Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Union des consommateurs c. Air Canada

2014 QCCA 523

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

Nº :

500-09-023004-120

(500-06-000513-107)

 

DATE :

 7 mars 2014

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

CLÉMENT GASCON, J.C.A.

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

 

UNION DES CONSOMMATEURS

APPELANTE  -  Requérante

et

 

MICHAEL SILAS

PERSONNE DÉSIGNÉE

c.

AIR CANADA

INTIMÉE - Intimée

et

PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 24 août 2012 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Martin Castonguay) et rectifié le 4 septembre 2012, lequel a rejeté sa requête pour autorisation d’exercer un recours collectif contre Air Canada.

[2]           Pour les motifs de la juge Bélanger, auxquels souscrivent les juges Morissette et Gascon, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel, avec dépens;

[4]           INFIRME le jugement de première instance;

[5]           AUTORISE l’exercice du recours collectif, frais à suivre;

[6]           ATTRIBUE à Union des consommateurs le statut de représentante aux fins d’exercer le recours collectif pour le compte du groupe formé des personnes physiques suivantes :

Tout consommateur au sens de la Loi sur la protection du consommateur, résidant au Québec au moment de l’achat, ayant acheté un titre de transport aérien d’Air Canada, entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, par l’intermédiaire de son site internet et ayant payé un prix supérieur à celui qu’Air Canada annonce sur son site internet (à la première étape), exclusion faite de la TPS, de la TVQ et des droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique, de même que des frais optionnels, et ce, peu importe que le transport aérien ait été effectué par Air Canada, Jazz, Rapidair, un transporteur aérien membre de Star Alliance ou par un autre transporteur aérien avec ou sans partage de codes, notamment :

§  Continental Airlines

§  United

§  U.S. Airways

§  Lufthansa

§  Austrian

§  Brussels Airlines

§  Egyptair

§  Scandinavian Airlines

§  Swiss

§  Lot Polish Airlines

§  Singapore Airlines

§  Thai

§  Les autres transporteurs membres de Star Alliance

§  British Midland International

§  British Airways

[7]           IDENTIFIE comme suit les principales questions en litige :

1.    Air Canada est-elle soumise à la Loi sur la protection du consommateur (L.P.C.) du Québec (L.R.Q., c. P-40.1)?

2.    Air Canada contrevient-elle à l’article 224 c) de la L.P.C.?

3.    Dans l’affirmative, les membres du groupe ont-ils le droit de réclamer d’Air Canada le paiement des montants suivants? 

a)    Le remboursement des sommes (à l’exclusion de la TPS, de la TVQ et des droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique, de même que des frais optionnels […]) que les membres ont déboursées pour l’obtention de leur titre de transport et qui n’étaient pas comprises dans le prix annoncé?

b)    Le paiement d’une somme de 100 $, à titre de dommages punitifs.

c)    Les intérêts et l’indemnité additionnelle prévus par le Code civil du Québec sur les montants susdits, à compter de la signification de la requête pour autorisation.

[8]           IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées :

ACCUEILLIR l’action en recours collectif d’Union des consommateurs et des membres du groupe contre Air Canada;

CONDAMNER Air Canada à payer à Michael Silas et à chacun des membres du groupe les sommes qu’ils ont déboursées pour l’obtention de leurs titres de transport aérien et qui n’étaient pas comprises dans le prix annoncé [à l’exclusion de la taxe de vente du Québec (la « TVQ »), de la taxe sur les produits et services du Canada (la « TPS »), des droits qu’Air Canada est tenue de percevoir directement des consommateurs en vertu d’une loi fédérale ou provinciale pour en faire la remise à une autorité publique et du prix des options];

ORDONNER que la condamnation qui précède fasse l’objet d’un recouvrement collectif;

CONDAMNER Air Canada à payer à Michel Silas et à chacun des membres du groupe une somme de 100,00 $, quitte à parfaire, à titre de dommages-intérêts punitifs et ORDONNER que cette condamnation fasse l’objet d’un recouvrement collectif;

CONDAMNER AIR CANADA à payer à Michel Silas la somme de 192,88 $ se détaillant comme suit :

·        Remboursement des « Taxes, frais et suppléments » :         92,88 $

·        Dommages-intérêts punitifs :                                                  100,00 $

TOTAL :                                                                                           192,88 $

CONDAMNER AIR CANADA aux intérêts et à l’indemnité additionnelle prévus par le Code civil du Québec sur la totalité des montants susdits et ORDONNER que cette condamnation fasse l’objet d’un recouvrement collectif;

RENDRE toute autre ordonnance que le Tribunal pourra déterminer et qui serait dans l’intérêt des membres du groupe;

LE TOUT avec dépens, y compris les frais d’avis, les frais de gestion des réclamations et, s’il en est, les frais d’experts y compris les frais d’experts requis pour établir le montant des ordonnances de recouvrement collectif.

[9]           RÉFÈRE le dossier au juge en chef de la Cour supérieure pour détermination du district dans lequel le recours collectif devra être exercé et la désignation de la juge ou du juge qui sera chargé de la gestion du dossier;

[10]        DÉFÈRE les autres demandes de l’appelante, de même que la question de la publication de l’avis aux membres et du délai d’exclusion, à la juge ou au juge qui sera chargé de la gestion du dossier.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

CLÉMENT GASCON, J.C.A.

 

 

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 

Me François Lebeau

Me Mathieu Charest-Beaudry

Unterberg, Labelle, Lebeau

Pour l'appelante

 

Me Robert Torralbo

Me Marc-André Landry

Blake, Cassels & Graydon

Pour l'intimée

 

Me Geneviève Duchesne

Me Michèle Milhomme-Drouin

Allard, Renaud et associés

Pour l'intervenant

 

Date d’audience :

12 décembre 2013


 

 

MOTIFS DE LA JUGE BÉLANGER

 

 

[11]        Depuis les amendements législatifs survenus le 30 juin 2010, un commerçant ne peut plus annoncer un prix fragmentaire, que ce soit dans un message publicitaire diffusé sur un média écrit ou électronique ou sur un site internet informationnel, et, ensuite, ajouter des frais qui étaient jusque-là inconnus, sans enfreindre l’article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.P.C.).

[12]        La question soulevée lors de l’étude de l’article 1003 b) C.p.c. est celle de savoir si la même interdiction s’appliquait au site transactionnel d’Air Canada, entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, et de quelle façon.

[13]        L’appelante estime qu’Air Canada a utilisé une pratique de commerce interdite, en exigeant, pour un titre de transport, un prix supérieur à celui annoncé, contrairement à l’article 224 c) L.P.C.

[14]        Elle allègue avoir démontré que le recours qu’elle propose est défendable juridiquement, faisant en sorte qu’elle devrait, sur cette base, être autorisée à exercer un recours collectif; elle désigne Michael Silas pour agir comme membre du groupe pour le compte duquel elle entend exercer le recours collectif.

Les faits

[15]        Deux semaines après l’entrée en vigueur des amendements à la L.P.C., vers le 14 juillet 2010, Michael Silas consulte, à son initiative personnelle, le site internet d’Air Canada pour l’achat d’un billet d’avion. Il désire acheter un billet aller-retour, avec un départ de Montréal à destination de Fort Lauderdale.

[16]        Après avoir franchi trois étapes de navigation, il effectue son achat en ligne.

[17]        La première étape intitulée « Select Flight » offre au consommateur une vingtaine de vols différents avec quatre options de tarifs pour un aller à Fort Lauderdale, le 3 septembre 2010, et autant de vols différents, avec les mêmes options de tarifs pour le retour à Montréal, le 6 septembre 2010.

[18]        Avant que le consommateur puisse effectuer un choix, l’avertissement suivant apparaît sur la page Web :

All fares displayed on this page are in Canadian dollars, per person for each way of travel, and do not include taxes, fees or some other charges. Learn more

[19]        Michael Silas sélectionne l’option tarifaire « Tango Plus » pour les vols directs AC924 (aller à Fort Lauderdale) et AC925 (retour à Montréal), à laquelle est associé un montant de 149 $ chaque vol.

[20]        Lors de cette première étape, il choisit donc un vol à une heure donnée, selon sa destination. Pour acheter son billet, il doit nécessairement passer à la deuxième étape.

[21]        La deuxième étape intitulée « Review Flight Details » affiche la ventilation du coût du titre de transport. L’avertissement suivant apparaît sur la page Web :

The grand total shown includes all taxes, fees, fuel surcharges where applicable and other charges. Fares shown are the best available uniform rates at this time for the number of tickets requested and the selected travel times and fates. Fares are not guaranteed until you purchase your ticket.

[22]        À cette étape de la navigation, les informations suivantes apparaissent à l’écran :

VIEW QUOTE DETAILS

Total charge for 1 adult

Departing Flight (Tango plus)                                     149.00

Returning Flight (Tango plus)                                     149.00

Options                                                                           0.00

Taxes, fees, charges and surcharges                       124.46

Grand Total - Canadian dollars                              $422.46 CAD

 

[23]        À la fin de cette seconde étape, le consommateur doit indiquer s’il accepte ou non le prix qui est affiché et s’il désire poursuivre vers la prochaine étape.

[24]        La troisième et dernière étape se retrouve sur la page Web intitulée « Billing & delivery information ». Le consommateur est invité à réviser son itinéraire. S’il accepte le prix proposé, il doit fournir les renseignements concernant sa carte de crédit pour procéder à l’achat du titre de transport voulu.

[25]        Après avoir acheté le billet d’avion sélectionné (aller-retour), le consommateur est dirigé vers une page Web qui confirme sa réservation et précise tous les détails relatifs au titre de transport qu’il vient de se procurer.

[26]        Par la suite, Air Canada envoie, par courriel, le billet électronique acheté par le consommateur et le reçu de sa transaction. Le prix du titre de transport est détaillé de nouveau.

[27]        L’appelante allègue que le prix de 149 $ que le consommateur constate lors de la première étape de la navigation est un prix annoncé au sens de l’article 224 c) L.P.C. Ainsi, dès cette première étape, Air Canada aurait dû annoncer le véritable prix, celui que l’on retrouve à la deuxième étape, à l’exception des taxes et de certains frais.

[28]        À compter du 8 février 2012, Air Canada a modifié son site internet et le mode d’affichage de ses prix. Désormais, le prix total est affiché dès la première étape.

Le jugement de première instance

[29]        Le juge reconnaît que le prix indiqué sur le site transactionnel d’Air Canada constitue une annonce au sens de l’article 224 L.P.C. Il estime que le site transactionnel, interactif et évolutif ne comporte aucune pratique de commerce interdite, car il indique deux prix différents, l’un à la première étape et l’autre à la deuxième étape. Il s’emploie donc à examiner si le consommateur peut être induit en erreur par le fait que deux prix différents sont indiqués sur le site transactionnel.

[30]        Pour ce faire, il estime devoir analyser l’impression générale que peuvent donner les représentations contenues sur l’ensemble du site à un consommateur crédule et inexpérimenté.

[31]        Compte tenu des avertissements dont le consommateur a bénéficié tout au long de la navigation, du fait qu’il possède un certain degré de connaissance dans le domaine du voyage et du fait qu’il ne peut acheter son billet avant la troisième étape, il ne voit pas comment le consommateur, même crédule et inexpérimenté, pourrait être leurré. Par conséquent, le juge estime que l’appelant n’a pas démontré que les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées, critère prévu à l’article 1003 b) C.p.c.

[32]        Le juge estime également que le critère prévu à l’article 1003 a) C.p.c. n’est pas rempli, car le groupe visé est trop large et ne fait pas de distinction entre les voyageurs domestiques et ceux internationaux, ces derniers se voyant facturer des sommes différentes selon leur destination; chaque cas pouvant ainsi être un cas d’espèce.

[33]        De plus, il constate que le groupe proposé comprend à la fois les consommateurs ayant acquis leur billet d’avion sur le site internet et ceux l’ayant acquis autrement, alors que ce n’est que le matin de l’audience que l’appelante a déposé une publicité conventionnelle.

[34]        Il estime donc que le choix stratégique de l’appelante de ratisser large et d’omettre de fournir une preuve sur les publicités conventionnelles en temps opportun influe irrémédiablement sa capacité d’agir à titre de représentante.

Analyse

1.         Remarques préliminaires

[35]        Air Canada allègue qu’elle est une entreprise assujettie au régime législatif et réglementaire fédéral et non à la L.P.C. Elle a demandé à ce que cette question soit tranchée avant l’audience sur la requête pour autorisation d’un recours collectif. Dans un jugement interlocutoire, le juge Castonguay a reporté ce débat lors de l’audience sur le fond, afin de préserver l’intérêt des parties et la saine administration de la justice[2]. Le juge a donc tenu pour acquis, au stade de l’autorisation, que la L.P.C. est opposable à Air Canada.

[36]        Vraisemblablement, la question est sérieuse et nécessitera un débat en présence du Procureur général du Québec. Bien que la question n’ait pas été discutée à l’étape de l’autorisation, l’autorisation du recours rendra nécessaire que soit précisée la question en litige sur le sujet.

[37]        Deuxièmement, il faut que chacun des critères de l’article 1003 C.p.c. soit analysé à son mérite, quoique l’un puisse influencer l’autre. Comme le soulignait le juge Pelletier dans l’affaire Del Guidice[3], « les conditions prévues par le législateur pour l’exercice du recours sont comme des vases communicants, ce qui explique pourquoi, dans certaines circonstances, la contestation portant sur l’une d’entre elles peut entraîner la remise en question de l’autre ».

[38]        Sans prétendre qu’il n’existe qu’une bonne façon de procéder à l’analyse des quatre critères de l’article 1003 C.p.c., la méthode suivante sied bien au présent dossier.

[39]        Dans un premier temps, il convient d’examiner si le recours personnel du représentant ou du membre désigné par l’association qui se propose comme représentante présente une « cause défendable eu égard aux faits et au droit applicable », comme le rappelait récemment la Cour suprême dans l’affaire Infineon[4]. Si la réponse est affirmative, il y a lieu de vérifier si la situation du représentant est unique ou si d’autres personnes se trouvent dans la même situation que lui, faisant en sorte que leurs recours soulèvent des questions identiques ou similaires. Dans un troisième temps, il convient d’examiner si la composition du groupe rend peu pratique l’application des articles 59 et 67 C.p.c., critère généralement rempli. Finalement, il faut déterminer si le représentant proposé est en mesure de bien représenter les membres qui sont dans la même situation que la sienne.

[40]        Dans l’affaire Infineon[5], la Cour suprême rappelle que la représentation adéquate s’évalue par l’examen de trois facteurs : l’intérêt à poursuivre, la compétence et l’absence de conflit avec les membres du groupe. Elle ajoute « qu’aucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement ».

[41]        Également, faut-il le souligner, lorsqu’une personne morale, telle l’appelante qui représente ici les consommateurs québécois, demande le statut de représentante, il n’est pas nécessaire que sa mission soit en lien avec tous les membres possibles du groupe, mais plutôt que l’intérêt du membre qu’elle désigne soit en lien avec sa mission[6].

[42]        Ainsi, ce n’est pas parce qu’un requérant embrasse trop large ou circonscrit mal le groupe qu’il devient nécessairement un mauvais représentant. Compte tenu des principes maintenant bien connus en matière de représentation, nous nous devons de conclure que la requérante et le membre désigné sont certainement compétents pour représenter les membres qui sont dans la même situation que Michael Silas.

[43]        Troisièmement, il est reconnu que le principe de la proportionnalité doit être considéré dans l’appréciation de chacun des critères prévus à l’article 1003 C.p.c.; la proportionnalité du recours collectif ne constituant pas un cinquième critère indépendant[7]. C’est certainement lorsque se pose la question de l’ampleur du recours et de la détermination des questions communes, dites « connexes », que le critère de la proportionnalité peut jouer un grand rôle.

[44]        Dans le présent cas, après avoir assuré la gestion du présent dossier pendant plusieurs mois, le juge a considéré que le dépôt d’une seule publicité conventionnelle, le matin de l’audience sur la requête pour autorisation et alors que jusque-là le débat se limitait au site internet, n’était pas acceptable.

[45]        Manifestement, tant les procédures que les pièces indiquent que le débat était engagé sur la question des transactions effectuées par l’intermédiaire du site transactionnel d’Air Canada utilisé par Michael Silas. Aucune allégation le concernant n’indique qu’il a visité le site après avoir pris connaissance d’une publicité conventionnelle ou n’établit de lien entre Michael Silas et la publicité conventionnelle.

[46]        Le juge a agi dans l’exercice de sa discrétion et de manière raisonnable, en refusant de considérer la question des publicités conventionnelles, d’autant plus que le recours tel que proposé aurait soulevé des questions de fait et de droit qui, invariablement, auraient complexifié l’affaire.

[47]        Il convient maintenant d’examiner si le recours de la personne désignée peut servir de base à un recours collectif, selon les critères prévus à la Loi.

2.         L’appelante a-t-elle démontré une cause défendable? (article 1003 b) C.p.c.)

[48]        La théorie de la cause de l’appelante est que le seul montant qu’Air Canada pouvait exiger de Michael Silas est le montant du prix annoncé de 149 $ par vol, apparaissant à la première étape de la navigation sur le site internet, plus TPS et TVQ, ainsi que les coûts optionnels, tels assurances, repas, etc. De plus, elle soumet qu’étant donné qu’Air Canada a exigé un montant supplémentaire de 92,88 $, composé de surcharges, frais d’améliorations aéroportuaires et de diverses taxes américaines, Michael Silas peut réclamer le remboursement de ce montant en vertu de l’article 272 L.P.C., en plus d’un montant de 100 $ à titre de dommages punitifs.

[49]        Pour sa part, Air Canada soutient que le titre II de la L.P.C. réfère au domaine précontractuel, soit la publicité, et que son site transactionnel n’y serait pas soumis. Subsidiairement, elle ajoute que le prix indiqué à la première étape n’est pas un prix annoncé au sens de la L.P.C. Finalement, elle affirme que le juge était bien fondé à considérer l’impression générale laissée par le site, dans la perspective du consommateur crédule et inexpérimenté (article 218 L.P.C.), et à conclure que le consommateur ne pouvait être induit en erreur.

[50]        Ces trois questions, qui sont en somme de pures questions de droit auxquelles le juge a répondu, seront reprises. Tenant les faits pour avérés, faits qui ne semblent d’ailleurs pas contestés, il convient d’examiner si la réponse à ces questions conduit à reconnaître que l’appelante a un recours défendable à proposer.

[51]        Le président de l’Office de la protection du consommateur est intervenu au dossier, conformément à l’article 318 de la L.P.C., estimant nécessaire de faire valoir son point de vue sur l’interprétation des dispositions en cause[8].

2.1       Amendements législatifs

[52]        Le 30 juin 2010, d’importantes modifications à la L.P.C. sont entrées en vigueur, touchant entre autres les pratiques de commerce[9]. Plus particulièrement, l’article 224 L.P.C. est modifié par l’ajout de l’alinéa c) :

224. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit:

 

 a) accorder, dans un message publicitaire, moins d'importance au prix d'un ensemble de biens ou de services, qu'au prix de l'un des biens ou des services composant cet ensemble;

 

 b) sous réserve des articles 244 à 247, divulguer, dans un message publicitaire, le montant des paiements périodiques à faire pour l'acquisition d'un bien ou l'obtention d'un service sans divulguer également le prix total du bien ou du service ni le faire ressortir d'une façon plus évidente;

 

 c) exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé.

 

Aux fins du paragraphe c du premier alinéa, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l'obtention du bien ou du service. Toutefois, ce prix peut ne pas comprendre la taxe de vente du Québec, ni la taxe sur les produits et services du Canada. Le prix annoncé doit ressortir de façon plus évidente que les sommes dont il est composé.

224. No merchant, manufacturer or advertiser may, by any means whatever:

 

 (a) lay lesser stress, in an advertisement, on the price of a set of goods or services than on the price of any goods or services forming part of the set;

 

 (b) subject to sections 244 to 247, disclose, in an advertisement, the amount of the instalments to be paid to acquire goods or to obtain a service without also disclosing the total price of the goods or services and laying the greater stress on such total price;

 

 (c) charge, for goods or services, a higher price than that advertised.

 

For the purposes of subparagraph c of the first paragraph, the price advertised must include the total amount the consumer must pay for the goods or services. However, the price advertised need not include the Québec sales tax or the Goods and Services Tax. More emphasis must be put on the price advertised than on the amounts of which the price is made up

(Accentuation prononcée)

[53]        Comme les notes explicatives du projet de loi no 60 l’indiquent, la modification intervient « pour obliger le commerçant à divulguer le coût total du bien ou du service offert ». Le but est clair et les débats parlementaires indiquent aussi que c’est la pratique de la décomposition du prix que l’on veut contrer, en forçant le commerçant à annoncer dès le départ le bon prix et à mettre fin à la pratique d’ajouter des frais, souvent indiqués en petits caractères, au moment de passer à la caisse. Le but est de permettre au consommateur de comparer adéquatement le prix des biens qu’il achète[10].

[54]        La pratique interdite établie à l’article 224 c) est tempérée par le Règlement d’application[11] qui précise que le commerçant est exempté d’inclure les droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale, lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique :

91.8 Le commerçant, le fabricant ou le publicitaire est exempté de l’obligation, découlant du deuxième alinéa de l’article 224 de la Loi, d’inclure dans le prix annoncé les droits exigibles en vertu d’une loi fédérale ou provinciale lorsque, en vertu de cette loi, ces droits doivent être perçus directement du consommateur pour être remis à une autorité publique.

2.2.      L’article 224 L.P.C., contenu au titre II, s’applique-t-il au site transactionnel d’Air Canada?

[55]        L’argument de l’intimée Air Canada est basé sur le fait qu’un consommateur qui utilise son système de réservation en ligne ne le fait pas pour consulter de la publicité, mais plutôt pour acquérir un titre de transport. Son objectif est de conclure un contrat, ce qui serait visé par le titre I de la L.P.C. et non par le titre II.

[56]        Cet argument ne peut être retenu pour deux raisons.

[57]        Comme nous le verrons plus loin, le site transactionnel d’Air Canada relève à la fois du domaine précontractuel et contractuel. Le prix indiqué à la première étape de la navigation, 149 $, peut difficilement être considéré comme une offre de contracter de la part d’Air Canada, car c’est un montant bien partiel qui y apparaît. L’offre de contracter apparait plutôt à la deuxième et à la troisième étape de la navigation, lorsqu’Air Canada indique un prix complet et demande au consommateur de confirmer son acceptation.

[58]        Deuxièmement, le titre II de la L.P.C. crée des interdictions relatives à certaines pratiques que le législateur estime devoir interdire. Il est vrai que plusieurs de ces interdictions visent à ce que le consommateur soit bien renseigné, avant de contracter. Toutefois, comme le soulignait avec raison la juge Claudine Roy, j.c.s., dans une affaire récente[12] portant justement sur cette question, les titres I et II de la L.P.C. ne constituent pas deux sections étanches et autonomes. Rien n’empêche que le titre II puisse aussi trouver application dans la phase contractuelle.

2.3.      Le prix indiqué lors de la première étape de navigation constitue-t-il un prix annoncé au sens de l’article 224 c) L.P.C.?

[59]        La Loi ne définit pas l’expression prix annoncé. Il convient donc de l’interpréter, se rappelant qu’une interprétation large et libérale est appropriée en vue d’assurer l’accomplissement de l’objet de la loi. La Cour le rappelait d’ailleurs encore récemment[13] :

[40] Faut-il le rappeler, l'interprétation législative est régie de nos jours par un seul grand principe : « [TRADUCTION] […] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2nd ed., Toronto, Butterworths, 1983, p. 87; Pierre-André Côté avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, par. 1086 et s., p. 331 et s.; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21).

[41] La LPC est une loi de protection qui vise une meilleure information des consommateurs et le rétablissement d'un équilibre entre ces derniers et les commerçants (Claude Masse, Loi sur la protection du consommateur : analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 94; Nicole L'Heureux et Marc Lacoursière, Droit de la consommation, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, par. 17, p. 26). Ayant pour objet de prévenir les abus et de procurer des avantages aux consommateurs, elle doit recevoir une interprétation large, libérale « qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin » (Loi d'interprétation, L.R.Q., c. I-16, art. 41), sans la pervertir.

[60]        Dans son sens ordinaire, un prix annoncé est celui qui a pour but de faire connaître au consommateur le prix du bien ou du service offert en vente par un commerçant.

[61]        L’article 224 de la L.P.C. interdit trois pratiques de commerce différentes. Les deux premières touchent le contenu du message publicitaire, alors que la troisième est plus générale et concerne l’annonce d’un prix, sans préciser la nécessité que le prix soit contenu dans un message publicitaire, au sens traditionnel du terme.

[62]        Par contre, la loi définit ce qui constitue un message publicitaire : « un message destiné à promouvoir un bien, un service ou un organisme au Québec »[14]. Cette définition met en relief le caractère promotionnel de la publicité, puisque son but est d’inciter le consommateur à acheter. Il peut s’agir, par exemple, d’encadrés publicitaires sur une page internet ou de courriels publicitaires adressés directement aux consommateurs[15]. D’un autre côté, l’affichage ou l’annonce d’un prix fait plutôt référence à une publicité dite informative, puisque le commerçant indique, de façon objective, le prix d’un bien.

[63]        L’utilisation du terme prix annoncé indique que le législateur a voulu couvrir toutes les formes de publicités, qu’elle soit promotionnelle ou informative. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle il a choisi un terme différent au paragraphe c) de l’article 224 de la L.P.C., ne voulant pas ainsi limiter l’application de cet article au seul « message publicitaire ».

[64]        Dans un deuxième temps, les prix annoncés à la première étape du site transactionnel d’Air Canada semblent s’inscrire tout autant dans une démarche promotionnelle qu’informationnelle. En affichant des prix plus bas que ceux qui seront éventuellement facturés, Air Canada cherche à attirer et à inciter les consommateurs à poursuivre leur recherche sur son site transactionnel et semble viser à promouvoir les titres de transport qu’elle offre.

[65]        D’ailleurs, elle a reconnu cette réalité, comme on peut le lire dans une décision la concernant rendue par l’Office des transports[16]. Dans cette affaire, Air Canada plaidait justement que les consommateurs sont très sensibles à l’affichage initial des prix :

[40] Pour ce qui est de l'affirmation de M. Wyant selon laquelle les consommateurs ne comparent que les prix sans réduction, Air Canada répond que M. Wyant ne tient aucun compte du fonctionnement des circuits de distribution des prix ou des réalités du comportement des consommateurs face aux stratégies de marketing et de publicité. Air Canada fait valoir que les sites Web et les annonces publicitaires de la plupart des transporteurs aériens du monde entier ne mentionnent pas d'emblée les prix sans réduction et ne fournissent une ventilation détaillée des composantes du prix total que lorsque l'itinéraire complet est choisi. Air Canada soutient que, contrairement à l'opinion de M. Wyant selon laquelle les consommateurs passent par les différentes étapes des sites Web des transporteurs pour calculer un prix total à des fins de comparaison, les consommateurs sont souvent très sensibles à l'affichage initial des prix, qui ne comportent pas les frais additionnels, comme un supplément pour le carburant, et qu'ils fondent leur comparaison des prix sur ce qu'ils voient à l'écran.

[41] M. Wyant affirme qu'il est dénué de sens de la part d'Air Canada d'affirmer que le fait d'incorporer le supplément pour le carburant dans le prix de base rendrait le transporteur non concurrentiel. M. Wyant prétend que le prix d'un billet serait le même, peu importe que ce prix comporte le prix de base et le supplément pour le carburant, ou que le prix incorpore le supplément pour le carburant. M. Wyant indique que la décision d'acheter un billet repose sur le prix global et non pas sur une composante de ce prix.

Analyse et constatations

[42] L'Office note que la grande majorité des transporteurs qui exploitent des services internationaux à partir du Canada, dont les principaux concurrents d'Air Canada, perçoivent actuellement des suppléments pour le carburant. L'Office note par ailleurs que les systèmes de distribution qu'utilisent les transporteurs aériens, comme les sites Web et les systèmes de réservation électroniques, ne mentionnent habituellement pas le prix total du voyage dans les annonces initiales du prix. L'Office accepte l'argument d'Air Canada selon lequel les prix qui s'affichent initialement exercent une influence significative sur les décisions prises par les consommateurs. De ce fait, l'Office est d'avis que, si Air Canada était tenue d'incorporer les suppléments pour le carburant dans ses prix de base, elle subirait un désavantage concurrentiel par rapport à d'autres transporteurs dont le prix initial qui s'affiche ne mentionne pas un prix comportant les suppléments pour le carburant. L'Office note que, même si des suppléments pour le carburant ne sont pas perçus sur les marchés intérieurs et transfrontaliers, c'est un processus qui est suivi par tous les transporteurs alors qu'en revanche, sur les marchés internationaux, la grande majorité des transporteurs, sur ces marchés en particulier, perçoivent un supplément pour le carburant.

[66]        La publicité diffusée sur internet autorise parfois le consommateur à effectuer, sur-le-champ et grâce à des procédés de paiements électroniques, l’achat de produits qui font l’objet de promotion en ligne[17], comme le reconnaissent les auteurs Bouchard, Lacoursière et McCann.

[67]        Le juge reconnaît d’ailleurs que l’appelante a fait la démonstration qu’ultimement, le prix indiqué sur le site internet d’Air Canada constitue une annonce. Toutefois, il aurait dû conclure que l’intimée annonce le prix de ses titres de transport dès la première étape de son site transactionnel.

[68]        Ainsi, les dispositions législatives permettent de soutenir que même sur un site internet transactionnel, dès que le commerçant annonce un prix, celui-ci doit refléter le total des sommes que le consommateur devra débourser.

2.4.      Doit-on considérer l’impression générale que l’ensemble du site peut laisser au consommateur? (article 218 L.P.C.)

[69]        Dans son analyse, le juge a estimé nécessaire de considérer l’impression générale que l’ensemble du site d’Air Canada peut donner à un consommateur crédule et inexpérimenté et a conclu que ce consommateur ne pouvait être induit en erreur.

[70]        Avec égards, le juge n’aurait pas dû appliquer l’article 218 de la L.P.C. :

218. Pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l'impression générale qu'elle donne et, s'il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

[71]        L’article 218 de la L.P.C. concerne précisément le cas d’une représentation faite par le commerçant aux consommateurs. Pour évaluer le caractère faux ou trompeur d’une représentation et, par conséquent, établir si elle constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l’impression générale qu’elle donne à un consommateur crédule et inexpérimenté et, s’il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

[72]        Par contre, certaines pratiques de commerce, par exemple le fait pour un commerçant de refuser d’exécuter une garantie sous prétexte que le document qui la constate ne lui est pas parvenu[18], doivent être analysées de façon objective. Il s’agit de déterminer si la pratique interdite a été commise.

[73]        C’est le cas en ce qui concerne l’interdiction d’annoncer un prix incomplet ou fragmentaire. C’est de façon objective que la question de la contravention se pose et nul n’est besoin d’évaluer si le consommateur a bien compris de quoi est composé le véritable prix ni même s’il a été induit en erreur. L’argument de l’intimée selon lequel un consommateur, même crédule et inexpérimenté, aurait compris que le véritable prix est celui qu’il a pu lire à la deuxième étape n’est donc pas pertinent.

2.5.      Conclusion

[74]        À ce chapitre, il faut conclure que Michael Silas a démontré qu’il a une cause défendable à présenter.

[75]        Toutefois, toute la question du droit de réclamer des dommages et, le cas échéant, du quantum desdits dommages demeure ouverte, quoique l’affaire Time[19] ait répondu par l’affirmative à la question de savoir si un consommateur lésé par une pratique interdite peut recourir à l’article 272 L.P.C. pour intenter un recours civil.

3.         Les recours des membres soulèvent-ils des questions identiques, similaires ou connexes (article 1003 a) C.p.c.)?

[76]        Cette question, généralement étudiée en regard du groupe proposé, suppose que l’on détermine s’il existe un dénominateur commun entre les réclamations des membres du groupe[20].

[77]        La présence d’une seule question de droit commune, connexe ou similaire est suffisante, si elle n’est pas insignifiante sur le sort du recours[21] et qu’elle règle une partie non négligeable du litige[22]. En fait, il suffit qu’elle permette de faire avancer de façon significative les réclamations des membres, sans imposer une répétition de l’analyse juridique[23]. Même si la détermination des questions communes ne dispose pas des litiges dans leur entièreté ni de la même façon pour tous les membres et qu’à l’étape du règlement individuel des réclamations plusieurs petits procès doivent être tenus, ceci ne fait plus obstacle à l’exercice du recours collectif[24].

[78]        Le groupe proposé par l’appelante est indéniablement très large et mal défini, car il comprend toutes les personnes qui ont acheté un billet d’avion d’Air Canada, au Québec, à partir du 30 juin 2010, que ce soit par l’intermédiaire d’internet, d’une agence de voyages, directement auprès d’Air Canada ou par tout autre moyen, y compris celles qui n’auraient jamais pris connaissance de la publicité.

[79]        Considérant la décision du juge de ne pas tenir compte de la publicité conventionnelle, décision qui relevait de sa discrétion, examinons si les recours des membres qui sont dans la même situation que le membre désigné soulèvent des questions qui, sinon identiques, sont similaires et connexes. Plusieurs des questions soulevées peuvent être traitées de façon commune, à titre d’exemple :

Ø  Air Canada est-elle soumise à la L.P.C.?

Ø  Air Canada contrevient-elle à l’article 224 c) L.P.C.?

Ø  Dans l’affirmative, les membres du groupe ont-ils le droit de réclamer des dommages et, le cas échéant, quels seraient-ils?

Ø  Des dommages punitifs doivent-ils être octroyés?

[80]        Toutes ces questions sont communes aux personnes qui sont dans la même situation que Michael Silas parce qu’elles ont acquis leur billet d’avion par l’intermédiaire du site internet et qu’elles permettent de faire progresser le dossier de chacune d’elle. Par ailleurs, l’établissement des réclamations individuelles peut faire l’objet de la mise en place de différents sous-groupes ou catégories, selon qu’il s’agisse de vols nationaux ou internationaux, des frais concernés ou de quelque autre question, si nécessaire. Soulignons que l’appelante demande qu’un recouvrement collectif soit mis en place.

4.         L’appelante est-elle en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres?

[81]        Le juge a décidé que le choix effectué par l’appelante de ratisser trop large, sans tenir compte des diverses ententes bilatérales pouvant lier le Canada à des pays étrangers, sans tenir compte de l’applicabilité des remèdes prévus à la L.P.C. et en déposant les publicités conventionnelles le matin même de l’audition compromet sa capacité d’agir à titre de représentant.

[82]        J’estime qu’il a eu tort de conclure ainsi. Un représentant n’est pas inadéquat du seul fait qu’il propose un recours perfectible ou trop large[25]. Au risque de me répéter, aucun représentant ne doit être exclu s’il satisfait à trois conditions : l’intérêt à poursuivre, qui est ici celui de la personne désignée, la compétence et l’absence de conflit avec les membres du groupe[26].

[83]        Michael Silas a intérêt à poursuivre. Le litige proposé entre dans la mission de l’appelante, Union des consommateurs, qui est précisément celle de protéger et de défendre les droits des consommateurs. On peut penser qu’une telle association est bien placée pour agir comme représentante, étant donné l’investissement, en temps et énergie, requis pour mener à bien un recours collectif et, surtout, l’expertise que possède généralement ce type d’association. Comme le souligne avec raison le professeur Pierre-Claude Lafond, les avantages de la représentation judiciaire des consommateurs par une association sont incomparables[27].

[84]        Aucun conflit entre les membres ne pointe à l’horizon, du moins dans le litige tel que circonscrit.

Conclusion

[85]        L’appelante a fait la démonstration que les conditions de l’article 1003 C.p.c. sont remplies. Le groupe doit toutefois être redéfini de façon à reposer sur des critères objectifs, sans être imprécis ou circulaire[28], afin que les membres potentiels puissent reconnaître s’ils font partie du groupe.

[86]        Je propose donc d’accueillir l’appel, avec dépens, et d’autoriser l’exercice du recours collectif, frais à suivre. Toutefois, je propose que le groupe soit défini de telle sorte qu’il comprenne les personnes qui sont dans la même situation que Michael Silas, soit des consommateurs au sens de la L.P.C., résidant au Québec au moment de l’achat, et qui ont acheté un titre de transport de l’intimée, par l’intermédiaire de son site internet, entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012.

 

 

 

DOMINIQUE BÉLANGER, J.C.A.

 



[1]     Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1.

[2]     Union des consommateurs c. Air Canada, 2011 QCCS 5083, J.E. 2011-1748.

[3]     Del Guidice c. Honda Canada inc., [2007] R.J.Q. 1496 (C.A.), paragr. 24.

[4]     Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, J.E. 2013-1903, paragr. 65.

[5]     Ibid., paragr. 149.

[6]     Ibid., paragr. 153; La Cour suprême reprend l’opinion émise par le juge Kasirer dans Option consommateurs c. Infineon Technologies AG, J.E. 2011-2021 (C.A.), 2011 QCCA 2116, paragr. 133.

[7]     Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 66, AZ-51034241.

[8]     Bien que dans son mémoire, il ait demandé une conclusion déclaratoire, il a convenu, lors de l’audience, qu’il n’était pas approprié de le faire dans le cadre d’une requête pour autorisation.

[9]     PL 60, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives, 1re sess, 39e lég, Québec, 2009 (sanctionné le 4 décembre 2009), L.Q. 2009, c. 51.

[10]        Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 39e lég, 1re sess, vol. 41, no 12 (10 novembre 2009) à la p 11 et 12 (Mme Weil).

[11]    Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur, R.R.Q., 1981, c. P-40.1, r.3, art. 91.8.

[12]    Dubé c. Nissan Canada Finance, division de Nissan Canada inc., 2013 QCCS 3653, J.E. 2013-1463, paragr. 20-29, inscription en appel, nos 500-09-023760-135, 500-09-023758-139, 500-09-023759-137 et 500-09-023761-133.

[13]    Fédération des caisses Desjardins du Québec c. Marcotte, [2012] R.J.Q. 1526, 2012 QCCA 1395, autorisation de pourvoi à la CSC accueillie, 11 avril 2013, 35018.

[14]    Loi sur la protection du consommateur, supra, note 1, art. 1 h).

[15]    Nicole L’Heureux et Marc Lacoursière, Droit de la consommation, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 506.

[16]    Wyant c. Air Canada, (30 octobre 2009), 456-C-A-2009, OTC, <https://www.otccta.gc.ca/fra/accueil>.

[17]    Charlaine Bouchard, Marc Lacoursière et Julie McCann, « La cyberpublicité : Son visage, ses couleurs Qu'en est-il de la protection des consommateurs ? », (2005) 107 R. du N., 311.

[18]    Loi sur la protection du consommateur, supra, note 1, art. 226.

[19]    Richard c. Time, [2012] 1 R.C.S. 265, 2012 CSC 8, paragr. 93-100.

[20]    Vermette c. General Motors du Canada ltée, [2008] R.J.Q. 2105, 2008 QCCA, 1793 paragr. 59; Western Canadian Shopping Centres inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, 2001 CSC 46, paragr. 39 et 40.

[21]    Comité d’environnement de La Baie Inc. c. Société d’électrolyse et de chimie Alcan Ltée, [1990] R.J.Q. 655 (C.A.), paragr. 22 et 23.

[22]    Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, supra, note 7, paragr. 58.

[23]    Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826, J.E. 2011-867; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, supra, note 4, paragr. 72; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, supra, note 7, paragr. 40 et s.

[24]    Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, précitée, note 23, paragr. 23.

[25]    Château c. Placements Germarich inc., [1990] R.D.J. 625 (C.A.).

[26]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, supra, note 4, paragr. 149; Bouchard c. Agropur Coopérative, [2006] R.J.Q. 2349, 2006 QCCA 1342, paragr. 78 et 88.

[27]    Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, Montréal, Éditions Thémis, 1996, p. 96.

[28]    Georges c. Québec (Procureur général), [2006] R.J.Q. 2318, 2006 QCCA 1204, paragr. 40.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.