Décision

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Comte c. Perron

2013 QCCS 1657

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

N° :

700-17-009239-129

 

 

DATE :

8 AVRIL 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

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YANNICK COMTE - et -

YANNICK COMTE, ès qualités de tuteur à son enfant mineure Amélia Comte - et -

YANNICK COMTE, ès qualités de tuteur à son enfant mineur Willyam Comte - et -

BRIAN COMTE - et -

VÉRONIQUE LABELLE - et -

VÉRONIQUE LABELLE, ès qualités de tutrice à son enfant mineur Gwenaël Deschênes-Labelle

Demandeurs

c.

CARL PERRON - et -

ÉRICK PERRON

Défendeurs

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JUGEMENT

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i.          introduction

[1]           Le Tribunal est saisi par les défendeurs d’un moyen d’irrecevabilité, fondé sur le par. 165(4) C.p.c., de l’action intentée par les demandeurs qui réclament des dommages-intérêts de 168 357 $ pour des voies de fait[1] que les défendeurs auraient commises à leur endroit en utilisant leurs automobiles comme une arme et, une fois hors de leurs véhicules, en leur faisant des menaces suite à un épisode particulièrement bouleversant de rage au volant.

[2]           Selon les défendeurs, l’action est irrecevable parce que les demandeurs réclament des dommages pour le préjudice corporel qui leur aurait été causé par l’usage d’une automobile.

 

ii.         contexte

 

[3]           Dans leur requête introductive d’instance du 13 août 2012, les demandeurs réclament chacun des dommages-intérêts pour préjudice corporel subi en tant que victimes de rage au volant et d’agression armée commises par les défendeurs alors que tant les demandeurs que les défendeurs prenaient place dans leur automobile respective.

[4]           Selon les demandeurs, les agressions répétitives perpétrées par les défendeurs avec leurs poings et leurs véhicules à l’endroit des demandeurs et du véhicule dans lequel ils prenaient place, et des menaces proférées par les défendeurs sont clairement la cause des dommages matériels et psychologiques qu’ils ont subis, d’où leurs réclamations auxquelles s’ajoutent des dommages exemplaires.

[5]           Les pièces produites au soutien de l’action des demandeurs confirment que, même en présence des policiers, alors que tous les protagonistes étaient sortis de leurs automobiles, les défendeurs ont continué de proférer des menaces graves aux demandeurs[2].

 

iii.        question en litige

 

[6]           Le moyen d’irrecevabilité s’appuyant sur le par. 165(4) C.p.c. est-il bien fondé?

 

 

 

 

iv.        analyse

 

[7]           Les principes régissant le moyen d’irrecevabilité fondé sur le par. 165(4) C.p.c. sont bien connus : Bohémier c. Barreau du Québec, 2012 QCCA 308 , par. 17.

[8]           Il importe de rappeler notamment que les faits doivent être tenus pour avérés et que le Tribunal peut prendre connaissance des pièces alléguées au soutien de la requête introductive d’instance. Il s’agit essentiellement de décider si la demande n’a aucun fondement en droit, supposé même que les faits allégués soient vrais.

[9]           Un autre postulat est capital en l’espèce : l’irrecevabilité partielle n’est pas, en principe, admise en droit judiciaire privé québécois : St-Eustache (Ville de) c. Régie intermunicipale Argenteuil Deux-Montagnes, 2011 QCCA 227 , par. 33 ; Popovic c. Montréal (Ville de), 2008 QCCA 2371 , par. 45. Aucune des exceptions admises ne s’applique en l’instance.

[10]        Les demandeurs allèguent notamment qu’ils ont subi chacun un préjudice corporel suite aux menaces proférées par les défendeurs à leur endroit alors que tous les protagonistes étaient à l’extérieur de leurs automobiles et que les policiers étaient témoins de la scène.

[11]        Aucune automobile n’est impliquée quant à cette partie des dommages que les demandeurs allèguent avoir subis. Ainsi, ni les art. 10 et 20 de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, L.R.Q., c. I-6 (L.i.v.a.c.), ni l’art. 83.57 de la Loi sur l’assurance automobile, L.R.Q., c. A-25 (L.a.a.), n’entraînent l’irrecevabilité de leur recours déposé en Cour supérieure pour réclamer ceux-ci.

[12]        Le moyen d’irrecevabilité des défendeurs est donc, à l’évidence, partiel et doit être rejeté. En effet, il doit être tenu pour avéré, à ce stade, qu’une partie des dommages subis par les demandeurs est exclue du champ d’application de l’art. 83.57 L.a.a.

[13]        Il appartiendra au juge du procès de départager, à la lumière de la preuve, d’une part, les dommages subis par les demandeurs résultant du préjudice corporel ayant pu être causé à chacun d’eux par l’usage d’une automobile au sens de l’art. 83.57 L.a.a., tel qu’interprété dans l’arrêt Westmount (Ville) c. Rossy, [2012] 2 R.C.S. 136 , et, d’autre part, ceux n’ayant aucun lien avec l’usage d’une automobile.

[14]        Toutefois, il importe de souligner que l’art. 20 L.i.v.a.c. prévoit que le bénéfice des avantages prévus dans cette loi ne peut être accordé à une victime blessée par suite d’un acte criminel commis au moyen d’un véhicule automobile, sauf le cas prévu à l’art. 265 du Code criminel (L.R.C. (1985) c. C-46) (l’infraction criminelle de voies de fait).

[15]        Or, les demandeurs allèguent, en l’espèce, que les défendeurs ont utilisé leurs automobiles comme une arme commettant ainsi des voies de fait selon l’art. 265 C.cr. Il sera donc loisible au juge du procès de trancher la question - intéressante - de savoir si les demandeurs peuvent obtenir de la Cour des dommages-intérêts pour de telles voies de fait : art. 265 C.cr.; art. 10, 20 d) et 20.1 L.i.v.a.c.; art. 83.57 , 83.63 et 83.64 L.a.a.; Tardif c. Bérubé, [1986] R.J.Q. 1645 (C.S.)[3]; Larivière c. Turgeon, J.E. 99-83 (C.Q.); Desnoyers c. Chenette, J.E. 2003-427 (C.Q.); André laporte, « Les différents régimes d’indemnisation à la suite d’un accident d’automobile » dans Développements récents en matière d’accidents d’automobile 2006, Barreau du Québec, 2006, caij, vol. 257, ch. 5, p. 169-173.

[16]        À l’audience, le procureur des défendeurs a prié le Tribunal d’appliquer les art. 54.1 et ss. C.p.c. afin de rejeter le recours des demandeurs parce qu’abusif.

[17]        À la réflexion, le Tribunal est d’avis de rejeter ce second moyen. Le Tribunal estime que le recours des demandeurs n’est ni manifestement mal fondé, ni abusif et qu’il n’est entaché d’aucun élément blâmable compte tenu des faits extrêmement graves allégués par les demandeurs en l’espèce : Acadia Subaru c. Michaud, [2011] R.J.Q. 1185 (C.A.).

 

 

v.         conclusion

 

[18]        En somme, le Tribunal conclut que le recours des demandeurs n’est ni irrecevable ni abusif et, par conséquent, que le moyen d’irrecevabilité et la demande de rejet des défendeurs doivent être rejetés.

[19]        Le litige entre les parties devant se poursuivre, les dépens suivront l’issue de la cause.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[20]        REJETTE le moyen d’irrecevabilité et la demande de rejet des défendeurs;

[21]        LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

_________________________________

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

 

Me Pierre Labelle

Procureur des demandeurs

 

Me Benoit Guindon

bissonnette fortin giroux

Procureurs des défendeurs

 



[1]     Art. 265 et ss. C.cr.

[2]     Voir pièce P-1, déclaration du 15 avril 2012, p. 5.

[3]     Ce jugement ne concernait pas l’infraction criminelle prévue à l’art. 265 C.cr., soit l’infraction mentionnée à l’art. 20 d) L.i.v.a.c.

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