Bélisle c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) | 2022 QCTMF 68 | ||||
TRIBUNAL ADMINISTRATIF | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
MONTRÉAL | |||||
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DOSSIER N° : | 2021-023 | ||||
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DÉCISION N° : | 2021-023-001 | ||||
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DATE : | Le 20 décembre 2022 | ||||
DATE DES RECTIFICATIONS : | Le 22 décembre 2022 et 21 avril 2023 | ||||
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : | ELYSE TURGEON | ||||
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PHILIPPE BÉLISLE | |||||
Partie demanderesse | |||||
c. | |||||
Partie intimée | |||||
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DÉCISION | |||||
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[1] Le 11 novembre 2021, Philippe Bélisle a déposé auprès du Tribunal une demande de révision de deux décisions rendues par une formation d’instruction de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (« OCRCVM »).
[2] La première décision du 17 mai 2021 rejette une requête en arrêt des procédures[1] au motif que Philippe Bélisle n’aurait pas démontré l’existence d’un délai à caractère abusif qui serait la source directe et réelle de préjudices importants.
[3] La deuxième décision du 12 octobre 2021 dont la révision par le Tribunal est demandée fait suite à un plaidoyer de culpabilité de Philippe Bélisle et le sanctionne pour des manquements constatés par une décision sur la responsabilité rendue après la requête en arrêt des procédures.
[4] Cette deuxième décision prononce les ordonnances suivantes à l’égard de Philippe Bélisle :
[5] Philippe Bélisle soutient que dans cette deuxième décision la formation d’instruction n’a pas tenu compte du délai hors norme du traitement de son dossier qu’elle avait antérieurement reconnu expressément dans sa décision du 17 mai 2021.
[6] Selon lui, cette omission constituerait une violation à l’équité procédurale. En effet, un traitement plus rapide de 14 mois de son dossier lui aurait permis d’être libéré de la sanction pécuniaire de 50 000 $ prononcée contre lui. En effet, cette sanction pécuniaire aurait été une réclamation prouvable dans sa faillite personnelle et de ce fait, il en aurait été libéré lors de sa libération du 15 septembre 2020.
[7] Philippe Bélisle soutient également que la formation d’instruction n’a pas tenu compte de certains facteurs et faits dans son évaluation des manquements qu’il a commis. Ainsi, la formation d’instruction aurait, notamment :
[8] Ainsi, les questions en litige que le Tribunal a à trancher sont les suivantes :
Question no 3 : Est-ce que la formation d’instruction a omis de considérer et de traiter certains facteurs et faits dans son dossier dont l’existence d’une procuration, sa coopération et les commissions payées?
Question no 4 : Est-ce que la formation d’instruction a erré dans la détermination de la sanction en lien avec les manquements commis par Philippe Bélisle dans l’exercice de son activité à titre de représentant d’un courtier en valeurs mobilières?
[9] Au terme de son analyse, le Tribunal répond non aux trois premières questions en litige et oui à la quatrième question en litige. En conséquence, il accueille partiellement la demande de révision de Philippe Bélisle pour les motifs ci-après exposés et rend la décision qu’il juge correcte.
[10] Préalablement à l’analyse des questions en litige et afin de contextualiser la présente affaire, il convient de résumer les faits qui ont donné lieu aux décisions contestées de la formation d’instruction lesquels ne sont pas contestés par Philippe Bélisle. Le Tribunal élaborera également sur la norme applicable à la révision des décisions de l’OCRCVM et sur le cadre dans lequel il exerce sa juridiction.
[11] L’OCRCVM est un organisme d’autoréglementation reconnu conformément au Titre III de la Loi sur l’encadrement du secteur financier[2] (« LESF ») et ce, en raison de la décision de reconnaissance de l’Autorité portant le numéro 2008-PDG-126[3], telle que modifiée par la suite, notamment, par la décision 2018-PDG-0027[4].
[12] À titre d’organisme d’autoréglementation, l’OCRCVM encadre et réglemente la conduite de ses membres relative à l’exercice d’une activité au Québec régie par une loi visée à l’Annexe 1 de la LESF et en l’instance, l’activité de courtage en valeurs mobilières.
[13] Selon les règles de l’OCRCVM, la relation entre l’OCRCVM et ses membres repose sur une assise contractuelle qui : « devient exécutoire par l’effet de la reconnaissance de l’Autorité »[5].
[14] Bien que l’OCRCVM soit un organisme privé, un statut particulier lui est conféré en regard avec l’intérêt public en raison de son encadrement par l’Autorité[6].
[15] L’article 70 de la LESF précise que les documents constitutifs, le règlement intérieur et les règles de fonctionnement de l’OCRCVM doivent lui permettre d’imposer aux personnes dont elle régit la conduite, des mesures disciplinaires en cas de manquement à ses règles ou en cas de contravention à la loi.
[16] Certaines de ces règles[7] encadrent les procédures disciplinaires de l’OCRCVM et désignent le groupe de personnes habilité à rendre une décision comportant des mesures disciplinaires. Ce groupe de personnes est appelé la « formation d’instruction ».
[17] Ce groupe se compose d’un président représentant le public (un juriste) et de deux membres actifs ou retraités du secteur des valeurs mobilières.
[18] En la présente instance, ce sont les trois mêmes décideurs qui ont entendu et rendu l’ensemble des décisions à la base de la présente affaire concernant Philippe Bélisle[8].
[19] Pour encadrer son processus disciplinaire, en février 2015, l’OCRCVM a établi un ensemble de lignes directrices sur les sanctions lesquelles « visent à promouvoir l’uniformité de traitement, l’équité et la transparence en établissant un cadre pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans la détermination de sanctions qui correspondent aux objectifs généraux des sanctions »[9].
[20] Ces lignes directrices visent, entre autres, à aider la formation d’instruction à déterminer de manière juste et efficiente les sanctions appropriées à la suite d’une audience disciplinaire. Elles ont pour objet principal de maintenir des normes élevées de conduite dans le secteur des valeurs mobilières et de protéger l’intégrité du marché.
[21] Ces lignes prévoient que les sanctions de l’OCRCVM sont de nature préventive et doivent viser à protéger le public investisseur, à renforcer l’intégrité du marché et à améliorer les normes et pratiques professionnelles générales[10].
[22] Philippe Bélisle a été inscrit à titre de représentant en valeurs mobilières de plein exercice en février 2010.
[23] Entre le 16 mai 2014 et le 13 décembre 2016, date de son congédiement, Philippe Bélisle a exercé ses activités de représentant inscrit auprès de Financière Banque Nationale (FBN).
[24] Depuis ce congédiement en 2016, il n’exerce plus d’activités en valeurs mobilières quoique l’interdiction d’opérations sur valeurs prononcée contre lui par la formation d’instruction est en vigueur depuis la fin 2021.
[25] La demande de révision des décisions concernant Philippe Bélisle est instituée en vertu de l’article
[26] Dans chacune des décisions du Tribunal portant sur des révisions des décisions de l’OCRCVM, le Tribunal statue sur la norme de révision applicable en l’instance.
[27] Trois décisions majeures du Tribunal ont élaboré longuement sur la question et ont constamment été suivies par la suite par le Tribunal. Il s’agit des décisions Séguin[12], Métivier[13] et Sultani[14].
[28] Dans l’affaire Séguin[15], le Tribunal a précisé de la manière suivante la norme de révision applicable lorsque le Tribunal est saisi d’une demande de révision d’une décision de l’OCRCVM :
« [74] Le Bureau a décidé de préciser le test élaboré dans le dossier Métivier afin de l’arrimer encore plus avec la position des autres provinces. À cet égard et bien que le Bureau puisse intervenir de manière large face aux décisions des organismes d’autoréglementation, le Bureau n’interviendra généralement pas à l’encontre d’une décision rendue par un organisme d’autoréglementation (OAR) sauf dans les cas suivants :
• la personne affectée par la décision n’a pas pu faire valoir entièrement ses droits, et ce, dans le respect des règles de justice naturelle ;
• l’OAR a erré en droit ;
• l’OAR a appliqué des lignes directrices ou des principes inadéquats ;
• l’OAR n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve ;
• une nouvelle preuve importante est présentée devant le Bureau de décision et de révision ;
• l’OAR a mal évalué la notion d’intérêt public;
[75] Hormis les exceptions ci-haut mentionnées, le Bureau fera preuve de déférence, lors d’une révision sur dossier, face aux décisions rendues par les organismes d’autoréglementation, et ce, principalement au niveau de la sanction. On s’approche ainsi du critère de la décision raisonnable pour les audiences sur dossier.
[76] Lors d’une audience de novo, le tribunal fera sa propre analyse et rendra la décision qu’il juge correcte. […] »
[29] En l’espèce, le Tribunal a procédé sur dossier et sans entendre de nouvelle preuve, mais règle générale, il peut intervenir et rendre la décision qui aurait dû être rendue en présence d’un des cas énumérés ci-haut, notamment lorsque l’équité procédurale est en cause ou qu’une erreur de droit a été commise.
[30] Dans la présente affaire, et pour les questions 1 et 2, le Tribunal se penche sur des notions d’équité procédurale notamment sur le traitement du délai d’enquête constaté par la formation d’instruction ce qui justifie l’application de la norme de révision de la décision correcte.
[32] La Cour suprême du Canada a récemment clarifié la norme de la décision raisonnable dans l’arrêt Vavilov[16]dans lequel elle a déclaré ce qui suit :
« [13] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est une approche visant à faire en sorte que les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif. Il tire son origine du principe de la retenue judiciaire et témoigne d’un respect envers le rôle distinct des décideurs administratifs. Toutefois, il ne s’agit pas d’une « simple formalité » ni d’un moyen visant à soustraire les décideurs administratifs à leur obligation de rendre des comptes. Ce type de contrôle demeure rigoureux.
[14] D’une part, les cours de justice doivent reconnaître la légitimité et la compétence des décideurs administratifs dans leur propre domaine et adopter une attitude de respect. D’autre part, les décideurs administratifs doivent adhérer à une culture de la justification et démontrer que l’exercice du pouvoir public qui leur est délégué peut être [TRADUCTION] « justifié aux yeux des citoyens et citoyennes sur les plans de la rationalité et de l’équité » : la très honorable B. McLachlin, « The Roles of Administrative Tribunals and Courts in Maintaining the Rule of Law » (1998), 12 R.C.D.A.P. 171, p. 174 (soulignement supprimé); voir également M. Cohen‑Eliya et I. Porat, « Proportionality and Justification » (2014), 64 U.T.L.J. 458, p. 467‑470. »
[33] Tout comme certaines commissions de valeurs mobilières canadiennes[17] qui exercent des fonctions juridictionnelles, le Tribunal reconnait que la formation d’instruction a une expertise spécialisée dans les standards de conduite généralement attendue des personnes qu’elle supervise et dans l’application de ses règles et procédures.
[34] Même si le Tribunal reconnait que la méthode de détermination de la norme applicable établie par la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Vavilov[18] ne s’applique pas à la révision d’une décision d’un organisme privé comme l’OCRCVM par un autre organisme administratif, il n’en demeure pas moins que certains enseignements de cette décision sont utiles pour l’appréciation des présentes, notamment ceux quant à la suffisance ou l’insuffisance des motifs énoncés dans une décision[19].
[35] À cet égard, l’interprétation du Tribunal est cohérente avec celle des autres régulateurs canadiens en valeurs mobilières qui exercent des fonctions juridictionnelles en exerçant des pouvoirs de révisions similaires à ceux du Tribunal eu égard à l’OCRCVM[20].
[36] Selon le dossier soumis au Tribunal et lors de l’audience sur la responsabilité tenue le 28 juin 2021, Philippe Bélisle a reconnu sa responsabilité aux trois chefs intentés contre lui et a admis les faits allégués contre lui dans l’exposé des allégations I-1.
[37] Les chefs pour lesquels il a admis sa responsabilité sont les suivants :
[38] Ainsi, selon les faits admis, une seule cliente est visée par les gestes qui lui sont reprochés et il s’agit de sa belle-mère alors âgée de 62 ans qui lui avait confié ses avoirs en mai 2014.
[39] À l’ouverture du compte, trois comptes en gestion discrétionnaire ont été ouverts au nom de cette cliente avec un objectif d’investissement de type « croissance ».
[40] À ce moment, sa belle-mère était la conjointe de son père, elle avait des avoirs d’environ 850 000 $, elle n’occupait pas d’emploi, elle avait un revenu personnel d’environ 20 000 $ par an et le revenu familial était d’environ 200 000 $ par an.
[41] Plus tard, en novembre 2014, Philippe Bélisle a ouvert des comptes sur marge sans le consentement de sa belle-mère, mais avec l’accord de son père alors conjoint de celle-ci.
[42] Ce dernier s’est également porté caution des comptes de cette dernière en janvier 2015 et garantissait les comptes marge de cette dernière à même ses propres comptes discrétionnaires.
[43] Selon les admissions, ces comptes sur marge devaient servir à utiliser le pouvoir d’emprunt lié à la valeur des actifs de ces comptes pour financer des travaux de rénovation à la résidence personnelle de Philippe Bélisle.
[44] Ce dernier a admis que ces gestes ont été posés à l’insu de sa cliente et a également admis que des gestes conséquents ont été posés pour cacher ces gestes.
[45] Ainsi, Philippe Bélisle a soumis des documents pour signature à sa cliente alors que celle-ci n’avait pas une bonne compréhension de leur signification et sans l’informer que ces sommes seraient utilisées pour la rénovation de sa résidence personnelle.
[46] Au total, plus de 275 000 $ ont été transférés du compte de sa cliente à celui de son père à l’insu de cette dernière. Par la suite, son père a transféré ces sommes au compte de Philippe Bélisle.
[47] Philippe Bélisle a admis avoir donné instruction à son adjointe, qui était sa conjointe, de falsifier la signature de sa cliente sur certains documents pour le premier transfert de 150 000 $. Ensuite, les autres transferts ont été déterminés à des montants moindres pour éviter le processus de signature.
[48] De plus, toujours selon ses admissions, Philippe Bélisle a donné instruction à sa conjointe de modifier le mode de transmission des documents reliés aux comptes marge de l’adresse personnelle de sa cliente à celle de son père et a modifié les caractéristiques d’envoi des notifications des documents pour qu’aucune notification ne soit envoyée à la cliente.
[49] De février 2015 à novembre 2016, Philippe Bélisle s’est mis à transiger des options d’achat et de vente dans les comptes de sa cliente et a mis en œuvre une stratégie de négociation de nature spéculative avec ces avoirs, laquelle allait à l’encontre des intérêts de celle-ci.
[50] En conséquence, entre février 2015 et octobre 2016, les comptes de sa cliente affichaient un solde débiteur moyen de près de 360 000 $.
[51] Les opérations nombreuses dans ces comptes auraient généré des commissions de 33 800 $ pour le courtier et un montant net de 12 600 $ payés à l’intimé, Philippe Bélisle.
[52] À la suite des admissions de Philippe Bélisle, le 14 décembre 2020 et dans sa décision sur responsabilité, la formation d’instruction l’a déclaré coupable des trois chefs portés contre lui.
[53] À la suite d’une audience tenue le 13 septembre 2021, le 12 octobre 2021, la formation d’instruction a rendu la décision sur sanction concernant Philippe Bélisle[21].
[54] Dans cette décision, la formation précise que dans le suivi des évènements le conjoint de la cliente a effectué des remboursements aux comptes de cette dernière; soit en 2016, un montant de 210 000 $ et en 2018-2019 un montant de 280 000 $ en plus des intérêts. Elle ajoute que la cliente n’a jamais porté plainte contre Philippe Bélisle.
[55] La formation d’instruction précise à la décision sur sanction que, selon l’intimé, le conjoint avait une procuration verbale de la cliente l’autorisant à donner des instructions reliées aux comptes de celle-ci.
[56] Dans le cadre des procédures intentées par l’OCRCVM, Philippe Bélisle a présenté une requête en arrêt des procédures qui a été rejetée par la formation d’instruction. Par la suite, la formation d’instruction a rendu une décision sur responsabilité basée sur le plaidoyer de culpabilité de Philippe Bélise et sa décision sur sanction.
[57] Ce sont les décisions sur la requête en arrêt des procédures et la décision sur sanction pour lesquelles Philippe Bélisle demande la révision. Les faits entourant la requête en arrêt des procédures seront traités à la question 1 et la décision sur sanction sera analysée aux autres questions en litige ci-après.
[58] Afin de bien répondre à cette question, il convient dans un premier temps d’établir la chronologie du traitement de ce dossier ainsi que d’élaborer sur les circonstances de ce dossier pour, dans un deuxième temps, procéder à l’analyse de la question en litige se rapportant à la décision sur la requête en arrêt des procédures.
[59] Cette requête en arrêt des procédures a été déposée par Philippe Bélisle environ 4 mois et demi après le dépôt de l’exposé des allégations de l’OCRCVM signifié le 14 décembre 2020. L’audience a eu lieu le 27 avril 2021 et la décision sur cette requête a été rendue peu de temps après, soit le 17 mai 2021.
[60] Selon le dossier transmis au Tribunal :
10 novembre 2016 | Philippe rencontre son employeur et l’informe de ses difficultés[22]. |
11 novembre 2016 | Interrogatoire de Philippe Bélisle par son employeur[23]. |
13 décembre 2016 | Philippe Bélisle est congédié de la Financière Banque Nationale[24]. |
15 décembre 2016 | Examen initial de l’OCRCVM pour déterminer s’il y a eu manquement[25]. |
30 décembre 2016 | Philippe Bélisle est avisé par son ancien employeur, la FBN, qu’un boni de 375 000 $ auquel il aurait eu droit s’il n’avait pas été congédié ne lui sera pas versé[26]. |
6 avril 2017 | Philippe Bélisle est informé par l’OCRCVM qu’une enquête formelle est ouverte[27]. |
11 décembre 2017 | Interrogatoire de Philippe Bélisle par l’OCRCVM[28]. |
14 décembre 2017 | Interrogatoire de l’épouse de Philippe Bélisle[29]. |
3 juillet 2018 | Philippe Bélisle fait une proposition concordataire à ses créanciers[30]. |
15 août 2018 | Philippe Bélisle est informé que son dossier est transféré au service des poursuites de l’OCRCVM pour analyse[31]. |
14 décembre 2018 | Philippe Bélisle fait cession de ses biens (faillite)[32]. |
15 septembre 2020 | Philippe Bélisle est libéré de sa faillite[33]. |
16 septembre 2020 | Envoi d’un projet d’exposé des allégations à Philippe Bélisle par l’OCRCVM pour négociation. |
14 décembre 2020 | Signification de l’exposé des allégations de l’OCRCVM comportant 3 chefs d’accusation[34]. |
18 janvier 2021 | Publication d’un avis d’audience au fond[35]. |
23 février 2021 | Conférence préparatoire et entente sur échéancier pour le déroulement du dossier[36]. |
27 avril 2021 | Audience sur la requête en arrêt des procédures[37]. |
17 mai 2021 | Décision de la formation d’instruction rejetant la requête en arrêt des procédures[38]. |
28 juin 2021 | Audience sur le fond de l’affaire |
[61] Après avoir entendu les parties, la formation d’instruction a rejeté la requête en arrêt des procédures.
[62] Au soutien de sa requête, Philippe Bélisle invoque que le délai excessif qu’a pris l’OCRCVM pour déposer ses allégations constitue un déni de justice puisque ce délai l’aurait privé du droit de présenter une défense sérieuse et du droit de réorienter sa carrière.
[63] Il allègue également avoir subi un préjudice financier, psychologique et familial en raison de ce délai.
[64] Finalement, il appuie sa requête sur le fait que la victime dans ce dossier n'a pas porté plainte et qu’elle a été remboursée de tout le capital et des intérêts.
[65] Dans sa décision sur la requête en arrêt des procédures, la formation d’instruction établit le cadre juridique utilisé pour son évaluation du délai déraisonnable comme étant celui de la décision Blencoe[39] de la Cour suprême du Canada qui serait la source des principes de droit applicables.
[66] La formation d’instruction retient comme critère que le « préjudice subi doit être d’une telle ampleur qu’il déconsidère les intérêts de la justice »[40].
[67] La formation précise également que Philippe Bélisle « admet que l’équité du procès n’est pas en péril ». Sa prétention est qu’un délai indu dans le processus administratif lui a causé un préjudice irréparable.
[68] La formation a donc procédé à déterminer si Philippe Bélisle fait la preuve de ces allégués et au surplus s’il a droit au remède exigé : l’arrêt des procédures.
[69] Ainsi, en se basant sur un autre dossier comme étant l’affaire Re Castonguay[41], la formation d’instruction a procédé à la détermination d’un barème de délais préinculpatoires et post-inculpatoires qui est d’environ 3 ans pour une affaire non complexe.
[70] Au terme de son analyse, elle évalue que ce dossier est non complexe.
[71] Or, dans le traitement de celui-ci, la formation d’instruction constate qu’il y a eu un délai de deux ans entre la réception du dossier au service des poursuites et l’envoi de l’exposé des allégations à Philippe Bélisle.
[72] En conséquence, la formation d’instruction détermine que le traitement de ce dossier à cette étape a accusé un délai de traitement excédentaire de 14 mois lequel ne correspond pas à la spécificité du dossier.
[73] Reconnaissant l’existence de ce délai déraisonnable, la formation d’instruction procède alors dans un deuxième temps à évaluer s’il y a préjudice relié directement au délai.
[74] Sur cette question elle conclut à l’absence de préjudice puisque :
[75] Finalement, la formation d’instruction rejette les allégations de Philippe Bélisle basées sur le fait qu’il n’y a pas de plainte de sa cliente et qu’il y a eu remboursement de cette dernière.
[76] Cependant, la formation insiste sur le fait que le délai déraisonnable de 14 mois qu’elle a constaté peut être pris en considération si, éventuellement, il y a sanction.
[77] En conclusion, la formation d’instruction établit que Philippe Bélisle n’a pas fait la preuve d’un préjudice grave et réel supérieur à celui de tout individu faisant face à une procédure disciplinaire et qui endure des effets négatifs.
[78] Finalement et en se basant sur les préceptes de l’arrêt Blencoe[42] la formation d’instruction a conclu que l’intimé n’a pas fait la preuve de l’existence d’un délai à caractère abusif qui était la source directe et réelle de préjudices.
[79] Le Tribunal a examiné attentivement la décision rendue par la formation d’instruction sur la requête en arrêt des procédures pour cause de délai déraisonnable afin de déterminer si la formation d’instruction avait erré en droit en rejetant la demande d’arrêt des procédures.
[80] Au terme de son analyse, le Tribunal est en accord avec le dispositif de la décision sur la requête en arrêt des procédures et considère que cette requête devait être rejetée.
[81] Selon la décision Blencoe[43], lorsqu’un délai excessif ne compromet pas l’équité de l’audience à venir rares sont les cas où ce délai peut constituer un abus de procédure. Selon cette décision :
« 115 [...] Ainsi, pour constituer un abus de procédure dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important. Il doit s’agir d’un délai qui, dans les circonstances de l’affaire, déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne.[44] »
[82] Or, à partir du moment où Philippe Bélisle, par l’entremise de son procureur, a admis que l’équité procédurale du procès n’était pas en cause, le fardeau qu’avait Philippe Bélisle de démontrer que ce délai constituait un abus de procédure devenait très lourd et seule une situation jugée exceptionnelle aurait permis de mettre fin à cette affaire en se basant sur une telle requête.
[83] Lors de la présentation de la requête, le procureur de Philippe Bélisle mentionne à la formation d’instruction ce qui suit :
« Bon. Alors, donc, dans un premier temps nous n'avons aucune allégation d'atteinte à l'équité de l'audience. C'est-à-dire que pour l'instant, il n'y a pas d'allégation de violation à ce qu'on pourrait appeler « une défense pleine et entière », ou en fait, le problème de se défendre, qui est la première étape, là, de l'analyse que l'on retrouve soit dans Blencoe ou dans Diaz… »
[84] Or, au moment de la présentation de la requête en arrêt des procédures le 27 avril 2021, l’audition au fond est déjà fixée au 28 juin suivant, donc, en l’absence de préjudice en lien avec l’audience à venir, le Tribunal croit qu’il eut été préférable pour la formation d’instruction de simplement reporter la question du délai et du préjudice qui y est relié sur le fond du dossier. Ceci aurait permis d’en faire une évaluation globale, avec une preuve complète incluant des témoignages sur le préjudice et d’avoir en main pour les outils pour déterminer le remède approprié puisque l’arrêt des procédures n’est pas le seul remède possible à une atteinte à l’équité procédurale.
[85] Ceci aurait été d’autant plus important de reporter au fond en considérant que les faits à la base de la requête en arrêt des procédures, soit le délai de traitement du dossier et les préjudices subis par Philippe Bélisle, étaient susceptibles d’avoir un impact important sur la détermination ou l’absence de détermination d’une éventuelle sanction sur le fond, le cas échéant.
[86] À tout évènement, en traitant cette question sur le fond et dans l’éventualité où la formation d’instruction décide qu’il y a un délai déraisonnable constituant un abus de procédure et atteinte à l’équité procédurale, elle aurait pu évaluer en une seule fois le moyen soulevé et la panoplie de remèdes possibles à ce manquement, dont le remède ultime, qu’est l’arrêt des procédures.
[87] Il est reconnu que l’arrêt des procédures est une mesure exceptionnelle. La Cour d’appel a confirmé l’application de ce principe en matière disciplinaire dans l’affaire Ruffo[45]:
« [64] L’arrêt définitif des procédures, que l’on soit en matière pénale ou disciplinaire, constitue un remède qui ne doit être accordé qu’exceptionnellement, lorsqu’aucune solution de rechange n’existe. Cette mesure extrême n’est appropriée que dans les cas les plus manifestes, lorsque le requérant démontre l’existence d’un préjudice irréparable qui compromet irrémédiablement son droit de présenter une défense pleine et entière ou l’intégrité du système judiciaire. »[46]
[88] En tenant compte de la mission de l’OCRCVM qui agit dans l’intérêt public et dont le processus disciplinaire vise à protéger les investisseurs et à renforcer l’intégrité du marché, il y a lieu d’évaluer avec circonspection une procédure qui, si accordée, conférerait une immunité à un inscrit qui pourrait avoir contrevenu aux règles de bonne conduite exigées d’une personne inscrite.
[89] Dans l’affaire Huot c. Pigeon[47] et en relation avec une requête en arrêt des procédures, la Cour d’appel reprend une citation du juge Dalphond alors à la Cour supérieure dans une autre affaire[48], lequel émettait l’opinion suivante en relation avec une requête en arrêt de procédure :
« L’intérêt public commande qu’une infraction déontologique soit punie, et le seul fait que l’enquête prenne un certain temps ne saurait conférer une immunité à l’auteur de la faute. Si, advenant le dépôt de plaintes, la requérante considère qu’elle n’est plus en mesure de faire valoir une défense pleine et entière en raison du temps qui s’est écoulé entre l’infraction alléguée et l’audition, il lui reviendra alors de convaincre les membres du comité de discipline de fermer le dossier. Il ne revient cependant pas au Tribunal d’intervenir pour empêcher le dépôt de plaintes et ainsi empêcher un tel débat de se faire devant le forum approprié. »[49]
[90] L’intérêt public transcende l’intérêt d’un seul individu et le fardeau de la personne qui demande l’arrêt des procédures est très lourd. Elle doit démontrer que les abus qu’elle allègue lui causent un préjudice tel qu’ils rendent l’éventuelle audition inéquitable[50].
[91] Dans sa décision, la formation d’instruction a bien identifié les règles de droit applicables en droit administratif en matière de délai déraisonnable sur une requête en arrêt des procédures à la lumière de la jurisprudence applicable au moment de cette audience[51].
[92] Ainsi, il ne devait y avoir arrêt des procédures que si un préjudice important était causé en raison du délai excessif et il s’agit d’une situation exceptionnelle.
[93] Vu l’admission que l’équité procédurale de l’audience à venir n’était pas en cause, le fardeau reposant sur Philippe Bélisle de démontrer un préjudice devenait très lourd. Seule une situation exceptionnelle pouvait justifier l’arrêt des procédures sur cette requête.
[94] En matière administrative, la décision Blencoe de la Cour suprême du Canada est un arrêt de principe sur la question des délais dans un contexte administratif.
[95] Selon cette décision, la partie qui allègue avoir subi un préjudice doit faire la démonstration que celui-ci a été directement causé par la longueur du délai, qu’il est réel et d’une ampleur telle que les membres du public seraient heurtés de constater la poursuite des procédures.[52]
[96] Dans son jugement, la formation d’instruction a élaboré longuement avec justesse sur les critères à appliquer pour juger de la déraisonnabilité d’un délai qui constitue un abus de procédure.
[97] Elle a donc, dans un premier temps, évalué s’il y avait délai déraisonnable et dans un deuxième temps, elle a évalué le préjudice subi par Philippe Bélisle en raison de ce délai.
[98] Selon son appréciation, elle a jugé que le délai de 14 mois qu’a pris l’OCRCVM entre le 15 août 2018, soit, moment de l’envoi du dossier de Philippe Bélisle du service des enquêtes à celui de la mise en application, et le 14 décembre 2020, soit le dépôt des plaintes à Philippe Bélisle, était trop long en lien avec la complexité du dossier.
[99] Après avoir déterminé qu’il y avait délai déraisonnable, la formation d’instruction a qualifié le préjudice subi par Philippe Bélisle en raison de ce délai.
[100] Au terme de cet exercice, la formation d’instruction considère au niveau du préjudice professionnel et psychologique qu’il n’existe pas de lien entre ce préjudice et le délai encouru, puisque temporellement situés avant l’enquête de l’OCRCVM.
[101] La formation d’instruction ne retient pas le préjudice relié au stress généré par la publicité des plaintes déposées par l’OCRCVM puisque postérieur au délai de 10 mois jugé déraisonnable et considère qu’il s’agit d’un préjudice normal et prévisible.
[102] Quant aux représentations de Philippe Bélisle reliées au fait qu’il ne peut bénéficier des avantages reliés à la libération de sa faillite dans l’éventualité où il serait condamné à des amendes, la formation d’instruction juge ce préjudice comme étant hypothétique.
[103] Le Tribunal juge que, dans son appréciation, la formation d’instruction a sous-évalué le préjudice subi par l’intimé en raison de la lenteur du traitement de son dossier.
[104] Dans son appréciation, la formation d’instruction relie le préjudice subi à l’exacte période où il y a eu du délai de traitement de son dossier au lieu de traiter le tout globalement et dans son ensemble.
[105] Ainsi, le préjudice psychologique que vit Philippe Bélisle relié au fait de ne pas pouvoir exercer sa profession en raison de l’enquête en cours de l’OCRCVM et du fait que ce dossier traîne en longueur a certainement pris sa source au moment du congédiement en novembre 2016. Par ailleurs, ce préjudice demeure constant tant et aussi longtemps qu’il n’est pas jugé.
[106] Le fait que ce dossier ne soit pas finalisé avant la date de sa libération de sa faillite en septembre 2020 alors que l’OCRCVM fait son examen initial des faits à la base des chefs en décembre 2016 crée un préjudice psychologique et potentiellement financier qui perdure non seulement pour les 10 mois où il y a eu un délai de traitement de 14 mois hors norme précédant le 14 décembre 2020 mais plutôt pour toute la durée du dossier.
[107] Le Tribunal est en accord avec la conclusion de la formation d’instruction selon laquelle au moment de la requête en arrêt des procédures le préjudice financier lié à la libération de la faillite est purement hypothétique, puisque la décision de la formation d’instruction n’a pas encore été prononcée.
[108] Cependant, il est clair pour le Tribunal que la formation d’instruction doit évaluer cette question au moment de prendre sa décision sur sanction et ceci sera traité plus loin dans cette décision lors de la révision de la décision sur sanction.
[109] Par ailleurs, malgré cette sous-évaluation de l’ampleur du préjudice subi par Philippe Bélisle par la formation d’instruction, le Tribunal considère que les préjudices invoqués par celui-ci ne sont pas assez exceptionnels ou importants pour justifier un arrêt des procédures sur une requête en arrêt procédures.
[110] Nous rappelons qu’au moment où cette requête a été présentée en avril 2021, l’audience sur le fond était prévue à court terme et donc, il y avait lieu d’anticiper une fin prochaine de ce dossier.
[111] Ceci est aussi appuyé du fait que Philippe Bélisle admet que l’équité procédurale de son audition sur le fond n’est pas impactée par ces préjudices.
[112] Tout comme la formation d’instruction le reconnait dans sa décision, d’autres remèdes que l’arrêt des procédures peuvent être envisagés pour un délai déraisonnable dans le traitement d’un dossier et c’est la raison pour laquelle, lorsqu’il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles, il y a lieu de favoriser la tenue d’une audience.
[113] Aussi, le Tribunal souligne que le fait qu’il n’y ait pas de plaignant dans cette affaire ne vient pas occulter la nécessité de procéder dans l’intérêt public à l’audience au fond sur les manquements graves allégués par l’OCRCVM dans sa procédure.
[114] Comme le mentionne bien l’OCRCVM dans l’affaire Castonguay : « Au contraire, nous sommes plutôt enclins à croire que l’arrêt des procédures déconsidérerait le processus disciplinaire dont la fonction première est de protéger le public et la réputation du commerce des valeurs mobilières. »
[115] Vu ce qui précède, le Tribunal rejette la demande de révision de la décision qui rejette la requête en arrêt des procédures de Philippe Bélisle et considère que la formation d’instruction était bien fondée de rejeter cette requête.
[116] Dans sa décision sur sanction, la formation d’instruction reconnait le délai excessif occasionné par un manque de diligence lors de l’enquête menée par l’OCRCVM et pour ce faire, elle réfère aux motifs de sa requête en arrêt des procédures qui établit que ce délai est d’une durée de 14 mois.
[117] En référant aux motifs de la décision sur la requête arrêt des procédures, elle motive comme suit sa décision sur l’exercice de sa discrétion quant à ce délai déraisonnable constituant un abus de droit :
« 67 Dans l’exercice de notre discrétion et comme nous avons déjà reconnu que l’OCRCVM avait causé un délai supplémentaire par manque de diligence, nous sommes d’accord pour créditer en faveur de l’intimé une période de 14 mois applicable au calcul de l’interdiction temporaire.
[…]
72 Comme mentionné plus haut, nous avions déjà décidé que l’intimé avait subi un délai excessif occasionné par un manque de diligence lors de l’enquête menée par l’OCRCVM. De plus, dans notre décision nous avions conclu qu’un remède approprié serait l’exercice de notre discrétion lors des dépens.
73 Conséquemment, nous sanctionnons l’intimé à un montant de 10,000$ en paiement des frais. »
[Référence omise]
[118] Dans sa décision sur sanction, la formation d’instruction ne traite pas des représentations de Philippe Bélisle qui prétend qu’une sanction pécuniaire imposée, à titre de sanction disciplinaire, est une « réclamation prouvable en matière de faillite » et qu’il aurait dû être libéré du paiement des montants de sanctions pécuniaires de l’OCRCVM si son dossier avait été traité dans un délai raisonnable.
[119] Or, dans sa décision sur la requête en arrêt des procédures, la formation d’instruction qualifie le préjudice financier de Philippe Bélisle comme étant hypothétique, ce avec quoi le Tribunal est en accord puisqu’à ce moment aucune sanction d’ordre pécuniaire n’est encore prononcée dans le dossier.
[120] Cependant, au moment où la formation d’instruction décide d’aller de l’avant et impose une telle sanction qui dans les faits totalise 122 600 $[53], le Tribunal juge qu’elle se devait de traiter de cette question en lien avec les représentations qui lui ont été faites par Philippe Bélisle à ce sujet et motiver sa décision.
[121] Par la décision sur sanction et lorsque la formation d’instruction prononce les sanctions pécuniaires, le préjudice financier allégué par Philippe Bélisle passait d’un préjudice hypothétique à un préjudice financier réel et tangible qui nécessitait une nouvelle évaluation et une explication par la formation d’instruction.
[122] Cette motivation et analyse est importante puisque Philippe Bélisle représentait qu’il ne devrait pas être privé des bénéfices de la libération de sa faillite parce que la formation d’instruction avait tardé à porter plainte.
[123] Les arguments qu’il soulève à cet effet sont sérieux et bien appuyés. Le Tribunal considère qu’il est important d’examiner les prétentions de Philippe Bélisle sur cet aspect du dossier et de les motiver en lien avec le changement de situation créé par le prononcé des sanctions pécuniaires.
[124] L’analyse de cette question est reliée à l’obligation de motiver une décision et à la notion de délai déraisonnable causant un abus de droit qui met en péril l’équité procédurale.
[125] Ainsi dans son appréciation de cette question, le Tribunal doit appliquer la norme de la décision correcte.
[126] Ainsi, et selon la Cour suprême dans l’affaire Dunsmuir[54] :
« la cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne. »
[127] En tout respect pour la formation d’instruction qui a rendu une décision de qualité, le Tribunal juge que les motifs de la décision sur sanction ne permettent pas de comprendre ce qui a guidé son raisonnement quant au remède accordé en raison du délai déraisonnable du dossier qui constituait un abus de droit.
[128] Dans sa décision sur sanction, elle n’explique pas pourquoi elle rejette les arguments de l’intimé eu égard à la faillite une fois que le préjudice financier ne devient plus hypothétique.
[129] Le Tribunal rappelle que dans la décision sur la requête en arrêt des procédures, la formation d’instruction mentionne ceci quant au délai qu’elle qualifie d’hypothétique :
« La formation ne peut retenir cet argument. Premièrement l’intimé est le seul instigateur du recours en faillite sans aucune interférence de l’OCRCVM et deuxièmement le préjudice allégué ne peut être qu’hypothétique vu l’absence de toute déclaration de culpabilité à l’égard de l’intimé ou l’imposition d’amendes le cas échéant. »
[130] Or, lorsqu’elle rend la décision suivante sur sanctions, elle ne traite pas de la question et réfère à sa décision sur la requête en arrêt des procédures pour ce qui concerne le délai et applique dans la décision sur sanction le remède qu’elle juge approprié.
[131] Elle mentionne dans la décision sur sanction avoir décidé que le remède approprié pour le délai abusif de 14 mois qu’elle a constaté était une réduction des dépens. À ce sujet elle mentionne :
« De plus, dans notre décision nous avions conclu qu’un remède approprié serait l’exercice de notre discrétion lors des dépens. »
[132] Or, ce que le Tribunal lit dans la décision sur la requête en arrêt des procédures est :
« Ceci étant, la formation reconnait qu’un manque de diligence par un organisme administratif peut être sanctionné. Entre autres remèdes proposés se retrouvent une audience accélérée ou une incidence sur les dépens. »
[133] Le Tribunal ne voit pas que cette affirmation est une décision définitive. Le Tribunal voit plutôt dans cette affirmation une annonce que le remède approprié sera traité dans la décision sur sanction.
[134] Aussi, le Tribunal voit que le très court passage sur le caractère hypothétique en lien avec la mention de l’absence de toute déclaration de culpabilité à l’égard de l’intimé ou l’imposition de sanctions pécuniaires porte à croire que cet aspect sera revisité lorsqu’une sanction pécuniaire sera imposée.
[135] En fait, même en analysant les deux décisions comme si elles ne faisaient qu’une puisque l’une réfère à l’autre, le Tribunal considère que l’analyse du remède approprié en lien avec le délai déraisonnable est incomplète et ne répond pas aux arguments sérieux soulevés par Philippe Bélisle sur le préjudice financier subi par ce délai.
[136] Le Tribunal considère qu’en toute transparence pour Philippe Bélisle, il importait pour la formation d’instruction de traiter de cette question dans la décision sur la sanction et de motiver l’exercice de la discrétion eu égard au remède à l’abus de droit constaté.
[137] La motivation des décisions est au cœur de la fonction des décideurs administratifs, à ce sujet l’affaire Vavilov mentionne autres ce qui suit :
« 79.[…] Les motifs donnés par les décideurs administratifs servent à expliquer le processus décisionnel et la raison d’être de la décision en cause. Ils permettent de montrer aux parties concernées que leurs arguments ont été pris en compte et démontrent que la décision a été rendue de manière équitable et licite. Les motifs servent de bouclier contre l’arbitraire et la perception d’arbitraire dans l’exercice d’un pouvoir public : Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine, par. 12‑13. Comme l’a fait remarquer la juge L’Heureux‑Dubé dans l’arrêt Baker, « [i]l est plus probable que les personnes touchées ont l’impression d’être traitées avec équité et de façon appropriée si des motifs sont fournis » : par. 39, citant S. A. de Smith, J. Jowell et lord Woolf, Judicial Review of Administrative Action (5e éd. 1995), p. 459‑460. »
[138] Au-delà de cette obligation de motivation, le Tribunal considère qu’il était du devoir de la formation d’évaluer les conséquences du délai de 14 mois qu’elle a jugé hors norme en lien avec la faillite de Philippe Bélisle et avec les particularités de ce dossier.
[139] L’analyse du délai et de ses conséquences se fait en fonction des circonstances particulières de chaque cas.
[140] Ici, le délai hors norme de 14 mois identifié par la formation d’instruction est un délai que l’on qualifie d’inutile en ce que rien ne le justifie.
[141] L’analyse du dossier révèle également que c’est Philippe Bélisle qui s’est lui-même dénoncé à son employeur[55] en novembre 2016, entre autres, sur la situation reliée au compte de sa belle-mère qui était aussi sa cliente.
[142] Philippe Bélisle a aussi été interrogé par l’OCRCVM sur ces mêmes faits lors d’un interrogatoire tenu le 11 décembre 2017[56] où il a encore avoué toutes les circonstances entourant les trois chefs portés ensuite contre lui par l’OCRCVM.
[143] De plus, le Tribunal constate qu’à la première date possible et lors de l’audience sur responsabilité, il a plaidé coupable sur les trois chefs portés contre lui.
[144] L’étude du dossier révèle également qu’aucun délai ne lui est imputable.
[145] En raison du délai déraisonnable de 14 mois constituant un abus de droit constaté par la formation d’instruction, il y a lieu d’examiner si les sanctions pécuniaires prononcées par la formation d’instruction constituent un préjudice financier réel et tangible causé par ce délai.
[146] Philippe Bélisle prétend que :
«si les trois (3) contraventions avaient été portées quatorze (14) mois plus tôt, soit le 14 octobre 2019 au lieu du 14 décembre 2020 comme l'a reconnue (sic) cette formation dans sa décision du 17 mai 2021, le demandeur aurait pu plaider coupable, dans le même délai que celui dans lequel il a inscrit ses plaidoyers de culpabilité, soit à la fin d'avril 2020, plutôt que le 28 juin 2021. »
[147] Il ajoute dans ses représentations que :
« parce que l'OCRCVM n'a pas porté plainte au moins quatorze (14) mois plus tôt, comme elle aurait dû le faire, le demandeur n'a pas pu plaider coupable, ni être sanctionné avant le 15 septembre 2020, et si une telle sanction avait comporté une amende, cette amende, qui est une réclamation prouvable en matière de faillite, aurait été incluse à la faillite dont il aurait été libéré le 14 septembre 2020. »
[148] Pour bien analyser ces prétentions de Philippe Bélisle, le Tribunal situe chronologiquement dans le tableau qui suit- les éléments pertinents pour cette question :
15 août 2018 | L’OCRCVM envoie le dossier de Philippe Bélisle à son service de la mise en application. |
14 décembre 2018 | Faillite de Philippe Bélisle |
14 avril 2019[57] | Début du délai jugé déraisonnable par la formation d’instruction |
Septembre 2020 | Libération Philippe Bélisle de sa faillite |
14 décembre 2020 | Signification de l’exposé des allégations donc fin du délai jugé déraisonnable de 14 mois. |
[149] La mise en perspective de ces faits permet de constater qu’au moment de la faillite de Philippe Bélisle, ce dossier est toujours dans une phase où son délai de traitement est raisonnable et normal.
[150] Ainsi, au moment de la faillite de Philippe Bélisle, celui-ci ne pouvait pas s’attendre raisonnablement à ce que l’OCRCVM ait finalisé son exposé des allégations, puisque le dossier avait quitté le service des enquêtes que quatre mois auparavant.
[151] Il est donc raisonnable de s’attendre qu’à ce moment, il ne puisse plaider coupable à un exposé des allégations qui n’était pas encore fait.
[152] Le Tribunal rappelle que dans son évaluation de la raisonnabilité des délais, la formation d’instruction a considéré le délai d’enquête de ce dossier comme étant dans la norme en lien avec le niveau de complexité du dossier. Le Tribunal ne remet pas en question cette évaluation.
[153] Plusieurs décisions traitent de l’impact de la libération d’une faillite sur des sanctions pécuniaires disciplinaires.
[154] En principe, au Québec et selon la jurisprudence applicable, la sanction pécuniaire disciplinaire est une réclamation prouvable au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[58] dans la mesure où le montant de la sanction est déterminé dans un jugement avant la faillite.
[155] Ce principe est également applicable dans d’autres provinces au Canada, notamment, plus récemment, dans l’affaire Hennig de la Cour d’appel de l’Alberta[59].
[156] Dans cette décision[60], la Cour d’appel de l’Alberta rappelle les principes de base en matière de faillite, notamment qu’un des objectifs des dispositions sur la faillite est la réhabilitation financière du débiteur.
[157] Ainsi, en étant libéré des réclamations de ses créanciers par le mécanisme de la faillite, le failli peut « repartir à neuf », ce qui assure son bien-être, celui de sa famille et aide à sa réhabilitation et sa réintégration dans la vie économique[61].
[158] En conséquence, un failli qui est un inscrit serait libéré d’une sanction pécuniaire disciplinaire de l’OCRCVM rendue contre lui avant sa faillite et aurait droit, normalement, à ce nouveau départ.
[159] Vu ce qui précède, il est donc clair pour le Tribunal que si la sanction pécuniaire de l’OCRCVM avait été émise avant la faillite, Philippe Bélisle en aurait été libéré.
[160] Il est aussi généralement reconnu par la jurisprudence québécoise qu’un failli ne sera pas libéré des sanctions administratives pécuniaires et des frais imposés par un comité de discipline après la date de la faillite pour des actes commis avant cette faillite[62] si au moment de celle-ci la procédure établissant des sanctions administratives pécuniaires n’a pas été émise par l’organisme disciplinaire.
[161] Dans l’affaire Wing et concernant une pénalité de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, la Cour supérieure de l’Ontario mentionne ce qui suit eu égard à un dossier toujours sous enquête au moment de la faillite :
« At the date of his bankruptcy, Mr. Wing had not admitted to a breach of the CTO. Whether such a breach could be proved and, if proved, whether it would be determined to be in the public interest to impose an administrative penalty in connection with that breach, were entirely matters for the OSC to decide. Further, the amount of any further administrative penalty was entirely discretionary to the Commission. These facts do not support the conclusion that a monetary sanction would probably be imposed. »
[162] Dans l’affaire Fuoco, la Cour du Québec considère qu’une sanction disciplinaire imposée après la date de la faillite ne constitue pas une réclamation prouvable dans la faillite sujette à libération postérieure et mentionne ce qui suit :
« [22] Enfin, l’obligation de payer une somme d’argent ne peut naître avant la décision du comité de discipline d’imposer une sanction monétaire. En effet, avant cette date, l’existence même d’une sanction monétaire n’est qu’hypothétique. Faut-t-il rappeler que la personne poursuivie par le comité de discipline bénéficie de la présomption d’innocence jusqu’à ce qu’elle plaide coupable ou qu’elle soit trouvée coupable par le comité de discipline.
[23] Même alors, la sanction monétaire n’est pas automatique puisque le comité de discipline peut imposer diverses sanctions telles la réprimande, la radiation temporaire ou permanente du tableau, la révocation ou la limitation ou la suspension du droit d’exercice. Le comité de discipline peut aussi imposer une amende mais n’est pas tenu de ce faire.
[24] Par ailleurs, la jurisprudence a considéré qu’une amende imposée après la date de la faillite ne constitue pas une réclamation prouvable. »
[Références omises]
[163] Cependant, dans l’affaire Thibault[63], la Cour d’appel du Québec a fait une exception à ce principe et a statué que ce moment était celui où la personne a plaidé coupable aux chefs d’accusation portés contre elle.
[164] Dans cette affaire, l’enquête et la procédure introductive d’instance ont été faites avant la faillite et le failli avait déposé un premier plaidoyer de culpabilité avant la date de la faillite, lequel avait été rejeté par la Cour.
[165] Dans cette affaire, la procédure introductive, le début de l’audition ainsi que le plaidoyer de culpabilité avaient eu lieu avant la date de la faillite.
[166] Le Tribunal considère que cette affaire se distingue de celle qui lui est soumise puisque le cas de Philippe Bélisle est à l’étude par le service de mise en application de l’OCRCVM pour déterminer les mesures à prendre au moment de la faillite.
[167] Dans cette l’affaire Thibault[64], la Cour d’appel a également affirmé qu’une personne ne devrait pas être privée de la libération parce qu’un comité disciplinaire a tardé à porter plainte.
[168] À ce sujet la cour mentionne ce qui suit :
« [27] One last point merits mention with regard to the lapse of time between the hearing and attempt to plead guilty (October 2011) and the decision (October 2013) and the imposition of the fines (July 2014). […]
[28] Drawing on this by analogy, I am of the view that Respondent should not be deprived of his discharge because the disciplinary committee delayed conviction and sentencing for a period exceeding two years in a matter which was not contested on the facts and where at the outset the Respondent indicated that he would plead guilty. The matter could and should have been disposed of in a more timely fashion which would have obviated the debate before us.
[29] The obligation was "incurred" before bankruptcy and the fines were imposed prior to discharge. This, as indicated by the Supreme Court of Canada, is a factual inquiry. On the uncontested facts in this case, it cannot be said that there is reversible error. There is thus no justification for appelante intervention. " »
[Références omises]
[169] Philippe Bélisle considère être dans une telle situation où le délai déraisonnable à traiter son dossier l’aurait privé des bénéfices de la libération de sa faillite.
[170] Le Tribunal a examiné attentivement cet aspect dans son évaluation de la situation de Philippe Bélisle et a vérifié si le délai abusif de 14 mois que la formation d’instruction a identifié avait nié à celui-ci son droit à sa libération.
[171] Or, ce délai abusif de 14 mois a été encouru après la faillite de Philippe Bélisle. En conséquence, le Tribunal considère que ce délai ne l’a privé d’aucun droit, puisqu’au moment de la faillite, le dossier était à l’étude par le service de la mise en application selon un échéancier jugé normal et aucune détermination n’avait encore été faite par l’OCRCVM quant à l’issue de cette affaire.
[172] Dans son appréciation, le Tribunal a également pris en considération le fait que depuis le tout début de ce dossier, Philippe Bélisle a avoué les manquements qu’on lui reproche, ce qui se qualifie d’aveux extrajudiciaires dans les interrogatoires de son employeur et celui de l’OCRCVM lesquels ont été déposés au dossier.
[173] Le Tribunal s’est demandé si de tels aveux pouvaient être considérés comme l’est le plaidoyer de culpabilité dans l’affaire Thibault, et de ce fait, cristalliser la sanction pécuniaire qui pourrait en découler à un moment précédant la faillite.
[174] Or, le Tribunal ne croit pas que cette approche est viable. Il est d’avis que l’émission de l’exposé des allégations par l’OCRCVM est le point de départ à considérer et que les aveux faits avant l’exposé des allégations ne peuvent être considérés comme l'a été le plaidoyer de culpabilité dans l’affaire Thibault.
[175] En conséquence, et malgré l’absence de motivation suffisante par la formation d’instruction de la question du délai en lien avec la faillite dans sa décision sur sanction, le Tribunal considère qu’elle n’a pas erré dans son appréciation de la situation soulevée par Philippe Bélisle.
[176] Le Tribunal considère que l’absence de motivation de la décision sur cet aspect n’est pas fatale en application de la norme de la décision correcte, la présente décision répond à cette préoccupation.
[177] Dans sa demande de révision, Philippe Bélisle allègue que dans la décision sur sanction du 12 octobre 2021, la formation d’instruction a erré en droit en omettant ou en ne tenant pas suffisamment compte des facteurs suivants :
[178] Avant de procéder à l’analyse des trois facteurs identifiés par Philippe Bélisle, le Tribunal tient à contextualiser l’obligation d’un décideur administratif de traiter de tous les arguments et détails soumis par une partie.
[179] À cet égard, les propos tenus dans la décision Brassard[66] illustrent bien le devoir d’un décideur à cet égard :
« [27] Ainsi, le fait que les motifs de la décision ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire ne constitue pas un fondement justifiant à lui seul d’infirmer la décision. Il faut plutôt accorder une attention particulière aux motifs du décideur et les interpréter de façon globale et contextuelle.
[28] D’ailleurs, toutes les lacunes rédactionnelles n’équivalent pas à une entorse à l’obligation de motiver une décision, comme l’expriment bien les propos suivants de la juge Bich :
[41] […] Comme l'a déjà écrit, dans un autre contexte, la juge McLachlin, maintenant juge en chef, « [i]l est aussi utopique de chercher la perfection dans les institutions judiciaires que de la chercher dans tout autre organisme social ». Ces propos sont transposables à la motivation des jugements. La facture d'un jugement peut donc n'être pas parfaite, elle peut même être médiocre sans pour autant que le raisonnement ou les conclusions soient erronées, certaines failles étant par ailleurs sans effet sur l'issue du litige.
[42] De plus, la motivation des jugements, qu'ils soient judiciaires ou administratifs, ne signifie pas que les tribunaux doivent faire état par le menu de chaque élément de preuve et de chaque argument, puis analyser ces derniers un à un. Le tribunal ne fera normalement état que de ce qui lui paraît essentiel. Il ne lui est pas imposé de discuter de tous les arguments des parties, certains ne méritant pas d'être traités en long et en large ni même d'être traités tout court. En outre, l'implicite a forcément sa place dans le jugement.
[29] Ces propos ont été réitérés par la Cour d’appel. Ainsi, l’obligation de motiver impose de livrer des raisons intelligibles au soutien de la conclusion à laquelle on en arrive, mais cela peut être fait succinctement. Une décision administrative n’a pas à être rédigée comme une décision judiciaire. Le cœur de l’analyse doit être lu dans son contexte. »
[30] En somme, le manque de motivation de la part d’un décideur administratif justifie le contrôle judiciaire, mais c’est le cas lorsqu’il s’agit d’une lacune grave. »
[Références omises]
[180] Ainsi, le Tribunal doit examiner si le manquement invoqué par Philippe Bélisle constitue une lacune grave.
[181] Selon la preuve soumise au soutien des admissions, la belle-mère de Philippe Bélisle et donc sa cliente, a accordé une procuration générale au père de Philippe Bélisle en février 2017 laquelle mentionnait être une confirmation rétroactive jusqu’en 2014 du mandat de son père eu égard aux affaires de la belle-mère de Philippe Bélisle.
[182] En quelque sorte, cette procuration accordait au père de Philippe Bélisle tous les pouvoirs d’administration de ses biens. Quant aux placements, elle lui permettait d’effectuer seul tout placement qu’il jugerait à propos.
[183] Selon Philippe Bélisle, l'omission de la formation d’instruction de tenir compte de cette procuration générale est déterminante puisque cette procuration générale est un facteur atténuant très important dont la formation aurait dû faire mention sous la rubrique "facteur atténuant";
[184] Or, dans la décision sur sanction, la formation d’instruction mentionne à son paragraphe 15 :
« qu’il a été convenu avec le conjoint de la cliente (le conjoint) que les comptes marge seraient gérés de façon discrétionnaire, sans obtenir l’accord préalable de la cliente avant d’effectuer des opérations aux comptes. Toujours selon l’intimé, le conjoint avait une procuration verbale de la cliente l’autorisant à donner des instructions reliées aux comptes de celle-ci. »
[185] Le Tribunal est d’avis que la procuration écrite et signée devant notaire qui est postérieure aux faits ayant donné lieu aux reproches de l’OCRCVM n’est pas pertinente en l’instance.
[186] Ce dont la formation d’instruction a tenu compte dans sa décision est l’existence d’une procuration verbale et l’existence de cette procuration était un fait admis par Philippe Bélisle.
[187] Selon la preuve au dossier, Philippe Bélisle avait l’autorisation de son père pour effectuer les transactions dans le compte de sa cliente qui est sa belle-mère, mais au moment où les faits se sont produits, aucun écrit ne venait confirmer cette situation.
[188] Le Tribunal comprend par ailleurs que Philippe Bélisle croit que cette procuration est importante puisqu’il lui est reprochée sa gestion discrétionnaire dans le dossier sans l’approbation de sa cliente et sur la base d’une procuration verbale alors que les règles de conduite exigent que le dossier du client soit documenté et comporte un écrit quand il y a procuration.
[189] En effet, le dossier révèle que son employeur a quant à lui a justifié les gestes de Philippe Bélisle auprès de la cliente en se basant sur cette procuration verbale et a écrit à cette dernière : « En raison de notre décision de ne pas porter plainte contre votre représentant, nous considérons que vous ratifiez rétroactivement les actes de votre conjoint, du conseiller et de l’adjointe en placement. »
[190] Or, ce positionnement de l’employeur vis-à-vis la cliente n’a aucune pertinence sur les obligations et règles de conduite d’un représentant et d’un courtier.
[191] Le Tribunal ne considère pas que l’existence de cet écrit rétroactif avait quelque pertinence que ce soit dans le dossier de Philippe Bélisle et le Tribunal considère qu’il n’y a pas d’erreur déterminante de la part de la formation d’instruction de ne pas avoir traité de l’existence de cette procuration écrite dans sa décision sur sanction.
[192] Philippe Bélisle considère que la formation d’instruction n’a pas suffisamment tenu compte de sa coopération exemplaire avec l’OCRCVM dans le traitement de son dossier ni n’a pris cette dernière adéquatement en considération dans la détermination de la sanction.
[193] À la lecture de la décision sur sanction de l’OCRCVM, le Tribunal note qu’au paragraphe 43, la formation d’instruction considère que l’intimé a collaboré pleinement à l’enquête.
[194] Elle souligne qu’il a lui-même dénoncé les faits controversés et a tenu compte de son plaidoyer de culpabilité consigné à la première occasion.
[195] La formation d’instruction qualifie la collaboration de l’intimé comme étant très adéquate au paragraphe 64 de la décision.
[196] Le Tribunal ne considère pas que cette différence de qualification de la collaboration de l’intimé soit un manquement grave dans la décision sur sanction.
[197] Le Tribunal souligne que dans les lignes directrices de l’OCRCVM sur les sanctions il est précisé :
« qu’une assistance proactive et exceptionnelle fournie par l’intimé à l’OCRCVM dans le cours de son enquête est prise en considération dans la détermination des sanctions appropriées. Selon les Règles de l’OCRCVM, l’intimé doit coopérer pleinement à l’enquête et répondre aux demandes de renseignements sans délai et de manière franche. Compte tenu de la règle générale imposant la coopération aux enquêtes de l’OCRCVM, seule une assistance proactive et exceptionnelle fournie par l’intimé doit être considérée comme un facteur atténuant en vue de l’imposition de sanctions. »
[198] Or, en lien avec ces lignes directrices, la formation d’instruction a mentionné spécifiquement la collaboration de l’intimé avec l’OCRCVM.
[199] En conséquence, le Tribunal en conclut que cet aspect a été apprécié correctement par la formation.
[200] Philippe Bélisle allègue que la formation d’instruction a fait une erreur déterminante en ordonnant seulement le remboursement du montant de commission de 12 600 $ dans sa décision sur sanction, alors qu’elle n’a pas jugé à propos de réclamer le montant de commission qu’a perçu en trop la Financière Banque Nationale.
[201] Le Tribunal ne croit pas qu’il s’agisse d’une erreur. Le présent dossier ne vise pas la Financière Banque Nationale, donc la formation d’instruction n’avait pas à traiter cet aspect du dossier.
[202] Tel qu’énoncé au début de la présente décision[68], la révision par le Tribunal de la sanction en lien avec les manquements commis fait appel à l’appréciation par la formation d’instruction de certains facteurs et faits.
[203] L’OCRCVM est une instance spécialisée et même si le Tribunal, à titre de décideur administratif, œuvre dans le même secteur de spécialisation que l’OCRCVM, le Tribunal reconnait dans la formation d’instruction de l’OCRCVM une spécificité plus aigüe de spécialisation que celle du Tribunal eu égard à ses membres.
[204] En conséquence, il y a lieu d’agir avec déférence pour la formation d’instruction pour le traitement de cette question et appliquer la norme de la décision raisonnable, malgré le pouvoir très large de révision dont dispose le Tribunal.
[205] Dans l’appréciation du caractère raisonnable de la décision, le Tribunal rappelle certains propos de la Cour suprême du Canada qui guident son appréciation :
[206] Le Tribunal désire mettre en évidence les aspects suivants de la norme de la décision raisonnable mentionnés par la Cour suprême dans Vavilov. Tel : « les omissions ne justifient pas à elles seules l’intervention judiciaire : il s’agit principalement de savoir si l’aspect omis de l’analyse amène la cour de révision à perdre confiance dans le résultat auquel est arrivé le décideur »[72].
[207] Cela étant dit, Philippe Bélisle demande la révision de la décision sur sanction à son égard invoquant que cette dernière n’a pas apprécié correctement et a parfois même omis d’apprécier des facteurs atténuants qui le concernaient.
[208] Philippe Bélisle reproche également à la formation d’instruction de ne pas avoir correctement identifié ses facteurs d’analyse et de ne pas avoir correctement appliqué ces facteurs à sa situation. À son avis, la formation d’instruction a commis une erreur déterminante ce faisant.
[209] Philippe Bélisle reproche aussi à la formation d’instruction d’avoir omis d’élaborer ou d’évaluer d’autres types de mesures correctrices que celles de la sanction pécuniaire et prétend que cette obligation s’inspire de l’article
[210] Il ajoute que le principe fondamental de la détermination de la peine demeure la proportionnalité eu égard à la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant.
[211] D’ores et déjà, le Tribunal tient à exclure l’argument basé sur la Charte des droits et libertés en précisant que l’OCRCVM n’est pas un organisme créé par la loi et donc la Charte ne s’applique pas à elle. Ceci a été reconnu dans plusieurs décisions[73].
[212] Par ailleurs, son statut d’organisme privé qui établit ses règles contractuellement lui permet d’administrer ses propres règles de discipline. Elle a d’ailleurs adopté ses propres règles qui ont été sujettes au processus d’approbation prévu à la LESF[74].
[213] De plus, le Tribunal souligne que l’OCRCVM doit appliquer les règles d’équité procédurale dans le traitement de ses affaires.
[214] Ainsi, tel que l’énonce la décision Knight[75] de la Cour suprême du Canada « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale. »
[215] Ainsi, dans l’imposition de sanctions, la formation d’instruction doit appliquer les lignes directrices[76] auxquelles est assujettie l’OCRCVM et qui établissent des principes de détermination des sanctions dans les affaires soumises à cet organisme.
[216] Ces lignes directrices prévoient de grands principes :
[217] Aussi, dans la détermination des sanctions de l’OCRCVM, la ligne directrice sur les sanctions prévoit certains facteurs clés lesquels seront repris plus loin dans cette décision.
[218] Il y a donc lieu d’examiner les sanctions émises par la formation d’instruction et d’évaluer à partir de la décision sur sanction si celle-ci a bien appliqué les lignes directrices dont son organisme s’est doté pour cette détermination.
[219] L’analyse des sanctions par le Tribunal est assujettie à la norme de la décision raisonnable. En conséquence, le Tribunal ne peut intervenir que s’il juge que la sanction est « si sévère, ou si clémente, qu’elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l’infraction et à l’ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier. »[77]
[220] En l'absence d’une telle démonstration, le Tribunal n'a pas à intervenir.
[221] L’analyse par le Tribunal de la décision sur sanction de la formation d’instruction permet de constater que celle-ci s’est efforcée de bien appliquer le cadre de sanction dont son organisme s’est doté.
[222] La décision sur sanction rendue par l’OCRCVM est intelligible, bien articulée et claire, elle élabore bien les faits reliés à l’affaire et elle qualifie la gravité des infractions admises par Philippe Bélisle.
[223] Elle précise des facteurs atténuants et des facteurs aggravants aidant à la prise de décision, elle fait référence à des précédents en la matière et elle explique bien le raisonnement qui l’a amenée à la décision rendue.
[224] La première partie de la décision traite des facteurs d’analyse dans lesquels elle évoque la mission de l’OCRCVM, les principes directeurs sur lesquels se base son appréciation et reconnait que ces facteurs doivent être adaptés à la conduite examinée.
[225] Ensuite, la formation d’instruction élabore sur les faits qu’elle considère pertinents aux fins d’établir la sanction. Ces faits sont exposés clairement et donnent un portrait assez juste de la situation soumise à la formation d’instruction.
[226] Le prochain titre de la décision élabore sur les prétentions des parties.
[227] On remarque que l’OCRCVM demande une interdiction permanente, une sanction pécuniaire de 100 000 $ pour le premier chef et de 50 000 $ pour chacun des chefs 2 et 3. Elle demande le remboursement des avantages financiers obtenus pour un montant de 222 600 $ et une partie des frais encourus soit 30 000 $.
[228] Quant à l’intimé, il propose les conclusions suivantes : une suspension maximale de 5 ans à compter de novembre 2016, aucune amende et qu’aucun frais ne soit imputé à Philippe Bélisle.
[229] Dans la prochaine section de la décision, la formation d’instruction élabore sur les facteurs d’analyse qu’elle retient et elle précise quels sont les facteurs aggravants et atténuants selon son évaluation.
[230] Le Tribunal considère l’énumération des facteurs aggravants comme étant assez complète.
[231] Pour les facteurs atténuants, et en lien avec les lignes directrices qu’elle applique, le Tribunal considère que certains facteurs additionnels auraient normalement pu être mentionnés ou bien il n’est pas convaincu que même s’ils ont été énumérés ils ont été considérés à leur juste valeur dans la globalité de la sanction. Il y reviendra plus loin.
[232] La décision fait également état des lignes directrices de l’OCRCVM en vertu desquelles elle apprécie la situation de Philippe Bélisle et établit à bon droit les principes applicables en matière de sanction étant que :
« 47 Les sanctions disciplinaires sont de nature préventive et doivent notamment viser à protéger le public investisseur, à renforcer l’intégrité du marché et à améliorer les normes et pratiques professionnelles générales.
48 Le but premier est la prévention et non la punition. On veut empêcher la poursuite d’un tel geste par l’intimé, mais aussi lancer un message clair à ceux qui seraient tentés de l’imiter qu’une telle conduite ne sera pas tolérée.[78]
49 Il faut que les sanctions établissent un juste équilibre entre la conduite fautive particulière reprochée à la personne réglementée et les attentes de la profession. La sanction doit être suffisamment importante pour être un facteur de dissuasion générale, mais également proportionnée pour amener l’adhésion des intervenants parce que la sanction est juste.
50 Dans le cas de contraventions multiples, les sanctions globales imposées ne doivent pas être excessives ou disproportionnées par rapport à la gravité de la conduite fautive d’ensemble à sanctionner. Des contraventions multiples peuvent cependant constituer un facteur aggravant.
51 Enfin, dans son exercice d’application de tous ces principes la formation doit assurer la protection du public, mais elle doit aussi traiter équitablement « celui dont le gagne-pain est placé entre ses mains ».[79]
[233] Une fois ces bases établies, la formation procède à l’analyse juridique de la situation.
[234] Elle fait appel à des précédents qui sont pertinents et dont plusieurs traitent justement de gestes d’appropriation de fonds de personnes inscrites eu égard à des personnes qui leur sont proches, par exemple des membres de la famille comme dans le présent cas et fait les distinctions appropriées. Il s’agit des décisions Re Scerbo[80], Re Silvaggio[81], Re Giroux-Garneau[82], Re Chher[83].
[235] Au terme de son analyse, elle fait état de la gravité des gestes de l’intimé tout en pondérant sa gravité avec la particularité du contexte familial dans lequel Philippe Bélisle se trouvait et en précisant à juste titre que ce contexte n’exonérait pas Philippe Bélisle de son devoir de gestionnaire responsable. Elle insiste sur la collaboration de l’intimé et détermine que tout de même une sanction sévère est de mise.
[236] Sur la base de ces faits, elle détermine la sanction qui se compose d’une radiation de 10 ans atténuée de 14 mois en raison du délai déraisonnable et de sanctions administratives pécuniaires d’au total 100 000 $ comportant un remboursement de commission et des frais, tel qu’énoncé ci-haut.
[237] Le Tribunal reconnait la déférence qu’il doit porter à l’appréciation de la formation d’instruction et il reconnait qu’il n’appartient généralement pas au décideur en révision de revoir l’appréciation des faits faite par les décideurs dont il révise la décision.
[238] Cependant, ce dossier revêt une certaine particularité pour deux raisons. Premièrement, le Tribunal a analysé une partie de ce dossier selon la norme de la décision correcte. Ceci l’a obligé à revoir l’intégralité du dossier.
[239] Deuxièmement, la formation d’instruction n’a jamais eu à apprécier de témoignages de vive voix dans cette affaire, puisqu’elle a été décidée sur dossier et à la suite des admissions de Philippe Bélisle. En conséquence, le Tribunal a eu à apprécier exactement la même preuve que celle de la formation d’instruction ou tout est écrit et rien n’est entendu.
[240] Avec tout le respect qu’il porte à la formation d’instruction, le Tribunal considère que cette dernière n’a pas donné l’importance qu’il fallait à la situation personnelle de Philippe Bélisle en lien avec les reproches pour lesquels il est déclaré coupable.
[241] Le Tribunal considère que ces faits sont d’une importance telle qu’ils auraient dû peser plus lourd dans les facteurs atténuants reliés à l’établissement de la sanction.
[242] Pour les fins des présentes, le Tribunal décline en trois thèmes ces faits : les circonstances entourant le congédiement de Philippe Bélisle de Financière Banque Nationale, la situation financière de Philippe Bélisle en lien avec les sanctions imposées et l’analyse du facteur de dissuasion spécifique et générale entourant les sanctions administratives.
[243] Selon les lignes directrices de l’OCRCVM qui établissent en liste les principaux facteurs clés en vue de la détermination des sanctions appropriées, il y a le facteur 12 qui est le suivant :
« 12. Dans le cas d’une personne physique, l’intimé a-t-il fait l’objet de mesures disciplinaires internes de la part du courtier membre (voir la Politique du personnel intitulée « Mesures disciplinaires internes prises par le courtier membre »)? »
[244] Or, il y a lieu de considérer que Philippe Bélisle a été congédié de son emploi auprès de la Financière Banque Nationale et ce congédiement était en lien avec les faits de la présente cette affaire.
[245] Cependant, dans sa décision sur sanction, la formation d’instruction accorde très peu d’importance sur ce fait et dans la décision sur l’arrêt des procédures, elle traite comme suit le congédiement de Philippe Bélisle ce qui aide à comprendre son appréciation. Elle dit :
« 53. Rappelons qu’initialement en décembre 2016, l’intimé a fait l’objet d’un congédiement. Or dans le suivi de ce congédiement, l’intimé a eu plusieurs différends avec FBN dont un portant sur un bonus non remboursé et un autre relatif à une perte de clientèle occasionnée par les interventions de FBN.
54. La plupart des reproches, sources de préjudice professionnel et psychologique, sont principalement dirigés vers FBN et ils se situent avant l’enquête officielle de l’OCRCVM. Il n’existe pas de lien direct et réel entre le préjudice allégué et le délai encouru. »
[246] Ainsi, la formation d’instruction ne relie pas clairement ce congédiement avec les faits à la base du présent dossier, bien que ce congédiement découle de l’entrevue de Philippe Bélisle avec son employeur où il informe de la situation qui lui est reprochée dans cette affaire.
[247] Philippe Bélisle avait une carrière florissante à titre de représentant d’un courtier en valeurs mobilières et il était sans reproches depuis son inscription en 2010. Les faits démontrent aussi que cette entrevue qu’il a sollicitée de son employeur pour demander de l’aide dans une situation difficile et rendue intenable a déclenché une spirale qui a mené à une complète déconfiture de sa vie personnelle et professionnelle.
[248] Le Tribunal ne banalise pas les gestes d’appropriation et les fausses signatures dans le but de tromper ainsi que la gestion inappropriée du portefeuille de sa cliente, mais il considère que les conséquences de ces gestes dans sa vie personnelle et professionnelle devaient être considérées à plus juste titre par la formation d’instruction.
[249] Ces conséquences ne devaient pas seulement être considérées par la formation d’instruction comme étant un différend entre lui et son employeur comme la formation d’instruction le mentionne dans la décision sur l’arrêt des procédures.
[250] Au moment de cette rencontre en novembre 2016, Philippe Bélisle attendait incessamment un boni de performance de 375 000 $ pour sa performance depuis 1995 lequel était payable avant la fin de l’année.
[251] Il a mentionné et confirmé par écrit à son employeur vouloir rembourser les pertes du portefeuille de sa cliente à même cette somme, puisque lui-même avait perdu ses avoirs à la suite d’erreurs dans la gestion de son portefeuille et dans celui de ses clients.
[252] En fait, il affirme que deux titres qui ont eu une mauvaise performance ont été surpondérés dans les portefeuilles ce qui a eu un impact négatif exponentiel en raison de sa stratégie de gestion.
[253] À la suite à cette rencontre, Philippe Bélisle a été suspendu et puis congédié et s’est ensuivi ce que la formation considère comme étant, un différend entre son employeur et lui-même que le Tribunal résume comme étant en guerre de clientèle, ce qui n’est pas inhabituel dans ce genre de situation.
[254] Ce boni était dû au 31 décembre 2016.
[255] Or, après avoir congédié Philippe Bélisle au début décembre 2016, Financière Banque Nationale a refusé de lui payer. À ce sujet, le 30 décembre 2016, elle lui mentionne dans un courriel :
« Votre boni de production de 375 000$
Votre Contrat d'emploi prévoit que vous étiez éligible à différents bonis dans le cadre de votre emploi a la FBN, et ce, sous réserve des termes et conditions qui y sont contenues.
Plus précisément, l'octroi et le paiement de ces bonis sont sujets notamment à :
À la lumière de votre congédiement pour cause le 13 décembre 2016, aucun paiement ne vous sera fait, pour le mois de décembre 2016 et pour le futur, à titre de versement annuel des Bonis de recrutement, d'entrée nette d'actifs et de revenus bruts 2015. »[84]
[256] Ainsi, à la suite d’une enquête de l’employeur, que le Tribunal qualifierait « de très efficace et diligente », Philippe Bélisle est congédié avant la fin décembre 2015 sans son boni.
[257] Et en conséquence, en ne recevant pas le boni de 375 000 $ auquel il s’attendait, il se retrouve dans une situation où il ne peut rembourser sa cliente de ses pertes malgré qu’il a informé son employeur qu’il voulait utiliser ces sommes pour rembourser cette cliente, qui est aussi celle de Financière Banque Nationale.
[258] Finalement, ce sera son père qui remboursera sa belle-mère en vertu des cautionnements des comptes de cette dernière par celui-ci.
[259] Ces circonstances sont importantes et le Tribunal considère que la formation d’instruction n’a pas évalué à sa juste valeur le lien entre le congédiement de Philippe Bélisle et les faits de la présente cause ainsi que les conséquences financières de ce congédiement en lien avec les faits qui lui étaient reprochés.
[260] Les lignes directrices de l’OCRCVM sur les sanctions mentionnent :
« 7. L’incapacité de paiement n’est un facteur à prendre en compte en vue d’imposer des sanctions pécuniaires ou des frais appropriés que si l’intimé la soulève. L’incapacité de paiement constitue une considération pertinente dans la détermination des sanctions financières appropriées à imposer à l’intimé. Il ne faut pas la considérer comme un facteur prédominant ou déterminant, mais c’est un facteur pertinent en fonction des circonstances de la conduite fautive
Il incombe à l’intimé de soulever la question et de fournir la preuve qu’il se trouve en difficulté financière. Cette preuve doit prendre la forme d’affidavits ou de déclarations sous serment en plus des documents ordinaires ou communément acceptés, comme les déclarations de revenus, les états financiers audités ou des états financiers vérifiés à l’externe.
La preuve de l’incapacité de paiement peut conduire à la réduction de l’amende ou à la renonciation à celle-ci, et/ou à l’imposition d’un plan de paiement par versements. Lorsque la formation d’instruction réduit une amende ou y renonce sur le fondement d’une incapacité de paiement véritable, le personnel demandera que la décision écrite l’indique. »
[261] Que cela soit l’incapacité de paiement de Philippe Bélisle ou sa situation financière, le Tribunal considère que la formation d’instruction n’a pas pris en considération la qualité de failli récemment libéré de Philippe Bélisle.
[262] Cette faillite apparaît au dossier et le dossier révèle qu’il n’en a été libéré qu’en septembre 2020. La décision de la formation d’instruction est rendue en octobre 2021.
[263] Or, les sanctions pécuniaires émises par l’OCRCVM sont importantes. Ici, il s’agit de sanctions pécuniaires de plus de 122 600 $. Dans les interrogatoires déposés au soutien des admissions de Philippe Bélisle, celui-ci affirme aussi avoir perdu ses avoirs dans ses mauvais placements.
[264] On ne retrouve aucune mention dans la décision à l’effet que la formation d’instruction aurait réduit ou refusé le montant d’une sanction pécuniaire qu’elle a établi sur le fondement de la situation financière de Philippe Bélisle au moment de la décision.
[265] Le Tribunal juge que la formation aurait dû apporter plus de poids à l’appréciation de la situation de failli fraîchement libéré de Philippe Bélisle en lien avec la détermination de la sanction pécuniaire. La formation d’instruction n’a pas considéré aussi que la perte du son boni de 375 000 $ a pu qu’avoir un impact important sur sa situation financière.
[266] Ces faits apparaissaient à la preuve déposée au dossier et ils devaient être considérés.
[267] Le premier principe qu’énonce la ligne directrice sur les sanctions de l’OCRCVM et qu’il faut prendre en compte dans l’établissement d’une sanction disciplinaire est le suivant :
«1- Les sanctions disciplinaires sont de nature préventive et doivent viser à protéger le public investisseur, à renforcer l’intégrité du marché et à améliorer les normes et pratiques professionnelles générales.
Dans la procédure d’ordre réglementaire, les sanctions visent à protéger l’intérêt public en empêchant une conduite future qui pourrait porter atteinte aux marchés financiers. À cette fin, les sanctions doivent être suffisamment lourdes pour empêcher et décourager l’intimé d’avoir une conduite fautive à l’avenir (la dissuasion spécifique) et pour dissuader les autres d’avoir une conduite fautive similaire (la dissuasion générale).
Lorsqu’on considère la dissuasion spécifique et la dissuasion générale en vue de l’imposition de sanctions, il faut prendre en compte la taille du courtier membre, notamment ses ressources financières, la nature de ses activités et le nombre de personnes physiques qu’il emploie, pour s’assurer que les sanctions imposées sont suffisantes pour atteindre la dissuasion. De même, dans le cas où l’intimé est une personne physique, il faut prendre en compte une incapacité de paiement véritable lorsqu’on impose une amende (voir le paragraphe 7 des Principes généraux).
Pour atteindre la dissuasion générale, il faut que les sanctions établissent un juste équilibre entre la conduite fautive particulière reprochée à la personne réglementée et les attentes de la profession. Les sanctions imposées doivent être proportionnées à la conduite examinée et similaires aux sanctions imposées aux intimés pour des contraventions similaires dans des circonstances similaires. Il faut réduire ou augmenter les sanctions en fonction des facteurs atténuants ou aggravants pertinents. »
[Références omises]
[268] Tel que le souligne la Cour suprême du Canada dans l’affaire Cartaway[85] à ce sujet :
« 64. Le poids à donner à la dissuasion générale variera d’une affaire à l’autre et relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission. La protection de l’intérêt public exige que l’on privilégie des mesures de réparation susceptibles de varier selon les circonstances. Les tribunaux doivent examiner l’ordonnance dans son ensemble pour vérifier son caractère raisonnable. Aucun facteur ne peut être pris en considération isolément. Une telle méthode fausserait l’évaluation détaillée et nuancée qui s’impose à la Commission pour concevoir une ordonnance qui soit dans l’intérêt public. Cependant, l’attribution d’un trop grand poids à un facteur particulier, y compris la dissuasion générale, rendrait l’ordonnance déraisonnable. […] »
[269] La formation d’instruction a élaboré sur ces principes de droit dans la décision. Dans l’élaboration des sanctions, elle a accordé un grand poids aux précédents en la matière, ce qui appuie bien le principe de dissuasion générale, mais qu’en est-il de la dissuasion spécifique de Philippe Bélisle?
[270] Vu les circonstances particulières de cette affaire, le Tribunal questionne l’appréciation qu’a faite la formation d’instruction des facteurs atténuants identifiés et particuliers à cette affaire.
[271] Le but de la réglementation par l’OCRCVM et de son processus disciplinaire est d’assurer la protection du public et non de punir[86].
[272] Partant, les sanctions appropriées ne devraient pas viser à punir pour la conduite fautive. Il faut plutôt qu’elles constituent, et soient perçues comme constituant, une dissuasion adéquate contre une conduite similaire à l’avenir à l’égard de Philippe Bélisle et des autres intervenants dans le secteur dans des circonstances similaires.
[273] Or, en évaluant les conséquences des gestes que Philippe Bélisle a commis et qui lui ont été reprochés, dont son congédiement, la perte de son bonus de 375 000 $ en lien avec les évènements, la fin d’une carrière prometteuse dans le monde des valeurs mobilières, l’impact sur sa vie personnelle et familiale, le Tribunal considère que les objectifs de dissuasion spécifiques recherchés par une sanction disciplinaire sont amplement atteints uniquement par la radiation de 10 ans moins 14 mois imposée par la formation d’instruction.
[274] De l’avis du Tribunal, y ajouter une sanction pécuniaire administrative de 50 000 $ pour le premier chef et une pénalité de 50 000 $ pour les deux autres chefs confère un caractère punitif à la sanction de la formation d’instruction, ce qui n’est pas le but recherché par ce genre de sanctions
[275] En conséquence, le Tribunal juge que la formation d’instruction a erré dans la détermination de la sanction imposée en sous-estimant les facteurs atténuants qui entraient en compte dans l’appréciation de la dissuasion spécifique.
[276] Le Tribunal reconnait que le fardeau de revoir une sanction administrative dans le cadre d’une révision qui doit se faire sur la base de la décision raisonnable est lourd, puisqu’une sanction sévère n’est pas nécessairement déraisonnable.
[277] Cependant et en reprenant les propos de la Cour d’appel dans la décision Pigeon c. Daigneault[87], le Tribunal juge que la sanction de la formation d’instruction est devenue déraisonnable puisqu’elle est « si sévère, qu’elle est injuste et inadéquate eu égard à la gravité de l’infraction et à l’ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier ».
[278] Dans son analyse, le Tribunal a examiné les motifs de la formation d’instruction avec une attention respectueuse, et a cherché à comprendre le fil du raisonnement qu’elle a suivi pour qu’elle en arrive à sa conclusion. L’ensemble est cohérent, mais l’absence d’appréciation des facteurs soulevés par le Tribunal a créé des omissions graves dans l’appréciation.
[279] Le Tribunal considère que Philippe Bélisle, par l’entremise de son procureur, a mis en évidence dans sa demande de révision les aspects que la formation d’instruction avait sous-évalués en lien avec sa situation.
[280] Le Tribunal juge que le fait pour la formation d’instruction de ne pas prendre en compte suffisamment les éléments personnels de Philippe Bélisle soulevés par le Tribunal est suffisamment important pour qualifier la décision de déraisonnable eu égard à Philippe Bélisle et commande une révision de cette dernière sur la sanction.
[281] Pour corriger la situation, il annule la sanction pécuniaire de 50 000 $ rattachée au chef 1 de la décision, ainsi que la sanction pécuniaire globale de 50 000 $ rattachée aux chefs 2 et 3 de la décision sur sanction de la formation d’instruction.
[282] Le Tribunal considère que les circonstances entourant cette affaire ont fait en sorte que Philippe Bélisle a suffisamment payé pour ses gestes. Le Tribunal associe la perte de son boni de 375 000 $ et la perte de son emploi aux mêmes évènements que ceux à l’origine de ce dossier.
[283] Quant à l’interdiction temporaire de 10 ans moins les 14 mois et la période de surveillance stricte de deux ans advenant que Philippe Bélisle réactive son inscription éventuellement, le Tribunal juge que cette interdiction est acceptable en lien avec les manquements observés et que cette mesure strictement reliée à la protection du public est appropriée. Il prononce sa décision de manière que le début du calcul de ce délai parte à la date de la décision sur sanction. Il précise par ailleurs que déjà depuis décembre 2016, Philippe Bélisle n’exerce plus d’activités en valeurs mobilières.
[284] La revue des comparables cités à la décision de la formation d’instruction convainc le Tribunal que cette interdiction est appropriée vu la gravité des manquements constatés dans les circonstances et que cette mesure correspond aux indications provenant de la ligne directrice sur les sanctions à ce sujet.
[285] Le Tribunal est en accord avec les propos de la formation d’instruction eu égard à l’appropriation[88], la falsification de signatures et les opérations non autorisées. Il s’agit de manquements très graves qui commandent une sanction qui soit dissuasive et en ce sens la radiation de 10 ans est appropriée.
[286] Le Tribunal considère également juste et appropriée la réduction de cette radiation d’une période de 14 mois pour refléter le délai considéré comme abusif dans cette affaire.
[287] Par ailleurs, en ce qui a trait à l’ordonnance de remise pour les commissions payées en trop par la cliente de Philippe Bélisle de 12 600 $, le Tribunal considère approprié de la maintenir et prend acte de l’acceptation à rembourser la cliente du montant de 12 600 $ mentionné dans sa demande de révision.
[288] En ce qui a trait à l’ordonnance pour le paiement des frais d’enquête de l’OCRCVM qui ont été réduits de 30 000 $ à 10 000 $ par la formation d’instruction en raison du délai déraisonnable, le Tribunal juge qu’il y a lieu de maintenir cette ordonnance qui est justifiée et appropriée. Ses gestes fautifs sont la cause directe de cette enquête qui était fondée et malgré le délai de traitement, il est responsable de ces frais de l’OCRCVM.
[289] En conséquence, et en réponse à la question 4 le Tribunal considère que la formation d’instruction a erré dans la détermination de la sanction en lien avec les manquements commis par Philippe Bélisle dans l’exercice de son activité à titre de représentant d’un courtier en valeurs mobilières.
[290] Finalement, Philippe Bélisle demandait au Tribunal de revoir la décision pour réduire à une année la sanction pour falsification de signatures en se basant sur la décision Pigeon c. Daignault, précitée. Dans cette décision, la cour aurait suspendu pour une année pour cette faute et à 2 000 $. Le Tribunal rejette cette proposition et considère que l’appréciation de la formation d’instruction sur la gravité de ce geste pour un inscrit est appropriée.
CONCLUSION
[291] Le Tribunal accorde partiellement la demande de révision de Philippe Bélisle et révise le dispositif de la décision. Il estime également que pour des raisons d’efficacité et d’économie des ressources judiciaires et pour finaliser un dossier qui dure depuis 2016 pour Philippe Bélisle, il convient de rendre la décision qui aurait dû être rendue et revoit le dispositif de cette dernière conformément à sa décision.
[292] Le Tribunal tient également à remercier les procureurs au dossier pour leur professionnalisme, pour leur respect mutuel malgré des opinions divergentes, pour rigueur de leur travail et la qualité de leurs représentations.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu de l’article
ACCUEILLE partiellement la demande de révision de Philippe Bélisle;
CONFIRME la décision rendue par l’OCRCVM le 17 mai 2021;
INFIRME la décision sur sanctions rendue par l’OCRCVM le 12 octobre 2021;
ET REND la décision qui aurait dû être rendue eu égard aux 3 chefs portés à l’encontre de Philippe Bélisle par l’OCRCVM :
INTERDIT à Philippe Bélisle d’exercer toute activité d’inscrit en valeurs mobilières pour une période de 10 ans moins 14 mois débutant le 12 octobre 2021 et impose une période de surveillance stricte de deux ans advenant la réactivation de son inscription;
ORDONNE à Philippe Bélisle de remettre la somme de 12 600 $ à sa cliente dont il est fait mention dans la présente décision et de fournir à l'OCRCVM une preuve à cet effet dans un délai de 30 jours;
ORDONNE à Philippe Bélisle de payer à l’OCRCVM des frais au montant de 10 000 $.
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| __________________________________ Me Elyse Turgeon Juge administrative | ||
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Me Gérald Soulière | |
(Gaggino Avocats) | |
Pour Philippe Bélisle | |
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Me Fanie Dubuc | |
(OCRCVM) | |
Pour l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) | |
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Date d’audience : | 2 juin 2022, prise en délibéré le 20 juin 2022 |
[1] Pièce I-3.
[2] RLRQ, c. E-6.1.
[3] Décision n° 2008-PDG-0126, 2008-05-02, Bulletin du 2008-05-30, Vol. 5, n° 21.
[4] Décision n° 2018-PDG-0027, 2018-04-10, Bulletin du 2018-04-12, Vol. 15, n° 14.
[5] Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) c. Beaudoin,
[6] Sultani c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM),
[7] Règles 8200 et 8400.
[8] Soit Robert Monette à titre de Président de la formation, François Demers et François Breton.
[9] Extrait de la page 2 des Lignes directrices sur les sanctions.
[10] Cela étant d’ailleurs conforme aux principes exprimés au paragraphe 43 de la décision rendue dans l’affaire Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières),
[11] RLRQ, c. V-1.1.
[12] Séguin c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières),
[13] Métivier c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM),
[14] Sultani c. Organisme Canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), préc., note 6.
[16] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov,
[17] Voir la décision Re O’ Brien, 2020 ABASC 160 (CanLII).
[19] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 16, par. 91 à 95.
[20] Voir Re Johnston, 2021 BCSECCOM 79 (CanLii) par. 38, Re O’ Brien, préc., note 17, Debus (Re), 2021 ONSEC 22 (CanLII), par. 88.
[21] Pièce I-5, décision sur la requête arrêt des procédures.
[22] Pièce I-21, page 1200.
[23] Pièce I-21, page 837.
[24] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures et pièce I-21, page 86.
[25] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[26] Pièce I-13 du cahier de pièces déposé au soutien de la requête en arrêt des procédures lequel est coté sous I-8 dans le présent dossier.
[28] Pièce I-1, requête en arrêt des procédures.
[29] Requête en arrêt des procédures I-11.
[30] Requête en arrêt des procédures I-11, par. 85.
[31] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[33] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[34] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[35] Pièces I-1 et I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[36] Pièces I-7 et I-5, décision sur la requête arrêt des procédures.
[37] Pièces I-12 et I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures.
[38] Pièce I-4.
[39] Blencoe c. C-B (Human Rights Commission),
[40] Pièce I-5, décision sur la requête en arrêt des procédures, par. 30.
[41] Re Castonguay, 2012 OCRCVM 42, par. 10.
[43] Ibid, par. 115.
[44] Ibid.
[45] Affaire Ruffo (Re),
[46] Ibid.
[49] Huot c. Pigeon,
[50] Une belle illustration de ce principe dans Dentistes (Ordre professionnel des) c. Gourgi,
[51] À noter qu’au moment de cette audience, la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Abrametz (Law Society of Saskatchewan c. Abrametz,
[53] Chef 1: 50 000 $ + 12 600 $ en remboursement de commissions, chefs 2 et 3 : 50 000 $, frais : 10 000 $.
[54] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[55] Pièce I-21, p. 837 à 971.
[56] Pièce I -21 au soutien, p. 972 à 1276.
[57] Le Tribunal établit ce délai au 14 septembre 2019, mais pour les fins des présentes, il est disposé à indiquer la date proposée par Philippe Bélisle puisque cette date ou celle de septembre n’ont pas d’incidence sur le résultat de l’analyse.
[58] Chambre des notaires du Québec c. Dugas,
[59] Alberta Securities Commission c. Hennig,
[60] Ibid.
[61] Alberta (Procureur général) c. Moloney,
[62] Association des courtiers & agents immobiliers du Québec c. Fuoco,
[63] Chambre de la sécurité financière c. Thibault,
[64] Ibid.
[65] Pièce I-8.
[66] Curateur public du Québec c. Brassard,
[67] Pièce I-8.
[70] Ibid, par.102 à 104.
[71] Ibid, par. 105 à 107.
[72] Ibid , par. 122.
[73] Castonguay (Re), 2012 OCRCVM 42 (CanLII), par. 14, Re Jones, 2020 OCRCVM 29 (CanLII), Robert Sharpe et Kent Roach, Charter of Rights and Freedoms, 6e édition, 2017, aux pages 103 et 108. Se reporter également à la décision Derivative Services Inc. and Malcolm Robert Bruce Kyle v. Investment Dealers Association of Canada, 2005 CanLII 18303 (ON SCDC), aux par. 58 à 61 et 88.
[74] Articles 59 à 91 de la LESF.
[75] Knight c. Indian Head School Division No. 19, (1990 CanLII 138 (CSC).
[77] Pigeon c. Daigneault,
[78] Re St-James, 2021 OCRCVM 02, par. 61 et suiv.
[79] Ordre des ingénieurs du Québec c. Gilbert,
[80] Re Scerbo, 2017 OCRCVM 57.
[81] Re Silvaggio, 2011 OCRCVM 63.
[82] Re Giroux-Garneau, 2016 OCRCVM 46.
[83] Re Chher, 2011 OCRCVM 79.
[84] Pièce I-18, p. 35 et 36.
[85] Cartaway Resources Corp. (Re),
[86] Ibid.
[87] Pigeon c. Daigneault,
[88] Paragraphes 59 et 60 de la décision sur sanction.
[89] RLRQ, c. E-6.1.
[90] RLRQ, c. V-1.1.
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