DÉCISION
[1] Le 10 février 2000, Malo Transport (1971) inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue 4 février 2000, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme la décision qu’elle a initialement rendue le 5 mars 1999 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
[3] Lors de l’audience du 23 novembre 2000, l’employeur était présent et dûment représenté. Le travailleur, monsieur Henry Preston, était également présent et représenté.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] Au début de l’audience, le procureur de l’employeur présente une demande de récusation de la commissaire saisie du dossier en titre, en vertu de l’article 429.43 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi).
[6] En effet, le représentant de l’employeur soumet que la commissaire n’a pas l’indépendance et l’impartialité nécessaires afin de statuer dans la présente affaire. Il indique que lors de ses activités professionnelles antérieures, la commissaire a représenté pendant plusieurs années des travailleurs de l’industrie du camionnage et elle a également plaidé à plusieurs reprises des dossiers où lui même fut impliqué comme représentant d’employeurs.
[7] Le représentant du travailleur soumet quant à lui, que la requête formulée par le représentant de l’employeur concernant la demande de récusation doit être rejetée.
[8] En effet, il soumet qu’il y a absence de démonstration de motifs sérieux justifiant cette récusation.
[9] Aucune preuve ne fut soumise à l’effet que la commissaire désignée au dossier ait eu une connaissance préalable du dossier ou un préjugé favorable envers la décision contestée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[10] La commissaire soussignée a rendu séance tenante sa décision quant au bien-fondé de la requête en récusation formulée par le représentant de l’employeur à l’égard de sa désignation comme commissaire au présent dossier.
[11] La demande récusation s’appuie sur l’article 429.43 de la loi :
429.43. Toute partie peut, à tout moment avant la décision et à la condition d'agir avec diligence, demander la récusation d'un membre saisi de l'affaire si elle a des motifs sérieux de croire qu'il existe une cause de récusation.
La demande de récusation est adressée au président. Sauf si le membre se récuse, la demande est décidée par le président, ou par un membre désigné par celui - ci.
________
1997, c. 27, a. 24.
[12] On constate d’abord que l’implication de l’article 429.43 de la loi requiert des motifs sérieux de croire qu’il existe une cause de récusation.
[13] La commissaire a examiné si la situation alléguée par le représentant de l’employeur est susceptible de soulever une crainte raisonnable d’impartialité aux yeux d’une personne raisonnable et bien renseignée, mais non tatillonne[1]. Or, aucun motif précis n’est allégué à l’appui de la demande de récusation de la commissaire soussignée.
[14] Bien qu’elle ait eu des activités professionnelles antérieures où elle a effectivement représenté des travailleurs dans l’industrie du transport et qu’elle ait plaidé à plusieurs reprises contre monsieur Corneau, la commissaire ne reconnaît aucun lien autre que professionnel avec ce dernier; elle n’a jamais défendu de dossiers concernant les travailleurs oeuvrant chez Malo Transport (1971) inc. Elle n’a jamais pris connaissance de quelque façon que ce soit du dossier de monsieur Preston ni ne le connaît personnellement. La commissaire a donc rejeté séance tenante la requête formulée par le représentant de l’employeur. Elle a indiqué qu’elle n’entendait pas se récuser et a écrit une décision manuscrite qui fut d’ailleurs consignée au procès-verbal lors de l’audience qui s’est tenue le 23 novembre 2000.
[15] Avant de procéder sur le fond du litige, les parties furent informées de la possibilité d’en appeler de cette décision conformément aux Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission des lésions professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001, a.429.21); les parties se sont déclarées satisfaites de la décision.
LES FAITS
[16] Monsieur Henry Preston est au service de l’employeur depuis 1988 comme chauffeur de camions citerne lorsque le 13 janvier 1999, il allègue avoir subi une lésion professionnelle.
[17] Le travailleur décrit d’ailleurs en ces termes, au formulaire « Déclaration du travailleur », l’événement dont il fut victime :
« Le 13-01-99 en montant les dolley le matin j’ai ressenti de vive douleur à l’épaule gauche et au torax gauche. J’ai complété ma journée. Je me suis rendu chez le médecin le 14-01-99 et il m’a dit que j’avais une tentinite aigue. » (sic)
[18] Interrogé sur les circonstances d’apparition des symptômes, monsieur Preston indique s’être blessé à l’épaule gauche alors qu’il manipulait les manivelles, également appelées « dolleys » servant à remonter les béquilles du camion. Or, le matin du 13 janvier 1999, les béquilles du camion étaient figées par le froid et la glace; monsieur Preston indique avoir dû forcer plus qu’à l’habitude. Habituellement, il peut tourner les manivelles d’une seule main. Il a d’ailleurs essayé de les tourner tout d’abord avec sa main droite mais, comme rien ne bougeait, il a alors forcé à deux mains afin de tenter d’amorcer un mouvement. C’est alors qu’il a ressenti une douleur au niveau de l’épaule gauche et du thorax.
[19] En raison de la douleur, monsieur Preston s’est résolu à consulter le 14 janvier 1999 son médecin de famille, le docteur Turenne, qui pose un diagnostic de tendinite à l’épaule gauche. Le docteur Turenne prescrit un arrêt de travail, l’application locale de glace et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
[20] Des radiographies réalisées le 15 janvier 1999 de l’hémithorax gauche et de l’épaule gauche ne démontraient aucune anomalie.
[21] Le 3 février 1999, le travailleur revoit le docteur Turenne, qui, en raison du peu d’amélioration de sa condition, réfère ce dernier en physiothérapie et en orthopédie. Le travailleur débute d’ailleurs les traitements de physiothérapie le 10 février 1999.
[22] Une seconde radiographie de l’hémithorax gauche, réalisée le 12 février 1999, fut réalisée afin d’éliminer une lésion costale. Le rapport radiologique ne démontrait encore une fois aucune anomalie à ce niveau
[23] Les traitements de physiothérapie furent prodigués jusqu’au 4 mars 1999, où en raison du refus de la réclamation du travailleur, les traitements furent cessés.
[24] Le 15 mars 1999, monsieur Preston rencontre le docteur Guy Le Bouthillier, orthopédiste.
[25] Le docteur Le Bouthillier indique comme impression diagnostique que le travailleur est porteur d’une capsulite ou d’une tendinite de l’épaule gauche. Monsieur Preston indique ressentir des engourdissements au niveau de sa main gauche. Le docteur Le Bouthillier pratique alors une infiltration au niveau de l’épaule gauche et recommande des exercices et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
[26] Par la suite, le travailleur revoit le docteur Turenne qui, suite aux soins prodigués par le docteur Le Bouthillier, constate une légère amélioration de la condition.
[27] Le 19 mars 1999, le travailleur rencontre le docteur Alain Malo. Aux notes de consultation, le docteur Malo indique ceci :
« Patient de 58 ans qui consulte pour évaluation d’arrêt de travail re tendinite épaule g. Vu par Dr. Lebouthiller le 15/03 puis son md de famille le 19-03 == arrêt de travail d’un mois.
A eu infiltration par Le Bouthillier. Physiothérapie à 18 reprises avec légère amélioration.
Douleurs et impression de bloc épaule g
En forçant sur dolley, contre-coups et douleurs aiguës bras épaule et cou (g). Vu par son md le lendemain --- ains+glace+ physio.. Peu amélioré par physio---orthopédie
Persistance de douleurs à l’épaule mais disparition au bras.
(…)
Diminution de mobilisation épaule avec adduction et rotation diminué.
Douleurs gléno-humérales+++
Conduite : Rupture de la coiffe ??? Arrêt justifié pour 1 mois A réévaluer. »
[28] Le docteur Malo soupçonne alors une rupture possible au niveau de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.
[29] Le 29 avril 1999, le travailleur rencontre à nouveau le docteur Le Bouthillier. Ce dernier indique que le travailleur est porteur d’un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche. Il prescrit des traitements de physiothérapie ainsi que des exercices et prévoit revoir ce dernier dans 6 semaines. Effectivement, il reverra le travailleur le 2 juin 1999.
[30] Compte tenu de la symptomatologie toujours éprouvée, le docteur Le Bouthillier recommande que le travailleur puisse bénéficier d’une étude électromyographique (ÉMG) et d’une tomodensitométrie cervicale.
[31] Concernant l’ÉMG, celle-ci fut réalisée le 15 juin 1999. Elle démontrait surtout des signes de ré-innervation chronique aux niveaux de C1, de C7 et de C8 gauches, le tout témoignant de séquelles d’une chirurgie cervicale ancienne. Il n’y a aucun signe de dénervation significatif en C6 pouvant expliquer les engourdissements que le patient présente au niveau de la main et il n’y a pas non plus de neuropathie périphérique ou d’évidence de lésion du plexus brachial.
[32] Quant à la tomodensitométrie cervicale, réalisée le 28 juillet 1999, celle-ci démontrait la présence de discarthrose et ostéophytose multi-étagée des niveaux C3 à D1, sans évidence de hernie discale.
[33] Le docteur Le Bouthillier revoit le travailleur le 30 juillet 1999. Celui-ci indique comme diagnostic une déchirure possible de la coiffe des rotateurs gauches. Il recommande donc que le travailleur subisse une arthrographie de l’épaule gauche afin de préciser le diagnostic. Il maintient toujours le travailleur en arrêt de travail.
[34] Le 12 août 1999, le docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste, signe un rapport d’expertise pour le compte du travailleur, qu’il avait préalablement rencontré le 6 juillet 1999.
[35] Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Tremblay procède à un examen physique et indique que le patient présente une tendinite de la longue portion du biceps avec inflammation secondaire du tendon du pectoral. Il croit que le mécanisme accidentel, soit un effort contre une résistance avec le bras en légère abduction et légère élévation antérieure, est parfaitement compatible avec la production d’une telle tendinite. Il indique qu’au moment de son examen, des signes évidents de cette tendinite avec accrochage sous-acromial étaient toujours présents. Il indique donc que la lésion n’est pas encore consolidée et que monsieur Preston devrait avoir une arthrographie de l’épaule avec possiblement échographie qui pourrait conduire à la réalisation d’une chirurgie.
[36] L’arthrographie de l’épaule gauche est réalisée le 25 août 1999. Celle-ci démontre une déchirure de la coiffe des rotateurs; le docteur Le Bouthillier planifie donc une chirurgie afin de réparer la déchirure.
[37] La réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche fut réalisée le 15 novembre 1999. La chirurgie a été faite par voie ouverte et le docteur Le Bouthillier a procédé à une acromioplastie et réparation de la coiffe des rotateurs. Il constate la présence de dégénérescence au niveau de la longue portion du biceps.
[38] Le 20 décembre 1999, le docteur Le Bouthillier réfère le travailleur en physiothérapie et les traitements ont débuté le 4 janvier 2000.
[39] La réclamation de monsieur Preston avait été initialement refusée par la CSST à titre de lésion professionnelle, mais la révision administrative, le 4 février 2000, a infirmé cette décision et déclaré que monsieur Preston avait été victime d’une lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
[40] Le travailleur a par la suite revu régulièrement le docteur Le Bouthillier ainsi que le docteur Turenne et le 8 juin 2000, le docteur Le Bouthillier complète un rapport final dans lequel il indique que suite à la reconstruction de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, la lésion était consolidée le 8 juin 2000. Il indique que la lésion professionnelle entraînait une atteinte permanente à l'intégrité physique ainsi que des limitations fonctionnelles. Il a d’ailleurs réalisé, le 20 juillet 2000, le rapport d’évaluation médicale; le docteur Le Bouthillier indique que le travailleur est porteur des limitations fonctionnelles suivantes :
Le patient aura comme limitations fonctionnelles d’éviter les mouvements répétitifs avec le membre supérieur gauche, d’éviter de lever des charges de plus de 15 livres, d’éviter de travailler avec le membre supérieur gauche plus haut que la hauteur des épaules et d’éviter de conduire des véhicules lourds.
[41] Le docteur Le Bouthillier évalue le pourcentage d’atteinte permanente à 9,10 %.
[42] Le 21 août 2000, monsieur Preston rencontre le docteur Bernard Elfassy, qui réalise une expertise médicale pour le compte de l’employeur.
[43] Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Elfassy consolide la lésion à la date de son examen, soit le 21 août 2000. Le docteur Elfassy indique accepter les déficits anatomo-physiologiques qui ont été émis par le docteur Le Bouthillier. Les limitations fonctionnelles à retenir, selon lui, sont les suivantes :
-éviter de faire des mouvements répétitifs avec le membre supérieur gauche
-éviter de lever des charges de plus de quinze (15) livres
-éviter de travailler avec le membre supérieur gauche plus haut qu’à la hauteur des épaules.
[44] Après avoir obtenu ces informations médicales, l’employeur a demandé que le dossier soit référé au Bureau d'évaluation médicale.
[45] Le 13 novembre 2000, le docteur Mario Corriveau, orthopédiste, est appelé à statuer sur le point 5 de l’article 212 de la loi, soit l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles.
[46] Le docteur Corriveau indique que le patient devrait éviter, à titre des limitations fonctionnelles :
-Les mouvements répétitifs du membre supérieur gauche;
-Soulever des charges de plus de 15 lb;
-Travailler avec le membre supérieur gauche plus haut que la hauteur des épaules (90o);
-Conduire des véhicules lourds.
[47] Au niveau des antécédents médicaux, monsieur Preston a été victime, le 14 juin 1967, d’un grave accident du travail alors qu’il transportait une valve nucléaire. Il s’est alors blessé au poignet gauche, à l’épaule gauche ainsi qu’au dos. Le 14 octobre 1968, monsieur Preston subissait une arthrodèse du poignet gauche en raison d’une nécrose du semi-lunaire; un déficit anatomo-physiologique de 15 % lui fut alors reconnu et le 26 juin 1970, monsieur Preston retournait au travail.
[48] Le 2 avril 1976, monsieur Preston est à nouveau victime d’une lésion professionnelle au dos. Le 14 avril 1977, celui-ci subit une discoïdectomie radicale L4-L5 ainsi qu’une greffe postéro-latérale hémi-latérale de L4 à S1.
[49] Le 26 janvier 1982, le travailleur subit une nouvelle chirurgie et il subit une nouvelle discoïdectomie, cette fois aux niveaux L3 et L4 gauches.
[50] Par la suite, monsieur Preston développe, à compter de novembre 1982 un état anxio-dépressif situationnel, pour lequel un déficit anatomo-physiologique de 5 % lui fut reconnu.
[51] Monsieur Preston a également connu des problèmes cervicaux et une discoïdectomie par voie antérieure et fusion par greffon iliaque gauche C5-C6 et C6-C7 fut réalisée le 17 octobre 1988.
[52] Suite à ces chirurgies, monsieur Preston a quand même bien récupéré au point où il a pu reprendre le travail de routier vers 1988 chez Malo Transport (1971) inc. Monsieur Preston a d’ailleurs travaillé sans interruption jusqu’au 15 novembre 1996, alors qu’il subit une lésion professionnelle à l’épaule gauche. L’événement, qui est survenu vers 15 h 30, est décrit en ces termes au formulaire « Réclamation du travailleur » :
« En voulant racordé une hose de déchargement qui était trop courte, j’ai forcé très fort, j’ai ressenti douleur au bras gauche. Voir rapport médical. » (sic)
[53] Au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement », il est écrit :
« En branchant la hose de déchargement du plan à notre citerne la hose était trop courte et j’ai mal forcé résultat déchirement du muscle de l’épaule gauche. »
[54] En raison des douleurs à l’épaule gauche, le travailleur consulte pour la première fois le 20 novembre 1996 et rencontre alors le docteur Caroline Cabana, qui pose le diagnostic de tendinite à l’épaule gauche. Celle-ci prescrit alors du repos, la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ainsi que l’application locale de chaleur.
[55] Le travailleur consulte par la suite le docteur Martineau le 25 novembre 1996 qui indique que le travailleur présente une amélioration de sa condition d’environ 60 %; il réfère ce dernier en physiothérapie. Les traitements ont débuté le 28 novembre 1996.
[56] Le 9 décembre 1996, le travailleur rencontre le docteur Dufour, qui indique que le travailleur présente une amélioration de sa condition mais qu’il n’est cependant pas guéri.
[57] Le 16 décembre 1996, le docteur Dufour pratique une infiltration stéroïdienne au niveau de la longue portion du biceps.
[58] Le 24 décembre 1996, le docteur Dufour complète un rapport final dans lequel il indique que la tendinite de l’épaule gauche est résolue à 80 % et consolide la lésion au 6 janvier 1997. Il indique que la lésion professionnelle n’entraîne aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.
[59] Les traitements de physiothérapie se sont terminés le 23 décembre 1996.
[60] Le travailleur a, comme prévu, repris son travail le 6 janvier 1997 jusqu’à ce qu’il subisse une autre lésion professionnelle le 22 octobre 1998 à l’épaule droite et celle du 13 janvier 1999 faisant l’objet du présent litige.
[61] Au jour de l’audience, monsieur Preston n’était pas encore retourné au travail.
L'AVIS DES MEMBRES
[62] Conformément à la loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs sur l’objet du litige.
[63] Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de l’employeur devrait être rejetée. En effet, ils considèrent que monsieur Preston a effectivement été victime d’une lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[64] La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Henry Preston a été victime d’une lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
[65] La Commission des lésions professionnelles a étudié avec intérêt l’ensemble du dossier et rend en conséquence la décision suivante.
[66] La loi définit en ces termes la lésion professionnelle :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.
[67] A l’article 28 de la loi, le législateur énonce une présomption en faveur de la reconnaissance d’une lésion professionnelle. L’article 28 se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 28.
[68] Et l’article 2 de la loi donne la définition suivante d’un accident du travail :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
«accident du travail» : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.
[69] Du libellé de l’article 28, il ressort que trois éléments doivent être démontrés pour que la présomption de lésion professionnelle puisse trouver application, soit :
- le travailleur doit avoir subi une blessure;
- la blessure doit survenir sur les lieux du travail;
- le travailleur doit être à son travail.
[70] Ces trois éléments doivent être établis par une preuve prépondérante.
[71] La Commission des lésions professionnelles croit que le travailleur peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle énoncée à l’article 28 de la loi. En effet, selon la preuve médicale non contredite, la tendinite diagnostiquée par le docteur Turenne, le 14 janvier 1999, peut constituer une blessure lorsque qu’elle est consécutive à un traumatisme unique comme c’est présentement le cas. Le caractère spontané et subit de l’apparition des douleurs et la pose d’un diagnostic de tendinite favorise l’appellation de blessure au détriment d’une maladie, laquelle suppose une douleur dont l’évolution est plus lente.
[72] La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles abonde d’ailleurs en ce sens.
[73] La blessure est-elle arrivée sur les lieux du travail alors que le travailleur était à son travail?
[74] La Commission des lésions professionnelles croit que la preuve prépondérante est à cet effet car les gestes posés, tels que décrits par le travailleur, sont sans équivoque.
[75] Du témoignage de monsieur Preston ainsi que des documents contemporains ayant été complété par le travailleur, il est clair que monsieur Preston s’est blessé le 13 janvier 1999. Aucune autre preuve d’ailleurs ne fut soumise afin d’infirmer le témoignage de ce dernier.
[76] Comme la présomption de lésion professionnelle trouve ici application, celle-ci se doit donc d’être confirmée. Il s’ensuit donc que le travailleur a subi une lésion professionnelle.
[77] La réclamation déposée pour un événement survenu le 13 janvier 1999 aurait-elle pu constituer une rechute, une récidive ou une aggravation d’un événement survenu le 15 novembre 1996? La Commission des lésions professionnelles répond d’emblée par la négative.
[78] Dans la définition de lésion professionnelle, telle que précitée, les notions de rechute, de récidive ou d’aggravation d’une blessure ou d’une maladie survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail sont comprises dans la notion de lésion professionnelle. Cependant, comme elles ne sont pas définies dans la loi, il faut s’en référer à leur sens courant pour en comprendre la signification. Un examen des définitions qui en sont données dans les dictionnaires permet de dégager qu’il peut s’agir d’une reprise évolutive d’une réapparition ou d’une recrudescence d’une lésion ou de ces symptômes[2].
[79] Il n’est par ailleurs pas nécessaire que la rechute, la récidive ou l’aggravation résulte d’un nouveau fait accidentel. Il faut cependant qu’il y ait une preuve médicale prépondérante pour établir la relation entre la pathologie présentée par un travailleur à l’occasion de la rechute, la récidive ou l’aggravation alléguée et celle survenue par le fait ou à l’occasion de la lésion initiale. Dans la décision Boisvert et Halco inc.[3], le commissaire Tardif établit certains paramètres quant à l’établissement de la relation entre la rechute, la récidive ou l’aggravation alléguée et l’événement initial :
1- la
gravité de la lésion initiale;
2- la
continuité de la symptomatologie;
3- l'existence
ou non d'un suivi médical;
4- le
retour au travail avec ou sans limitation fonctionnelle;
5- la
présence ou l'absence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou
psychique;
6- la
présence ou l'absence de condition personnelle;
7- la
compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, de la
récidive ou de l'aggravation avec la nature de la lésion initiale; et
8-
le délai
entre la rechute, la récidive ou l'aggravation et la lésion initiale.
[80]
Concernant
l’affaire en instance, la Commission des lésions professionnelles est d’avis
qu’il n’y a pas lieu de reconnaître l’existence d’une rechute, une récidive ou
une aggravation le 13 janvier 1999 pour les motifs suivants.
[81]
Lors de la
survenance de la lésion initiale le 15 novembre 1996, celle-ci était survenue
suite à un traumatisme précis, pour lequel un diagnostic de tendinite
traumatique fut posé et non contesté.
Le travailleur a par la suite cessé le travail jusqu’au 6 janvier 1997
et à ce moment, il a réintégré ses fonctions normales de chauffeur de camion
sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[82]
Bien que le
travailleur ait pu éprouver à l’occasion des douleurs au niveau de l’épaule
gauche, celles-ci ne l’empêchaient cependant pas d’occuper son travail ;
d’ailleurs Monsieur Preston n’a pas eu besoin de revoir un médecin en raison de
ces symptômes. Monsieur Preston a
travaillé sans interruption de janvier 1997 à janvier 1999, nonobstant une
courte période d’arrêt de travail en octobre 1998 suite à une lésion survenue à
l’épaule droite, jusqu’à ce que survienne le nouvel événement qui s’est produit
le 13 janvier 1999 et pour lequel il est encore en suivi médical.
[83]
Donc en
raison d’une courte période d’absence suite à lésion professionnelle du 15
novembre 1996, en raison du fait que la lésion fut consolidée sans atteinte
permanente ni limitations fonctionnelles par son médecin traitant et que
monsieur Preston a effectivement repris son travail normal à compter du 6
janvier 1997 sans nécessité de consultation médicale par la suite, la
Commission des lésions professionnelles ne peut que constater qu’il n’y a aucune
preuve médicale prépondérante pouvant établir la relation médicale entre
l’événement du 13 janvier 1999 et le 15 novembre 1996.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée le 10 février 2000 par l’employeur, Malo Transport (1971) inc.;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 février 2000, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Henry Preston a subi une lésion professionnelle le 13 janvier 1999.
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Manon Gauthier |
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Commissaire |
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Laporte et Lavallée (Me André Laporte) |
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Représentant de la partie requérante |
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GCO Santé et sécurité inc. (M. Gérald Corneau) |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.