Décision

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Décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

33-14-1740

33-14-1741

 

DATE :

16 novembre 2015

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Jean Guertin, courtier immobilier

Membre

M. Robert Daoust, courtier immobilier

Membre

 

 

GIOVANNI CASTIGLIA, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

 

Partie plaignante

c.

 

LOUIS BAILLARGEON (A2548)

-et-

ALEX BAILLARGEON (E7901)

 

Parties intimées

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]       Les 8 et 9 septembre 2015, le Comité de discipline de l’OACIQ  (« le Comité ») se réunit à Québec pour procéder à l’instruction des plaintes nos 33-14-1740 et 33-14-1741 contre les intimés.

 

[2]       La partie plaignante est présente et représentée par Me Isabelle Martel.

 

[3]       Quant aux intimés, ils sont tous deux présents et représentés par Me Catia Larose.

 

 

I.          Les plaintes

 

[4]       La plainte du 6 juin 2014 reproche ce qui suit à l’intimé Louis Baillargeon, à savoir :

 

«Louis Baillargeon, en tout temps pertinent membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, a commis des actes dérogatoires, à savoir:

1- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...], [...] et [...] à Saint-Georges, l'intimé n'a pas obtenu la signature de tous les vendeurs, Mario Champagne et Louis-André Carrier, aux formulaires suivants:

a) le ou vers le 1er février 2010, au contrat de courtage CC 80320;

b) le ou vers le 3 février 2010, à la promesse d'achat PA 82722 et à l'annexe AA 11183;

c) le ou vers le 3 février 2010, au formulaire de modifications et avis de réalisation des conditions MO 98368;

d) le ou vers le 18 mars 2010, aux promesses d'achat et annexes suivantes:

i)   PA 82728 et annexe AA 11190;

ii)  PA 82727 et annexe AA 11180;

iii) PA 82725 et annexe AA 701656;

e) le ou vers le 23 mars 2010, aux déclarations du vendeur suivantes:

i)   DV 27084;

ii)  DV 27083;

iii) DV 27014;

f) le ou vers le 31 mars 2010, au formulaire de modifications et avis de réalisation des conditions MO 62827;

commettant ainsi à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 1 et 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

2- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...], [...], [...] à Saint-Georges, l'intimé a permis et/ou toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis aux institutions financières suivantes:

a) entre le ou vers le 5 février et le ou vers le 15 mars 2010 à la Banque Laurentienne;

b) entre le ou vers le 17 mars et le ou vers le 4 mai 2010 à la Banque Royale du Canada;

commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 1, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou aux articles 62, 69 et 79 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »

 

[5]       Quant à l’intimé Alex Baillargeon, le syndic adjoint allègue :

 

« Alex Baillargeon, en tout temps pertinent membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, a commis des actes dérogatoires, à savoir :

1- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...], [...] et [...] à Saint-Georges, l'intimé a permis et/ou toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis aux institutions financières suivantes:

a) entre le ou vers le 5 février et le ou vers le 15 mars 2010 à la Banque Laurentienne;

b) entre le ou vers le 17 mars et le ou vers le 4 mai 2010 à la Banque Royale du Canada;

commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 1, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou aux articles 62, 69 et 79 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »

 

 

II.         La preuve de la partie plaignante

 

[6]       Les pièces P-1 à P-27 inclusivement sont déposées en preuve de consentement. Il s’agit des documents suivants :

 

P-1 : En liasse, attestation et affidavit datés du 4 juin 2014, faisant état de la qualité de M. Louis Baillargeon (A2548) en tant que titulaire de permis de l’OACIQ.

 

P-2 : En liasse, attestation et affidavit datés du 4 juin 2014, faisant état de la qualité de M. Alex Baillargeon (E7901) en tant que titulaire de permis de l’OACIQ.

 

P-3 : Copie de l’index des immeubles, extraits du registre foncier pour la circonscription foncière de Beauce, lot 2 996 108.

 

P-4 : Copie d’un acte de déclaration de transmission daté du 3 avril 2006.

 

P-5 : Contrat de courtage exclusif CC80320 daté du 1er février 2010.

 

P-6 : Copie d’un document intitulé : Étude provisionnelle du revenu d’exploitation net annuel.

 

P-7 : En liasse, promesse d’achat PA82722 datée du 4 février 2010; son Annexe A - Immeuble AA11183.

 

P-8 : Formulaire de modifications et avis de réalisation de conditions MO98368 daté du 4 février 2010 modifiant la promesse d’achat PA82722.

 

P-9 : Échange de courriels entre Louis Baillargeon et Mario Huot daté du 10 mars 2010.

 

P-10 : Courriel de Mario Huot daté du 11 mars 2010.

 

P-11 : Copie d’une lettre datée du 15 mars 2010, à l’attention de Mario Huot.

 

P-12 : En liasse, promesse d’achat PA82728 datée du 18 mars 2010; son Annexe A - Immeuble AA11190.

 

P-13 : En liasse, promesse d’achat PA82727 datée du 18 mars 2010; son Annexe A - Immeuble AA11180.

 

P-14 : En liasse, promesse d’achat PA82725 datée du 18 mars 2010; son Annexe A - Immeuble AA70156.

 

P-15 : Échange de courriels datés entre les 19 et 23 mars 2010 entre Mario Huot et Louis Baillargeon.

 

P-16 : Déclaration du vendeur DV27084 datée du 23 mars 2010 se rapportant à la promesse d’achat PA82728.

 

P-17 : Déclaration du vendeur DV27083 datée du 23 mars 2010 se rapportant à la promesse d’achat PA82725.

 

P-18 : Déclaration du vendeur DV27014 datée du 23 mars 2010 se rapportant à la promesse d’achat PA82727.

 

P-19 : Formulaire de modifications et avis de réalisation de conditions MO62827 daté du 31 mars 2010 modifiant les promesse d’achat PA82727, PA82725, PA82728.

 

P-20 : Copie d’une lettre datée du 1er avril 2010, à l’attention de Dany Rodrigue.

 

P-21 : Copie d’un acte d’hypothèque daté du 4 mai 2010.

 

P-22 : Copie d’un acte de vente daté du 12 mai 2010.

 

P-23 : Mise en demeure datée du 3 juin 2010 à l’attention de Succession Gaétan Champagne par Louisette Carrier, ayant pour objet Demande d’ajustement à effectuer suite à la vente du : [...] ; [...] à St-Georges.

 

P-24 : Copie d’une demande d’assistance datée du 9 février 2012 de Mario Champagne.

 

P-25 : En liasse, requête introductive d’instance de Louisette Carrier et Mario Champagne contre Alex Baillargeon et Louis Baillargeon ; défense et demande reconventionnelle amendée de Michel Giguère contre Louisette Carrier, Mario Champagne et Louis-André Carrier.

 

P-26 : Requête introductive d’instance en garantie de Michel Giguère contre Louisette Carrier, Mario Champagne, Louis-André Carrier, Alex Baillargeon et Louis Baillargeon.

 

P-27 : Décision du Comité d’indemnisation de l’OACIQ datée du 22 octobre 2012.

 

 

[7]       Comme premier témoin, Me Isabelle Martel fait entendre Mme Louisette Carrier, retraitée et fiduciaire de la fiducie exclusive créée en sa faveur aux termes du testament de son défunt mari, M. Gaétan Champagne.

 

[8]       Lors du témoignage de Mme Carrier, Me Martel tente d’introduire en preuve une liasse de baux qui concernent les logements des immeubles décrits aux plaintes.

 

[9]       Il s’agit de la pièce P-28 en liasse laquelle contient des photocopies de 20 baux, identifiés par les lettres A à T.  Les 17 premiers baux auraient été caviardés avec du « liquid paper ».

 

[10]    Me Larose s’objecte au dépôt des photocopies au motif que les originaux devraient être introduits en preuve. Me Martel répond à cette objection en relatant que les documents en question[1] proviennent de Louis Baillargeon, que ce dernier a reconnu dans le cadre de l’enquête que ces baux avaient été partiellement masqués et que de toute façon, la partie plaignante n’a jamais eu accès aux originaux.

 

[11]    Suite aux représentations des procureurs, le Comité prendra cette objection sous réserve.

 

[12]    Relativement à cette objection de Me Larose, il est important de relater qu’au cours de son témoignage, Mme Carrier reconnaît sa signature sur les baux sauf quant à un bail qui aurait été signé par son fils (P-28- O). Bref, le témoin est en mesure d’identifier 17 baux sur 20, soit les baux A à Q. Quant aux baux R, S et T, elle nous dira que ces baux « ne lui appartiennent pas » et qu’elle ne connait pas les locataires qui y sont mentionnés.

 

[13]     Un peu plus tard, Me Larose a retiré son objection quant aux baux identifiés par Mme Carrier (P-28- A à Q) tout en réservant son droit de soumettre une ou des objections ultérieures quant à l’introduction en preuve des documents R, S et T de la pièce P-28.

 

[14]    Toutefois, aucune objection ultérieure ne sera formulée par Me Larose et à la fin du témoignage de Mme Carrier, elle confirmera au Comité qu’elle n’a pas d’objection au dépôt des documents R, S et T de la pièce P-28 en liasse.

 

[15]    En conséquence, les documents R, S et T de la pièce P-28 en liasse sont introduits en preuve.

 

[16]    Le Comité retient ce qui suit du témoignage de Mme Carrier :

 

·      Depuis le décès de son mari, elle déclare qu’elle est propriétaire des immeubles à logements décrits aux plaintes;

·      Elle décrit les immeubles et explique qu’à l’époque, elle avait 37 logements en tout et uniquement 17 baux signés avec des locataires;

·      Les locataires qui n’avaient pas de baux, pouvaient quitter sur avis de trente jours;

·      Ceux qui avaient des baux, pouvaient également quitter sur avis de trente jours;

·      Louis Baillargeon dit à Mme Carrier qu’il va avoir besoin de baux à durée déterminée ou fixe pour les remettre à la banque;

·      Environ une semaine après avoir signé le contrat de courtage P-5, elle déclare au Comité que de concert avec M. Louis Baillargeon, elle a mis du « liquid paper » sur les baux P-28- A à Q pour masquer les inscriptions qui se trouvaient à la deuxième partie de la section C des formulaires de bail;

·      Lors de cet exercice, elle a rajouté un terme à la première partie de la section C des formulaires;

·      Lorsque Mme Carrier témoigne quant à la pièce P-28 - J, elle relate que c’est M. Louis Baillargeon qui a mis du « liquid paper » sur le formulaire de bail afin de masquer la section C intitulée Bail à durée indéterminée et que c’est elle qui a rempli la section qui s’applique à un bail à durée fixe;

·      Relativement à cet exercice, elle se fiait sur l’intimé Louis Baillargeon;

·      Une fois cet exercice complété, elle remet la liasse de baux à M. Louis Baillargeon afin qu’il puisse les remettre à la Banque Laurentienne;

·      Par la suite, M. Louis Baillargeon lui aurait mentionné « Ça va prendre des vrais baux » pour la banque;

·      Mme Carrier a alors acheté 37 exemplaires du formulaire de bail prescrit par la Régie du Logement;

·      Conséquemment, une deuxième série de baux aurait alors été préparée par Mme Carrier et M. Louis Baillargeon;

·      L’intimé Louis Baillargeon lui aurait dit que pour justifier la signature de nouveaux baux auprès de ses locataires, elle devait leur dire que c’était pour un nouvel emprunt ou pour les assurances, même si ce n’était pas vrai;

·      Relativement aux nouveaux baux que Mme Carrier a fait signer par ses locataires, elle explique que certains locataires préféraient avoir « un bail au mois ». Louis Baillargeon était au courant de cette situation;  

·      Quant à ces locataires, elle leur disait de ne pas s’en faire, que ceux-ci pourraient quitter sur avis de trente jours;

·      Une fois cette deuxième série de baux signés, M. Louis Baillargeon devait aller les porter à la banque;

·      Relativement au bail P-28 - R qui concerne la locataire Cindy Fortin, formulaire rempli conjointement par M. Louis Baillargeon et Mme Carrier, elle ne comprend pas pourquoi ce formulaire a été rempli parce qu’elle ne connait pas Mme Fortin et ce logement était vacant à ce moment;

·      Plusieurs sections des baux P-28 - R, S et T n’ont pas été remplies par Mme Carrier;

·      Elle aurait dit à M. Louis Baillargeon que les baux P-28 - R, S et T ne lui appartenaient pas.

[17]    En contre-interrogatoire, il est établi que Mme Carrier s’occupait exclusivement des baux et des locataires et que les comptes de taxes relatifs aux immeubles (I-1) auraient été transmis à M. Louis Baillargeon. De plus, c’est Mme Carrier uniquement qui signait les baux et qui s’occupait des affaires bancaires de l’entreprise. Me Larose fait ressortir également que :

 

·      La pièce P-6 a été préparée par M. Maurice Breton pour les fins de la transaction;

·      À l’époque, il existait une liste des vrais locataires, mais que cette liste n’a pas été transmise à l’OACIQ;

·      Lors de la signature du contrat de courtage, il y avait cinq logements d’inoccupés;

·      Relativement à la promesse d’achat P-7, lorsque M. Louis Baillargeon lui présente l’offre, M. Breton et M. Mario Champagne étaient en accord avec cette offre;

·      Elle explique qu’elle n’avait pas de baux écrits et plus tard elle dit qu’elle en avait 20;

·      À la lumière de versions antérieures (I-3), Mme Carrier se contredit;

·      Clairement, elle ne sait pas combien de baux écrits étaient en vigueur à l’époque.

[18]    Voilà l’essentiel de la preuve administrée en chef et en contre-interrogatoire.

 

 

III.        La preuve en défense

 

[19]    M. Alex Baillargeon a témoigné pour sa défense.

 

[20]    Cet intimé déclare sous serment essentiellement ce qui suit :

 

·      Il est courtier immobilier depuis le mois de mars 2009;

·      Il exerce sa profession avec son père, M. Louis Baillargeon;

·      Il représentait M. Michel Giguère, soit l’acheteur dans le cadre de la vente des immeubles de Mme Carrier;

·      Son père s’occupait du dossier de Mme Carrier;

·      Il échangeait régulièrement avec son père au sujet des transactions en cours dont notamment celle qui concernait Mme Carrier et M. Giguère;

·      C’est la Banque Laurentienne qui voulait la deuxième série de baux à durée déterminée;

·      Il dit qu’il est allé porter la deuxième série de baux à la Banque Laurentienne, mais il n’est pas sûr si c’est lui ou son père qui a transmis cette deuxième série de baux à la Banque Royale.

 

[21]    L’intimé Louis Baillargeon est le second et dernier témoin de la défense.

 

[22]    Le Comité comprend ce qui suit de son témoignage, à savoir :

 

·      Il est courtier immobilier depuis 35 ans;

·      Il travaille avec son fils au sein de la firme Louis Baillargeon Agence Immobilière;

·      Il échange avec son fils Alex Baillargeon sur les dossiers qui sont en cours;

·      C’est lui qui a préparé le contrat de courtage exclusif P-5 en la présence de Mme Carrier et M. Breton;

·      La mention de « Féducie Louisette Carrier » (sic) qui se retrouve à P-5 dans la section Vendeur est la sienne;

·      Il avait le compte de taxes I-1 en sa possession à ce moment;

·      M. Breton lui dit que d’autres signatures ne sont pas nécessaires puisque c’est Mme Carrier qui gère toutes ses affaires;

·      M. Breton lui a fait parvenir les états financiers P-6 par courriel;

·      Il décrit brièvement le type de logements et la clientèle de locataires;

·      Il explique que Mme Carrier n’a pas de baux écrits pour tous ses logements;

·      Il explique à Mme Carrier qu’il a besoin de baux;

·      Selon le témoin, il y avait à l’époque 17 baux écrits;

·      Il était présent avec Mme Carrier lorsque les baux ont été masqués avec du « liquid paper »;

·      Il a vu faire Mme Carrier avec le « liquid paper »;

·      Il remet la première série de baux à la Banque Laurentienne;

·      Il se disait que la Banque Laurentienne voudrait de toute façon obtenir de nouveaux baux;

·      Quant à la deuxième série de baux, il ne les vérifie pas; c’est peut-être son fils Alex qui les remet à la Banque Royale; il est vague;

·      Il a été témoin que Mme Carrier a dit à la locataire Agnès Quirion, qui était réticente à signer le nouveau formulaire de bail à durée fixe : « Si jamais tu veux partir, viens me voir. »

·      Il reconnait avoir dit le 16 janvier 2014 à Giovanni Castiglia que c’est son fils Alex qui a remis la première série de baux à la Banque Laurentienne;

·      Il déclare que l’obtention de baux à durée fixe constituait une exigence de la Banque Laurentienne et que l’objectif du « liquid paper » était de satisfaire la banque à ce sujet.

 

[23]    La pièce I-3 est également déposée en preuve en défense. Il s’agit de l’interrogatoire hors Cour de Mme Carrier tenu le 21 août 2013. On peut y voir notamment que Mme Carrier est confuse sur le nombre de baux qui étaient en vigueur à l’époque.

 

[24]    Il s’agit là des faits saillants de la preuve en défense.

 

 

IV.       Les plaidoiries

 

 

[25]    Me Isabelle Martel débute son exposé en discutant du chef 1a) à 1f) qui concerne l’intimé Louis Baillargeon.

 

[26]    L’avocate du syndic explique que la preuve révèle que M. Louis Baillargeon n’a pas obtenu les signatures des trois fiduciaires sur l’ensemble des documents transactionnels décrits au chef 1.

 

[27]    Ainsi, il est clair que cet intimé n’a pas fait les vérifications qui s’imposaient puisqu’une simple vérification au Registre foncier[2] lui aurait permis de voir qu’il y avait trois fiduciaires de nommés par le défunt au sein de la fiducie testamentaire constituée en faveur de Mme Carrier.

 

[28]    Bref, Louis Baillargeon n’aurait pas dû uniquement se fier à M. Maurice Breton sur une question aussi importante.

 

[29]    Quant au chef 2a) qui vise M. Louis Baillargeon, Me Martel nous réfère au libellé de ce chef, au témoignage de Mme Carrier et à l’aveu de l’intimé pour conclure qu’il est manifeste de la preuve que Louis Baillargeon a permis et/ toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis aux institutions financières.

 

[30]    Pour Me Martel, l’intimé Louis Baillargeon a gravement failli à ses obligations déontologiques puisqu’il admet avoir vu Mme Carrier utiliser du « liquid paper » afin de modifier les baux à l’insu des locataires. Bien plus, Louis Baillargeon a remis ces baux à son fils Alex afin qu’il les transmette à la Banque Laurentienne. Il sait donc que des baux falsifiés seront remis à cette institution financière.

 

[31]    Selon l’avocate du syndic, la pièce P-9 confirme que la Banque Laurentienne a effectivement reçu cette première série de baux falsifiés.

 

[32]    Quant à la deuxième série de baux, Me Martel poursuit en exprimant l’avis que les baux en question ne reflétaient pas la réalité notamment en ce que certains de ceux-ci pouvaient faire l’objet d’une résiliation hâtive de 30 jours vu les représentations de Mme Carrier aux locataires récalcitrants. M. Louis Baillargeon participe même au porte-à-porte lorsque Mme Carrier fait signer les nouveaux baux. Il se souvient que Mme Carrier a dit à la locataire Agnès Quirion (P-28-P) : « Si jamais tu veux partir, viens me voir ».

 

[33]    Quant au chef 1b) relativement à Alex Baillargeon et 2b) quant à Louis Baillargeon qui visent la remise de la deuxième série de baux, Me Martel nous réfère à l’interrogatoire hors Cour d’Alex Baillargeon dans lequel il confirme que c’est lui qui a remis ces baux à la Banque Royale[3] après les avoir reçus de son père.

 

[34]    Quant à Me Catia Larose, elle entame son exposé sur le chef 1 à l’encontre de Louis Baillargeon. L’avocate des intimés explique que des vérifications ont exécuté par M. Louis Baillargeon et à ce sujet elle nous réfère aux pièces P-3 et P-4.

 

[35]    Selon Me Larose, Mme Carrier a affirmé à M. Louis Baillargeon que les immeubles lui appartenaient, que c’était elle qui signait les baux et qui transigeait à la banque relativement à cette entreprise. Dans un tel contexte factuel, Louis Baillargeon n’avait pas à pousser ses recherches plus loin. La fiducie testamentaire a été créée au bénéfice de Mme Carrier et en conséquence, elle avait le pouvoir de signer les documents transactionnels.

 

[36]    Quant aux chef 1e) i), ii) et iii) qui vise les déclarations du vendeur, l’avocate des intimés plaide qu’il n’était pas utile ni nécessaire que les autres fiduciaires[4] les signent puisque seule Mme Carrier était au courant de l’état général des immeubles à vendre.

 

[37]    Par la suite, Me Larose attaque la crédibilité de Mme Louisette Carrier et nous déclare qu’il faut se mettre en garde contre son témoignage « à géométrie variable ». À titre d’exemple, lorsque Mme Carrier témoigne en 2013[5] dans le cadre d’un litige civil, tous les locataires avaient des baux écrits. Devant le Comité, elle affirme que sur un total de 37 logements, il n’y a que 17 baux écrits. Mme Carrier semble nous cacher la vérité.

 

[38]    Il y aurait plusieurs trous dans la preuve du syndic dont notamment sur la question à savoir si les locataires savaient ou non que les baux P-28 avaient été modifiés.

 

[39]    Me Larose rajoute qu’une liste des locataires préparée par Mario Champagne n’a pas été introduite en preuve. Cette liste nous aurait éclairés sur le nombre de baux en vigueur au moment des faits en litige.

 

[40]    Sur la deuxième série de baux, soit les « nouveaux baux », Me Larose nous indique que la preuve est faible quant à la transmission de baux qui ne reflètent pas la réalité à la Banque Royale[6] puisque c’est Mme Carrier qui a pris l’engagement de régler avec certains locataires s’ils voulaient quitter leur logement.

 

[41]    Bref, selon Me Larose, un tel engagement n’a pas pour effet d’invalider les nouveaux baux et faire en sorte que ceux-ci ne reflètent plus la réalité.

         

[42]    Quant à Alex Baillargeon, l’avocate des intimés nous relate qu’Alex Baillargeon ne fait que le transport des baux à l’institution financière. La preuve ne révèle pas qu’il sait que les baux ont été modifiés notamment par l’emploi de « liquid paper ». Il en va de même pour la deuxième série de baux. La preuve ne révèle pas qu’Alex Baillargeon est nécessairement au courant de l’engagement de Mme Carrier.

 

[43]     Étant donné que le chef 1 contre Alex Baillargeon et le chef 2 contre Louis Baillargeon comportent trois éléments, soit que les intimés doivent avoir : i) permis et/ou toléré ii) que les baux ne reflètent pas la réalité et que iii) ces baux doivent avoir été transmis aux 2 institutions financières par les intimés, le syndic avait l’obligation de prouver chacun des éléments par une preuve claire et convaincante.

 

[44]    Sur cette question, Me Larose nous réfère notamment aux principes émis par le Tribunal des professions dans l’affaire Osman c. Médecins[7].

 

[45]    Bref, non seulement on ignore par qui les baux ont été transmis, mais il est faux de prétendre que la deuxième série de baux ne sont pas réels.

   

 

V.        Analyse et décision

 

Quant à l’intimé Louis Baillargeon

 

Le chef 1a) à f)

 

[46]    Ci-après les dispositions pertinentes du Code civil du Québec qui s’appliquent à la fiducie, dont notamment une fiducie testamentaire comme celle qui fait l’objet du présent dossier, à savoir:

                                                                                                                                    «Art. 1260. La fiducie résulte d'un acte par lequel une personne, le constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens qu'il affecte à une fin particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer.

Art. 1262. La fiducie est établie par contrat, à titre onéreux ou gratuit, par testament ou, dans certains cas, par la loi. Elle peut aussi, lorsque la loi l'autorise, être établie par jugement.

Art. 1275. Le constituant ou le bénéficiaire peut être fiduciaire, mais il doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n'est ni constituant ni bénéficiaire.

Art. 1276. Le constituant peut désigner un ou plusieurs fiduciaires ou pourvoir au mode de leur désignation ou de leur remplacement.

Art. 1278. Le fiduciaire a la maîtrise et l'administration exclusive du patrimoine fiduciaire et les titres relatifs aux biens qui le composent sont établis à son nom; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer l'affectation.

Il agit à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la pleine administration. »

(nos soulignements)

 

[47]    Les dispositions qui précèdent établissent clairement que les fiduciaires mentionnés à la déclaration de transmission P-4, soit Mme Louisette Carrier, Mario Champagne et Louis-André Carrier détenaient conjointement, au bénéfice de Mme Carrier, les biens de la fiducie.

 

[48]    Considérant que l’article 1276 du C.c.Q. prévoit que le constituant peut nommer plusieurs fiduciaires, il s’en suit que chacun des fiduciaires est responsable de l’administration du patrimoine fiduciaire.

  

[49]    Conformément à l’article 1278 C.c.Q., les biens qui forment le patrimoine fiduciaire, sont dévolus aux fiduciaires et c’est pourquoi les titres relatifs aux biens sont établis aux noms des fiduciaires.

 

[50]    À ce sujet, la pièce P-4 est très révélatrice. À la page 4 de cet acte publié au Registre foncier par le notaire Éloi Veilleux, on peut y lire que les immeubles du défunt sont dévolus à Mme Carrier, M. Champagne et M. Carrier en leur qualité de fiduciaires de la fiducie exclusive constituée aux termes du testament du défunt en faveur de sa conjointe, Dame Louisette Carrier.

 

[51]    Il découle de ce qui précède que les documents transactionnels ne pouvaient être uniquement exécutés par Mme Carrier qui n’avait pas le pouvoir d’engager à elle seule la fiducie.

 

[52]    L’article 1 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec se lit comme suit :

 

« Art.1. Le membre de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec doit exercer sa profession avec prudence, diligence et compétence, et faire preuve de probité, de courtoisie et d’esprit de collaboration. Il ne doit commettre aucun acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession. »

 

[53]    Or, la preuve révèle que M. Louis Baillargeon pouvait facilement consulter la pièce P-4 et constater que les signatures des trois fiduciaires étaient absolument nécessaires pour que les documents transactionnels soient valides.

 

[54]    Sur les chefs 1a), b), c), d) i), ii), iii) et f), l’intimé Louis Baillargeon est donc trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 1 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Un arrêt conditionnel des procédures est en conséquence ordonné sur l’autre disposition règlementaire invoquée au soutien de ce chef.

 

[55]    Qu’en est-il toutefois des déclarations du vendeur DV 27084, DV 27083 et DV 27014[8]?

 

[56]    La preuve nous démontre que c’est uniquement Mme Carrier qui gérait et administrait les logements. C’est elle aussi qui préparait les baux et qui était en contact avec les locataires. Elle s’occupait également de faire faire des réparations aux logements[9]. De plus, elle habitait dans l’un des logements situés dans l’immeuble sur la 1ère avenue.

 

[57]    Son garçon, Harold, l’aidait à l’occasion, mais simplement au niveau des états financiers.

 

[58]    À la lumière de cette preuve, le Comité vient à la conclusion que Messieurs Champagne et Carrier ne connaissaient pas les immeubles et que leur signature sur les déclarations du vendeur n’aurait été d’aucune utilité en l’espèce.

 

[59]    Mais il y a plus. Le droit disciplinaire n’exige pas qu’un professionnel soit l’incarnation de la perfection.

 

[60]    Dans l’affaire Prud’Homme c. Gilbert[10], la Cour d’appel discute comme suit du caractère que doit revêtir une faute professionnelle, à savoir :

 

« [33]  Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

 

[34]  Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28]  La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35]  Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 (CanLII), 2011 QCTP 19 :

[72]  La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité. »

(nos soulignements)

[61]    Vu qu’il ressort de la preuve que les deux autres fiduciaires ne pouvaient vraisemblablement se prononcer sur la condition des immeubles et que Mme Carrier était la personne le plus au fait de l’état des immeubles, le Comité vient aussi à la conclusion que les fautes reprochées au chef 1e) i), ii) et iii) de la plainte logée contre Louis Baillargeon ne peuvent être d’une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique.

[62]    En conséquence, l’intimé Louis Baillargeon est acquitté du chef 1e).

 

Le chef 2a) et b)

 

[63]    Lors de son témoignage, Louis Baillageon a clairement admis que les baux P-28-A à Q ont été modifiés par l’utilisation de « liquid paper » et que de nouvelles inscriptions à la section intitulée « Baux à durée fixe » ont été rajoutées à sa connaissance.

 

[64]     Quant aux baux que Mme Carrier ne reconnaît pas, soit les baux P-28-R, S et T, la preuve documentaire établie qu’au moins le bail T de la pièce P-28 a été transmis à M. Huot de la Banque Laurentienne. Ce dernier formulaire est un bail en faveur d’une personne inconnue de Mme Carrier dénommé Marc Morin pour le logement situé au [...], appartement 16.

 

[65]    Or, dans son courriel[11] du 10 mars 2010 à M. Louis Baillargeon, M. Mario Huot de la Banque Laurentienne demande à M. Baillargeon de lui fournir des reconductions (avis d’augmentations) pour une série de baux dont il fait la liste. Plusieurs baux de la pièce P-28 sont mentionnés dans cette liste incluant le bail P-28-T pour l’appartement 16 de la 1ère avenue.

 

[66]    Ce courriel prouve donc qu’un bail que Mme Carrier ne reconnaît pas est transmis à la Banque Laurentienne.

 

[67]    Quoi qu’il en soit, compte tenu de l’ensemble de la preuve, le Comité est d’avis que Louis Baillargeon savait que les baux qu’il a préparés[12] avec Mme Carrier devaient être transmis à la Banque Laurentienne.

 

[68]    Or, il est clair que la première série de baux de reflètent pas la réalité puisque le terme des baux a été changé.

 

[69]    M. Louis Baillargeon reconnaît s’être rendu à la Banque Laurentienne pour y remettre des baux. Suivant l’ensemble de la preuve, le Comité vient à la conclusion qu’il s’agit de la première série de baux qui a été transmise par Louis Baillargeon à la Banque Laurentienne. Ce dernier a donc transmis des baux altérés à la Banque Laurentienne.

 

[70]    Relativement au chef 2b) qui concerne la transmission des nouveaux baux à la Banque Royale, il est préférable de se référer à la pièce P-30[13] pour y voir clair. M. Louis Baillargeon affirme à M. Castiglia que la deuxième série de baux aurait été transmise à la Banque Royale par son fils Alex.

 

[71]    Quant à la deuxième série de baux, c’est-à-dire les « nouveaux baux » que Louis Baillargeon a demandé à Mme Carrier de préparer et faire signer par ses locataires, s’agit-il de baux qui ne reflètent pas la réalité?

 

[72]    Une chose est sûre, pour certains locataires, les « nouveaux baux » à durée déterminée ne reflétaient pas la réalité puisque ceux-ci ont voulu les terminer de façon prématurée. En fait, sur avis de 30 jours.

 

[73]    Pour s’en convaincre, le Comité se fonde sur la pièce P-23[14]. Il s’agit d’une lettre de l’acheteur Michel Giguère adressée à Mme Carrier le 3 juin 2010 dans laquelle on peut lire le passage suivant :

 

« Madame,

Quelques jours avant l’acte notarié vous avisez votre courtier Louis Baillargeon qu’il ne restait qu’un appartement à louer. La journée du contrat notarié, j’apprends qu’il y en a 4 à louer, quelques jours après le contrat il y en a 9 de non loué et que les locataires avouent que vous leur avez dit qu’ils pouvaient mettre fin à leur bail avec un mois d’avis. »

    

[74]    Il va sans dire que ce passage de la lettre de M. Giguère corrobore en tout point les témoignages de Mme Carrier et M. Louis Baillargeon sur cette question importante. Certains locataires avaient le droit de mettre fin au bail sur avis de 30 jours.

 

[75]    Une condition occulte a été rajoutée à des baux à durée fixe pour les rendre résiliables sur avis de 30 jours. Ces baux ne représentent donc pas la réalité.

 

[76]    Considérant que Louis Baillargeon savait que l’ensemble des baux devait être transmis aux institutions financières, il est donc trouvé coupable des chefs 2a) et 2b) de la plainte pour avoir transmis ou toléré que des baux ne reflétant pas la réalité soient transmis à la Banque Laurentienne et la Banque Royale du Canada et ce, même si les parties admettent que cette dernière banque n’a pas pris en considération les baux et les revenus qu’ils génèrent lors de l’octroi du financement à M. Giguère.

 

[77]    Ce faisant, l’intimé Louis Baillargeon a enfreint l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Un arrêt conditionnel des procédures est en conséquence ordonné sur les autres dispositions règlementaires invoquées au soutien du chef 2a) et b).

 

Quant à l’intimé Alex Baillargeon

  

Le chef 1a) et b)

 

[78]    Ce chef reproche à Alex Baillargeon d’avoir permis et/ou toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis à la Banque Laurentienne et la Banque Royale.

 

[79]    M. Alex Baillargeon ne se souvient pas si c’est lui qui est s’est rendu à la Banque Laurentienne à Québec pour faire la remise de la première série de baux à M. Huot.

 

[80]    Il se souvient par contre d’avoir transmis la deuxième série à la Banque Laurentienne.

 

[81]    Devant le Comité, il déclare lors de son interrogatoire qu’il n’a pas pris connaissance de la première série de baux. En contre-interrogatoire, il admet qu’il était au courant que la Banque Laurentienne voulait des baux à durée déterminée. Son père lui a lu le courriel P-9 de M. Huot.

 

[82]    Toujours en contre-interrogatoire, il aurait dit à M. Giguère qu’il n’était plus question de départ sur avis de 30 jours. Il faisait le suivi des démarches de son père auprès de l’acheteur. Également, il admet être « la courroie de transmission » avec l’acheteur.

 

[83]    Fait important, il ne sait pas à quel moment les baux au « liquid paper » sont transmis à la Banque Laurentienne, mais il dit à Me Martel que ceux-ci « ont été transmis à la banque dans le cadre du financement de M. Giguère. » Immédiatement après, toujours sur les faux baux, à la question : « Est-ce que vous étiez au courant ? Il répond : « Bien je présume que oui. »

 

[84]    Suite à cet échange, le Comité est d’avis que l’intimé Alex Baillargeon reconnaît finalement et, du bout des lèvres, qu’il était au courant que des baux maquillés au « liquid paper » avaient été remis à la Banque Laurentienne.

 

[85]    Il nous dit ensuite que ce n’est pas lui qui a transmis la deuxième série de baux à la Banque Royale, mais que ce serait plutôt M. Michel Giguère[15]. Il aurait uniquement feuilleté les formulaires pour s’assurer qu’il s’agissait des bons documents avant de les remettre à M. Giguère.

 

[86]    Compte tenu de ce qui précède, le Comité est d’opinion que la crédibilité de l’intimé est grandement affectée par ses réticences et contradictions. En fait, à la lumière de l’ensemble de la preuve administrée, le Comité croit qu’il est beaucoup plus probable qu’Alex Baillargeon était au courant des tenants et aboutissants de l’ensemble des démarches effectuées par Louis Baillargeon afin de satisfaire les  exigences de la  Banque Laurentienne.

 

[87]    Bref, le Comité est convaincu qu’Alex Baillargeon était au courant des modifications apportées à la première série de baux par son père et Mme Carrier et qu’il était également au courant que Mme Carrier avait convenu avec certains locataires qu’ils pourraient résilier leurs baux sur avis de 30 jours. Après tout, les intimés travaillaient tous les deux sur le même dossier et il ne s’agit certainement pas de faits anodins qu’un père cache ou omet de dévoiler à son fils.

 

[88]    Pour tous ces motifs et quant au chef 1a) et b), l’intimé Alex Baillargeon est donc reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Un arrêt conditionnel des procédures est en conséquence ordonné sur les autres dispositions règlementaires invoquées au soutien du chef 1a) et b).

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

QUANT À L’INTIMÉ LOUIS BAILLARGEON :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1a), b), c), d) et f) de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 1 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef d’accusation;

ACQUITTE l’intimé du chef 1e) de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 2a) et b) de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef d’accusation;

QUANT À L’INTIMÉ alex BAILLARGEON :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1a) et b) de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef d’accusation;

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

____________________________________

M. Jean Guertin, courtier immobilier

Membre        

 

 

____________________________________

M. Robert Daoust, courtier immobilier

Membre

 

Me Isabelle Martel

Procureure de la partie plaignante

 

Me Catia Larose

Procureure des parties intimées

 

 

Date d’audience: 8 et 9 septembre 2015

 



[1] Pièce P-28, onglets A à T;

[2] Voir les pièces P-3 et P-4;

[3] Voir la pièce P-29, page 24, lignes 16 à 19;

[4] M. Mario Champagne et M. Louis-André Carrier;

[5] Voir la pièce I-3, aux pages 110 à 121;

[6] Voir les chefs nos 2b) des plaintes pour chacun des intimés;

[7] 1994 D.D.C.P. 257. (T.P.);

[8] Pièces P-16, P-17 et P-18;

[9] Voir à ce sujet la pièce P-16, soit la DV 27084, à la clause D3.1;

[10]         2012 QCCA 1544 (CanLII);

[11] Voir la pièce P-9, page 3 de 3;

[12] Soit la première et deuxième série de baux;

[13] Soit la transcription sténographique d’un entretien téléphonique du 16 janvier 2014 entre Giovanni Castiglia et Louis Baillargeon, à la page 43;

[14] Cette lettre a été déposée en preuve suite au consentement des procureurs des parties;

[15] Pourtant, le 30 août 2012, lors d’un interrogatoire hors Cour, il déclare que c’est lui qui a transmis la deuxième série de baux à la Banque Royale. Voir la pièce P-29, aux pages 23 et 24. Cette affirmation d’Alex Baillargeon est d’ailleurs conforme avec celle faite à ce sujet par M. Louis Baillargeon à la pièce P-30, page 43;

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