
5 [1984] 2 R.C.S. 476 .
6 Dallaire et Jeno Neuman & Fils inc. [2000] C.L.P. 1146 ; Valois et services d’entretien Maco ltée [2001] C.L.P. 823 ; Tremblay et P.N. Lamoureux ltée, C.L.P. 133533-09-9909, 24 janvier 2006, G. Marquis; Construction Raoul Pelletier inc., C.L.P. 221878-03B-0311, 1er août 2006, M. Beaudouin; Petit et IAMGOLD-Mine Doyon, C.L.P. 332659-08-0711, 19 juin 2009, A. Vaillancourt.
7 Petit et IAMGOLD-Mine Doyon, précitée note 6.
8 Verreault et Groupe Compass, C.L.P. 283025-31-0602, 15 septembre 2006, G. Tardif; Bédard et Claude Miville inc., C.L.P. 320712-31-0706, 12 juin 2008, S. Sénéchal.
9 C.L.P.126914-62-9911, 6 juillet 2001, L. Vallières.
[49] L’opinion du médecin régional de la CSST mentionnée au paragraphe 46 de la décision du 9 juin 2011 précité est celle que le premier juge administratif a reproduite au paragraphe18 de la même décision :
[18] Dans une note du 1er juin 2010, le docteur Jean Gagnon, médecin régional de la CSST, écrit :
- ASPECT MÉDICAL :
Considérant les mouvements répétés avec efforts sur une période de temps prolongée, considérant les contraintes répétées au niveau des extenseurs, nous sommes d’avis qu’il existe une relation de causalité entre le travail exécuté et l’épicondylite bilatérale.
[50] De plus, le premier juge administratif n’a pas créé de preuve qui n’existât pas déjà en faisant ici usage de sa connaissance d’office. Comme il le souligne,
- au paragraphe 34 de sa décision, « la preuve comporte une illustration des gestes effectués par la travailleuse lorsqu’elle exécute différents massages » ;
- au paragraphe 38 de sa décision, « la connaissance spécialisée du tribunal ne peut lui servir de sauf-conduit pour pallier à une preuve insuffisante ou pour faire appel à une preuve extrinsèque » ;
- au paragraphe 44 de sa décision, « la preuve statistique déposée par l’employeur permet de conclure que les principaux massages dispensés par la travailleuse sont de type suédois » ce qui inclut « les massages à pression forte [qui] nécessitent une plus grande force » ;
- au paragraphe 45 de sa décision, « quant aux autres types de massages dispensés par la travailleuse, la preuve établit, notamment par son témoignage non contredit, qu’ils nécessitent les mêmes mouvements d’extension et de déviation radiale et cubitale des poignets puisqu’ils empruntent les mêmes techniques que le massage suédois » et qu’au cours des « massages à la pierre chaude, la travailleuse effectue des mouvements de supination des poignets qui ont contribué au développement de son épicondylite bilatérale » ; et enfin
- au paragraphe 46 de sa décision, il tient compte de l’opinion du docteur Gagnon évaluant le rôle joué par « les mouvements répétés avec efforts sur une période de temps prolongée » et « les contraintes répétées au niveau des extenseurs » dans la production de la maladie dont souffre la travailleuse.
[51] Les données brutes quant à la fréquence et au nombre de massages sont recensées aux paragraphes 19 à 22 de la décision rendue le 9 juin 2011.
[52] Assurément, tous ces éléments ont été reçus en preuve au vu et au su de l’employeur. En effet, ce dernier disposait du dossier constitué et il a participé activement à l’enquête devant la Commission des lésions professionnelles en contre interrogeant la travailleuse et en présentant ses propres témoins.
[53] Le premier juge administratif n’a eu recours à sa connaissance d’office qu’afin de tirer des faits matériels mis en preuve les conclusions juridiques appropriées eu égard à la règle de droit applicable au litige dont il était saisi, laquelle règle de droit est énoncée aux articles 29 et 30 de la loi qu’il a cités au paragraphe 29 de sa décision. C’est ce qu’il a pris la peine d’expliquer clairement, notamment :
- Au paragraphe 34 de sa décision : « le tribunal est justifié (…) de puiser à même sa connaissance spécialisée pour qualifier les gestes effectués par la travailleuse et déterminer si ceux-ci peuvent constituer des facteurs de risque (…) » ;
- Au paragraphe 39 de sa décision : « le tribunal s’appuie notamment sur sa connaissance spécialisée pour identifier quels sont les gestes ne suscitant aucune controverse médicale, susceptibles d’occasionner une épicondylite - De plus, cette connaissance spécialisée permet au tribunal de qualifier médicalement les gestes effectués par la travailleuse qui ont été mis en preuve lors de l’audience » ; et
- Aux paragraphes 42 et 43 de sa décision quant aux notions de « facteurs de risque présents au travail » ayant « contribué de façon significative à l’apparition ou au développement de la maladie » professionnelle.
[54] Dans le présent cas, le recours par le tribunal à sa connaissance spécialisée n’a servi qu’à bien comprendre et analyser la portée véritable de la preuve administrée par les deux parties.
[55] Il ne s’agit ici aucunement d’un cas d’importation de preuve extrinsèque, à l’insu des parties.
[56] D’ailleurs, la lecture de la transcription faite par sténographe de la plaidoirie de la procureure de l’employeur (à la page 75 aux lignes 7 à 25, à la page 76 aux lignes 1 à 25, à la page 77 aux lignes 1 à 7, à la page 80 aux lignes 11 à 25, à la page 81 aux lignes 1 à 6, à la page 87 aux lignes 22 à 25 et à la page 88 à la ligne 1) confirme qu’elle comprenait bien la portée de la preuve offerte et qu’elle a eu tout loisir d’en commenter les carences ou insuffisances, à son avis.
[57] L’employeur n’a pas été privé de son droit d’être entendu pleinement : il a eu connaissance de toute la preuve déposée devant le tribunal, il a pu répliquer à la preuve offerte par la travailleuse, il a pu commenter l’ensemble de la preuve disponible et, enfin, il a pu faire valoir tous ses arguments. Rien ne s’est passé sans qu’il le sache et qu’il ait eu toute l’opportunité de défendre ses intérêts.
[58] Ce moyen soulevé par l’employeur ne peut être davantage retenu que les précédents.
[59] En tout dernier lieu, la procureure de l’employeur plaide que si la maladie de la travailleuse avait réellement été causée par le travail, le médecin ayant charge de la travailleuse n’aurait pas autorisé le retour au travail sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles dans son Rapport final du 22 juillet 2010.
[60] Le premier juge administratif n’a pas ignoré ce fait puisqu’il le mentionne au paragraphe 17 de sa décision.
[61] Mais, de toute évidence, le premier juge administratif n’a pas considéré cette opinion du médecin comme ayant un effet déterminant sur le sort de la cause, et ce, à la lumière de la prépondérance de la preuve qu’il a minutieusement analysée dans son ensemble.
[62] La procureure de l’employeur n’a pas expliqué en quoi pareille décision recelait une erreur grave, manifeste et déterminante. Elle s’est contentée de réitérer devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision un argument au mérite dont le premier juge administratif a disposé.
[63] Tout compte fait, l’employeur recherche une nouvelle décision qui lui soit favorable à la suite d’une réappréciation de la preuve par un nouveau banc. Le recours en révision ne permet pas une telle démarche.
[64] La requête en révision n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Spa Le Finlandais, l’employeur.
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Jean-François Martel |
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Me Ingrid E. Mazzola |
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Dufresne Hébert Comeau |
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Procureure de l’employeur |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[3] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[4] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.). Voir au même effet : I.M.P. Group ltd (Innotech-Execaire Aviation Group) c. CLP, C.S. Montréal, 500-17-041658-082, 2 décembre 2008, j. Lebel, (08LP-172), requête pour autorisation d'appeler accueillie, C.A. Montréal, 500-09-019249-085.
[5] [2003] C.L.P. 606 (C.A.).
[6] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[7] CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).
[8] Donohue : Victoria et 3131751 Canada inc., C.L.P. 166678-72-0108, 1er décembre 2005, B. Roy ; Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau ; Ricard et Liquidation Choc, C.L.P. 217112-62C-0310, 10 février 2006, C.-A. Ducharme, (05LP-299) ; Coopérative forestière Hautes-Laurentides et Aubry, [2008] C.L.P. 763 .
[9] Commission scolaire des Phares c. CLP, C.S. Rimouski, 100-000616-062, 23 avril 2007, j. Blanchet, (07LP-14).
AVIS :
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